Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La décision du membre de la division générale est annulée et la décision de la Commission est rétablie.

Introduction

[2] Le 20 février 2014, un membre de la division générale a accueilli l’appel interjeté par l’intimée à l’encontre d’une décision antérieure de la Commission.

[3] Dans les délais, la Commission a déposé une demande de permission d’en appeler à la division d’appel, et la permission d’en appeler lui a été accordée.

[4] Le 1er décembre 2015, une audience a été tenue par téléconférence. Tant la demanderesse que la Commission y ont pris part et ont présenté des observations.

Droit applicable

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Analyse

[6] La présente affaire porte sur l’application du droit et de la jurisprudence concernant le départ volontaire de son emploi.

[7] La Commission en appelle de la décision du membre de la division générale au motif que le membre n’a pas tenu compte de la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale ni de la preuve non contestée lorsqu’il a déterminé que l’intimée avait quitté son emploi avec justification.

[8] Dans ses observations écrites, l’intimée répète plusieurs arguments qu’elle avait soumis, avec succès, au membre de la division générale; elle demande que l’appel soit rejeté.

[9] Dans sa décision, le membre de la division générale a conclu que l’intimée avait quitté son emploi avec justification parce qu’elle avait une assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat. Pour expliquer ses conclusions, le membre a précisé au paragraphe 34 que “ [l’Intimée] aurait un poste dès qu’elle aurait terminé son cours universitaire. ” Il a accueilli l’appel sur cette base.

[10] Le paragraphe 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) prévoit qu’un prestataire doit être exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi « sans justification ». L’alinéa 29c) prévoit qu’un prestataire est «  fondé à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue pour lui la solution raisonnable. »

[11] Comme indiqué ci-dessus, le membre de la division générale a déterminé que la demanderesse avait présenté une justification pour sa démission, car elle avait l’assurance raisonnable d’obtenir un autre emploi dans un avenir immédiat.

[12] Sauf le respect qui lui est dû, cela démontre une incompréhension complète de ce qui constitue « une assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat. » de la part du membre. Je constate que l’intimée devait encore compléter un cours puis réussir un examen avant de se voir embauchée, ce qui est différent d’une démission parce qu’elle croyait (à tort ou à raison) qu’un emploi l’attendait à sa sortie.

[13] En clair, on ne peut pas dire qu’il s’agit d’une « assurance raisonnable » d’un autre emploi quand on doit réussir un cours universitaire puis passer un examen avant d’être embauché. Que l’intimée ait effectivement trouvé un emploi après avoir réussi l’examen (un examen de reprise quelques mois plus tard) n’est pas pertinent.

[14] Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Lessard, (2002) CAF 469, la Cour d’appel fédérale a déterminé que ne pas comprendre le sens de « assurance raisonnable » et de « avenir immédiat » constitue une erreur de droit. Comme le Tribunal l’a affirmé au paragraphe 15 :

En ce qui concerne, en effet, l’« avenir immédiat », nous savons d’une part que l’emploi à venir était conditionnel à la réussite du cours et d’autre part que le délai était de treize semaines. L’une et l’autre de ces constatations sont incompatibles avec le concept d’« avenir immédiat ».

[17] À la lumière de ce qui précède, j’estime que l’intimée n’avait pas l’assurance raisonnable d’un emploi dans un avenir immédiat. Dans sa conclusion dans le sens contraire, le membre de la division générale n’a pas pris en considération et n’a pas appliqué la jurisprudence pertinente et a commis une erreur de droit.

[16] Ce manquement est particulièrement notable d’autant que ce n’est pas la première fois que ce dossier se présente à moi. La fois précédente, en octobre 2013, j’ai déterminé que le conseil arbitral (le prédécesseur de la division générale) avait commis exactement la même erreur qu’ici; j’avais ordonné que le dossier soit entendu à nouveau. Cette nouvelle audience entraîna cet appel d’espèce.

[17] Bien que ma décision précédente se trouve dans le dossier (pièce GD2-2), je suis fortement préoccupé par le fait que le membre de la division générale ne semble pas avoir pris en compte ma déclaration du droit applicable au paragraphe 12.

[Traduction] L’emploi auquel le Conseil est renvoyé était conditionnel à la l’achèvement d’un cours et à la réussite d’un examen. Comme l’a soutenu la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Lessard citée plus haut, puisque ceci ne constitue pas une « assurance raisonnable d’emploi dans un avenir immédiat » en décidant du contraire, le Conseil a commis une erreur de droit.

[18] Au fond, la décision du membre de la division générale doit être infirmée. Cela signifie que plus de deux ans et beaucoup d’efforts ont été gaspillés sans que les parties soient responsables d’aucune façon. C’est pourquoi je ne renverrai pas l’affaire en audience une nouvelle fois comme j’aurais pu le faire. Je vais plutôt rendre la décision que le membre de la division générale aurait dû rendre.

[19] Je conclus qu’un examen des éléments de preuve au dossier et des observations des parties ne permet qu’une seule conclusion possible : l’intimée a quitté son emploi sans justification et la division générale a commis une erreur en n’arrivant pas à cette conclusion. En me basant sur les éléments de preuve, je conclus également que l’intimée avait d’autres solutions raisonnables à sa démission (par exemple, demeurer en emploi).

[20] Cette décision ne peut être maintenue.

Conclusion

[21] Pour les motifs susmentionnés, l’appel est accueilli. La décision du conseil est annulée, et celle de la Commission rétablie.

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