Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Introduction

[1] La partie demanderesse souhaite obtenir de la part du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) la permission d’appeler de la décision de la division générale (DG) du Tribunal rendue le 26 février 2016. La DG avait accueilli l'appel de la défenderesse alors que la Commission (sic) avait quitté son emploi volontairement sans justification aux termes de la Loi sur l'assurance-emploi (Loi sur l'AE).

[2] La défenderesse a demandé un réexamen de la décision de la Commission qui a maintenu sa décision originale et la lui a communiquée par lettre datée le 24 novembre 2015.

[3] La partie demanderesse a déposé une demande de permission d'appeler la demande à la division d’appel (DA) du Tribunal le 9 mars 2016. La demande a été reçue dans le délai de 30 jours prévu.

[4] Les moyens d’appel énoncés dans la demande sont que la décision de la DG est entachée d’une erreur de droit et de fait, comme suit :

  1. La défenderesse avait une autre solution raisonnable à sa démission : fixer des entrevues d'emploi en dehors de ses heures de travail et demeurer dans son emploi jusqu'à ce qu'elle trouve un travail plus convenable.
  2. La DG a commis une erreur de droit en n'appliquant pas le bon critère juridique;
  3. La DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée en ce que la défenderesse avait une assurance raisonnable d'emploi dans l'avenir immédiat, ce qui n'est pas raisonnable;
  4. La défenderesse n'a eu d'entrevues auprès d'autres employeurs qu’après avoir quitté son emploi.

Question en litige

[5] Le Tribunal doit décider si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable et analyse

[6] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et « [la division d’appel] accorde ou refuse cette permission. »

[7] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS indique que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[8] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS indique que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) Elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) Elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Le Tribunal doit être convaincu que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel énumérés. L’un de ces motifs au moins doit conférer à l’appel une chance raisonnable de succès avant que la permission d’en appeler puisse être accordée.

[10] Le Tribunal note que la défenderesse était présente à l'audience de la DG et qu'elle y a témoigné. La partie défenderesse n'y a pas assisté.

[11] Aux pages 9 à 11 de sa décision, la DG avait précisé les éléments suivants :

[16] Lorsqu'un appelant (sic) quitte son emploi volontairement sans justification, il peut se voir imposer une inadmissibilité de durée indéfinie. Le critère à appliquer, en tenant compte de toutes les circonstances, est de déterminer si de quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait constituait, pour l’appelante, une solution raisonnable.

[…]

[19] Les observations et la preuve présentées par l'appelante soutiennent que son agence de placement et son employeur n'ont pas été honnêtes en décrivant ce que supposait l'emploi. Ce travail impliquait la saisie de données alors qu'elle était commis-comptable, c'est pourquoi elle a quitté cet emploi. Au cours de 3 jours qu'elle a occupé cet emploi, elle a été convoquée à des entrevues pour d'autres emplois. Or, l'agence ne lui permettait pas de s'absenter de son travail pour se présenter à d'autres entrevues d'emploi. Elle a démissionné le mercredi 2 septembre, elle a passé une entrevue le lendemain, le 3 septembre, puis une autre le surlendemain, le vendredi 4 septembre; c'est cette dernière entrevue qui lui a valu un nouvel emploi. Elle a commencé ce nouvel emploi le 21 septembre 2015.

[20] La preuve et les observations présentées à la Commission ne démontrent pas que sa situation était à ce point intolérable qu'elle était fondée à quitter cet emploi avant de s'en être trouvé un autre. Un travail de saisie de données à 17 $ l'heure n'était peut-être pas l'emploi qu'elle aurait souhaité, mais elle n'y était que depuis quelques jours et des entrevues pour des emplois plus convenables pointaient à l'horizon. Il s’agissait là de la préférence personnelle de l'appelante. Lorsque la prestataire invoque le refus de son employeur de l'accommoder comme justification de sa démission afin d'éviter d'être licenciée pour avoir passé des entrevues d'emploi, cela s’appelle une rationalisation.

[21] L'appelante cherche à se voir verser des prestations du 3 septembre 2015, le jour de sa cessation d'emploi, jusqu'au 21 septembre 2015, premier jour de son nouvel emploi. Une période de 17 jours.

[22] Le membre estime que l'appelante n'a pas quitté volontairement son emploi aux termes de la Loi. L'argumentation de la Commission voulait qu'elle eût pu demander aux employeurs potentiels de lui fixer des entrevues en dehors de ses heures de travail. Mais, aucun élément de preuve au dossier n'établit que l'appelante a, ou n'a pas fait ce que suggère la Commission.

[23] Le membre conclut que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi. Elle avait une assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat. On constate que ses observations se sont avérées lorsqu'elle affirme, dans son témoignage, avoir subi 2 entrevues d'emploi dans les 2 jours suivant sa cessation d'emploi. Elle a passé l'entrevue, a été embauchée et a commencé son nouvel emploi, le tout en 17 jours après sa cessation d'emploi.

[24] Le membre est d’avis que le départ de l'appelante constituait sa seule solution raisonnable quand elle l’a fait. Elle a passé 2 entrevues d'emploi à moins de 2 jours de la cessation. Elle a été interviewée et embauchée avant le 17e jour. Sa solution était de se faire embaucher dans un emploi qui correspondait à ses aptitudes, à ses connaissances et à son expérience.

[25] Le membre estime que la Commission a eu tort d'imposer une inadmissibilité de durée indéfinie aux termes de la Loi. La demande de prestations régulières est accordée à compter du 3 septembre 2015 jusqu'au début de son nouvel emploi le 21 septembre 2015.

[12] Bien que la DG ait invoqué les dispositions législatives pertinentes aux questions en appel et qu'elle ait cité la décision Imran de la Cour d'appel fédérale (2008) CAF 17, la demanderesse soutient que la DG a commis une erreur mixte de fait et de droit en appliquant critère juridique de la justification et en concluant que la défenderesse n'avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment où elle l'a fait.

[13] Dans l'affaire Imran, supra, la Cour d'appel fédérale avait conclu que le juge arbitre avait admis l'argument du prestataire selon lequel il n'aurait pas pu demeurer dans son emploi et se trouver un meilleur emploi et qu'il avait conclu sur ce fondement qu'il n’avait eu d'autre solution raisonnable que de quitter son emploi. Cette conclusion entrait en conflit avec celle de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Canada (P.G..) c. Traynor, (1995) A.C.F. no 836, qui affirmait que le projet d'AE ne permettait pas à un prestataire de quitter emploi dans le seul but d'améliorer son sort dans le marché.

[14] La Cour d'appel fédérale a également fait des commentaires au sujet de l'argument de M. Imran selon lequel les emplois dans son domaine (le génie) étant nombreux il avait une assurance raisonnable d'un autre emploi dans l'avenir immédiat, une justification de quitter son emploi de façon volontaire. Qui plus est, il avait réussi à se trouver un autre emploi en ingénierie peu après avoir quitté son emploi. La Cour avait déclaré que ces facteurs ne suffisaient pas à établir une justification pour quitter son emploi volontairement aux termes du sous-alinéa 29c)(vi) de la Loi sur l'AE parce que la Cour d'appel fédérale avait précédemment affirmé que :

Le sous-alinéa 29c)(vi) requiert l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat. En l’espèce, aucune de ces trois exigences n’est remplie. Au moment où il choisit de lui-même de devenir chômeur, le défendeur ne sait pas s’il aura un emploi, il ne sait pas de quel emploi auprès de quel employeur il s’agirait, il ne sait pas à quel moment dans l’avenir il aurait un emploi…

La Cour avait conclu qu'au moment de quitter son emploi, personne ne pourrait affirmer qu'il savait quel emploi futur il occuperait ni quel emploi futur il aurait, ni l’identité de son emploi (sic) à venir. Il n’a donc pas été établi qu’il était fondé à quitter son emploi pour le motif prévu au sous-alinéa 29c)(vi) de la Loi.

[15] En l'espèce, la DG a conclu que la défenderesse avait une assurance raisonnable d'un autre emploi dans l'avenir immédiat cf.sous-alinéa 29c)(vi) de la Loi sur l'AE. Cette conclusion a été tirée en se fondant sur le fait que la défenderesse avait passé 2 entrevues dans les 2 jours suivant sa cessation d'emploi, que ses entrevues, son embauche et le début de son nouvel emploi avaient eu lieu en 17 jours suivant sa cessation d'emploi.

[16] Bien que la décision de la DG cite l'affaire Imran à l'appui de sa décision d’accueillir l'appel de la défenderesse, le raisonnement et les conclusions de la Cour d'appel fédérale étaient sans doute contraires à celles de la DG.

[17] Bien qu’un demandeur ne soit pas tenu de prouver les moyens d’appel pour les fins d’une demande de permission, il devrait à tout le moins fournir quelques motifs qui se rattachent aux moyens d’appel énumérés. Dans ce cas-ci, la demanderesse a exposé les raisons et motifs de son appel qui relève de l’un des moyens d’appel énumérés, en l’occurrence ceux prévus aux alinéas 58(1)b) et c) de la Loi sur le MEDS.

[18] Sur le moyen d’appel selon lequel il y aurait eu une erreur de droit, des conclusions de fait erronées ou des erreurs mixtes de faits et de droit, je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[19] La demande est accordée.

[20] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

[21] J’invite les parties à présenter des observations écrites sur la pertinence de tenir une audience et, si elles jugent qu’une audience est appropriée, sur le mode d’audience préférable, et à présenter également leurs observations sur le bien-fondé de l’appel.

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