Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

L’appelant était présent lors de l’audience.

Introduction

[1] L’appelant a subi un arrêt de rémunération de son emploi pour Strategy Institute le 6 septembre 2013.

[2] L’appelant a présenté une demande initiale de prestations de maladie de l’assurance-emploi le 10 septembre 2013. Cette demande a pris effet le 8 septembre 2013. Le prestataire a observé le délai de carence de deux semaines et a touché à 10 semaines de prestations de maladie du 8 septembre 2013 au 30 novembre 2013.

[3] L’appelant s’est trouvé un nouvel emploi pour Digital Internet Group Inc. du 27 novembre 2013 au 26 février 2014.

[4] L’appelant a présenté une nouvelle demande de prestations de maladie le 11 mars 2014. Sa période de prestations antérieure (qui a commencé le 8 septembre 2013) a été réactivée à partir du 23 février 2014, et il a touché à 5 autres semaines de prestations de maladie pour cette demande (du 23 février 2014 au 29 mars 2014), ce qui a porté le total des prestations de maladie auxquelles il a touché aux 15 semaines maximales.

[5] Le 28 mai 2015, l’appelant a présenté une demande d’antidatation afin que le commencement de ses prestations régulières soit antidaté au 30 mars 2014. L’appelant a expliqué qu’il ne savait pas qu’il avait besoin de présenter une demande pour convertir sa demande antérieure de prestation de maladie en demande de prestations régulières.

[6] Le 28 juillet 2015, l’intimée a informé l’appelant que sa demande d’antidatation en vertu du paragraphe 10(4) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) a été rejetée, car il n’avait pas démontré qu’il avait un motif valable pour la période entière du délai que cela lui a pris pour présenter sa demande.

[7] Le 21 août 2015, l’appelant a présenté une demande de révision de la décision de l’intimée. À la suite du processus de révision, l’intimée a maintenu la décision initiale le 1er septembre 2015.

[8] Le 16 octobre 2015, l’appelant a interjeté appel de la décision de révision auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[9] L’audience a eu lieu par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. La complexité de la question ou des questions portées en appel ;
  2. Le fait que l’appelant sera la seule partie présente ;
  3. Les renseignements figurant au dossier et le besoin de renseignements supplémentaires ;
  4. Le mode d’audience respecte les dispositions du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale voulant que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[10] L’appelant interjette appel de la décision de l’intimée concernant le rejet de la demande d’antidatation en vertu du paragraphe 10(4) de la Loi.

Droit applicable

[11] Le paragraphe 10(4) de la Loi prévoit ce qui suit :

Lorsque le prestataire présente une demande initiale de prestations après le premier jour où il remplissait les conditions requises pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu’à cette date antérieure il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations et qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

Preuve

[12] Après avoir été hospitalisé et après avoir touché le reste de ses prestations de maladie (du 23 février 2014 au 29 mars 2014), l’appelant a obtenu une autorisation médicale de retour au travail à partir du 1er avril 2014.

[13] D’avril 2014 à octobre 2014, il était disponible pour travailler et se cherchait activement un nouvel emploi. Il s’est trouvé un emploi et a commencé à travailler le 27 octobre 2014.

[14] En mars 2015, un agent de Service Canada a communiqué avec l’appelant afin de discuter d’une question relative à une demande antérieure, qui à son tour l’a poussé à présenter une demande de prestations.

[15] Le 28 mai 2015, l’appelant a présenté une demande d’antidatation de sa demande de prestations afin que celle-ci soit datée du 30 mars 2014.

[16] Le 24 septembre 2015, l’appelant a reçu un billet du médecin qui indiquait qu’il n’était pas capable de présenter de demande en raison de problèmes médicaux.

Observations

[17] L’appelant a indiqué qu’après que ses prestations de maladie se soient écoulées, il ne savait pas qu’il avait besoin de présenter une demande afin de convertir les prestations de maladie en prestations régulières. Il a expliqué qu’au cours de sa période de maladie, son travailleur social s’était renseigné au sujet de ses prestations, et on lui avait dit qu’il ne serait pas admissible. Il a également ajouté qu’il ne s’était pas renseigné directement auprès de Service Canada plus tôt, car mis à part le fait qu’il croyait qu’il n’était pas admissible, il était occupé à se chercher un emploi.

[18] Il soutient qu’en raison de sa maladie et de ses médicaments, il n’était pas capable de penser clairement avant le mois de mars 2015. À ce moment-là, il a commencé à prêter attention à ses prestations d’assurance-emploi et, après avoir parlé avec un agent qui avait communiqué avec lui, il a effectué un suivi pour sa demande et a présenté une demande d’antidatation le 30 mars 2014.

[19] L’intimée a soutenu que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable durant toute sa période de délai à présenter sa demande de prestations et qu’il n’a pas agi comme une « personne raisonnable » l’aurait fait dans cette situation en se convainquant de ses droits et de ses obligations aux termes de la Loi.

Analyse

[20] Le paragraphe 10(4) de la Loi n’est pas le produit d’un simple caprice législatif. Il renferme une politique, sous forme d’exigence, qui participe à une saine et efficiente administration de la Loi.

[21] Cette politique permet de veiller à la bonne gestion et au traitement efficace des demandes de prestations et permet également à la Commission de vérifier constamment l’admissibilité continue des prestataires à qui des prestations sont versées.

[22] Pour qu’une demande initiale de prestations soit antidatée à une date antérieure, un prestataire doit démontrer qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

[23] L’antidatation est un privilège qui doit être accordé de manière exceptionnelle (McBride 2009 CAF 1 ; Scott 2008 CAF 145 ; Brace 2008 CAF 118 ; Smith A-549-92).

[24] La question qui doit être tranchée dans les cas d’antidatation est de déterminer si le prestataire a démontré qu’il avait un motif valable pour le délai de dépôt de sa demande. Pour établir l’existence d’un « motif valable », le prestataire doit démontrer qu’il a fait ce qu’une personne raisonnable et prudente aurait fait.

[25] L’appelant doit prouver l’existence d’un motif valable tout au long de la période de délai en démontrant qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans les mêmes circonstances/la même situation pour s’assurer qu’il respecte ses droits et obligations en vertu de la Loi (Persiiantsev 2010 CAF 101 ; Kokavec 2008 CAF 307 ; Paquette 2006 CAF 309).

[26] D’après la Cour d’appel fédérale (CAF), pour établir l’existence d’un motif valable de retard du dépôt d’une demande initiale de prestations, le prestataire doit démontre qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans la même situation pour connaître ses droits et ses obligations en vertu de la Loi (Mauchel c. Procureur général du Canada,2012 CAF 202 ; Bradford c. Commission de l’assurance-emploi du Canada,2012 CAF 120 ; Procureur général du Canada c. Albrecht,A-172-85).

[27] La CAF a également conclu qu’à moins de circonstances exceptionnelles, une personne raisonnable est tenue de prendre connaissance assez rapidement des prestations auxquelles elle a droit et de ses obligations en vertu de la Loi (Canada (Procureur général)c. Kaler, 2011 CAF 266 ; Canada (Procureur général) c. Innes, 2010 CAF 341 ; Canada (Procureur général) c. Somwaru, 2010 CAF 336).

[28] La question qui doit être tranchée dans cette situation est la suivante : est-ce que l’appelant avait un motif valable et a fait ce qu’une personne raisonnable et prudente aurait fait dans des circonstances similaires ?

[29] En l’espèce, l’appelant a expliqué qu’il n’a pas présenté de demande plus tôt, car son travailleur social a communiqué avec Service Canada concernant sa demande, et on lui a dit qu’il n’était pas admissible au bénéfice de prestations régulières.

[30] Malheureusement, il n’y a aucun élément de preuve dans son dossier démontrant que son travailleur social avait communiqué avec Service Canada, qu’il avait autorisé ou qu’il avait permis à quelqu’un d’avoir accès aux détails se trouvant dans son dossier de demande. Comme l’a expliqué l’intimée, [traduction] « en raison de préoccupations liées à la vie privée, la Commission n’aurait pas divulgué de détail spécifique concernant l’admissibilité du prestataire aux prestations à un représentant de tierce partie sans que le prestataire ne fournisse un consentement documenté, qui en l’espèce, ne se trouve pas dans le dossier de demande. »

[31] Une demande de renseignements effectuée par son travailleur social en son « nom » ne peut pas être perçue comme étant une information vérifiable, car cela ne permet tout simplement pas à la Commission de trancher la question d’admissibilité selon les particularités de la situation de l’appelant. Même si je comprends ses circonstances, l’appelant aurait quand même dû prendre le temps de vérifier lui-même sa situation avec la Commission dont la seule responsabilité est d’administrer la législation relative à l’assurance-emploi.

[32] Le Tribunal fait référence à la jurisprudence qui a déterminé que le fait qu’un prestataire se fie à des rumeurs, à des suppositions et à des renseignements non vérifiés ne peut pas constituer un motif valable (Trinh 2010 CAF 335 ; Rouleau A-4-95).

[33] Selon sa propre déclaration, il ne s’est pas informé, à aucun moment, de ses droits et obligations auprès de Service Canada, ce qui est un facteur essentiel afin de déterminer si le prestataire était justifié. Dans sa situation, une personne raisonnable aurait communiqué directement avec la Commission et aurait vérifié l’information qu’elle a reçue. En fait, ce n’est qu’après qu’un agent ait communiqué avec lui et qu’il lui ait expliqué qu’il pourrait peut-être être admissible que l’appelant a présenté sa demande et a essayé de plaider sa cause.

[34] Au cours de l’audience, l’appelant a avoué au Tribunal qu’il savait qu’il aurait dû poser toutes ses questions concernant une demande de prestations au département d’AE de Service Canada. Cependant, il n’a déployé aucun effort de la sorte au cours de la période complète de délai pour se renseigner de ses droits et obligations en vertu de la Loi.

[35] Il a également ajouté qu’à cause de sa maladie, il ne pouvait pas penser clairement ou comprendre les choses avec facilité jusqu’en mars 2015. Le Tribunal estime que ce motif n’est pas crédible puisqu’il se sentait assez bien pour se chercher un travail et postuler pour des emplois au cours de cette période. Les éléments de preuve démontrent même qu’il a reçu une autorisation médicale de retour au travail à partir du 1er avril 2014.

[36] Le Tribunal estime que si un appelant était mentalement apte et capable de travailler, cela laisserait croire qu’il était capable d’évaluer différentes situations en milieu de travail et d’utiliser la logique et des aptitudes de rationalisation afin de travailler dans de telles situations. Par conséquent, il n’est donc pas déraisonnable qu’il soit également capable d’évaluer sa propre situation personnelle dans le cadre d’une demande de prestations régulières et de présenter une demande de prestations. Malheureusement, il n’a déployé aucun effort pour s’informer de son admissibilité aux prestations au cours de toute la période en question.

[37] Il n’y a tout simplement pas suffisamment d’éléments de preuve pour suggérer que les raisons médicales de l’appelant ont continué de l’empêcher à présenter une demande de prestations régulières au cours de sa longue période de délai pour présenter une demande de prestations régulières. Le Tribunal réaffirme qu’un motif valable doit exister pendant toute la période de délai pour qu’une demande d’antidatation soit accueillie.

[38] Finalement, il a également expliqué qu’il ne connaissait pas les exigences de la Loi puisqu’il ne savait pas qu’il avait besoin de présenter une demande afin que ses prestations de maladie soient converties en prestations régulières.

[39] À cet égard, les tribunaux ont indiqué que de présenter une demande tardive de prestations en raison de l’ignorance de la loi ou de l’incompréhension des droits et des obligations prévus par la Loi ne constitue pas un « motif valable ». (Kaler, 2011 CAF 266 ; Albrecht A-172- 85)

[40] Par conséquent, le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas démontré un « motif valable » pour le retard du dépôt de sa demande et ne satisfait pas au critère juridique de la loi. En l’espèce, il aurait dû s’être renseigné sur ses droits et obligations après la fin de ses prestations de maladie.

[41] Puisqu’il ne l’a pas fait, sa demande d’antidatation ne peut pas être accueillie, car il n’a pas démontré qu’il avait un « motif valable » au cours de toute la période de délai, comme l’exige la Loi. Le Tribunal soutient que la décision est conforme à la Loi et est appuyée par la jurisprudence.

Conclusion

[42] L’appel est rejeté.

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