Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

Représentante de la partie appelante (Commission) Louise Laviolette

Introduction

[1] Le 3 avril 2013, le Conseil arbitral a accueilli l’appel de l’intimé alors que la Commission de l’assurance-emploi du Canada avait déterminé qu’il (le prestataire) avait volontairement quitté son emploi sans justification; elle avait imposé une inadmissibilité pour une période indéterminée en application des articles 18 et 29 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). Ni la Commission ni l’intimé n’ont assisté à cette audience du Conseil.

[2] Une demande de permission de porter en appel la décision du Conseil a été déposée auprès de la division d’appel (DA) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 23 avril 2013. La permission d’en appeler a été accordée le 3 juillet 2015 au motif qu’en rendant sa décision, le conseil n’avait pas appliqué le bon critère juridique à la question du départ volontaire et à la question de disponibilité et qu’il pourrait donc avoir commis une erreur de droit ou une erreur mixte de droit et de fait.

[3] Le Tribunal a tenu une audience par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. La complexité des questions faisant l’objet de l’appel;
  2. Le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[4] La DA avait d’abord fixé la téléconférence pour le 27 octobre 2015, mais l’intimé n’était pas en ligne. Bien que l’avis d’audience avait été livré, les registres de l’appelante indiquaient deux adresses possibles pour l’intimé; le membre de la DA n’était pas convaincu que l’intimé avait bien reçu l’avis de l’audience.

[5] L’audience de la DA avait été ajournée; elle avait été remise au 16 février 2016. Le deuxième avis d’audience a été envoyé aux deux adresses possibles de l’intimé; des messages ont été laissés dans la boîte vocale du numéro de téléphone de l’intimé figurant au dossier. Aux deux adresses, on a accusé réception de l’avis d’audience. Personne n’a rappelé.

[6] L’intimé n’était pas présent le 16 février 2016 à l’heure fixée pour l’audience de la DA. Le membre de la DA a attendu plus de quinze minutes que l’intimé se joigne à la téléconférence. Ce dernier n’ayant pas téléphoné, l’audience de la DA a procédé en son absence.

Questions en litige

[7] Savoir si le conseil a fondé sa décision sur une erreur de droit ou une erreur de droit et de fait.

[8] Savoir s’il convient pour la DA de rejeter l’appel, de rendre la décision que le conseil aurait dû rendre, de renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen, ou encore de confirmer, d’annuler ou de modifier la décision du conseil.

Droit applicable

[9] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) Elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) Elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] En l’espèce, la décision du conseil est considérée comme une décision de la division générale.

[11] La permission d’en appeler a été accordée pour la raison que l’appelant avait exposé des motifs correspondant aux moyens d’appel énumérés et que l’un de ces motifs au moins conférait à l’appel une chance raisonnable de succès, en l’occurrence les motifs ayant trait aux moyens d’appel prévus aux alinéas 58(1)a) et c) de la Loi sur le MEDS.

[12] Le paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS énonce les pouvoirs de la division d’appel.

Observations

[13] Les observations écrites de la partie appelante peuvent se résumer ainsi :

  1. Le conseil a commis une erreur de droit en n’appliquant pas le bon critère juridique à la question du départ volontaire aux termes de l’alinéa 29c) de la Loi sur l’AE;
  2. Le conseil a commis une erreur mixte de droit et de fait en accueillant l’appel sur les questions du départ volontaire et de la disponibilité aux termes des alinéas 29c) et 18a) de la Loi sur l’AE;
  3. Le conseil a accueilli l’appel de l’intimé en se fondant sur son départ pour obtenir un emploi mieux rémunéré afin de subvenir à ses besoins, sur l’allégation qu’il a fait ce que toute personne aurait fait pour améliorer son sort et qu’il avait une assurance raisonnable de se trouver un emploi à la GRC ou auprès de son ancien employeur.
  4. Le conseil aurait dû examiner les autres solutions raisonnables avant de conclure que l’intimé avait un motif valable pour quitter son emploi.
  5. Si le conseil avait appliqué correctement le bon critère juridique sur la justification à quitter son emploi aux faits de cette cause, aux termes de l’alinéa 29(c) de la Loi sur l’AE, il aurait conclu raisonnablement que l’intimé avait d’autres solutions raisonnables quand il a quitté son emploi.
  6. Le conseil a commis une erreur en concluant que l’intimé avait démontré sa disponibilité pour travailler puisqu’il existe une présomption de non-disponibilité lorsqu’un prestataire suit des cours à temps plein de sa propre initiative; l’intimé n’avait pas démontré des circonstances exceptionnelles pour réfuter cette présomption.
  7. Par conséquent, le conseil a erré en accueillant l’appel sur la question du départ volontaire et sur la question de disponibilité pour travailler.

[14] Lors de l’audience de la DA, l’appelante a concédé la question de la disponibilité et elle a présenté des observations uniquement sur la question du départ volontaire.

[15] L’intimé n’a pas assisté à l’audience de la DA et n’a pas présenté d’observations écrites.

[16] La DA du Tribunal avait accordé la permission d’en appeler sur les questions de départ volontaire et de disponibilité pour travailler aux motifs d’erreurs de droit et d’erreurs mixtes de fait et de droit. L’appel a procédé uniquement sur la question du départ volontaire.

Norme de contrôle

[17] Comme l’a déjà déterminé la Cour d’appel fédérale dans la décision Canada (PG) c. Jewett, (2013) CAF 243, Chaulk c. Canada (PG), (2012) CAF 190 et d’autres décisions, la norme de contrôle applicable aux questions de droit et de compétence dans les appels relatifs à l’assurance-emploi est celle de la décision correcte, tandis que la norme de contrôle applicable aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit dans les appels relatifs à l’assurance-emploi est celle de son caractère raisonnable.

[18] Cependant, dans les décisions Canada (Procureur général) c. Paradis; Canada (Procureur général) c. Jean, (2015) CAF 242, la Cour d’appel fédérale a suggéré que cette approche n’est pas appropriée lorsque la DA du Tribunal révise les décisions en matière d’assurance-emploi rendues par la DG.

[19] Je suis dans l’embarras quant à la solution de ces divergences apparentes. Puisque l’affaire actuelle tient d’un appel contre la décision d’un conseil arbitral et non de la division générale, je vais procéder comme l’ont fait les juges-arbitres : je vais considérer que la norme de contrôle applicable dépend de la nature des erreurs alléguées en cause.

[20] En l’espèce, des erreurs de droit et des erreurs mixtes de fait et de droit sont alléguées.

Analyse

[21] Dans sa décision, le conseil se réfère à trois décisions du conseil arbitral, les numéros 61362, 54372 et 34308. Il n’a pas énoncé le critère juridique qu’il avait appliqué à la question du départ volontaire.

[22] Le conseil a conclu que l’intimé avait « fait ce que toute personne raisonnable aurait fait pour améliorer son sort »; il a conclu également que ce dernier n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi et qu’il tenait une assurance raisonnable d’obtenir un emploi au retour de sa formation.

[23] Dans la décision CUB 61362, le prestataire avait reçu l’autorisation de suivre un cours de formation qui avait été annulé par le collège par la suite; l’année suivante, le collège avait offert le même cours, le prestataire s’était cru toujours admissible aux prestations d’AE et avait quitté son emploi pour suivre cette formation.

[24] Dans ses observations écrites, la partie appelante a fait valoir que la décision CUB 61362 est de nature différente de l’affaire actuelle parce que, ici, l’intimé n’avait pas reçu l’autorisation de s’inscrire à ce programme de formation. Lors de l’audience de la DA, cependant, la partie appelante a affirmé qu’il avait été recommandé à l’intimé de suivre cette formation, mais que cette recommandation avait été produite par erreur puisqu’il était sans emploi au moment où il devait commencer le cours. L’intimé avait un emploi qu’il a quitté pour suivre cette formation, mais la recommandation n’a pas été formellement annulée.

[25] En tout cas, l’affaire CUB 61362 est différente de celle-ci quant aux faits. Ce prestataire-là était admissible aux prestations d’AE avant d’entreprendre son programme de formation en 2002, le programme a été annulé, mais le prestataire avait un emploi; l’année suivante, on lui a offert une place dans le même programme, c’est alors qu’il a quitté son emploi pour s’y inscrire. La situation de l’intimé n’est pas analogue à celle du prestataire de l’affaire CUB 61362.

[26] Dans la décision CUB 54372, le juge-arbitre avait estimé que la conclusion du conseil, à savoir que le prestataire avait quitté son emploi avec une assurance raisonnable d’un autre emploi, était bien fondée sur les éléments de preuve et que, par conséquent, personne ne pourrait alléguer que le conseil avait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle aurait tirée de façon abusive ou arbitraire et sans tenir compte des éléments dont elle disposait. Le conseil avait traité l’affaire non pas comme un départ de son emploi pour suivre une formation, mais plutôt comme un départ afin d’accepter un autre emploi.

[27] Dans l’affaire qui nous occupe, le conseil a déterminé que, dans son avis d’appel, le demandeur avait indiqué dans sa demande qu’il occuperait un meilleur poste quand il retournerait au travail. Il a également déterminé que l’intimé avait « une assurance raisonnable de trouver un emploi soit à la GRC, soit auprès de son ancien employeur ». Toutefois, il n’existe aucun élément de preuve au dossier qui démontre qu’il avait quitté son emploi avec cette assurance raisonnable d’occuper un autre emploi (ou son emploi antérieur), ni aucune mention d’un emploi à la GRC. Une affirmation dans un avis d’appel ne constitue pas un élément de preuve. La détermination du conseil au sujet de la GRC semble provenir de son raisonnement sur la décision CUB 54372 et non du dossier d’appel dans l’affaire actuelle. De plus, dans la présente affaire, l’intimé a quitté son emploi pour suivre un cours et non pas pour accepter un autre emploi.

[28] Puisque le conseil n’a pas énoncé le critère juridique qu’il entendait appliquer sur la question du départ volontaire, n’a pas appliqué le bon critère juridique, et a invoqué des décisions qui étaient de natures différentes de celle qui nous occupe, je conclus que le conseil a commis une erreur de droit. De plus, certaines des conclusions de fait du conseil étaient erronées et tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[29] Par conséquent, la division d’appel est tenue, selon la norme de la décision correcte, d’entreprendre sa propre analyse afin de décider si elle devrait rejeter l’appel, rendre la décision que le Conseil aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale ou confirmer, infirmer ou modifier la décision.

[30] Dans ces circonstances et vu les lacunes relevées dans les conclusions du conseil, il m’est impossible de rendre la décision que le conseil aurait dû rendre.

[31] À la lumière des observations des parties et à la suite de mon examen de la décision du conseil et du dossier d’appel, j’accueille l’appel sur la question du départ volontaire et je rejette l’appel sur la question de la disponibilité. Vu la nécessité en l’espèce que les parties produisent des éléments de preuve, il convient que l’affaire soit instruite dans le cadre d’une audience devant la division générale.

Conclusion

[32] L’appel est accueilli sur la question du départ volontaire uniquement. L’appel est rejeté en ce qui a trait à la question de disponibilité. L’affaire sera renvoyée à la division générale pour réexamen en conformité avec les présents motifs.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.