Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] En date du 11 juin 2015, la division générale du Tribunal a conclu que :

  • L’Appelant avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

[3] L’Appelant a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 15 juillet 2015. Permission d’en appeler a été accordée le 21 septembre 2015.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a déterminé que l’audience de cet appel procéderait par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • du fait que la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • du caractère économique et opportun du choix de l’audience;
  • de la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] Lors de l’audience, l’Appelant était présent et l’Intimée était représentée par Rachel Paquette. L’Employeur était représenté par Me Nathalie Caron.

La loi

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] La division générale du Tribunal a-t-elle erré en concluant que l’Appelant avait perdu son emploi en raison de son inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi?

Arguments

[8] L’Appelant soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • La division générale a accueilli intégralement l'argumentaire de l'Intimée en se fondant essentiellement sur les allégations de fin d'emploi de l'employeur, allégations contestées par l' Appelant devant les tribunaux administratifs compétents (griefs et plainte devant la CRT), recours qui sont toujours en attente d'audiences pour jugement;
  • Le Tribunal a rejeté systématiquement l'argumentaire de l'Appelant malgré les pièces justificatives et la volumineuse preuve documentaire déposée auprès de l’Intimée;
  • La division générale n'a pas traité équitablement le dossier de l'Appelant selon les règles de justice naturelle vu les faits ci-dessus mentionnés;
  • La division générale a fondé sa conclusion de facon arbitraire, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] L’Intimée a soumis les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’Appelant :

  • L’Appelant a maintenu qu’il connaissait la politique de l’Employeur mais qu’il avait fait sa sortie publique car la transparence de l’Employeur en matière de plan d’affaires avait préséance sur son devoir de réserve. Il a aussi admis qu’il avait préféré ne pas se présenter à la rencontre d'équité procédurale du 28 mars 2014 puisque l’Employeur ne lui avait pas donné de détails;
  • La Cour d’appel fédérale a confirmé le principe selon lequel il y a inconduite lorsque le comportement du prestataire est délibéré, dans le sens ou les gestes ayant mené au congédiement sont conscients, délibérés ou intentionnels;
  • La Cour d’appel fédérale a aussi défini la notion juridique d’inconduite au sens du paragraphe 30(1) de la Loi comme une inconduite délibérée dont le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle était de nature à entrainer son congédiement. Pour déterminer si l’inconduite pourrait mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l'inconduite reprochée au prestataire et son emploi; l’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail;
  • De plus, la Cour d’appel fédérale a confirmé qu’il n'appartient pas au conseil arbitral (maintenant le Tribunal) de déterminer si le congédiement était la mesure disciplinaire appropriée ou de statuer sur la sévérité de la sanction mais bien à savoir si l’acte en question constitue une inconduite au sens de la Loi;
  • En faisant sa sortie publique et en préférant ne pas se présenter à la rencontre d'équité procédurale, la conduite de l’Appelant était consciente, délibérée et intentionnelle. L’Appelant a reconnu avoir commis ces gestes et qu’il savait ou aurait dû savoir que ses actions pouvaient provoquer son congédiement;
  • Finalement, tel qu’indiqué dans la décision de la division générale, les tribunaux doivent mettre l’accent sur la conduite du prestataire et non celle de l’employeur. La division générale a bien évalué la preuve et sa décision est bien fondée.
  • L’Employeur a soumis les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’Appelant :

  • L’Appelant a admis les communiqués de presse et la dénonciation publique;
  • L’Appelant a délibérément enfreint le code de déontologie de l’Employeur;
  • L’Appelant était au courant du code de déontologie de l’Employeur;
  • La décision de la division générale est bien fondée en fait et en droit.

Normes de contrôle

[10] L’Appelant et l’Employeur n’ont fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable.

[11] L’Intimée soumet que la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240.

[12] Le Tribunal constate que la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (PG) c. Jean, 2015 CAF 242, mentionne au paragraphe 19 de sa décision que lorsque la division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, la division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure.

[13] La Cour d’appel fédérale poursuit en soulignant que non seulement la division d’appel a-t-elle autant d’expertise que la division générale du Tribunal de la sécurité sociale et qu’elle n’est donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale.

[14] La Cour d’appel fédérale termine en soulignant que lorsque la division d’appel entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l'Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi.

[15] Le mandat de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale décrit dans l’arrêt Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder v. Canada (PG), 2015 FCA 274.

Analyse

[16] Lorsqu’elle a rejeté l’appel de l’Appelant, la division générale a conclu ce qui suit :

«[22] Les faits au dossier sont clairs et les soumissions fournie par l’employeur et l’intimée sont circonstanciées et limpides. Dans le présent dossier, l’appelant n’a invoqué aucun argument valable au Tribunal en ce qui a trait au fait qu’il n’a pas perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. En faits l’appelant a affirmé qu’il a envoyé des communiqués de presse qui contrevenaient au code d’éthique et de déontologie de l’employeur.

[23] L’appelant a donc commis les gestes reprochés et le Tribunal est en accord que son insubordination constituait de l’inconduite au sens de la Loi. Bien qu’il minimise les faits et trouve que ces critiques étaient raisonnables, il en demeure pas moins que ces propos envers son employeur est la cause directe de son congédiement. Les soumissions de l’appelant ne diminuent en rien la gravité de ces activités envers son employeur et justifie amplement le bris du lien de confiance entre l’appelant et l’employeur.

[24] La preuve démontre qu’il a donc causé son chômage et la prépondérance des arguments permettent donc de conclure que l’appelant a posé des actes qui répondent à la définition d’inconduite selon la Loi. Le Tribunal conclut aussi que l’appelant pouvait prévoir que ces gestes seraient susceptibles de provoquer un congédiement car il connaissait le code de déontologie quant à son devoir de réserve envers l’employeur.

[25] Il est important de noter que l’appelant demande au Tribunal de considéré son congédiement comme étant sans cause juste et raisonnable à cause de l’inconduite de l’employeur contre lui.

[26] En fait, le Tribunal n’a pas à se demander si le congédiement ou la sanction était justifiés. Il doit plutôt déterminer si le geste posé par l’appelant constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Marion 2002 FCA 185).

[27] Les tribunaux doivent mettre l’accent sur la conduite du prestataire, et non sur celle de l’employeur. La question n’est pas de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de sorte que ce congédiement serait injustifié, mais bien de savoir si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné la perte de son emploi (McNamara 2007 FCA 107; Fleming 2006 FCA 16).

[28] Le régime de l’assurance-emploi a été conçu, faut-il le rappeler, pour indemniser des assurés qui se retrouvent involontairement en situation de chômage. Dans ce dossier, le non- respect délibéré de la politique de déontologie de l’employeur en milieu de travail constitue de l’inconduite et est la cause directe de sa perte d’emploi.

[29] Pour ces raisons, le Tribunal conclut qu’il a perdu son emploi en raison de son inconduite aux termes des articles 29 et 30 de la Loi. De ce fait, l’exclusion imposée s’applique et est appuyée par la jurisprudence.»

[17] Lors de l’audience en appel, l’Appelant a essentiellement répété sa version des évènements. Il réitère avoir émis deux communiqués de presse car il se considérait justifié de dénoncer publiquement son Employeur qui, selon lui, ne respectait pas son droit de retour à la fonction publique. Il mentionne qu’il n’avait plus rien à perdre compte tenu de sa situation personnelle. Il a été congédié suite aux deux communiqués de presse et au non- respect de la politique de déontologie de l’Employeur en milieu de travail.

[18] Tel que souligné par la division générale, celle-ci n’avait pas à juger de la sévérité de la sanction disciplinaire, mais devait plutôt décider si le geste posé constituait de l’inconduite au sens de la Loi Canada (PG) c. Marion, 2002 CAF 185.

[19] Il y a inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est-à-dire que les actes qui ont menés au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels.
Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié - Mishibinijima, A-85-06.

[20] La division générale a conclu que le non- respect délibéré par l’Appelant de la politique de déontologie de l’Employeur en milieu de travail constituait de l’inconduite et était la cause directe de la perte de son emploi. Au surplus, elle a conclu que l’Appelant pouvait prévoir que ces gestes seraient susceptibles de provoquer un congédiement car il connaissait le code de déontologie quant à son devoir de réserve envers l’employeur.

[21] La Cour d’appel fédérale a indiqué à plusieurs reprises que la violation délibérée du code de conduite de l’employeur constitue de l’inconduite au sens de la Loi - Canada (AG) v. Bellavance, 2005 FCA 87; Canada (AG) v. Gagnon, 2002 FCA 460.

[22] La division d’appel n'est pas habilité à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui de la division générale. Les compétences du Tribunal sont limitées par le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. À moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel – Canada (PG) c. Ash, A-115-94.

[23] Le Tribunal n’est pas convaincu que la division générale a erré de la sorte. La décision de la division générale est compatible avec la preuve au dossier et est conforme aux dispositions législatives pertinentes et à la jurisprudence.

Conclusion

[24] L’appel est rejeté.

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