Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] En date du 9 septembre 2015, la division générale du Tribunal a conclu que :

  • L’Appelant avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

[3] L’Appelant a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 2 octobre 2015. Permission d’en appeler a été accordée le 15 octobre 2015.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a déterminé que l’audience de cet appel procéderait par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • du fait que la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • du caractère économique et opportun du choix de l’audience;
  • de la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5]  L’Appelant et son représentant ont avisés le Tribunal qu’ils seraient absents lors de l’audience. Ils ont demandés à ce qu’une décision finale soit rendue dans le dossier. L’Intimée était représentée lors de l’audience par Elena Kitova.

La loi

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] La division générale du Tribunal a-t-elle erré en concluant que l’Appelant avait perdu son emploi en raison de son inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi?

Arguments

[8] L’Appelant soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • II est faux de dire qu'il a décidé de ne pas tenir compte de ses obligations envers son employeur. II est faux de dire qu'il savait que sa conduite pouvait mener à un congédiement sinon, pourquoi avoir avoué au lieu de se taire ou bien de mentir;
  • II est faux de dire qu'il a enfreint une obligation implicite de son contrat de travail; Il a toujours fait son travail du mieux qu'il était capable et rien ne lui a été reproché à ce niveau;
  • Que le geste posé n'a causé aucun préjudice à l’employeur;
  • L’Appelant est un humain, jeune, il n'était aucunement de son intention de se faire congédier, tout ce qu'il voulait était de faire son possible pour bien faire son travail;
  • La malhonnêteté mise à part, les tribunaux semble être prêts à admettre que les employés sont humains, qu'ils peuvent être malades et être incapables de s'acquitter de leurs obligations et qu'ils peuvent faire des erreurs sous l'influence du stress ou de l'inexpérience;
  • L'inconduite qui rend l'employé congédié inadmissible aux bénéfices des prestations de chômage, existe lorsque la conduite de l'employé montre qu'il néglige volontairement ou gratuitement les intérêts de l'employeur, par exemple, en commettant des infractions délibérées ou ne tenant pas compte des normes de comportement que l'employeur est en droit d'exiger de ses employés, ou est insouciant ou négligent à un point tel et avec une fréquence telle qu'il fait preuve d'une intention délictuelle;
  • Que l’employeur a manqué à de nombreux engagements envers l’Appelant.

[9] L’Intimée a soumis les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’Appelant :

  • La décision de la division générale est bien fondée en faits et en droit et est appuyée par la jurisprudence en la matière;
  • La division générale a correctement interprété le paragraphe 30(1) de la Loi et le concept juridique de l’inconduite, tel que défini par la Loi et la jurisprudence. Par ailleurs, elle a rendu une décision raisonnable à la lumière des éléments de la preuve portées au dossier et présentés à l’audience;
  • La preuve au dossier démontre que l’Appelant a perdu son emploi pour avoir écrit un graffiti dans la toilette publique de l’entreprise. L’Appelant a admis avoir laissé un graffiti;
  • En agissant de la sorte, l’Appelant a enfreint une obligation implicite de son contrat de travail de respecter les biens de l’employeur, ce qui constitue de l'inconduite au sens de la Loi et la jurisprudence et ce, contrairement à ce que le représentant de l’Appelant soumet;
  • L’Appelant met l’emphase sur le caractère mineur du geste posé. À cet égard, le contenu et la taille du graffiti ne sont pas des facteurs déterminants de l’inconduite; L’Appelant devait comprendre que la dégradation du bien de l’employeur, même s’il est dégradé par d’autres personnes avant lui, comporte des éléments de « négligence » et que d’apporter sa griffe à la somme des graffitis en présence, aussi petite soit-elle, est certainement délibéré;
  • Les gestes de l’Appelant sont intentionnels, conscients et voulus et il devait savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.

Normes de contrôle

[10] L’Appelant n’a fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable.

[11] L’Intimée soutient que l’interprétation du terme « inconduite » constitue une question de droit et que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte - Canada (PG) c. Coulombe, 2008 CAF 292. La question à savoir si le geste posé par l’Appelant constitue de l'inconduite est une question mixte de fait et de droit, principalement d’ordre juridique. La norme de contrôle est celle du caractère raisonnable avec peu de déférence - Hickey c. Canada (PG), 2008 CAF 330

[12] Le Tribunal constate que la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (PG) c. Jean, 2015 CAF 242, mentionne au paragraphe 19 de sa décision que lorsque la division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, la division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure.

[13] La Cour d’appel fédérale poursuit en soulignant que non seulement la division d’appel a-t-elle autant d’expertise que la division générale du Tribunal de la sécurité sociale et qu’elle n’est donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale.

[14] La Cour d’appel fédérale termine en soulignant que lorsque la division d’appel entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l'Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi.

[15] Le mandat de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale décrit dans l’arrêt Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder v. Canada (PG), 2015 FCA 274.

Analyse

[16] Lorsqu’elle a rejeté l’appel de l’Appelant, la division générale a conclu ce qui suit :

« [20] Malheureusement, après avoir examiné et apprécié les faits, le Tribunal en vient à la conclusion que le prestataire a commis un geste d’inconduite au sens de la Loi. (Larivée (2007 CAF 312)) Comme le souligne le représentant du prestataire lors de l’audience, la salle de bain qu’a utilisé le prestataire était pleine de graffitis. Cependant, l’acte reproché au prestataire est d’avoir ajouté sa propre griffe aux graffitis déjà présents. Ce n’est pas l’action « des autres » que le Tribunal doit évaluer, mais bien uniquement l’action du prestataire. Le prestataire devait comprendre que la dégradation du bien de l’employeur, même s’il est dégradé par d’autres personnes avant lui, comporte des éléments de « négligence » (Tucker (A-381-85)) et que d’apporter sa griffe à la somme des graffitis en présence, aussi petite soit-elle, est certainement délibéré. Le Tribunal croit que les gestes du prestataire sont intentionnels, conscients et voulus et qu’il devait savoir qu’il que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié. (Hastings (2007 CAF 372))

[21] Sur la question du lien de causalité, le Tribunal est d’avis que le geste du prestataire est la cause opérante de son congédiement. Il a certainement été très rapidement relevé que l’accréditation du prestataire à une union syndicale était imminente au moment de son congédiement, mais la preuve n’est pas assez probante à ce sujet pour qu’un réel doute puisse subsister à cet égard. En somme, le Tribunal retient que le graffiti est à la source de son congédiement puisqu’il a enfreint son obligation de respect des biens de l’employeur, ce qui est sous-jacent à tout contrat de travail. (Cartier (2001 CAF 274)) »

[17] Il y a inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est-à-dire que les actes qui ont menés au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels.
Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié - Mishibinijima, A-85-06.

[18] La division générale n’avait pas à analyser le comportement de l’employeur ou à juger de la sévérité de la sanction disciplinaire, mais devait plutôt décider si le geste posé par l’Appelant constituait de l’inconduite au sens de la Loi Canada (PG) c. Marion, 2002 CAF 185.

[19] Dans le présent dossier, la preuve non contestée démontre que l’Appelant a perdu son emploi pour avoir écrit un graffiti dans la toilette publique de l’entreprise et qu’il a ainsi contribué à la dégradation d’un bien propriété de son employeur. La division générale a conclu que le non- respect délibéré par l’Appelant d’un bien de l’entreprise constituait de l’inconduite et était la cause directe de la perte de son emploi.

[20] En écrivant un graffiti dans la toilette publique de l’employeur, l’Appelant n’a manifestement pas tenu compte des normes de comportement que son employeur était en droit d'exiger de ses employés ce qui constitue de l’inconduite au sens de la Loi qui le rend inadmissible aux bénéfices des prestations.

[21] La division d’appel n'est pas habilité à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui de la division générale. Les compétences du Tribunal sont limitées par le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

[22] À moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel – Canada (PG) c. Ash, A-115-94.

[23] Le Tribunal ne peut conclure que la division générale a erré de la sorte. La décision de la division générale est compatible avec la preuve au dossier et est conforme aux dispositions législatives pertinentes et à la jurisprudence.

Conclusion

[24] L’appel est rejeté.

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