Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

M. L., le prestataire, a pris part à l’audience par voie de téléconférence avec sa femme, J. H., qui a participé à titre de témoin et pour lui fournir du soutien.

Introduction

[1] Le prestataire s’est trouvé sans emploi et a présenté une demande de prestations d’assurance‑emploi (AE) le 31 mars 2015. Une demande réactivée de prestations d’AE a été établie le 29 mars 2015. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») a rejeté cette demande au motif qu’il a été déterminé que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Le prestataire a sollicité une révision de la décision de la Commission, et la Commission a maintenu sa décision par lettre datée du 28 août 2015. Le prestataire a interjeté appel de la décision en révision devant le Tribunal de la sécurité sociale (TSS).

[2] L’audience a été tenue par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. la complexité de la question soulevée en appel;
  2. le fait que le prestataire serait la seule partie à assister à l’audience;
  3. les renseignements au dossier, y compris le besoin de renseignements supplémentaires.

Question en litige

[3] La question en litige soulevée en appel consiste à déterminer si le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi »).

Droit applicable

[4] Le paragraphe 30(1) de la Loi stipule, en partie, que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il a perdu un emploi en raison de son inconduite ou s’il a volontairement quitté un emploi sans justification.

Preuve

Information au dossier

[5] Le prestataire a demandé la réactivation d’une demande de prestations régulières d’AE en déclarant qu’il avait été congédié parce que son employeure l’avait jugé inapte pour exécuter le travail pour lequel il avait été embauché ou réassumé à exécuter et que son employeure n’a pas expliqué pourquoi il était jugé inapte pour le travail (pièces GD3-3 à 14).

[6] L’employeure a produit un relevé d’emploi (RE) indiquant que le prestataire a commencé à travailler comme préposé à l’entretien le 17 décembre 2014 et qu’il a été congédié le 31 mars 2015, après avoir cumulé 552 heures d’emploi assurable (pièce GD3‑15).

[7] La Commission a communiqué avec l’employeure et cette dernière a déclaré que le prestataire était un employé occasionnel et qu’il n’occupait pas un poste permanent. Elle a expliqué que la raison du congédiement était que le prestataire a enfreint la politique et la procédure relatives à la confidentialité. L’employeure a en outre expliqué que le prestataire a fourni des renseignements à des personnes qui n’étaient pas censées avoir accès à ces renseignements. Elle a déclaré que le prestataire a admis avoir fait ce qu’il a fait. Elle a déclaré qu’il essayait d’obtenir du soutien de la part du conseil d’administration pour qu’il soit mis fin à la relation avec l’employeure et pour qu’une autre employée soit rétablie dans ses fonctions. L’employeure a déclaré que le prestataire a eu une réaction de grande surprise et d’incrédulité lorsqu’il a été congédié et qu’il conteste son congédiement par l’entremise du syndicat (pièces GD3-17 et 18).

[8] L’employeure a soumis l’entente de confidentialité que le prestataire a signée lors de sa séance d’orientation avec l’employeure. Cette entente, signée par le prestataire le 14 janvier 2015, atteste qu’il a lu la politique relative à la confidentialité et qu’il comprend qu’il doit absolument garder confidentiels tout renseignement qu’il pourrait apprendre au sujet des résidents ou de leurs dossiers médicaux pendant la durée de son emploi. Il comprend aussi que cette politique s’applique aussi aux renseignements sur les autres membres du personnel et sur les bénévoles. Il comprend qu’une violation de cette politique peut-être le motif de mesures disciplinaires prises à son endroit ou de son congédiement (pièce GD3-22).

[9] La Commission a communiqué avec le prestataire, et celui-ci a expliqué que l’employeure avait renvoyé sa femme sans raison, si bien qu’il préparait des lettres à l’attention de la fondation afin que sa femme récupère son emploi. Il a déclaré que l’employeure lui a dit qu’il ne pouvait pas faire cela et que c’était de l’inconduite. Il a ajouté qu’il ne s’inquiétait pas au sujet de cet emploi parce qu’il voulait réactiver une ancienne demande de prestations. Lorsqu’on a expliqué au prestataire qu’il fallait que l’on détermine s’il était admissible à des prestations d’AE compte tenu du congédiement, il a raccroché. La Commission a rappelé et a confirmé les raisons fournies par l’employeure puis a informé le prestataire que l’employeure avait fourni le formulaire signé de déclaration de confidentialité. Le prestataire a déclaré qu’il ignorait ou ne comprenait pas ce qu’il avait signé; puis il a de nouveau raccroché (pièce GD3-23).

[10] Par lettre datée du 21 avril 2015, la Commission a informé le prestataire qu’il ne toucherait pas de prestations d’AE au motif qu’il a perdu son emploi en raison de son inconduite (pièce GD3-24).

[11] Le prestataire a produit une lettre datée du 4 mai 2015 que la Commission a acceptée comme une demande de révision. Il a expliqué que sa femme travaillait pour la même employeure et que lorsqu’il a appris que sa femme avait été congédiée sans aucune raison, juste avant l’expiration de la période de probation de 90 jours, il en a été outré. Il a déclaré qu’il a télécopié la lettre de renvoi de sa femme pour la montrer aux autres personnes qui travaillaient avec lui. Il a été convoqué au bureau et on lui a demandé de laisser les clés et le téléphone, puis on lui a remis une lettre signifiant son congédiement pour cause d’inconduite flagrante. Il a ajouté que le syndicat est mêlé à cette affaire pour voir s’il peut reprendre son emploi. Il a de plus ajouté qu’avant cet emploi, il avait aussi travaillé pendant 13 ans et n’avait touché que six semaines de prestations d’AE et se demandait pourquoi sa précédente demande de prestations n’avait pas été réactivée (pièce GD3-25).

[12] Le prestataire a déposé un courriel de son représentant syndical daté du 16 juin 2015 indiquant que le syndicat conteste le congédiement du prestataire et qu’un grief est en cours sur cette affaire en lien avec la convention collective. Le syndicat soutient que l’employeure n’avait pas de motif valable pour congédier le prestataire (pièce GD3-27).

[13] La Commission a communiqué avec le prestataire et celui-ci a confirmé avoir photocopié la lettre de renvoi de sa femme et l’avoir montrée à ses collègues et aux locataires vivant à son lieu d’emploi. Il a déclaré que l’employeure a renvoyé sa femme sans raison; sa femme était très appréciée là et il voulait que les autres personnes sachent ce qui était arrivé, de manière qu’elles puissent aller voir l’équipe de direction et lui dire que sa femme devrait récupérer son emploi. Le prestataire a de plus confirmé qu’il a signé la politique relative à la confidentialité, mais qu’il ne pensait pas que la lettre de renvoi de sa femme était considérée comme confidentielle, ajoutant que l’employeure avait eu tort de congédier sa femme sans raison et qu’il voulait que les autres sachent ce que l’employeure avait fait (pièce GD3-28).

[14] La Commission a communiqué avec l’employeure, qui a confirmé qu’elle avait bel et bien passé en revue la politique de confidentialité avec le prestataire, avant que celui-ci ne la signe, ajoutant qu’elle était en affaire depuis 20 ans et qu’elle avait eu une conversation claire au sujet de la confidentialité, de son importance, de ce qui constitue un renseignement confidentiel et des conséquences qu’entraîne une violation de la politique. Elle a déclaré que le prestataire savait qu’en montrant des renseignements personnels confidentiels sur une autre employée il contrevenait à la politique. Elle a en outre déclaré que la femme du prestataire avait demandé à son mari de ne pas montrer cette lettre ni de parler aux autres personnes au travail de ce qui était arrivé. L’employeure a ajouté que le prestataire savait que c’était mal d’avoir agi ainsi. Elle a ajouté que le prestataire a été congédié en raison de cette seule infraction parce qu’il était un employé occasionnel et qu’il avait clairement enfreint la politique (pièce GD3-29).

[15] Le prestataire a déposé son avis d’appel indiquant que son représentant syndicat a prouvé, lors d’une rencontre avec le conseil d’administration, qu’il ne s’agissait pas d’une inconduite flagrante du fait que les renseignements qui ont été données n’étaient pas confidentiels puisqu’ils venaient d’être fournis à sa femme avec cette lettre. Son congédiement à lui est traité dans le cadre de la procédure applicable aux griefs et l’affaire va en arbitrage (pièce GD2-6).

[16] Le prestataire a présenté la lettre de congédiement de sa femme datée du 27 mars 2015, qui indique qu’il est mis fin immédiatement à son emploi. La lettre dit que les services de l’employée ont été appréciés, mais qu’ils ne sont plus requis (pièce GD2A-9).

[17] Le prestataire a transmis des renseignements provenant de son compte Mon dossier Service Canada. Il a en outre présenté la réponse de l’employeure au grief déposé par le syndicat (pièces GD2A-3 à 8).

[18] Le prestataire a déposé une note de service émanant de son représentant syndical dans laquelle il est fait état des vues du syndicat quant à la probabilité d’un arbitrage favorable du grief lié au congédiement injustifié. Le syndicat a fait valoir que la lettre de congédiement de la femme du prestataire n’était pas marquée confidentielle; cependant, elle était adressée à la femme du prestataire. Le prestataire a demandé au personnel du bureau de faire des copies de la lettre de congédiement dans l’intention d’obtenir, à l’interne, du soutien de la part des autres employés, afin d’aller au conseil d’administration pour demander à ce que sa femme soit rétablie dans ses fonctions; il a affiché cinq copies de la lettre à des endroits où les membres du personnel pouvaient les lire et les signer, et cela comprenait une aire de l’établissement à laquelle les locataires avaient accès. Le prestataire a en outre parlé à deux résidents qu’il connaissait très bien à ce même établissement. Le syndicat a déclaré que le prestataire n’avait pas essayé de parler à l’employeure avant de distribuer les lettres et que les lettres ont été retirées par le superviseur du prestataire dans les deux heures ayant suivi leur affichage (GD7-3 et 4).

[19] Le syndicat a déclaré qu’aux termes de la convention collective, l’employeure doit démontrer que ce que le prestataire a fait était si grave et les conséquences si sérieuses qu’il n’y avait pas d’autre choix que de le relever de ses fonctions pour une première infraction. Le syndicat a présenté des circonstances atténuantes en faisant valoir que les chances que ce comportement se reproduise un jour sont pratiquement inexistantes; le prestataire a réagi à une série très particulière de circonstances qui ne se reproduiront pas. Son comportement n’était pas répétitif et il ne l’a pas planifié à l’avance. Ses actions ne se voulaient pas malveillantes ou diffamatoires envers l’employeure, mais étaient seulement une tentative de protéger l’emploi de sa femme. Le syndicat a de plus déclaré que la volonté du prestataire de constater son erreur, de s’en excuser et de rectifier un tel geste à l’avenir atteste de ses remords et de l’efficacité de la mesure corrective. Le syndicat a confirmé que le prestataire avait un dossier disciplinaire vierge et qu’aucun problème de rendement ou de comportement le concernant n’avait été porté à l’attention de l’employeure auparavant; le superviseur du prestataire a déclaré que ce dernier avait une bonne éthique de travail, que son rendement au travail était satisfaisant et qu’il n’y avait pas d’antécédents de mesures correctives prises par l’employeure à son endroit (pièce GD7-6).

[20] Le syndicat a déclaré que l’abus de confiance n’est pas prouvé et que les actions du prestataire ne nuiront pas à sa capacité d’effectuer son travail et ne sont pas suffisamment sérieuses pour détruire la relation de travail. Le prestataire n’a pas diffusé de faux renseignements ou des renseignements confidentiels couverts par l’entente de confidentialité. Il a manqué de jugement, mais n’a pas fait preuve de malveillance ou de malhonnêteté; il a tout de suite dit la vérité et a eu des remords. Le prestataire n’a pas désobéi à un ordre direct, il a assumé la responsabilité de ses actes et il a présenté des excuses (pièce GD7-10).

[21] Après l’arbitrage syndical de l’affaire du prestataire, l’employeure a transmis un RE révisé indiquant que le motif d’émission du relevé est « autre », avec le commentaire « Consentement mutuel pour mettre fin à la relation d’emploi » (pièce GD8‑2).

[22] Le prestataire a déposé en outre le document d’entente de règlement et de renonciation daté du 23 mars 2016, qui indique que l’affaire a été entièrement résolue; l’employeure doit émettre une « lettre de libération d’emploi non justifiée » pour remplacer l’actuelle lettre de congédiement, ainsi qu’un RE modifié. Le prestataire devait toucher quatre semaines de salaire à plein temps pour la renonciation à son droit à un futur emploi chez l’employeure (pièce GD8-3).

Témoignages à l’audience

[23] La femme du prestataire a déclaré, à l’audience, qu’elle et son mari travaillaient pour cette employeure et qu’elle était à l’emploi de l’employeure depuis pas tout à fait 90 jours lorsqu’elle a été renvoyée. Elle a déclaré que, dévastée en apprenant son renvoi, elle est allée trouver son mari parce qu’elle ne comprenait pas pourquoi on l’avait renvoyée; aucune raison n’avait été donnée. Elle a déclaré que le prestataire a pris sa lettre et a essayé de protéger son honneur lorsqu’il a montré la lettre à d’autres personnes. L’employeure a déclaré que cette lettre renfermait des renseignements confidentiels et a dit que le prestataire avait commis une inconduite flagrante.

[24] La femme du prestataire a déclaré que le représentant syndical du prestataire a dit qu’il ne s’agissait pas là d’une inconduite flagrante. Elle a déclaré que quiconque étant sorti du bureau n’est plus visé par l’entente de confidentialité, car le document lui a été remis à elle et, ayant quitté les lieux de l’employeure, elle pouvait disposer de la lettre à sa guise; elle pouvait la garder confidentielle ou pouvait-elle aussi la montrer aux autres, ce qu’elle a choisi de faire.

[25] La femme du prestataire a déclaré qu’elle et son mari ont, depuis, franchi les étapes de la procédure d’arbitrage et qu’il a été conclu que les actions du prestataire ne constituaient pas de l’inconduite et que l’employeure a révisé sa position, puis les parties ont convenu ensemble que le prestataire n’était plus à même d’être employé, mais qu’il n’avait pas été congédié pour inconduite; le prestataire a touché, après un an d’attente, une indemnité de cessation d’emploi de quatre semaines de salaire.

[26] La femme du prestataire a déclaré que la Commission semblait toujours appeler lorsqu’elle n’était pas à la maison et que le prestataire n’est pas « équipé », parfois, pour passer à travers quelque chose comme ça, et qu’il perd toute contenance et donne des réponses auxquelles il n’a pas réfléchi, comme le feraient d’autres personnes, mais qu’on doit le tenir responsable de la façon dont il a traité la Commission lorsqu’il a raccroché au nez de l’agent de la Commission.

[27] Le prestataire a déclaré qu’il était vraiment frustré parce que cela faisait déjà si longtemps qu’il se débrouillait sans argent et que, lorsqu’il a parlé à la Commission et qu’on lui a dit qu’il ne pouvait pas toucher de prestations d’AE pour cause d’inconduite, cela l’a irrité et il a raccroché. Il a déclaré qu’il ne voulait pas aller à la Commission parce qu’il ne comprenait pas et que c’était frustrant.

[28] La femme du prestataire a déclaré que, depuis qu’elle connaissait son mari, il avait toujours travaillé et que c’était la première fois qu’il perdait un emploi. Elle a déclaré qu’il a fait son devoir et a trouvé un emploi, de sorte qu’ils n’ont reçu de prestations d’AE que pendant quelques mois. Ils ont de nouveau présenté une demande de prestations d’AE, et ils ne peuvent pas en toucher. Elle a déclaré que c’est très difficile dans leur situation parce que le prestataire était le soutien de famille et qu’ils sont maintenant sur le point de perdre leur maison parce qu’ils n’ont pas eu de revenu au cours de la dernière année. Elle a ajouté que le prestataire est âgé de 63 ans, qu’il est surqualifié partout où il a postulé un emploi et qu’il a cherché partout, mais que personne ne veut le prendre. Elle a déclaré que dans la petite ville où ils habitent il ne peut pas obtenir d’emploi en raison des commérages et du bouche-à-oreille.

[29] Le prestataire a confirmé qu’il savait pourquoi on l’avait congédié, parce que son employeure lui a dit qu’il ne devait montrer cette lettre à personne. Le membre lui a demandé pourquoi il avait présenté une demande de prestations d’AE en déclarant qu’il était inapte à effectuer le travail pour lequel on l’avait embauché. Le prestataire a répondu que ce n’était pas du tout le cas, qu’on lui avait dit qu’il avait été renvoyé pour inconduite, parce qu’il essayait de protéger sa femme et de lui faire ravoir son emploi. Il a déclaré que, lorsque l’employeure a renvoyé sa femme, la lettre indiquait qu’on n’avait plus besoin de ses services et aucune raison n’était précisée pour son congédiement immédiat. Il a déclaré qu’il avait pris la lettre et qu’il voulait que d’autres employés la signent la lettre pour essayer de faire ravoir son emploi à sa femme. La femme du prestataire l’a interrompu en déclarant qu’il fallait qu’elle le ramène à se concentrer sur ce point, puis lui a demandé d’examiner la demande de prestations d’AE sur laquelle il a indiqué qu’il était inapte pour le travail, et le prestataire a répondu que ce n’était pas du tout le cas. Il a déclaré qu’il avait écrit cela à tort et que la réponse aurait dû être « Non », parce qu’il faisait tout là-bas, du remplacement des ampoules brûlées à la réparation de conduites d’eau. Il a dit ne pas savoir pourquoi il a répondu ainsi à cette question, car il a fait de l’entretien toute sa vie. Il a confirmé que ce n’était qu’une erreur.

[30] Le prestataire a par ailleurs confirmé qu’il était au courant de l’entente de confidentialité.

[31] La femme du prestataire a expliqué qu’elle ne voulait pas que son ami affiche la lettre parce qu’elle était embarrassée d’avoir perdu son emploi. Elle a déclaré qu’elle avait travaillé de nombreuses années comme comptable et qu’elle n’avait jamais eu de problème. Elle a déclaré que son mari avait vu à quel point elle avait été ébranlée par la perte de son emploi et qu’elle comprend que ce que le prestataire a fait, il l’a fait par amour pour elle. Elle a déclaré qu’elle était embarrassée et qu’elle a dit au prestataire de ne pas répandre cette nouvelle partout en ville, et il ne l’a pas fait; la lettre a été affichée à l’intérieur de l’immeuble, là où se trouvent les travailleurs, car elle avait besoin d’un emploi; ils ont besoin d’un emploi; elle a déclaré que les employeurs sont à la recherche de quelqu’un qui sera là pendant 20 ans et qui est jeune et en forme, mais que l’on a déjà posé deux endoprothèses vasculaires au prestataire et qu’il est insulino-dépendant en raison de son diabète.

Observations

[32] Le prestataire a plaidé ce qui suit :

  1. Il n’y a pas eu d’inconduite flagrante parce que les renseignements qui ont été diffusés n’étaient pas des renseignements confidentiels. Ils ont été fournis à sa femme, par son employeure, avec la lettre qu’il a montrée à d’autres personnes. La Commission a dit que ce n’était pas un motif recevable de congédiement lorsqu’elle a communiqué avec lui (pièce GD2-3).
  2. Cette affaire a constitué une série de circonstances particulières qui ne sont pas aisément visées par la politique de confidentialité. Le formulaire d’entente de confidentialité signé par le prestataire traite principalement des renseignements que le prestataire pourrait apprendre au sujet des résidents, de la maltraitance des résidents et des dossiers médicaux et personnels des résidents pendant la durée de son emploi. Ce formulaire ne fait toutefois pas mention des renseignements concernant les autres membres du personnel et les bénévoles; la lettre de congédiement reçue par la femme du prestataire n’est pas un document confidentiel ni ne renferme de renseignements visés par l’entente de confidentialité. Le prestataire ne faisait pas ouvertement fi de la politique de l’employeure; il a simplement considéré que le document en question n’était pas couvert par la politique (pièce GD7-7).
  3. L’employeure affirme que toute la correspondance produite est couverte par l’entente de confidentialité, mais on ne sait pas exactement dans quelle mesure la politique vise une lettre de congédiement non confidentielle dont un membre de la famille de l’employé prend connaissance. Qui plus est, les renseignements contenus dans la lettre de congédiement auraient été très vites connus d’autrui; la lettre disait tout simplement que les services de la femme du prestataire n’étaient plus requis, et aucune raison confidentielle n’a été énoncée pour motiver la décision de l’employeure de congédier la femme du prestataire (pièce GD7-7).
  4. La politique de confidentialité ne s’applique pas à chaque document, quel qu’il soit, produit par l’employeure; cette politique existe pour veiller à ce que les renseignements personnels de nature délicate et les renseignements médicaux concernant résidents et employés soient protégés. Il n’a pas été expressément communiqué au prestataire que chaque document produit par l’employeure, quel qu’il soit, est confidentiel (pièces GD7-7 et-8).
  5. Il se peut que l’on conclue à de l’« inconduite flagrante » pour expliquer que le congédiement est la seule solution viable dans des cas d’insolence, d’insubordination ou de défiance extrême et répétée. On entend communément par cela des actes qui sont malveillants, violents, frauduleux, voire criminels, et posés intentionnellement. Autrement dit, il faut que l’employé ait manifesté un tel mépris et irrespect de l’employeure, de l’équipe de direction ou des politiques que l’on ne peut nullement s’attendre à une relation de travail efficace. En l’espèce, on ne saurait démontrer qu’il y a eu défiance volontaire et délibérée face à un ordre direct de l’employeure de la part du prestataire, ou que ce dernier avait l’intention de nuire à l’employeure; il voulait simplement aider sa femme à ravoir son emploi d’une façon qui n’était pas malveillante (pièce GD7-9).
  6. Il voudrait recevoir des prestations d’AE pendant qu’il se cherche du travail. Il n’a pas été capable de se trouver un emploi; il a postulé auprès de nombreuses entreprises locales, mais, en raison de ses compétences ou de son âge, on l’a jugé surqualifié ou trop vieux. Il n’a touché de prestations d’AE que pendant six semaines et a demandé à ce que sa demande antérieure soit réactivée. Il a travaillé pendant 13 ans pour un seul employeur et voudrait recommencer à recevoir des prestations (pièce GD2-6).
  7. Il est en faillite et a montré en cour que sa femme et lui sont incapables d’effectuer les paiements requis. Tous deux vivent sur le salaire ou les prestations d’AE de sa femme, et ils ont dû demander à leurs enfants de leur donner une allocation mensuelle pour pouvoir joindre les deux bouts. Le prestataire ne s’attendait pas à vivre ainsi pendant ses vieux jours (pièce GD2-7).

[33] La Commission a plaidé ce qui suit :

  1. L’employeure a congédié le prestataire pour cause d’inconduite après qu’il eut photocopié la lettre de cessation d’emploi de sa femme et l’eut montré aux locataires et aux membres du personnel, en violation de la politique de confidentialité de l’employeure. L’employeure a présenté une copie de son formulaire « Déclaration sur la confidentialité et les abus » que le prestataire a signé le 14 janvier 2015, et qui stipule que le prestataire « […] doit garder strictement confidentiel tout renseignement que vous pourriez apprendre, pendant la durée de votre emploi […]. Cette politique englobe les renseignements sur les autres membres du personnel. » Le prestataire a dit qu’il ne pensait pas que la lettre de renvoi de sa femme était considérée comme confidentielle et il a photocopié et diffusé cette lettre dans l’intention d’inciter ses collègues et d’autres personnes à intercéder en faveur de sa femme auprès de l’employeure afin qu’elle récupère son emploi (pièce GD4- 3).
  2. La jurisprudence a établi que la violation de la politique de l’entreprise peut constituer de l’inconduite lorsque le prestataire a volontairement décidé de faire fi des conséquences que ses actes auraient sur son emploi. Le prestataire connaissait la politique relative à la confidentialité. Le prestataire a sciemment enfreint la politique de confidentielle de l’employeure et a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son emploi (pièce GD4-3).

Analyse

[34] La Loi ne définit pas ce que constitue l’inconduite. La Cour d’appel fédérale (CAF) a expliqué la notion juridique d’inconduite aux fins de la présente disposition en l’assimilant à des actes volontaires ou délibérés, où le ou la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraîner son congédiement (Lemire c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 314; Mishibinijima c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 36; Tucker c. Canada (Procureur général), A-381-85)

[35] La CAF a de plus expliqué que la notion d’inconduite délibérée n’implique pas qu’il soit nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle (Lemire c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 314; Secours c. Canada (Procureur général), A-1342-92).

[36] En outre, la CAF a expliqué que pour déterminer si l’inconduite pourrait mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et son emploi. L’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail. L’inconduite ne doit pas servir de simple excuse ou prétexte au renvoi de l’employé; Il faut qu’elle cause la perte d’emploi (Lemire c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 314; Nguyen c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 348; Brissette c. Canada (Procureur général), A-1342-92).

[37] La charge de la preuve repose sur la Commission, à qui il incombe d’établir qu’un prestataire a perdu son emploi « en raison de sa propre inconduite » (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration c. Bartone, A-369-88).

[38] En l’espèce, l’employeure et le prestataire conviennent tous deux que le prestataire a été licencié pour avoir copié la lettre de renvoi de sa femme et l’avoir montrée à d’autres membres du personnel et à des locataires, alors qu’il tentait de faire ravoir son emploi à sa femme. Le Tribunal conclut que les raisons du congédiement du prestataire ne sont pas contestées et conclut en outre que l’existence d’un lien de causalité entre les raisons du congédiement et l’emploi du prestataire a été prouvée.

[39] Le Tribunal reconnaît que le prestataire a déposé un grief, par l’entremise de son syndicat, pour cause de congédiement non justifié et qu’une décision arbitrale a été rendue en sa faveur avec l’entente de règlement datée du 23 mars 2016. Il importe toutefois de faire valoir que le Tribunal exerce ses activités en vertu de la Loi et non aux termes de la convention collective de l’employeure, et que, par conséquent, le Tribunal doit encore déterminer si les gestes posés par le prestataire lorsqu’il a copié la lettre de renvoi de sa femme et l’a affichée au lieu de travail ont constitué une violation de la politique de l’employeure relative à la confidentialité, puis déterminer si ses gestes sont considérés comme de l’inconduite au sens de la Loi.

[40] L’employeure a dit avoir expliqué la politique de confidentialité au prestataire, de même que les conséquences d’une violation de cette politique, et a déclaré que le prestataire était conscient que de montrer à un autre employé des renseignements personnels confidentiels contrevenait à la politique. Le prestataire a plaidé que cette lettre a été remise à sa femme et, bien que la femme du prestataire n’ait initialement pas approuvé que son mari affiche sa lettre publiquement, le Tribunal retient le témoignage de la femme du prestataire selon lequel elle a donné à son mari la permission d’afficher la lettre dans l’immeuble où ils travaillaient.

[41] Dans la décision de la CAF, Commission de l’emploi et de l’Immigration du Canada c. Joseph, A- 636-85, le juge Dubinsky affirme ce qui suit :

[Traduction]
« Prouver l’inconduite d’un employé, c’est établir qu’il s’est comporté autrement qu’il n’aurait dû. On ne fait donc pas cette preuve en établissant seulement que l’employeur a jugé répréhensible la conduite de son employé ou, encore, qu’il lui a reproché, en termes généraux, de s’être mal conduit. Pour qu’un conseil arbitral [maintenant le Tribunal] puisse conclure à l’inconduite d’un employé, il doit disposer d’une preuve suffisamment circonstanciée pour lui permettre, d’abord, de savoir comment l’employé a agi, et, ensuite, de juger si ce comportement est répréhensible. »

[42] De plus, dans la décision de la CAF Crichlow c. Canada (Procureur général), A‑562‑97, le juge Marceau affirme ce qui suit :

[Traduction]
« Vu les conséquences sérieuses qui y sont associées, une conclusion d’inconduite doit être fondée sur des éléments de preuve clairs et non sur de simples conjectures et hypothèses. En outre, c’est à la Commission de convaincre le Conseil, lequel constitue l’organisme clé en matière de règlement des différends d’assurance-chômage, de la présence de tels éléments de preuve, et ce, indépendamment de l’opinion de l’employeur. »

[43] Le Tribunal conclut que le prestataire n’a pas perdu son emploi par suite de son inconduite. La Commission a affirmé que la déclaration relative à la confidentialité et aux abus stipule que le prestataire doit garder strictement confidentiel tout renseignement concernant les résidents et les dossiers médicaux des résidents. Elle a aussi déclaré que cette politique s’applique aux renseignements concernant les autres membres du personnel. La Commission a soutenu, en outre, que le prestataire connaissait la politique de l’employeure et qu’il a sciemment enfreint cette politique en faisant fi des répercussions que ses actes auraient sur son emploi. Néanmoins, le Tribunal est convaincu que la lettre de congédiement de la femme du prestataire ne renferme pas de renseignements de nature confidentielle et dit simplement que les services de la femme du prestataire ne sont plus requis. Qui plus est, cette lettre a été adressée à la femme du prestataire, mais cette dernière a donné à son mari la permission de l’utiliser dans une tentative de récupérer son emploi. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que le prestataire n’a pas délibérément enfreint la politique de son employeure relative à la confidentialité car le prestataire avait la permission de diffuser l'information et que les renseignements que renfermait la lettre ne révélaient pas de données personnelles confidentielles.

[44] Le critère juridique exige aussi que le prestataire sache que ses actes pouvaient entraîner son congédiement. L’employeure a déclaré que le prestataire a été frappé d’étonnement et d’incrédulité lorsqu’on l’a congédié. D’après les renseignements fournis par le représentant syndical, le prestataire a reconnu son erreur, s’en est excusé et a manifesté des remords. Compte tenu de cela, le Tribunal ne saurait conclure que le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraîner son congédiement; le prestataire ne croyait pas que la lettre de renvoi de sa femme était visée par l’entente de confidentialité, si bien que l’on ne peut pas dire que le prestataire a consciemment ou délibérément manqué à une obligation résultant expressément du contrat d’emploi.

[45] Pour ces motifs, le Tribunal conclut que le prestataire n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite aux termes du paragraphe 30(1) de la Loi.

Conclusion

[46] L’appel est accueilli.

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