Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

L’appelant, J. M., ainsi que son témoin, D. M. (son frère) étaient présents lors de l’audience par téléphone.

Introduction

[1] Le 31 décembre 2013, l’appelant a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi (prestations d’AE).

[2] L’appelant travaillait pour l’entreprise O J Pipelines Canada (employeur) jusqu’au 12 septembre 2014.

[3] Le 6 mars 2015, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (intimée) a avisé l’appelant qu’elle n’avait pas utilisé les heures de travail de celui-ci chez son employeur afin de calculer ses prestations de l’AE parce qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification au sens de la Loi sur l’AE.

[4] Le 23 mars 2015, l’appelant a présenté une demande de révision de la décision de l’intimée datant du 6 mars 2015.

[5] Le 17 avril 2015, l’intimée a avisé l’appelant qu’elle n’était pas en mesure de lui verser des prestations d’AE, car il avait perdu son emploi le 12 septembre 2014 en raison de son inconduite.

[6] L’audience a eu lieu par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. La complexité de la question ou des questions portées en appel ;
  2. Le fait que la crédibilité ne pourrait pas constituer un enjeu important ;
  3. Le fait que l’appelant sera la seule partie présente ;
  4. Les renseignements figurant au dossier et le besoin de renseignements supplémentaires ;
  5. Le mode d’audience respecte les dispositions du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale voulant que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[7] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison de son inconduite, au sens du paragraphe 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) ?

Droit applicable

[8] Les alinéas 29a) et b) de la Loi prévoient ce qui suit :

Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations ;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant ;

[9] Le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

  1. (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage ;
    2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[10] Le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit ce qui suit :

  1. (2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

Preuve

[11] Le 31 décembre 2013, l’appelant a présenté une demande de prestations d’AE.

[12] L’appelant a travaillé pour l’employeur du 31 juillet 2014 au 12 septembre 2014.

[13] Le 15 septembre 2014, l’employeur a émis le relevé d’emploi (RE) de l’appelant (W35120054) et a indiqué comme motif d’émission du RE le code M – Congédiement. Le RE indiquait que l’appelant a été congédié, car il n’a pas été en mesure de respecter les exigences en ce qui a trait à la présence au travail.

[14] Le 21 septembre 2014, l’appelant a présenté une demande de prestations d’AE pour la période du 7 septembre 2014 au 20 septembre 2014. Dans sa demande, l’appelant a indiqué qu’il n’a pas travaillé ou touché un salaire au cours de la période du 7 septembre 2014 au 20 septembre 2014.

[15] Le 22 septembre 2014, l’employeur a modifié le RE de l’appelant (W352503020) et a indiqué que le motif d’émission du RE était le code K - Autre. Le RE indiquait que l’appelant était incarcéré et n’avait pas été en mesure de se présenter au travail.

[16] Le 24 février 2015, l’employeur a indiqué à l’intimée que l’appelant avait été congédié parce qu’il avait abandonné son poste. L’employeur a indiqué qu’il a appris plus tard que l’appelant avait été incarcéré. Cependant, l’appelant avait quand même manqué trois jours consécutifs de travail sans avertir son employeur. L’employeur a indiqué que l’appelant s’était absenté du travail sans préavis ou permission les 15, 16 et 17 septembre 2014.

[17] Le 24 février 2015, l’appelant a indiqué à l’intimée qu’il a été congédié, car il ne s’était pas présenté au travail et n’a pas pu avertir son employeur puisqu’il était incarcéré du 13 septembre 2014 au 19 septembre 2014.

[18] Le 6 mars 2015, l’intimée a avisé l’appelant qu’elle n’avait pas utilisé les heures de travail de celui-ci chez son employeur afin de calculer ses prestations d’AE parce qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification au sens de la Loi sur l’AE. Selon elle, son départ volontaire n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas.

[19] Le 23 mars 2015, l’appelant a présenté une demande de révision de la décision de l’intimée datant du 6 mars 2015.

[20] Le 17 avril 2015, l’intimée a avisé l’appelant qu’elle n’était pas en mesure de lui verser des prestations d’AE, car il avait perdu son emploi le 12 septembre 2014 en raison de son inconduite.

[21] Le 18 avril 2015, un avis de dette a été envoyé à l’appelant indiquant un trop-payé de prestations d’AE d’un montant de 4 609 $ découlant de son exclusion, un trop-payé d’un montant de 3 908 $ causé par sa fausse déclaration de revenus et une pénalité d’un montant de 1 503 $. Le montant total de sa dette était de 10 020 $.

[22] Le 1er mai 2015, l’intimée a avisé l’appelant qu’elle n’avait pas modifié sa décision du 6 mars 2015.

[23] Le 26 mai 2015, l’intimée a estampillé un certificat médical qu’elle a reçu pour la demande de prestations de maladie d’AE et qui a été signé par le médecin de l’appelant le 15 mai 2015. Le médecin a indiqué que l’appelant souffrait d’une dépression aiguë, d’un THADA et de problèmes de toxicomanie à la suite d’un événement traumatisant qui s’est terminé par le décès de son enfant.

[24] Le 21 août 2015, le médecin de l’appelant a signé un certificat médical pour des prestations de maladie d’AE, lequel indiquait que l’appelant était prêt à réintégrer le marché du travail en date du 21 août 2015.

Observations

[25] L’appelant a fait valoir ce qui suit :

  1. Il a présenté une demande de permission d’en appeler en retard, car il était confus au sujet du processus.
  2. Il était malade et éprouvait de graves problèmes de santé, et il n’était pas capable de maintenir une cohérence dans la chronologie des événements.
  3. Ses droits de la personne ont été violés et il a été persécuté sans la moindre preuve.
  4. Il n’a pas reçu d’avertissement verbal ou écrit en ce qui concerne son absentéisme, car il ne s’est jamais absenté avant l’incident.
  5. Par l’intermédiaire de son frère, il a fait passer le mot à son contremaître qu’il n’était pas en mesure de rentrer travailler en raison de circonstances atténuantes.

[26] L’intimée a soutenu ce qui suit :

  1. L’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite et il doit donc être exclu du bénéfice des prestations pour une période indéterminée commençant le 7 septembre 2014, conformément au paragraphe 30(1) de la Loi sur l’AE.

Analyse

[27] Le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd son emploi en raison de son inconduite.

[28] Même si la Loi ne définit pas le terme « inconduite », la Cour d’appel fédérale a établi qu’il y a inconduite lorsque la conduite du prestataire était délibérée, c’est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement étaient conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur, de sorte qu’il était réellement possible qu’il soit congédié.

Tucker A-381-85 ; Locke 2003 CAF 262

[29] Au cours de l’audience, l’appelant a indiqué qu’il a été incarcéré du 13 septembre 2014 au 19 septembre 2014. L’appelant a indiqué que le 13 septembre 2014, il a demandé à son frère de communiquer avec son superviseur pour l’aviser que l’appelant ne serait pas en mesure de rentrer travailler le lundi 15 septembre 2014. Le frère de l’appelant a confirmé qu’il a laissé un message vocal sur le téléphone du superviseur l’avisant que l’appelant ne serait pas en mesure de rentrer travailler le lundi.

[30] L’appelant a indiqué qu’il avait demandé à son frère de communiquer à nouveau avec son superviseur le lundi 15 septembre afin de l’aviser que l’appelant serait en mesure de rentrer travailler le mardi suivant son audience de mise en libération sous caution. Le frère a confirmé qu’il a bel et bien appelé le superviseur de l’appelant le 15 septembre en après-midi afin de l’avertir que l’appelant serait au travail le mardi. Le frère a indiqué que le superviseur lui a dit de dire à l’appelant de ne pas se soucier de rentrer travailler, car il avait déjà trouvé quelqu’un d’autre.

[31] L’appelant a indiqué qu’il ne pensait pas perdre son emploi pour avoir été absent pendant une journée de travail.

[32] Le Tribunal estime que l’appelant et son frère étaient crédibles au cours de l’audience, car ils se sont montrés sincères et cohérents dans leurs commentaires et leurs réponses aux questions lorsqu’ils étaient sous serment.

[33] Le Tribunal conclut que l’appelant a bel et bien fait l’effort de communiquer avec son superviseur pour l’avertir que l’appelant ne serait pas au travail le lundi 15 septembre, comme l’a confirmé son frère.

[34] Le Tribunal conclut que l’employeur a décidé de congédier l’appelant le lundi 15 septembre, comme le démontre la déclaration du superviseur au frère de l’appelant qui lui a dit de ne pas se soucier de rentrer travailler, car il avait déjà trouvé quelqu’un d’autre. Cette conclusion est également corroborée par le fait que l’employeur a émis le RE de l’appelant le 15 septembre 2014 et a indiqué que le motif d’émission du RE était le code M - Congédiement.

[35] Le Tribunal n’accepte pas la déclaration de l’employeur selon laquelle l’appelant aurait été congédié pour s’être absenté du travail sans préavis ou permission les 15, 16 et 17 septembre 2014. La preuve démontre que l’employeur avait déjà congédié l’appelant le 15 septembre 2014.

[36] Le Tribunal conclut qu’il n’y a aucun élément de preuve démontrant que l’appelant avait reçu des avertissements verbaux ou écrits pour avoir enfreint la politique d’absence de l’employeur avant son congédiement.

[37] Le Tribunal estime qu’il n’existe aucun élément de preuve selon lequel l’appelant savait ou aurait dû savoir que ses actions entraîneraient son congédiement.

[38] La Cour d’appel fédérale a confirmé le principe voulant qu’il y ait inconduite lorsque la conduite du prestataire était délibérée, c’est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement étaient conscients, voulus ou intentionnels.

Mishibinijima c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 36

[39] La Cour d’appel fédérale a défini la notion juridique d’inconduite pour l’application du paragraphe 30(1) de la Loi comme une inconduite délibérée dont le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle était de nature à entraîner son congédiement. Pour déterminer si l’inconduite pourrait mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et son emploi ; l’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail.

Canada (Procureur général) c. Lemire, 2010 CAF 314

[40] Le Tribunal conclut que les actions de l’appelant ne constituaient pas un manquement conscient, volontaire ou délibéré dans la mesure où il aurait dû savoir qu’elles pourraient mener à son congédiement, et ne constituent pas de l’inconduite aux termes des articles 29 et 30 de la Loi.

Conclusion

[41] L’appel est accueilli.

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