Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] Sur consentement des parties, la permission d’en appeler est accordée et l’appel est accueilli. Les sommes d’argent non payées que l’employeur de l’appelant lui devait ne sont pas payées et ne sont pas payables, et par conséquent ne devraient pas être attribuées.

Introduction

[2] Le 25 septembre 2015, un membre de la division générale a rejeté l’appel interjeté par l’appelant à l’encontre de la précédente décision de la Commission.

[3] Dans les délais, l’appelant a présenté une demande de permission d’en appeler.

[4] Un peu avant que ma décision relative à la demande de permission d’en appeler soit rendue, la Commission a présenté des observations devant le Tribunal, reconnaissant le bien-fondé de l’appel. Pour cette raison, j’accorde la permission d’en appeler et j’abrège la période habituelle de 45 jours pour recevoir les observations afin de trancher l’affaire de la façon la plus efficace qu’il soit.

[5] L’appel a été tranché sur la foi du dossier.

Droit applicable

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Analyse

[7] Cet appel repose sur la question consistant à déterminer si un montant élevé de salaire impayé dû à l’appelant est « payable » en vertu de l’art. 35 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement). Il est incontestable que ce salaire provient d’un emploi et que si le montant est payable, il doit être attribué conformément au Règlement.

[8] L’appelant soutient que le membre de la division générale a commis une erreur en concluant que le salaire impayé devait être versé. Il note que son employeur est insolvable, et que bien qu’il ait initialement poursuivi l’employeur afin de récupérer les fonds, il a abandonné ce procès, car il est maintenant convaincu qu’aucune récupération n’est possible. Il affirme que les sommes sont par conséquent non « payables ». Il a également allégué que son employeur a commis une fraude de grande ampleur et qu’il a été l’une de ses victimes.

[9] Contrairement à sa position lors de la révision et devant la division générale (deux fois), la Commission reconnaît maintenant que puisqu’il y a une [traduction] « preuve accablante » que l’employeur a adopté un stratagème et qu’il est [traduction] « difficile d’examiner » si les montants dus seront payés ou si l’on peut s’attendre qu’ils soient payés. À cause de cela, la Commission reconnaît maintenant que les sommes d’argent ne peuvent pas être considérées comme payables, et que l’appel devrait être accueilli.

[10] Le membre de la division générale, pour déterminer que la Commission avait raison lorsqu’elle a affirmé que les montants d’argent devaient être octroyés (opinion initiale de la Commission, avant sa concession), a cité (au paragraphe 38 de sa décision) l’affaire Canada (Procureur général) c. Yennelis, A-496-94 à l’appui de la thèse voulant que le terme « payable » signifie « moment auquel une somme est due au prestataire, en ce sens qu’il y a droit [...] et que son employeur a l’obligation de la lui payer ». Pour cette raison, elle a conclu que les montants dus correspondaient à cette description, et c’est pourquoi elle a rejeté l’appel de l’appelant.

[11] Après avoir tenu compte des positions des parties et de la preuve, je suis d’avis que les parties ont raison et que cet appel doit être accueilli.

[12] Dans l’affaire Yennelis, la Cour se souciait principalement de la date de versement d’une certaine rémunération, plutôt que des circonstances faisant en sorte qu’un montant soit considéré comme « payable », et le passage de la décision cité par le membre de la division générale devrait être lu selon ce contexte. Cependant, la Cour a conçu (au paragraphe 13) qu’on ne devrait pas accorder au terme « payable » tel qu’il est employé dans le Règlement, le sens que lui accorde généralement le dictionnaire. Dans ce même paragraphe, la Cour a noté que cela signifiait [traduction] « devant être payé » ou [traduction] « pouvant être payé ».

[13] Par conséquent, en droit, pour qu’un montant soit considéré payable, il doit y avoir une chance que ce montant soit payé. Je note que le versement d’une rémunération a pour but d’empêcher qu’un prestataire ne bénéficie d’une indemnité ou d’autres revenus de son employeur en même temps de recevoir des prestations (double rémunération), même si ces revenus ne sont pas réellement payés en même temps que les prestations.

[14] Cela est tout à fait sensé, surtout si l’on tient compte du but général du régime d’assurance-emploi. Après tout, les prestations sont versées à titre de compensation pour la perte d’un emploi. Si la perte a déjà été compensée (ou si elle sera compensée), il n’est pas nécessaire de verser des prestations. Inversement, si les revenus ne seront jamais réellement reçus, cela irait à l’encontre du ce but de dire que les revenus sont encore considérés comme « payables » même si la perte de revenus demeure non compensée.

[15] Dans sa décision, le membre de la division générale ne s’est pas penché sur la question à savoir si les sommes d’argent en question avaient une chance d’être payées, comme le prévoit la définition de « payable » figurant au paragraphe 13 de Yannelis. Par conséquent, le membre a commis une erreur de droit, et il est de mon devoir d’intervenir pour corriger cette erreur.

[16] Compte tenu des positions des parties, il est dans l’intérêt de la justice que je rende la décision que le membre de la division générale aurait dû rendre plutôt que de renvoyer l’affaire à la division générale pour une nouvelle audience. Après avoir appliqué le droit aux faits convenus, je conclus que le salaire impayé ne sera jamais reçu et n’est donc pas payable conformément au Règlement.

[17] Pour cette raison, les sommes d’argent ne devraient pas être attribuées.

Conclusion

[18] Pour les motifs susmentionnés et sur consentement, la permission d’en appeler est accordée et l’appel est accueilli. Les sommes d’argent non payées que l’employeur de l’appelant lui devait ne sont pas payées et ne sont pas payables, et par conséquent ne devraient pas être attribuées.

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