Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

[1] L’audience initialement prévue le 3 février 2016 a été ajournée. Une nouvelle date d’audience a été établie soit, le 21 avril 2016.

[2] L’appelant, monsieur F. G., était présent lors de l’audience téléphonique (téléconférence) tenue le 21 avril 2016.

Introduction

[3] Le 21 avril 2015, l’appelant a présenté une demande initiale de prestations ayant pris effet le 19 avril 2015. L’appelant a déclaré avoir travaillé pour l’employeur Menuiserox inc., du 29 novembre 2002 au 2 avril 2015 inclusivement, et avoir cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un congédiement ou d’une suspension (pièces GD3-3 à GD3-12).

[4] Le 1er juin 2015, l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») a informé l’appelant qu’il n’avait pas droit aux prestations régulières de l’assurance-emploi, à partir du 10 mai 2015, car il a cessé de travailler pour l’employeur Menuiserox inc., le 13 avril 2015, en raison de son inconduite (pièces GD3-26 et GD3-27).

[5] Le 16 juin 2015, l’appelant a présenté une Demande de révision d’une décision d’assurance-emploi (pièces GD3-29 et GD3-30).

[6] Le 15 juillet 2015, la Commission a avisé l’appelant qu’elle maintenait la décision rendue à son endroit le 1er juin 2015 (pièces GD3-32 et GD3-33).

[7] Le 19 août 2015, l’appelant a présenté un Avis d’appel auprès de la Division générale de la Section de l’assurance-emploi du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal »).

[8] Le 31 août 2015, le Tribunal a informé l’employeur Menuiserox inc. que s’il voulait être ajouté à titre de « personne mise en cause » dans le présent dossier, il devait déposer une demande à cet effet au plus tard le 16 septembre 2015 (pièces GD5-1 et GD5-2). L’employeur n’a pas donné suite à cette lettre.

[9] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience Téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. Le fait que l’appelant sera la seule partie à assister à l’audience ;
  2. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent (pièces GD1-1 à GD1-4).

Question en litige

[10] Le Tribunal doit déterminer si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

Droit applicable

[11] Les dispositions relatives à l’inconduite sont mentionnées aux articles 29 et 30 de la Loi.

[12] En ce qui concerne une « exclusion » du bénéfice des prestations d’assurance-emploi ou une « inadmissibilité » à celles-ci, les paragraphes 29a) et 29b) de la Loi prévoient que :

[…] Pour l’application des articles 30 à 33 : a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations; b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant […].

[13] Concernant une « exclusion » en raison d’une « inconduite » ou d’un « départ sans justification », le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit que :

[…] Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas : a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage; b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[14] Relativement à une « exclusion non touchée par une perte d’emploi subséquente », le paragraphe 30(2) de la Loi précise que :

[…] L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

Preuve

[15] Les éléments de preuve contenus dans le dossier sont les suivants :

  1. Un relevé d’emploi, en date du 20 avril 2015, indique que l’appelant a travaillé pour l’employeur Menuiserox inc., du 12 octobre 2008 au 13 avril 2015 inclusivement, et qu’il a cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un congédiement (code M – congédiement), (pièce GD3-13) ;
  2. Les 27 avril 2015 et 20 mai 2015, l’employeur a déclaré avoir congédié l’appelant après que celui-ci ait, sur les lieux de travail, saisi un autre employé à la gorge, en simulant de l’étrangler. L’employeur a expliqué qu’il ne pouvait tolérer ce genre de geste de la part d’un employé. L’employeur a trouvé inacceptable le comportement de l’appelant, d’autant plus que celui-ci avait semblé banaliser l’événement. Il a expliqué qu’il y avait eu une gradation des sanctions avant de procéder au congédiement de l’appelant. L’employeur a précisé que l’appelant a d’abord été suspendu et que cette suspension avait été modifiée pour un congédiement. Il a précisé qu’il y avait une politique de tolérance zéro et que c’était pour cette raison que l’appelant avait été congédié. L’employeur a souligné que l’appelant était un chef d’équipe et qu’il était également président du syndicat. Il a fait valoir que l’exemple que l’appelant avait donné lors de l’incident reproché n’était pas bon pour les autres employés. L’employeur a expliqué que l’appelant, ainsi que l’autre employé concerné, avaient eu la chance de donner leur version des faits. L’employeur a relaté que l’autre employé s’était plaint auprès de l’appelant parce que ce dernier avait mis des palettes (de bois) à un endroit qui nuisait à l’accomplissement du travail de l’autre employé en question. L’employeur a expliqué que ces deux personnes avaient commencé à s’obstiner et que l’appelant était descendu de son « lift » (chariot élévateur) pour aller prendre l’autre employé à la gorge, devant d’autres employés. Selon l’employeur, la version donnée par l’appelant indique que celui-ci avait expliqué qu’il était tanné de la situation et que s’il avait réellement voulu étrangler l’autre employé, il aurait pu le faire, mais que cela n’avait pas été le cas. Il a souligné que l’appelant n’était pas connu pour avoir des problèmes avec les autres employés, mais que celui-ci avait déjà été rencontré concernant une simulation de geste de violence dans le passé, mais qu’il n’avait pas eu de mesure disciplinaire à son endroit. L’employeur a précisé que l’entreprise a une politique de gradation des sanctions, mais que dans les cas de violence, il peut imposer une suspension ou effectuer un congédiement. Il a indiqué que l’appelant avait déposé un grief dans le but de contester son congédiement (pièces GD3-14 et GD3-15) ;
  3. Le 20 mai 2015, l’employeur a transmis à la Commission une copie des documents suivants:
    1. « Menuiserox – Règlements de Santé et Sécurité au Travail ». Ce document, signé par l’appelant en date du 6 mai 2008, indique qu’il est notamment interdit d’avoir un comportement portant atteinte à la sécurité de tout le personnel, tel que la bousculade, la tiraillerie ou la bagarre (pièces GD3-16 à GD3-18) ;
    2. « Menuiserox – Politique de progression des mesures disciplinaires » (pièces GD3-19 et GD3-20) ;
  4. Le 28 mai 2015, l’employeur a déclaré qu’il n’était pas au courant des frictions qui pouvaient exister entre l’employé qui avait été pris à la gorge par l’appelant et ce dernier. Il s’est dit en désaccord avec les allégations de l’appelant concernant les lacunes soulevées par celui-ci au sujet des mesures de sécurité appliquées dans l’entreprise. L’employeur a affirmé que lors de sa dernière journée de travail, il était possible qu’un employé (monsieur G. R.) ait demandé à l’appelant de déplacer une palette et que ce dernier ait refusé de le faire, ce qui a mené à l’altercation entre ces deux personnes, mais que « rien ne pardonne le geste de violence posé ». L’employeur a précisé qu’aucune plainte n’avait été déposée contre l’employé ayant eu une altercation avec l’appelant (monsieur G. R.) ni contre le superviseur (monsieur B. T.). Il a souligné que plusieurs employés s’étaient plaints de l’appelant et que plusieurs d’entre eux lui ont également demandé de ne pas le reprendre, puisque l’environnement de travail était beaucoup plus léger depuis son congédiement. L’employeur a indiqué qu’il confirmait la version des faits donnée par l’appelant concernant l’incident survenu avec l’employé en question. L’employeur a indiqué qu’il n’avait aucune note au dossier indiquant que l’appelant avait mentionné qu’il existait un problème avec cet employé ni que l’appelant vivait du harcèlement de la part de cet employé. L’employeur a expliqué que si l’appelant avait soulevé ces questions, des mesures auraient alors été prises afin de trouver une solution à ce problème. Il a indiqué que l’appelant aurait pu déposer une plainte pour harcèlement contre l’employé concerné. L’employeur a spécifié que l’appelant était aussi en droit de déposer un grief à cet effet, mais que rien n’avait été fait en ce sens avant que celui-ci ne soit congédié (pièce GD3-24 et GD3-25) ;
  5. Le 5 juin 2015, l’employeur a précisé que l’appelant avait cessé de travailler le 2 avril 2015, qu’il avait été suspendu pour la semaine du 5 au 11 avril 2015 et qu’il avait été congédié le 13 avril 2015 (pièce GD3-28) ;

[16] Les éléments de preuve présentés à l’audience sont les suivants :

  1. L’appelant a expliqué que, dans le cadre de son travail, il conduisait un chariot élévateur (« lift ») pour transporter du bois et qu’un collègue de travail plaçait des chariots de fer (chariots manuels) à un endroit qu’il considérait comme inapproprié ou non sécuritaire. Il a expliqué qu’il y avait toujours un de ces chariots dans ses jambes. L’appelant a expliqué que lorsqu’il arrivait avec un paquet de bois, il avait toujours peur d’accrocher un chariot de fer avec son chariot élévateur et risquer ainsi de blesser des employés. Il a affirmé avoir averti l’employé en question à de multiples reprises (une cinquantaine de fois) à cet effet. L’appelant a indiqué qu’à la suite de tous les avertissements qu’il avait donnés, il en était arrivé à « perdre le contrôle » de lui. Selon l’appelant, cet employé avait également un problème de surdité important et qu’il n’entendait même pas le klaxon du chariot élévateur. Il a affirmé avoir signalé le problème au sujet de l’endroit à utiliser, selon lui, pour placer les chariots de fer, à son superviseur (monsieur B. T.). Ce dernier était également actionnaire de l’entreprise. Aucune solution n’avait été apportée à cette situation. L’appelant a souligné que ce problème ne semblait pas déranger l’employeur. Lors de la journée où s’est déroulée l’altercation avec l’employé, l’appelant a affirmé avoir à nouveau averti celui-ci de ne pas mettre les chariots de fer dans ses jambes, mais qu’il lui avait répondu : « mange de la marde […] les chariots vont rester là ». L’appelant a indiqué être alors descendu de son chariot élévateur pour prendre l’employé à la gorge. Il a affirmé avoir fait semblant de l’étouffer et qu’il n’avait aucunement l’intention de le faire. L’appelant a souligné qu’il connaissait cet employé et qu’il arrivait souvent qu’ils puissent se taquiner ou s’agacer. Il a indiqué qu’il ne se sentait pas coupable là-dedans. Il a affirmé avoir dit à son employeur que si le geste qui lui a été reproché était de l’inconduite, il allait arrêter de travailler parce que ça n’allait plus être vivable de travailler à cet endroit (pièces GD2-1 à GD2-6, GD3-22, GD3-23, GD3-31 et GD3-34) (pièces GD3-22 et GD3-23) ;
  2. L’appelant a indiqué que les déclarations qu’il a faites antérieurement auprès de la Commission quant aux circonstances ayant mené à son congédiement le 13 avril 2015, étaient véridiques (pièces GD2-1 à GD2-6, GD3-22, GD3-23, GD3-31 et GD3-34) ;
  3. L’appelant a soutenu que le geste qui lui a été reproché était en lien avec les problèmes vécus avec son superviseur. Il a fait valoir que, depuis deux ans, son superviseur lui « passait le poing dans la face » (passer le poing au visage à un demi-pouce du nez), presque à tous les jours, qu’il était tanné de cette situation et qu’il en avait avisé le patron. L’appelant a indiqué qu’il aurait dû déposer un grief relativement à ce problème. Il a mentionné avoir discuté de cette situation avec l’employeur (les « boss »), mais le comportement du superviseur ne changeait pas. L’appelant a qualifié les gestes de son superviseur à son endroit comme du harcèlement psychologique et physique. Il a soutenu que la consigne de mettre les chariots de fer à un endroit qu’il trouvait inapproprié provenait de l’actionnaire (superviseur). Il a affirmé que cette consigne avait pour but de l’envoyer se « promener » et que, dans ce contexte, il aurait mieux valu qu’il s’en prenne à l’actionnaire. L’appelant a souligné que l’employé avec lequel il a eu une altercation avait obéi aux ordres de son supérieur et qu’il n’était pas responsable du fait qu’il plaçait les chariots de fer à l’endroit où on lui avait demandé de les placer. L’appelant a affirmé que l’actionnaire en question était passé proche d’avoir un coup de poing (pièces GD2-1 à GD2-6, GD3-22 et GD3-23) ;
  4. Il a précisé avoir cessé de travailler le 2 avril 2015, avoir ensuite été suspendu pendant une période de cinq jours (cinq jours de pénalité), dans la semaine du 5 au 11 avril 2015, et avoir été congédié le 13 avril 2015 (pièce GD3-28). L’appelant a spécifié qu’après avoir reçu une lettre de suspension, il a été avisé par l’employeur de ne pas se présenter au travail, après sa période de suspension, puisqu’il allait être congédié. Il a indiqué avoir également reçu une lettre de congédiement. Il a spécifié avoir déposé des griefs dans le but de contester sa suspension ainsi que son congédiement (pièces GD2-1 à GD2- 6, GD3-22, GD3-23 et GD3-28 à GD3-30) ;
  5. L’appelant a expliqué qu’une entente était intervenue avec son employeur en février 2016, à la suite du dépôt des griefs déposés visant à contester son congédiement. L’appelant a précisé qu’en vertu de cette entente, convenue à l’amiable, il a reçu une somme de 12 151,96 $ (montant brut) de la part de son employeur. Ce qui représente environ 20-22 semaines de travail. Il a mentionné qu’il s’agissait d’une indemnité de fin d’emploi. L’appelant a indiqué que l’employeur a émis une nouvelle cessation d’emploi, à la suite du règlement intervenu, mais que le motif de la cessation de son emploi était demeuré le même soit, un congédiement (code M- congédiement), (pièces GD3-13, GD3- 29 et GD3-30) ;
  6. L’appelant a indiqué avoir commencé un nouvel emploi auprès d’un nouvel employeur le 28 août 2015. Il a indiqué qu’il ne retournerait pas travailler chez son ancien employeur et qu’il était fier être d’être parti de là. L’appelant a souligné que son nouvel employeur offre un environnement de travail empreint de respect envers tous les employés.

Arguments des parties

[17] L’appelant a présenté les observations et les arguments suivants :

  1. Il a expliqué avoir été congédié pour avoir pris un autre employé à la gorge pendant son quart de travail (pièces GD3-3 à GD3-12, GD3-22 et GD3-23) ;
  2. L’appelant a affirmé n’avoir blessé personne. Il a expliqué que lorsqu’il conduit un chariot élévateur et qu’il doit transporter du bois de 16 pieds de long, il n’est pas normal qu’il y ait un employé qui vienne mettre des chariots dans son chemin pour l’empêcher de passer (pièces GD2-1 à GD2-6) ;
  3. L’appelant a déclaré qu’il savait que le geste qu’il a posé n’était pas correct. Il a expliqué avoir « pété sa coche » parce que ça faisait au moins 50 fois qu’il avait dit à l’employé en question de ne pas mettre les chariots à un endroit spécifique parce que ça pouvait représenter un grand danger d’accidents. L’appelant a indiqué en avoir eu juste assez, lors de la journée où il a commis le geste reproché, d’autant plus qu’il avait la grippe, qu’il ne se sentait pas bien et qu’il avait énormément de travail à faire (pièces GD3-22 et GD3-23 et GD3-31) ;
  4. Il a expliqué que s’il avait su qu’il allait être congédié et qu’il n’allait pas avoir droit au bénéfice des prestations, il aurait fait plus que de serrer l’employé à la gorge. L’appelant a indiqué qu’avec tous ces événements, il se sentait dépressif (pièce GD3-31) ;
  5. L’appelant a déclaré que ce n’était pas à l’employé concerné qu’il aurait dû s’en prendre la journée où les gestes qui lui ont été reprochés s’étaient produits, mais plutôt à l’actionnaire de l’entreprise qui le harcelait (ex. : lui passer le poing au visage, à un demi- pouce du nez, régulièrement, pour l’écœurer), (pièces GD2-1 à GD2-6, GD3-22, GD3-23 et GD3-34) ;
  6. L’appelant a expliqué qu’il travaillait depuis 12-13 ans pour cet employeur, qu’il était chef d’équipe et qu’il était également président du syndicat (pièces GD2-1 à GD2-6, GD3-22 et GD3-23). Il a soutenu que l’employeur avait profité du fait qu’il était président du syndicat pour le congédier. Il a expliqué qu’à titre de président du syndicat, il était sensible à l’aspect touchant la sécurité des employés de l’usine. L’appelant a donné, en guise d’exemple, que lorsque la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST – maintenant la CNESST – Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail) effectuait une enquête sur les lieux du travail, l’employeur n’aimait pas cela (pièces GD2-1 à GD2-6, GD3-22, GD3-23, GD3-29 et GD3-30) ;
  7. L’appelant a fait valoir qu’à titre de président du syndicat, il travaillait fort pour assurer la sécurité des employés. Il a indiqué que même si plusieurs pratiques de l’employeur pouvaient mettre en danger cette sécurité, il n’avait pas osé contacter la CSST (CNESST) car, il ne voulait pas se faire congédier par l’employeur. Selon l’appelant, chaque fois qu’il évoquait des risques de blessures ou d’accident et la possibilité de contacter la CSST (CNESST) si rien n’était fait, l’employeur lui faisait comprendre que s’il se plaignait, il allait perdre son emploi. L’appelant a affirmé qu’il ne voulait pas contacter cette instance, de crainte que l’usine ne soit contrainte de fermer afin de se conformer aux normes. Il a déclaré que l’accumulation de frustrations et l’inaction de la direction, malgré ses nombreuses démarches afin de rendre l’environnement de travail plus sécuritaire, l’avaient amené à poser un geste reprochable et que ce geste avait mené à son congédiement. Il a indiqué qu’il ne voulait pas s’obstiner avec les employés et que, même s’il était chef d’équipe, ce n’était pas à lui de gérer ces derniers, mais bien au superviseur. L’appelant a déclaré qu’il était humain et qu’il n’en pouvait plus de la situation de harcèlement qu’il vivait et de l’inaction de l’entreprise concernant les situations potentiellement dangereuses qu’il dénonçait, concernant la sécurité des employés et que rien n’était fait de la part de l’employeur à cet effet. L’appelant a fait valoir qu’il pourrait aviser la CSST (CNESST), car il y a un nombre important de lacunes quant à la sécurité au travail. Selon l’appelant, son congédiement est un coup monté et il en paie le prix. Il a soutenu avoir été injustement congédié (pièces GD2-1 à GD2-6, GD3-22, GD3-23, GD3-29 et GD3-30) ;
  8. L’appelant a fait valoir que la Commission ne lui avait pas demandé sa version des faits avant de rendre une décision en révision à son endroit (pièces GD2-1 à GD2-6).

[18] L’intimée (la Commission) a présenté les observations et arguments suivants :

  1. Le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit l’imposition d’une exclusion d’une durée indéterminée s’il est établi que le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. La Commission a expliqué que pour que le geste reproché constitue de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi, il faut qu’il ait un caractère volontaire ou délibéré ou qu’il résulte d’une insouciance ou d’une négligence telles qu’il frôle le caractère délibéré. Elle a précisé qu’il doit également y avoir une relation de cause à effet entre l’inconduite et le congédiement (pièce GD4-4) ;
  2. La Commission a fait valoir que lorsque les actes de violence sont commis dans le milieu de travail par un employé envers un autre employé, on peut conclure qu’il y a inconduite puisque le geste violent posé fait en sorte qu’une condition essentielle de l’emploi cesse d’être satisfaite soit, conserver un climat de travail sain et harmonieux. Elle a souligné qu’un employé doit agir avec respect dans ses rapports avec ses collègues de travail et éviter tout écart de conduite qui pourrait être perçu comme une offense (pièce GD4-4) ;
  3. La Commission a expliqué que, dans le cas présent, l’appelant a admis avoir commis le geste reproché, soit d’avoir pris à la gorge un collègue de travail parce que celui-ci ne voulait pas déplacer des palettes nuisibles à son travail et dangereuses pour la sécurité des employés, même après avoir demandé à maintes reprises à cet employé d’éviter de les placer à cet endroit. Elle a indiqué que même si l’appelant avait allégué qu’il était malade et qu’il avait beaucoup de travail cette journée-là, cet état d’âme ne justifie pas le geste de violence porté envers son collègue de travail, surtout en tant que chef d’équipe et président syndical. Selon la Commission, l’appelant ne pouvait ignorer qu’un tel geste ne serait pas toléré par l’employeur et qu’il risquait d’entraîner le congédiement. Elle a émis l’avis que l’appelant aurait dû se tourner vers la direction pour faire respecter les directives sur l’endroit où placer les palettes, plutôt que de s’emporter et poser un geste de violence inacceptable envers son collègue de travail, étant donné que ce dernier ne voulait suivre ses directives. La Commission a indiqué que l’appelant a mentionné avoir subi du harcèlement de la part d’un des actionnaires et que la direction était au courant de cette situation, mais ne faisait rien. Elle a précisé que quelques semaines avant le congédiement de l’appelant, cet actionnaire lui avait mis son poing sous le nez, le narguant de se défendre, ce que l’appelant avait failli faire. La Commission a mentionné qu’à la suite de cette altercation, le superviseur, informé par l’actionnaire, a provoqué une discussion entre eux et la situation s’est rétablie. Elle a fait valoir que l’appelant a expliqué ne pas avoir avisé la CSST (CNESST) de certaines pratiques dangereuses pour la sécurité des travailleurs parce qu’il était menacé par l’employeur de perdre son emploi ou d’une fermeture de l’usine pour non-conformité aux normes. La Commission a indiqué que l’employeur a affirmé que les palettes étaient placées en dehors du corridor de circulation pour les chariots et ne nuisaient aucunement au travail de l’appelant. Elle a indiqué que l’appelant a expliqué avoir posé ce geste de violence parce qu’il avait une accumulation de frustration et parce que la direction ne prenait aucune action pour rendre l’environnement de travail plus sécuritaire. La Commission a précisé que l’appelant a expliqué avoir été provoqué par son collègue de travail qui spécifiait qu’il ne bougerait pas les palettes. Elle a soutenu que malgré l’accumulation de frustration, la provocation et le fait que l’employeur ne prenait pas les dispositions nécessaires à l’environnement de travail sécuritaire, perdre patience et prendre à la gorge son collègue de travail n’est pas une façon de régler un problème considérant les responsabilités de l’appelant en tant que chef d’équipe et de président syndical. La Commission a fait valoir que même si l’appelant a mentionné que l’agent n’a pas pris sa version des faits lors de la conversation qu’il a eue avec lui le 15 juillet 2015, lors de cette conversation, l’appelant a confirmé avoir posé le geste après avoir perdu patience et que s’il avait connu la tournure des événements, il aurait fait plus que serrer la gorge de son collègue de travail. Selon la Commission, même si l’appelant a précisé n’avoir blessé personne, le geste en lui-même de prendre à la gorge un autre employé, même sans blessure, est intolérable pour maintenir un bon climat de travail et pour un employeur, il ne faut pas attendre qu’il y ait blessure avant de réagir. Elle a expliqué que l’appelant prétend que c’était un coup monté, alors que l’employeur n’avait rien à lui reprocher à part l’événement survenu avec un des actionnaires qui s’est bien terminé après discussion. La Commission a souligné que l’employeur avait admis être au courant de cette situation et n’avait imposé aucune sanction à l’appelant (pièces GD4-4 et GD4-5) ;
  4. La Commission a conclu que le geste de violence que l’appelant a posé envers son collègue de travail soit, de le prendre à la gorge pour se faire entendre, constituait un geste d’inconduite au sens de la Loi, surtout pour un chef d’équipe et président syndical. Selon la Commission, un tel geste est inacceptable pour un employeur qui veut conserver un climat de travail sain et harmonieux dans son usine (pièce GD4-5).

Analyse

[19] Bien que la Loi ne définisse pas le terme d’inconduite, la jurisprudence mentionne, dans l’arrêt Tucker (A-381-85), que :

Pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d'une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail.

[20] Dans cette décision (Tucker, A-381-85), la Cour d’appel fédérale (la « Cour ») a rappelé les propos du juge Reed à l’effet que :

[…] L’inconduite, qui rend l’employé congédié inadmissible au bénéfice des prestations de chômage, existe lorsque la conduite de l’employé montre qu’il néglige volontairement ou gratuitement les intérêts de l’employeur, par exemple, en commettant des infractions délibérées, ou ne tient aucun compte des normes de comportement que l’employeur a le droit d’exiger de ses employés, ou est insouciant ou négligent à un point tel et avec une fréquence telle qu’il fait preuve d’une intention délictuelle […].

[21] Dans l’affaire Mishibinijima (2007 CAF 36), la Cour a fait le rappel suivant :

Il y a donc inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est-à- dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.

[22] Dans l’arrêt McKay-Eden (A-402-96), la Cour a apporté la précision suivante : « À notre avis, pour qu’une conduite soit considérée comme une «inconduite» sous le régime de la Loi sur l’assurance chômage, elle doit être délibérée ou si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéré. ».

[23] La Cour a défini la notion juridique d’inconduite au sens du paragraphe 30(1) de la Loi comme une inconduite délibérée dont le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle était de nature à entraîner son congédiement. Pour déterminer si l’inconduite peut mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte de son emploi. L’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail (Lemire, 2010 CAF 314).

[24] Les décisions rendues dans les affaires Cartier (A-168-00) et MacDonald (A-152-96) confirment le principe établi dans la cause Namaro (A-834-82) selon lequel il doit également être établi que l’inconduite a constitué la cause du congédiement du prestataire.

[25] Pour que le geste reproché constitue de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi, il faut qu’il ait un caractère volontaire ou délibéré ou qu’il résulte d’une insouciance ou d’une négligence telle qu’il frôle le caractère délibéré. Il doit également y avoir une relation de cause à effet entre l’inconduite et le congédiement.

[26] Déterminer si la conduite d’un employé a entraîné la perte de son emploi constitue une inconduite est une question de fait à régler à partir des circonstances de chaque cas.

[27] Dans le cas présent, le geste reproché à l’appelant soit, d’avoir pris un employé à la gorge, constitue clairement de l’inconduite sens de la Loi.

Caractère délibéré du geste reproché

[28] L’appelant a reconnu avoir posé le geste qui lui a été reproché et qui a mené à son congédiement.

[29] Il a indiqué qu’il avait pris à la gorge un employé, mais qu’il n’avait pas serré et ne l’avait pas blessé. L’appelant a précisé que dans le cadre de son travail, il conduisait un chariot élévateur (« lift ») et qu’il avait averti l’employé en question à de multiples reprises, de ne pas placer des chariots de fer (chariots manuels) à un endroit qui pouvait compromettre la sécurité des employés ou nuire à l’accomplissement de son travail.

[30] L’appelant a précisé avoir « pété sa coche » lorsqu’il a de nouveau averti l’employé concerné et que celui-ci lui a répondu en utilisant un langage grossier. L’appelant a affirmé avoir été provoqué par cet employé. C’est alors que l’appelant est descendu de son chariot élévateur pour prendre l’employé à la gorge en simulant de l’étrangler.

[31] Malgré la description faite par l’appelant et les circonstances dans lesquelles le geste qui lui a été reproché a été commis, le Tribunal considère que ce geste revêtait un caractère délibéré. Son geste était conscient, voulu ou intentionnel (Mishibinijima, 2007 CAF 36, McKay-Eden, A- 402-96, Tucker, A-381-85).

[32] Même si l’appelant a fait preuve de transparence et d’honnêteté au sujet de l’acte qui lui a été reproché, il ne pouvait ignorer que poser un geste de violence envers un collègue de travail est un acte entièrement incompatible avec les fonctions qui lui sont dévolues pour l’accomplissement de son travail. L’appelant a reconnu que le geste qu’il avait posé « n’était pas correct » (pièce GD3-31).

[33] En posant le geste qui lui a été reproché, l’appelant a contrevenu à une attente tout à fait légitime de son employeur.

[34] L’employeur a clairement indiqué qu’il ne pouvait tolérer le geste qui a été commis par l’appelant et que rien ne pouvait pardonner un tel geste (pièces GD3-14, GD3-24 et GD3-25).

[35] L’employeur a aussi précisé qu’il y avait une politique de tolérance zéro concernant la violence dans le milieu de travail (pièce GD3-15).

[36] Le document intitulé « Menuiserox – Règlements de Santé et Sécurité au Travail », et signé par l’appelant en date du 6 mai 2008, précise d’ailleurs l’élément suivant : « Il est défendu : […] D’avoir un comportement portant atteinte à la sécurité de tout le personnel, tel que la bousculade, la tiraillerie ou la bagarre. » (pièce GD3-18).

[37] L’employeur a aussi souligné qu’à titre de chef d’équipe et de président du syndicat, l’appelant avait donné un mauvais exemple aux autres employés lors de l’incident survenu (pièce GD3-15).

[38] L’appelant savait pertinemment qu’il devait se conformer à l’exigence clairement exprimée par l’employeur.

[39] Même si l’appelant a fait valoir qu’il avait été malade et qu’il avait beaucoup de travail à accomplir lorsque l’incident avec un collègue de travail est survenu, cette situation ne peut justifier le geste de violence qu’il a posé à l’endroit de ce dernier.

[40] Le Tribunal considère que l’appelant a consciemment choisi de passer outre une exigence fondamentale liée à son emploi. En agissant de la sorte, l’appelant a brisé le lien de confiance qui l’unissait à son employeur (Tucker, A-381-85).

[41] L’appelant n’a pas tenu compte des normes de comportement que l’employeur avait le droit d’exiger à son endroit (Tucker, A-381-85).

[42] L’appelant a manqué à une obligation fondamentale résultant expressément ou implicitement du contrat de travail (Tucker, A-381-85, Lemire, 2010 CAF 314).

[43] Le Tribunal est d’avis que l’acte reproché à l’appelant était d’une portée telle que celui-ci pouvait normalement prévoir qu’il serait susceptible de provoquer son congédiement. Il savait que sa conduite était de nature à entraver les obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié (Tucker, A-381-85, Mishibinijima, 2007 CAF 36).

Rôle de représentant syndical et activités syndicales de l’appelant

[44] Le Tribunal ne retient pas l’argument de l’appelant selon lequel l’employeur a profité du fait qu’il était président du syndicat pour le congédier parce qu’il avait, à ce titre, effectué plusieurs interventions concernant la santé et la sécurité au travail dans l’entreprise. L’appelant a souligné que son congédiement était un « coup monté » (pièce GD2-4).

[45] Selon l’appelant, à chaque fois qu’il évoquait auprès de son employeur, les risques de blessures ou d’accident chez des employés et la possibilité de contacter la CSST (CNESST) si aucune mesure n’était prise pour corriger la situation, l’employeur lui faisait comprendre que s’il se plaignait, il allait perdre son emploi (pièces GD3-22 et GD3-23).

[46] Le Tribunal considère que l’argument de l’appelant sur cette question ne peut faire en sorte de justifier l’acte de violence qu’il a commis à l’endroit d’un collègue de travail.

[47] Le Tribunal estime d’ailleurs qu’aucun élément de preuve pertinent ne permet de faire la démonstration que l’appelant aurait été congédié parce qu’il était président du syndicat et parce qu’il prenait les questions relatives à la santé et la sécurité au travail trop à cœur en effectuant des signalements auprès de la CSST (CNESST).

Harcèlement au travail

[48] L’appelant a soutenu que le geste qui lui a été reproché était en lien avec des problèmes de harcèlement qu’il dit avoir vécu avec son superviseur pendant une période de deux ans. L’appelant affirmé que son superviseur lui passait régulièrement le poing dans la figure pour le narguer, en lui disant de se défendre, mais que l’employeur, bien qu’au courant de cette situation, n’avait rien fait pour la corriger (pièces GD3-22 et GD3-23).

[49] Le Tribunal ne peut retenir cet argument en faveur de l’appelant. D’abord, le harcèlement dont l’appelant a dit avoir été l’objet de la part de son employeur ne peut servir de justification au geste de violence qu’il a posé à l’endroit d’un de ses collègues de travail.

[50] En outre, aucun élément de preuve pertinent ne permet de faire la démonstration que l’appelant a vécu du harcèlement dans son milieu de travail.

[51] L’employeur a déclaré qu’il ne disposait d’aucune note au dossier pouvant démontrer que l’appelant avait signalé que l’appelant vivait du harcèlement au travail. Le Tribunal précise que les déclarations de l’employeur indiquent que l’appelant ne lui avait jamais mentionné qu’il vivait du harcèlement de la part de l’employé avec lequel il avait eu une altercation et non de la part de son superviseur (pièces GD3-24 et GD3-25). Lors de l’audience, l’appelant a précisé que le harcèlement dont il s’est dit victime provenait de son superviseur.

[52] Quoi qu’il en soit, l’employeur a indiqué que si l’appelant vivait du harcèlement, il aurait pu déposer une plainte, mais rien de tel n’avait été fait à ce sujet (pièces GD3-24 et GD3-25).

Cause du congédiement

[53] Le Tribunal est d’avis que le lien de causalité entre le geste posé par l’appelant et son congédiement a été établi. L’employeur a clairement démontré les motifs ayant mené au congédiement de l’appelant (Namaro, A-834-82, MacDonald, A-152-96, Cartier, A-168-00).

[54] En somme, le Tribunal considère que l’appelant a été congédié en raison d’un acte qu’il a posé de manière volontaire et délibérée (Tucker, A-381-85, McKay-Eden, A-402-96, Mishibinijima, 2007 CAF 36).

[55] C’est pourquoi le Tribunal estime que ce geste constitue de l’inconduite au sens de la Loi et que l’appelant a perdu son emploi par sa propre faute. Son congédiement est la conséquence directe du geste qui lui a été reproché (Namaro, A-834-82, MacDonald, A-152-96, Cartier, A- 168-00).

[56] S’appuyant sur la jurisprudence mentionnée plus haut et sur la preuve présentée, le Tribunal considère que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite et qu’en conséquence, la décision de la Commission de l’exclure du bénéfice des prestations d’assurance- emploi est justifiée dans les circonstances.

[57] Le Tribunal conclut que l’appel n’est pas fondé à l’égard du litige en cause.

Conclusion

[58] L’appel est rejeté

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