Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 9 février 2016, la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a accordé l’appel du prestataire (l’intimé). La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a déterminé que le prestataire « n’était pas justifié de quitter son emploi le 30 mars 2015, soit la date qu’il a refusé le poste offert puisqu’il n’a pas démontré avoir épuisé toutes les solutions raisonnables avant de quitter. » La DG a déterminé « qu’il n’y a rien dans la preuve au dossier qui vient démontrer que l’appelant a effectué un départ volontaire chez l’employeur … le 26 novembre 2014. Son emploi a pris fin en raison d’un manque de travail. »

[2] La décision a été communiquée à la demanderesse par lettre datée du 10 février 2016 et la demanderesse accuse réception dès le 10 février 2016. La demanderesse a déposé, devant la division d’appel, une demande de permission d’en appeler (Demande) le 1er mars 2016, à l’intérieur du délai prescrit.

Question en litige

[3] Le Tribunal doit décider si l’appel a une chance raisonnable de succès.

La loi et l’analyse

[4] Tel qu’il est stipulé aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social stipule que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] La permission d’en appeler sera en effet accordée par le Tribunal si le Tribunal est satisfait que le demandeur a démontré qu’il y a au moins un des moyens d’appel ci-dessus mentionnés et le Tribunal est satisfait qu’un des moyens ait une chance raisonnable de succès.

[8] Pour ce faire, le Tribunal doit être en mesure de déterminer, conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, s’il existe une question de droit, de fait ou de compétence ou relative à un principe de justice naturelle dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision attaquée.

[9] Dans sa Demande et ses observations écrites, la demanderesse souligne que:

  1. a) La DG a commis une erreur de droit lorsqu’elle a ignoré les dispositions de l’alinéa 29(b)(1)(ii) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi AE);
  2. b) La décision était déraisonnable, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance;
  3. c) Les faits au dossier démontrent que le prestataire a refusé de reprendre un emploi offert par son employeur, ce qui est assimilé à un départ volontaire; et
  4. d) De plus, le prestataire n’a pas démontré avoir épuisé toutes les solutions raisonnables avant son départ.

[10] Puisque la demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience au fond de l'affaire (advenant qu’une audience soit nécessaire), les parties n’ont pas à prouver leurs arguments. Si le Tribunal est satisfait qu’un des moyens d’appel a une chance raisonnable de succès, la permission d’en appeler sera accordée.

[11] La décision de la DG, à la page 12 stipule :

[24] Un prestataire est justifié de quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, dont celles énumérées au paragraphe 29c) de la Loi, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas.

[25] Dans le présent dossier, le Tribunal considère que l’appelant n’a pas effectué de départ volontaire chez l’employeur Mega Brands inc., mais que son emploi a plutôt pris fin le 26 novembre 2014 en raison d’un manque de travail.

[26] Le témoignage de l’appelant, lequel n’a pas été contredit, indique que l’employeur l’a informé, à la fin de novembre 2014 qu’il manquait de travail et qu’il allait devoir le « mettre en chômage ».

[27] L’employeur a alors indiqué à l’appelant qu’il allait possiblement le rappeler au travail après la période des fêtes soit, vers la deuxième semaine de janvier 2015.

[28] Le Tribunal estime que, dans le cas présent, la Commission n’a pas réussi à démontrer qu’il y a eu un départ volontaire (Green, 2012 CAF 313).

[29] La Commission a d’ailleurs reconnu que l’appelant avait été mis à pied en novembre 2014 en raison d’un manque de travail (pièces GD3-15 et GD4-3).

[30] Le Tribunal rappelle qu’il incombe à la Commission de prouver que l’appelant a effectué un départ volontaire (Green, 2012 CAF 313).

[31] Le fait que l’appelant ait par la suite refusé un emploi de nature temporaire de la part de l’employeur, à la fin de mars 2015, ne change rien au fait que son emploi avait pris fin le 26 novembre 2014. Le lien d’emploi a été rompu lorsque l’appelant a été mis à pied par son employeur le 26 novembre 2014.

[32] Le Tribunal est d’avis que la situation de l’appelant ne peut être assimilée à un départ volontaire, en vertu de l’alinéa 29b.1)(ii) de la Loi, pour avoir décliné l’offre d’emploi qui lui a été faite par son employeur le 30 mars 2015.

[33] Le Tribunal estime que l’appelant n’a pas refusé : « de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre […] », comme l’indique l’alinéa 29b.1)(ii) de la Loi.

[34] La preuve démontre que l’appelant n’a pas refusé de reprendre son emploi au moment où il était censé le faire soit, en janvier 2015. L’employeur n’a pas rappelé l’appelant au cours du mois de janvier 2015, comme prévu.

[35] L’employeur n’a communiqué avec l’appelant qu’à la fin de mars 2015, soit près de trois mois après lui avoir indiqué qu’il allait « possiblement » le rappeler au travail en janvier 2015. De plus, l’employeur n’a pas proposé à l’appelant de reprendre l’emploi qu’il avait au départ, mais lui a plutôt offert un emploi de nature temporaire, pour une période de deux à trois mois.

[36] Le Tribunal est d’avis que le relevé d’emploi modifié ou remplacé (numéro de série : S09480796), émis par l’employeur le 1er avril 2015, ne reflète pas adéquatement le motif de fin d’emploi de l’appelant (pièce GD3-16). Le Tribunal estime que l’appelant ne peut avoir effectué un départ volontaire, comme l’indique ce document (code E – départ volontaire), alors qu’il a été mis à pied à la suite d’une diminution de la production chez l’employeur.

[37] Le Tribunal ne retient pas l’argument de la Commission voulant que l’appelant
«n’était pas justifié de quitter son emploi le 30 mars 2015, soit la date qu’il a refusé le poste offert puisqu’il n’a pas démontré avoir épuisé toutes les solutions raisonnables avant de quitter. » (pièce GD4-3).

[38] L’appelant ne peut avoir quitté volontairement son emploi le 30 mars 2015 puisqu’il n’avait plus de lien d’emploi avec son employeur depuis plus de trois mois.

[39] Le Tribunal estime qu’il n’y a rien dans la preuve au dossier qui vient démontrer que l’appelant a effectué un départ volontaire chez l’employeur Mega Brands inc. le 26 novembre 2014. Son emploi a pris fin en raison d’un manque de travail.

[40] Le Tribunal conclut que la Commission n’a pas rempli le fardeau qui lui incombe de prouver qu’il s’agissait d’un départ volontaire (Green, 2012 CAF 313).

[41] L’appel est fondé sur la question en litige.

[12] La demanderesse soutient que « les faits au dossier démontrent que le prestataire a refusé de reprendre un emploi offert par son employeur, ce qui est assimilé à un départ volontaire » et que les conclusions de faits de la DG sur cette question ne tenaient pas « compte des éléments portés à sa connaissance ».

[13] Si une partie choisit de ne pas se présenter à une audience devant la DG, il ne devrait pas croire qu’il peut simplement aller en appel de la décision rendue par la DG si celle-ci n’est pas à sa satisfaction.

[14] Les observations de la demanderesse quant aux erreurs de faits alléguées sont affectées par son choix de ne pas se présenter à l’audience.

[15] Pour qu’une erreur de fait soir révisable, la DG doit avoir « fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Ce n’est pas n’importe quelle conclusion de fait erronée qui est visée par cette expression.

[16] Par exemple, il n’est pas suffisant qu’une erreur de fait soit établie, il faut aussi que la DG ait fondé sa décision sur cette conclusion. Ici, la DG a fondé sa décision sur, entre autres, les conclusions suivantes :

  1. Le prestataire avait été mis à pied en novembre 2014 en raison d’un manque de travail;
  2. L’employeur n’a pas proposé à l’appelant de reprendre l’emploi qu’il avait au départ, mais lui a plutôt offert un emploi de nature temporaire, pour une période de deux à trois mois; et
  3. Le prestataire ne peut avoir quitté volontairement son emploi le 30 mars 2015 puisqu’il n’avait plus de lien d’emploi avec son employeur depuis plus de trois mois.

[17] La demanderesse soutient que chacune de ces conclusions est erronée.

[18] En ce qui concerne une conclusion de fait erronée « tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance », il faut établir l’une des préconditions citées.

[19] Présenter un argument convaincant qu’une conclusion de fait erronée a été « tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance » est difficile quand le demandeur a fait le choix de pas être présent au moment où tous les éléments ont été portés à la connaissance de la DG, notamment le témoignage et les soumissions à l’audience. Est-ce que la demanderesse ici a consulté l’enregistrement de l’audience pour confirmer tous les éléments portés à la connaissance de la DG?

[20] Sur la question si le refus de la part du prestataire de prendre un emploi offert par son employeur en mars 2015 est « assimilé » à un départ volontaire, il y a une chance raisonnable de succès qu’une erreur de droit a été commise. Toutefois, il n’y a pas de chance raisonnable de succès relativement aux allégations d’erreurs de fait erronées.

[21] Après révision du dossier d’appel, de la décision de la division générale et des arguments de la demanderesse, le Tribunal conclut que l’appel a une chance raisonnable de succès. La demanderesse a soulevé une question relative à une erreur de droit, décrite au paragraphe [20] ci- dessus, dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision attaquée.

Conclusion

[22] La permission d’en appeler est accordée. Elle est toutefois limitée par les conclusions énoncées aux paragraphes [20] et [21] ci-dessus.

[23] Cette décision sur la permission d’interjeter appel ne présume pas du résultat de l’appel sur le fond de l’affaire.

[24] J’invite les parties à présenter des observations sur les questions suivantes : si une audience est appropriée; si oui, le mode de l'audience; ainsi que des observations sur le fond de l’appel.

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