Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] En date du 12 juin 2015, la division générale du Tribunal a conclu que :

  • L’Appelant n’avait pas prouvé qu’il était justifié de quitter son emploi en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

[3] L’Appelant a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 16 septembre 2015 après avoir reçu communication de la décision le 27 août 2015. Permission d’en appeler a été accordée le 30 septembre 2015.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a déterminé que l’audience de cet appel procéderait par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • du fait que la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • l’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires.
  • de la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] Lors de l’audience, l’Appelant était présent et représenté par Me Jean-Guy Ouellet. L’Intimée était représentée par Julie Meilleur.

La loi

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit décider si la division générale a erré en concluant que l’Appelant avait quitté volontairement son emploi sans justification aux termes des articles 29 et 30 de la Loi.

Arguments

[8] L’Appelant soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • La division générale commet une erreur de droit en concluant à la présence d'un départ volontaire alors que l'employeur énonce à plusieurs reprises que le poste occupé par l’Appelant était sur appel uniquement et qu'il n'avait aucune assurance d'heure garantie;
  • La décision de la division générale constitue une erreur en droit en imposant dans les circonstances de l'emploi l'obligation préalable de contacter à nouveau son superviseur;
  • La décision de la division générale constitue une erreur en droit quant à l'appréciation de la preuve, notamment en privilégiant que l'absence de notes au dossier au bureau des ressources humaines pouvait justifier de ne pas tenir compte du témoignage direct sous serment de l'Appelant qui énonçait avoir demandé à être transféré de lieu de travail et avoir contacté ledit employeur par la suite;
  • Le Membre du Tribunal présume que l'Appelant avait été assigné au lieu de travail le lendemain et énonce que l'Appelant « n'a fourni aucune explication » sur un motif éventuel de congédiement. Pourtant, les commentaires sur la manière d'intervenir auprès des usagers des lieux sur les mesures de sécurité qu'ils doivent respecter apparaissent avoir donné lieu à plusieurs avis dudit supérieur immédiat et dénote à tout le moins une insatisfaction quant à la façon dont l'Appelant accomplit ses fonctions;
  • De plus, malgré ses démarches pour être assigné à un autre endroit, l'Appelant n'a pas été rappelé au travail même si l'employeur aurait indiqué être prêt à le reprendre (par. 16 (l)) de la décision de la division générale). Ce non rappel peut soutenir l'affirmation que suite aux reproches lors de la dernière journée de travail, ledit employeur ne désirait plus quérir les services de l’Appelant contrairement aux conclusions du Membre de la division générale;
  • La décision de la division générale est erronée en droit et en fait en concluant dans les circonstances du contrat de travail de l'Appelant que ce dernier aurait dû contacter un autre représentant de la compagnie immédiatement au moment où son employeur ne l'a pas assigné à un autre endroit ou poursuivre de travailler audit lieu alors qu'aucun élément au dossier n'atteste qu'il avait été requis pour travailler à cet endroit;
  • En l'absence de prise en compte d'éléments essentiels à l'analyse du dossier et en l'absence de motifs explicites sur ceux-ci, la décision de la division générale ne peut être maintenue et le dossier devrait être retourné a la division générale devant un nouveau Membre.

[9] L’Intimée soumet les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’Appelant:

  • La division générale n’a pas erré ni en droit ni en fait et elle a correctement exercé sa compétence;
  • La division d’appel n’est pas habilité à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui de la division générale. Les compétences de la division d’appel sont limitées par le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social;
  • À moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'il ait erré en droit, ou qu'il ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance et que cette décision est déraisonnable, le tribunal doit rejeter l'appel;
  • La question que la division générale devait trancher était à savoir si l’Appelant avait un motif valable de quitter volontairement son emploi chez Services ménagers Roy Ltée aux termes des articles 29 et 30 de la Loi;
  • Dans les circonstances, l’Appelant n’a pas démontré que ses conditions de travail étaient si intolérables qu'elles ne lui laissaient d'autres choix que de démissionner, et ce, sans avoir entrepris certaines démarches pour régler sa situation;
  • L’Appelant n’était pas fondée à quitter son emploi puisqu’aucune des conditions répertoriées à l’alinéa 29c) de la Loi ne s’applique, et parce qu’il n’a pas démontré que compte tenu de toutes les circonstances, il s’agissait de la seule solution raisonnable dans son cas.

Normes de contrôle

[10] Les parties ont soumis au Tribunal que la norme de contrôle applicable à la décision d’un conseil arbitral (maintenant la division générale) et d’un juge-arbitre (maintenant la division d’appel) relativement à des questions de droit est la norme de décision correcte - Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240, et que la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle du caractère raisonnable.
Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

[11] Le Tribunal constate que la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Canada (PG) c. Jean, 2015 CAF 242, mentionne au paragraphe 19 de sa décision que lorsque la division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, la division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure.

[12] La Cour d’appel fédérale poursuit en soulignant que non seulement la division d’appel a-t-elle autant d’expertise que la division générale du Tribunal de la sécurité sociale et qu’elle n’est donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale.

[13] La Cour d’appel fédérale termine en soulignant que lorsque la division d’appel entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l'Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi.

[14] Elle doit notamment déterminer si la division générale a « rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier », ou si la division générale a « fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ».

[15] Le mandat de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale décrit dans l’arrêt Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder v. Canada (PG), 2015 FCA 274.

Analyse

[16] L’Appelant a travaillé pour l’employeur Les Services ménagers Roy Ltée pour la période du 17 au 26 septembre 2012. Pendant cette période, il a accumulé un total de 23 heures de travail. Il était sur appel sans aucune garantie d’heures.

[17] L’Appelant soutient qu’il n’occupait donc pas un emploi au sens de la Loi car il devait attendre qu'on communique avec lui pour l'appeler au travail, et il n’avait aucune garantie d’heures, tel que confirmé par l’employeur.

[18] Sur la question de l'emploi, il est clair, d'après le dossier, que l’Appelant était employé par Les Services ménagers Roy Ltée et qu’il existait une relation employeur- employé. Il était donc dans un état d’employé au sens du paragraphe 2(1) de la Loi. Au surplus, l’article 29 de la Loi prévoit que pour l’interprétation des articles 30 à 33, « emploi » s’entend de tout emploi exercé par un prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations.

[19] Ce motif d’appel doit donc être rejeté.

[20] L’Appelant reproche à la division générale de ne pas avoir tenu compte de sa preuve lors de l’audience à l’effet qu’il n’avait pas quitté son emploi mais qu’il avait plutôt demandé un transfert de lieu de travail.

[21] Le Tribunal constate plutôt que la division générale n’a pas donné foi à la version de l’Appelant soumise lors de l’audience lorsqu’elle mentionne ce qui suit :

« [25] Le Tribunal souligne que dans plusieurs des déclarations qu'il a faites avant la tenue de l'audience, l'Appelant a clairement indiqué avoir effectué un départ volontaire, Il a présenté plusieurs motifs pour expliquer les circonstances l'ayant amené à quitter volontairement son emploi pour ensuite tenter de démontrer qu'il n'avait pas effectué de départ volontaire chez l'employeur Les Services ménagers Roy Ltée. »

[22] L’Appelant avait effectivement déclaré dans sa demande de reconsidération qu’il avait quitté son emploi car il se considérait victime de maltraitance et qu’il préférait essayer de se trouver un autre emploi ou commencer une autre carrière pendant sa période de prestations (GD3-32).

[23] Dans une entrevue au soutien de sa demande de reconsidération, l’Appelant mentionne qu’il a quitté pour plusieurs raisons dont le fait que sa mère était malade. Il considérait également qu’il ne faisait pas assez d’heures et il n’aimait pas son environnement de travail (GD3-33).

[24] Dans une entrevue subséquente, il mentionne qu’il pensait avoir droit aux prestations et qu’il pouvait accepter et quitter un emploi car il était déjà qualifié (GD3- 34).

[25] Le Tribunal est d’avis que c’est à bon droit que la division générale a accordé plus de poids aux déclarations initiales et spontanées de l’Appelant qui attestaient d’un départ volontaire sans justification. Au surplus, l’Employeur a confirmé que l’Appelant avait quitté son emploi dans le relevé d’emploi (GD3-16), dans la demande de renseignements concernant le registre de paie (GD3- 18, 20) et lors d’une entrevue avec une agente de l’Intimée (GD3-21).

[26] Il ressort de la preuve devant la division générale que c’est l’Appelant, et non l’employeur, qui a initié la perte de l’emploi car, comme l’Appelant lui-même a mentionné lors de son témoignage devant la division générale, il a refusé de rentrer au travail à moins de changer de lieu de travail. L’Appelant aurait très bien pu conserver son emploi n’eût été du fait qu’il n’acceptait pas les reproches de son superviseur.

[27] Le Tribunal n’est pas convaincu que les conditions de travail de l’Appelant étaient si intolérables qu'elles ne lui laissaient d'autres choix que de quitter immédiatement son emploi.

[28] L’Appelant reproche également à la division générale d’avoir accordé plus de poids à la preuve de l’employeur alors qu’il était absent lors de l’audience. Le Tribunal est d’avis que le seul fait que l'un soit présent et que l'autre soit absent, ne doit pas être un facteur déterminant. La division générale est libre de préférer la crédibilité de l'un ou de l'autre.

[29] Le Tribunal n’est pas habilité à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui de la division générale. Les compétences du Tribunal sont limitées par le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. À moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'il ait erré en droit ou qu'il ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

[30] Le Tribunal ne peut conclure que la division générale a erré de la sorte. La décision de la division générale est compatible avec la preuve au dossier et est conforme aux dispositions législatives pertinentes et la jurisprudence.

Conclusion

[31] L’appel est rejeté.

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