Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La décision du membre de la division générale est annulée et la décision de la Commission est rétablie.

Introduction

[2] Le 19 juin 2014, un membre de la division générale a accueilli l’appel interjeté par l’intimé à l’encontre de la précédente décision de la Commission.

[3] Dans les délais, la Commission a déposé une demande de permission d’en appeler à la division d’appel; la permission d’en appeler lui a été accordée.

[4] Le 17 novembre 2015, une audience a été tenue par téléconférence. Tant l’intimé que la Commission y ont pris part et ont présenté des observations.

Droit applicable

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Analyse

[6] Cette affaire nouvelle repose sur la question de la disponibilité.

[7] La Commission soutient que le membre de la division générale a commis une erreur en concluant que l’intimé était disponible pour travailler, au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi), même si, pour la période en question, l’intimé n’avait pas la permission de travailler au Canada. La Commission demande à ce que son appel soit accueilli.

[8] L’intimé soutient que la division générale a eu raison de conclure que ce n’était pas par sa faute qu’il ne détenait pas un permis de travail valide puisqu’il avait fait tout ce qu’on lui avait indiqué, mais il avait perdu son permis quand même. Puisqu’il n’avait pas agi de façon à limiter sa disponibilité, il demande que l’appel soit rejeté.

[9] Les faits en l’espèce sont plutôt inhabituels.

[10] L’intimé détenait un permis de travail depuis plusieurs années. En 2011, il a été jugé coupable d’une infraction criminelle, mais on l’avait assuré que tout allait bien quant à son permis de travail. Ce fut le cas pendant un bon moment. Toutefois, quand l’intimé a voulu rentrer d’un voyage aux États-Unis, sa condamnation au criminel a été constatée : il n’a pas pu rentrer au Canada et son permis de travail a été annulé. Bien que son permis lui ait été rendu par la suite, entre temps, il a été congédié, car il ne pouvait pas travailler légalement; il a présenté une demande de prestations. Ces prestations lui ont été refusées par la Commission, ce qui entraîna le présent appel.

[11] Dans sa décision, le membre de la division générale s’est dit sympathique à la situation de l’intimé et a noté correctement les trois facteurs liés à la disponibilité, qui doivent être analysés, prévus dans l’affaire Faucher c. Canada (Procureur général), A-56-96, :

« […] le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert, l’expression de ce désir par des efforts pour se trouver cet emploi convenable, et le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail […] »

[12] Le membre s’est penché sur ces facteurs et, à la lumière de ceux-ci, il a déterminé que l’intimée était en fait disponible; il a accueilli l’appel.

[13] Sauf le plus grand respect que je dois au membre de la division générale, je ne suis pas de cet avis.

[14] Premièrement, je constate que l’intimé a perdu son permis de travail, tardivement, à la suite d’une condamnation au criminel. Je dois donc attribuer l’élément déclencheur de la perte de ce permis aux gestes illégaux de l’intimé, qui ont eu comme effet de limiter ses chances (à zéro, en fait) de réintégrer le marché canadien de la main-d’œuvre pendant la période en question.

[15] Deuxièmement, je prends acte de la décision de la Cour d’appel fédérale (CAF) dans l’affaire Vezina c. Canada (Procureur général), (2003) CAF 198, où la Cour conclut que  :

« La question de la disponibilité est une question objective, il s’agit de savoir si un prestataire est suffisamment disponible en vue d’un emploi convenable : pour avoir droit aux prestations d’assurance-chômage (assurance-emploi). Elle ne peut pas être subordonnée aux raisons particulières, quelque compassion qu’elles puissent susciter, pour lesquelles un prestataire impose des restrictions à sa disponibilité. Car, si le contraire était vrai, la disponibilité serait une exigence très variable, tributaire qu’elle serait des raisons particulières qu’invoque l’intéressé pour expliquer son manque relatif de disponibilité. ».

[16] Dans la mesure où les décisions des juges-arbitres citées par le membre (CUB 44956, CUB 13136, et CUB 14357, les trois étant antérieures à l’affaire Vezina) sont contraires à la jurisprudence de la Cour, elles ne représentent plus une assise juridique valide et ne devraient plus être prises en compte.

[17] Cela étant dit, je reconnais (tout comme les parties) que cette question semble être nouvelle et n’a jamais encore été traitée directement par les tribunaux. Même en laissant de côté les deux points juridiques ci-haut, l’on doit admettre qu’aux yeux d’un observateur externe il semblerait fort illogique qu’une personne qui n’a pas le droit de travailler légalement au Canada puisse être considérée comme étant disponible pour travailler au sens de la Loi et qu’elle reçoive des prestations régulières qui ne sont pas des prestations de maladie. À mes yeux, cela ne pouvait être et ce n’était pas l’intention du Parlement lorsque la Loi a été rédigée.

[18] Je compatis à la situation de l’intimé. Bien que condamné au criminel, son infraction avait été commise quelque temps auparavant et il se croyait maintenant libre et quitte de ses actes. S’il avait été informé des conséquences possibles sur son gagne-pain, il aurait pu en traiter plus tôt avec les autorités compétentes et, par conséquent, il aurait peut-être pu éviter cette interruption de la couverture de son permis de travail. Mais ce ne fut pas le cas. Ce n’était peut-être de sa faute, mais c’était de sa responsabilité.

[19] Compte tenu des faits de l’espèce, je conclus que l’intimé n’était pas suffisamment disponible pour un emploi convenable, à compter du moment où il a perdu son permis de travail jusqu’au moment où celui-ci lui a été rendu, parce qu’il n’avait pas le droit de travailler légalement au Canada pendant cette période.

[20] Parce qu’il n’a pas pris en considération et n’a pas appliqué la jurisprudence précitée, le membre de la division générale en est arrivé à la conclusion contraire qui est erronée; par conséquent, je dois intervenir pour corriger son erreur.

[21] Cet appel doit être accueilli.

Conclusion

[22] Pour les motifs susmentionnés, l’appel est accueilli. La décision du membre de la division générale est annulée et la décision de la Commission est rétablie.

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