Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir de la part du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) la permission de porter en appel la décision de la division générale (DG) du Tribunal rendue le 8 février 2016. La DG avait accueilli l’appel du défendeur alors que la Commission avait déterminé que ce dernier n’était pas disponible pour travailler au sens de l’alinéa 18a) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

[2] Le défendeur avait demandé un réexamen de la décision de la Commission. La Commission a maintenu sa décision originale au motif que le défendeur n’avait pas prouvé sa disponibilité au 22 octobre 2014, mais que toute prestation qui lui était payable antérieurement devait lui être versée.

[3] La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler (Demande) à la division d’appel (DA) du Tribunal le 26 février 2016. La demande a été reçue dans le délai de 30 jours prévu.

[4] Les moyens d’appel énoncés dans la demande sont que la décision de la DG est entachée d’une erreur de droit et de fait, comme suit :

  1. Le défendeur refuse de quitter son emploi à temps partiel pour prendre un emploi à plein temps et il ne se cherche pas d’emploi;
  2. La Commission a déterminé qu’en limitant sa disponibilité auprès de son employeur à temps partiel, le défendeur se fixait ainsi des conditions personnelles qui limitent ses chances de réintégrer le marché du travail à temps plein.
  3. La DG a fauté en accueillant l’appel sur la preuve de disponibilité pour travailler du défendeur, plus particulièrement, en accordant plus de poids à son témoignage lors de l’audience qu’à ses déclarations initiales spontanées et en omettant de justifier pourquoi ces déclarations récentes seraient plus crédibles que celles qu’il avait faites précédemment devant la Commission;
  4. Le défendeur n’a fourni aucun élément de preuve de ses efforts pour trouver d’autre emploi à temps plein ou à temps partiel;
  5. La DG n’a pas tenu compte de la jurisprudence qui a affirmé qu’afin d’obtenir des prestations d’AE, un prestataire doit activement se chercher un emploi convenable même lorsqu’il estime qu’il est plus raisonnable de ne pas le faire et de se satisfaire d’un emploi à temps partiel.

Question en litige

[5] Le Tribunal doit décider si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable et analyse

[6] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et « [la division d’appel] accorde ou refuse cette permission. »

[7] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS indique que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[8] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS indique que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) Elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) Elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Le Tribunal doit être convaincu que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel énumérés. L’un de ces motifs au moins doit conférer à l’appel une chance raisonnable de succès avant que la permission d’en appeler puisse être accordée.

[10] Le Tribunal note que le défendeur était présent à l’audience de la DG et qu’un interprète, que le Tribunal a fourni, y était également. Le défendeur a témoigné à l’audience de la DG avec l’aide d’un interprète. La partie demanderesse ne s’est pas présentée.

[11] La DG a conclu ce qui suit à la page 6 de sa décision :

[19] [Traduction] Les observations et les éléments de preuve de la partie demanderesse voulaient qu’il se soit vu offrir une occasion de formation comme chauffeur d’autobus scolaire. Il a été embauché en octobre 2014 et travaillait toujours. Il ne se cherchait pas un emploi à temps plein puisqu’il travaillait déjà, mais qu’il se cherchait un deuxième emploi à temps partiel. Il ne voulait pas quitter son emploi à temps partiel.

[20] [Traduction] Selon les observations de la Commission, le demandeur limite sa disponibilité à l’employeur qui l’embauche à temps partiel. Il a déclaré à plusieurs reprises qu’il refuse de quitte son emploi à temps partiel pour un emploi à temps plein et qu’il ne cherche pas un emploi à temps plein.

[21] [Traduction] Le membre a pris en considération la preuve et les observations. Celles de la Commission étaient concises et conformes au droit applicable. Celles du demandeur, à savoir qu’il travaillait, étaient également conformes. Selon la prépondérance des probabilités, le membre préfère les observations et les éléments de preuve du demandeur.

[22] [Traduction] Le membre estime que le demandeur a démontré le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi à temps partiel convenable se présentait. Il a manifesté ce désir en faisant des démarches pour se trouver un deuxième travail à temps partiel convenable; il n’a pas fixé des conditions personnelles qui limiteraient indûment ses chances de réintégrer la population active.

[23] [Traduction] Le membre en a conclu que le demandeur avait démontré le désir de travailler. Il travaillait en fait.

[24] [Traduction] Le membre estime que le demandeur était disponible pendant la période en question, mais qu’il n’avait pas réussi à obtenir du travail additionnel convenable. Il tentait d’obtenir du travail additionnel afin de suppléer aux heures où il travaillait déjà. Il avait démontré qu’il était capable de travailler et qu’il était disponible à cette fin.

[25] [Traduction] Le membre conclut que la Commission avait imposé une inadmissibilité à tort en application de l’alinéa 18a) de la Loi pour n’avoir pas démontré qu’il était disponible pour travailler pendant la période en question. Le demandeur recevra des prestations à compter du 22 octobre 2014 jusqu’à la fin de son admissibilité.

[12] La DG a conclu que le défendeur était admissible aux prestations à compter du 22 octobre 2014 jusqu’à la fin de sa période d’admissibilité.

[13] Bien que la DG ait correctement énoncé les dispositions juridiques pertinentes à cet appel et qu’elle ait cité la décision Faucher (A-56-96/A-57-96 en appel de CUB 30987 et de CUB 380988), la partie demanderesse soutient que la DG a commis des erreurs de fiat et de droit en appliquant le mauvais critère juridique sur la disponibilité et en préférant le témoignage oral du prestataire à celui qu’il avait fait précédemment devant la Commission.

[14] L’explication de la DG était qu’elle préférait les observations et les éléments de preuve du prestataire à celles de la Commission. Il ressort bel et bien de la compétence de la DG de préférer une preuve à une autre; la DG est juge des faits; son rôle est de soupeser les éléments de preuve et de tirer les conclusions juridiques qui s’imposent à la suite de son examen de ces éléments de preuve. Toutefois, les conclusions de fait de la DG doivent prendre en considération les faits portés à sa connaissance et ne doivent pas être tirées de façon abusive ou arbitraire.

[15] Dans l’affaire Oberde Bellefleur OP Clinique dentaire c. Canada (Procureur général), (2008) CAF 13, la Cour d’appel fédérale a eu cette mise en garde : si un conseil arbitral décide qu’une preuve contradictoire doit être écartée ou qu’elle mérite qu’on lui accorde moins de poids ou encore aucun poids, elle doit expliquer les raisons de sa décision, sinon il y a risque que sa décision soit entachée d’une erreur de droit ou qu’elle soit qualifiée d’arbitraire.

[16] Il y a lieu d’examiner si la DG a suffisamment expliqué les raisons de sa conclusion au paragraphe [21] de sa décision.

[17] Pour ce qui est de l’argument de la partie demanderesse, à savoir qu’il n’existe aucun élément de preuve d’une démarche quelconque de la part du défendeur pour se trouver du travail, à temps plein ou à temps partiel, il semble y avoir eu une preuve liée à sa démarche lors de l’audience. La DG fait référence à la preuve fournie par le défendeur lors de l’audience, par exemple, aux paragraphes [15] et [22].

[18] La partie demanderesse avait été invitée, mais n’a pas assisté à l’audience. Ses observations écrites ainsi que le dossier d’appel avaient été soumis à la DG. Vu son absence, la demanderesse n’a pas pu contre-interroger le défendeur.

[19] Sa décision de ne pas assister à l’audience influence les observations de la demanderesse sur les erreurs de fait alléguées. Il est difficile de présenter un argument convaincant, à savoir qu’une « conclusion de fait erronée a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance », si la demanderesse choisit de ne pas être présente lorsque tous les éléments de preuves sont soumis à la DG, y compris les témoignages et les observations faites à l’audience. La demanderesse allègue que le défendeur n’a présenté aucune preuve, mais elle n’était pas présente à l’audience lorsqu’ont été présentés des éléments de preuve outre ce qui se trouvait dans le dossier du défendeur. La demanderesse ne semble pas avoir consulté l’enregistrement de l’audience afin de confirmer tous les faits portés à la connaissance de la DG puisque les observations de la demanderesse ne soulèvent pas des parties précises du témoignage du défendeur.

[20] À titre de membre de la division d’appel du Tribunal, dans le cadre d’une demande de permission d’en appeler, il ne m’appartient pas d’examiner et d’évaluer les éléments de preuve dont disposait la DG dans l’optique de remplacer les conclusions de fait qu’elle a tirées par mes propres conclusions. Mon rôle consiste plutôt à déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès en se fondant sur les motifs et les moyens d’appel invoqués par la demanderesse : conclusions de fait erronées fondées sur les éléments de preuve présentés à la DG lesquels faits, aux termes de l’alinéa 581)c) de la Loi sur les MEDS, ont été tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[21] Bien qu’un demandeur ne soit pas tenu de prouver les moyens d’appel pour les fins d’une demande de permission, il devrait à tout le moins fournir quelques motifs qui se rattachent aux moyens d’appel énumérés. Dans ce cas-ci, le défendeur a exposé des raisons et motifs de son appel qui relèvent de l’un des moyens d’appel énumérés, en l’occurrence ceux prévus aux alinéas 58(1)b) et c) de la Loi sur le MEDS, que l’on retrouve dans les paragraphes [14] à [17] ci-haut.

[22] Sur le moyen d’appel selon lequel il y aurait eu une erreur mixte de faits et de droit, je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[23] La demande est accordée.

[24] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

[25] J’invite les parties à présenter des observations écrites sur la pertinence de tenir une audience et, si elles jugent qu’une audience est appropriée, sur le mode d’audience préférable, et à présenter également leurs observations sur le bien-fondé de l’appel.

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