Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 5 février 2016, la division d’appel (DA) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a accordé la permission d’en appeler au motif qu’un manquement à la justice naturelle aurait pu avoir lieu.

[2] Le Tribunal a sollicité des parties leurs observations sur le mode d’audience, sur l’opportunité d’en privilégier un en particulier, ainsi que sur le bien-fondé de l’appel.

[3] L’appelante a présenté des observations détaillées au fond de l’affaire.

[4] L’intimée a déposé des observations qui recommandent que l’appelante ait la possibilité de défendre sa cause devant la division générale (DG) pour une nouvelle détermination.

[5] Cet appel a été tranché sur la foi du dossier pour les raisons suivantes :

  1. L’absence de complexité de la ou des questions faisant l’objet de l’appel;
  2. Le membre de la DA a déterminé qu’il n’est pas nécessaire de tenir une autre audience;
  3. Le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[6] Il s’agit de déterminer si la décision de la DG est fondée sur des erreurs de droit, des erreurs mixtes de fait et de droit ou si elle enfreint un principe de justice naturelle.

[7] Si tel est le cas, la DA du Tribunal doit décider si elle devrait rejeter l’appel, rendre la décision que la DG aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la DG pour révision ou encore confirmer, infirmer ou modifier la décision de la DG.

Droit applicable et analyse

[8] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] La permission d’en appeler a été accordée pour la raison que l’appelante avait exposé des motifs se rattachant aux moyens d’appel énumérés et qu’au moins un de ces motifs conférait à l’appel une chance raisonnable de succès, plus précisément le motif faisant intervenir le moyen d’appel prévu à l’alinéa 58(1)a) de la Loi sur le MEDS.

[10] En particulier, la décision accordant la permission d’en appeler indiquait ceci [traduction] :

[36] Dans cette affaire, un enregistrement audio n’était pas disponible. La demanderesse soutient que l’enregistrement audio est un [traduction] « élément de preuve crucial » pour son appel, et que l’absence d’enregistrement audio compromettrait son appel. En particulier, la demanderesse soutient que le membre de la DG, pendant l’audience par téléconférence, [traduction] « en a convenu qu’elle était admissible aux prestations d’AE ».

[37] La décision de la DG a été rendue par écrit le 25 août 2015. Peu importe ce que le membre de la DG pourrait avoir dit ou pas lors de l’audience, la décision de la DG rejetait l’appel de la demanderesse, et les raisons étaient précisées dans la décision.

[38] L’enregistrement audio n’est pas « un élément de preuve ». Bien que le témoignage durant l’audience auprès de la DG forme une partie de la preuve, le témoignage semble être résumé au paragraphe [14] de la décision de la DG. La décision résume également la preuve documentaire dans le dossier.

[39] La question en litige se limite donc à déterminer si l’absence de l’enregistrement audio de l’audience auprès de la DG prive effectivement la demanderesse de son droit d’appel devant la DA.

[40] La demanderesse affirme qu’elle voulait l’enregistrement audio afin de [traduction] « voir où et comment le Tribunal a pris cette décision ». Elle affirme également que l’absence d’enregistrement audio nuit à sa capacité d’interjeter appel de la décision de la DG. La défenderesse soutient que le dossier d’appel est suffisant pour que la DA statue sur cette demande de manière appropriée.

[41] La DA doit rejeter la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Cela ne signifie pas que je dois être convaincu que l’appel sera accueilli afin d’accorder la demande de permission d’en appeler.

[42] Sur ce point limité de manquement allégué à la justice naturelle, plus précisément, à savoir si l’absence d’enregistrement audio de l’audience auprès de la DG prive effectivement la demanderesse de son droit d’appel devant la DA, l’affaire justifie une révision, car je ne suis pas convaincu que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[11] L’intimée convient qu’il y a peut-être manquement à la justice naturelle. Elle n’est plus d’avis que le dossier d’appel est suffisant pour que la DA se prononce de manière appropriée sur cet appel. Par conséquent, l’intimée recommande que le dossier soit retourné à la DG pour une nouvelle détermination.

[12] En l’absence d’un enregistrement audio, l’appelante soutient que le Tribunal n’est pas en mesure d’affirmer qu’aucune erreur n’a été commise par la DG. Je souligne qu’il incombe à l’appelante de démontrer que la DG a commis une erreur susceptible de révision. Il n’en revient pas au Tribunal de démontrer à l’appelante qu’aucune erreur n’a été commise. À cet égard, les arguments de l’appelante ne sont pas acceptés par la DA.

[13] De plus, l’appelante fait une distinction entre une absence d’enregistrement et la non-disponibilité d’un enregistrement, soutenant que les décisions de la Cour suprême du Canada se distinguent, car elles traitent d’absences d’enregistrement et non pas d’enregistrements qui ont été faits, mais qui ne sont pas disponibles. J’estime que la décision de la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt S.C.F.P., section locale 301 c. Québec (Conseil des services essentiels), [1997] 1 R.C.S. 793 ainsi que dans plusieurs autres arrêts similaires (où l’on statue qu’en l’absence d’un droit à un enregistrement expressément reconnu par la loi, les cours de justice doivent déterminer si le dossier dont elles disposent leur permet de statuer convenablement sur la demande; si c’est le cas, l’absence d’une transcription ne violera pas les règles de justice naturelle) s’appliquent aux situations d’absence d’enregistrement ainsi qu’aux situations de non-disponibilité d’un enregistrement.

[14] La Cour d’appel fédérale a également rendu une décision au sujet des situations où un enregistrement audio ne pouvait pas être fourni pour diverses raisons.

[15] La non-disponibilité d’un enregistrement audio d’une audience auprès de la DG ne constitue pas en soi un motif pour annuler la décision de la DG : Canada (Procureur général) c. Scott, 2008 CAF et Patry c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 301. Si la non-disponibilité ou l’absence d’enregistrement audio prive effectivement l’un des parties de son droit d’appel devant la DA, alors la décision de la DG pourrait être annulée.

[16] Dans les circonstances, l’intimée a admis que la non-disponibilité de l’enregistrement audio de l’audience auprès de la DG, dans cette affaire, aurait pu avoir effectivement privé l’appelante de son droit d’appel devant la DA.

[17] À la lumière des observations des parties, de ma révision de la décision de la DG et du dossier d’appel, j’accueille l’appel. Vu la nécessité en l’espèce que les parties produisent des éléments de preuve, il convient que l’affaire soit instruite dans le cadre d’une audience devant la DG.

Conclusion

[18] L’appel est accueilli. L’affaire sera renvoyée à la division générale du Tribunal pour révision.

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