Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

L’audition de cet appel s’est effectuée par la voie d’une audience tenue par comparution en personne à Victoria (C.‑B.), le 17 mars 2016. L’appelante a assisté à l’audience avec son conseiller, Eric Pederson (M. Pederson) et un interprète amharique, Tawolde Mehari, dont les services ont été retenus par le Tribunal de la sécurité sociale du Canada. L’employeur de l’appelante, Strathcona Hotel of Victoria, a été ajouté comme partie à l’appel et était représenté à l’audience par D. O., directrice des Ressources humaines du Strathcona Hotel of Victoria (Mme D. O.).

Introduction

[1] L’appelante a présenté une demande initiale de prestations régulières d’assurance‑emploi (prestations d’AE) le 22 janvier 2013. Dans sa demande, l’appelante a indiqué qu’elle avait été congédiée de son emploi de femme de ménage parce que son employeur l’avait accusée de vol. L’intimée, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la « Commission »), a enquêté sur les raisons pour lesquelles l’appelante n’était plus employée et, le 27 février 2013, a approuvé le motif de cessation d’emploi de l’appelante. L’appelante a touché les prestations d’AE du 20 janvier au 29 juin 2013.

[2] Le 10 avril 2013, l’employeur de l’appelante, Strathcona Hotel of Victoria (le « Strathcona »), a demandé à la Commission de réviser sa décision d’accueillir la demande de prestations d’AE de l’appelante au motif que cette dernière avait été congédiée « à juste titre », parce qu’elle avait été « surprise à voler ». Le 16 juillet 2013, à la suite d’un complément d’enquête, la Commission a modifié sa décision et informé l’appelante que l’inconduite avait été prouvée. Il en a résulté que l’appelante n’était en fait pas admissible aux prestations d’AE qu’elle avait reçues, de sorte qu’il y avait un trop‑payé de 2 283,00 $.

[3] Le 22 août 2013, l’appelante a interjeté appel de cette décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal ») et, le 15 avril 2014, le Tribunal a rejeté l’appel de l’appelante. L’appelante a porté cette décision en appel devant la division d’appel du Tribunal et, le 16 juillet 2015, la division d’appel a émis sa décision accueillant l’appel de l’appelante et ordonnant le renvoi du cas à la division générale du Tribunal pour tenue d’une nouvelle audience.

[4] L’audience a été tenue par comparution en personne pour les raisons suivantes :

  1. le fait que la crédibilité figurait au nombre des questions principales;
  2. le fait que plus d’une partie allait comparaître à l’audience;
  3. le fait qu’un interprète serait présent;
  4. le fait que plusieurs participants, dont un témoin, seraient présents;
  5. le fait que l’appelante ou les autres parties sont représentées;
  6. la disponibilité de la technologie de vidéoconférence dans la zone de résidence de l’appelante;
  7. le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[5] Il s’agit de déterminer si l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’AE au motif qu’elle a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

Droit applicable

[6] Le paragraphe 30(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») prévoit que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il a perdu son emploi en raison de son inconduite ou s’il a volontairement quitté son emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[7] Le paragraphe 30(2) de la Loi stipule que l’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

[8] Les termes « emploi » et « perte d’emploi » sont définis à l’article 29 de la Loi. L’alinéa 29a) de la Loi stipule que, pour l’application des articles 30 à 33, « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations.

[9] L’alinéa 29b) de la Loi stipule que, pour l’application des articles 30 à 33, la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant.

Preuve

[10] L’appelante a présenté une demande initiale de prestations d’AE le 22 janvier 2013 (pièces GD2‑63 à 80) et a déclaré que son dernier jour de travail avait été le 14 décembre 2012, après qu’on l’eut congédiée de son emploi de femme de ménage au Strathcona. Sur le « questionnaire : renvoyé (congédié) » rempli dans le cadre de sa demande (pièces GD2‑69 à 71), l’appelante a indiqué qu’elle avait été renvoyée du fait que son employeur l’avait accusée de vol, ce qu’elle a nié. L’appelante a déclaré qu’on l’avait faussement accusée de prendre des articles trouvés à l’intérieur d’une corbeille à déchets ainsi qu’un article qui se trouvait à côté de la corbeille (pièce GD2‑69). Selon les déclarations de l’appelante consignées dans sa demande (pièces GD2‑69 et 70), elle a montré les articles à sa gestionnaire de l’entretien ménager, S. H. (Mme S. H.) et lui a demandé quoi faire avec ces articles. Lorsque Mme S. H. a dit à l’appelante qu’elle pouvait en disposer à sa guise, l’appelante a mis les articles dans la salle du personnel, où ils sont demeurés là jusqu’au 14 décembre 2012. L’appelante n’a pas été accusée de vol par la police (pièce GD2‑71).

[11] Sur le relevé d’emploi (RE) fournit par l’employeur, il est indiqué que l’appelante a travaillé au Strathcona jusqu’au 14 décembre 2012 et qu’elle avait cumulé 1 117 heures d’emploi assurable au cours de la période de déclaration. Aux dires de l’employeur, le motif d’émission du RE était un « congédiement » (pièce GD2‑81).

[12] Le 27 février 2013, une agente de la Commission a parlé à une représentante de l’employeur, B. E., directrice des ressources humaines (Mme B. E.), au sujet de la raison pour laquelle l’appelante ne travaillait plus au Strathcona et a documenté la conversation dans un formulaire intitulé « Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations » (pièce GD2‑82). L’agente y a consigné les déclarations de Mme B. E. selon lesquelles l’appelante a été licenciée sans motif et a touché une indemnité de départ et il n’y a pas eu d’incident particulier ayant entraîné son congédiement [soulignement ajouté].

[13] Le 27 février 2013, la Commission a écrit au Strathcona et informé l’employeur qu’elle avait approuvé la demande de prestations de l’appelante du fait que l’employeur n’avait pas fourni suffisamment d’information pour prouver que l’appelante avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite (pièce GD2‑83).

[14] L’appelante a établi une demande de prestations d’assurance‑emploi prenant effet le 20 janvier 2013 et a touché des prestations d’AE du 20 janvier au 29 juin 2013 (pièce GD2‑106).

[15] L’employeur a déposé une demande de révision le 10 avril 2013 (pièce GD2‑85) dans laquelle il disait ceci :

« W. (sic) W. a été congédiée pour un motif valable. Elle a été prise en train de voler. »

[16] Le 3 juin 2013, une autre agente de la Commission a téléphoné à Mme B. E. au sujet de la demande de révision déposée par l’employeur et a documenté l’appel dans un formulaire « Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations » (pièce GD2‑87). L’agente qui a consigné la déclaration de Mme B. E. selon laquelle cette dernière a fait une erreur et pensait à une différente employée lorsqu’elle a parlé à une agente de la Commission en février 2013. L’agente a alors consigné la description que Mme B. E. a faite de l’incident final ayant entraîné le congédiement de l’appelante et qui se lisait ainsi (l’appelante y est mentionnée comme la prestataire) :

« L’employeur a déclaré que le dernier incident avait trait au fait que la prestataire n’avait pas rendu des articles qui se trouvaient dans une pièce. L’employeur a déclaré que la prestataire était à son emploi depuis un certain temps et était au courant de la politique voulant que, si des articles se trouvent dans une pièce, ils doivent être apportés à la réception de l’hôtel. L’employeur a déclaré que cet incident avait été capté par les caméras de surveillance vidéo et que des personnes travaillant à la réception en avaient aussi été témoins. L’employeur a déclaré que l’enregistrement vidéo montrait la prestataire essayant de dissimuler un sac alors qu’elle sortait de l’hôtel. Selon l’employeur, la prestataire a déclaré avoir placé ces articles dans la salle à manger après avoir eu une conversation avec la gestionnaire, qui lui a dit qu’elle pouvait disposer de ces articles à sa guise. L’employeur a de nouveau déclaré que la prestataire travaillait là depuis suffisamment longtemps pour connaître les procédures concernant les objets trouvés. L’employeur a déclaré que la prestataire était sortie de l’hôtel avec des articles se trouvant dans son sac, puis qu’elle a été congédiée. »

[17] L’agente a questionné Mme B. E. au sujet des déclarations que l’appelante a consignées dans le « questionnaire : renvoyé (congédié) » qu’elle a rempli dans le cadre de sa demande de prestations d’AE, déclarations qui disaient (i) qu’elle s’était sentie victime d’intimidation, de harcèlement et de discrimination aux mains de la gestionnaire de l’entretien ménager et (ii) qu’elle avait vu ses heures réduites (voir la pièce GD2‑70). L’agente a noté les déclarations que Mme B. E. a faites en réponse à cela, à savoir que (i) l’appelante n’avait jamais porté à son attention de problèmes avec la gestionnaire de l’entretien ménager et (ii) les besoins de personnel de Strathcona sont de nature saisonnière, de sorte que les heures varient en conséquence, une réalité que l’appelante connaissait puisqu’elle travaillait là depuis un certain temps (pièce GD2‑87).

[18] Le 28 juin 2013, l’employeur a transmis les documents suivants à la Commission :

  1. (a) Une lettre explicative de Mme B. E. (pièce GD2‑88), dans laquelle elle disait ceci :
    « En ce qui concerne W. W. (sic), avant son licenciement survenu le 14 décembre 2012, nous avons eu un incident similaire le 15 octobre 2012, lors duquel on l’a soupçonnée de vol. Nous n’avions pas, alors, pu prouver qu’elle avait effectivement pris des articles, malgré les forts soupçons que nous avions. Lors de cet incident, j’ai personnellement passé de nouveau en revue les dispositions de notre politique sur les objets trouvés avec W. W. (sic) pour m’assurer qu’elle comprenait bien comment il faut disposer de tout objet trouvé ou laissé par nos clients dans l’hôtel. »
  2. (b) Les notes de Mme B. E. documentant les événements ayant entraîné le congédiement de l’appelante, le 14 décembre 2012, pour « un motif valable, le vol et le refus de suivre la politique de l’entreprise » (pièce GD2‑89).
  3. (c) La lettre de congédiement remise à l’appelante le 14 décembre 2012, lettre que l’appelante a refusé de signer (pièce GD2‑90).
  4. (d) La politique de Strathcona sur les objets trouvés (révisée le 20 février 2012), qui dit en partie ceci :
    « Tous les articles trouvés sur les lieux doivent être apportés à la réception de l’hôtel. Un employé de la réception enregistrera alors l’article dans le registre et le mettra en lieu sûr. Tout article de valeur, y compris des pièces d’identité (portefeuille, carte de crédit, permis de conduire, etc.) doit être mis sous clé dans le coffre‑fort de la réception, et l’on s’efforcera de trouver le propriétaire de l’article perdu.
    Un article non réclamé après trois mois peut être réclamé par le membre du personnel qui l’a trouvé. Tout article non réclamé par un client ou par le membre du personnel sera donné à un organisme de charité et une copie de l’article donné doit être conservée dans le registre. » (pièce GD2‑91)

[19] Le 7 juin 2013, l’agente a parlé à Mme B. E. pour en apprendre davantage sur le précédent incident qui s’était produit le 15 octobre 2012 et obtenir des détails sur les articles pris par l’appelante le 14 décembre 2012. L’agente a documenté leur conversation dans un document « Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations » (pièce GD2‑92). Au sujet du précédent incident, l’agente a consigné les déclarations de Mme B. E., qui disaient ceci (là encore, l’appelante est mentionnée comme la prestataire) :

« L’employeur a déclaré que, le 15 octobre 2012, était survenu un incident qui impliquait la prestataire et une autre employée et qu’il y avait des soupçons de vol. L’employeur a déclaré qu’un client de l’hôtel avait dit avoir effectué un achat à la pharmacie et que des articles, dont un chargeur de téléphone, se trouvaient dans le sac de plastique. L’employeur a déclaré que la prestataire, au lieu de rapporter les objets trouvés, conformément à la politique, a décidé de les jeter aux poubelles. L’employeur a déclaré qu’une enquête a été menée dans cette zone où il n’y a pas de surveillance vidéo, mais que les articles n’ont pas été retrouvés dans la poubelle.

L’employeur a déclaré que l’on n’a pas pu prouver que ces articles avaient été pris et qu’il a accordé le bénéficie du doute à la prestataire.

La représentante de l’employeur a déclaré que la prestataire, l’autre employée et elle‑même ont passé en revue chaque article de la politique sur les objets trouvés à l’hôtel et ce qu’il faut faire lorsqu’un article est trouvé. La représentante de l’employeur a déclaré que la prestataire avait compris cette politique.

La représentante de l’employeur a déclaré que, lors de son embauche, la prestataire a lu et signé l’attestation de prise de connaissance de la politique sur les objets trouvés. »

[20] Au sujet des articles pris par l’appelante le 14 décembre 2012, l’agente a noté les commentaires suivants de Mme B. E. :

« L’employeur a déclaré que les articles qui avaient été pris lors de l’incident final étaient un sac à dos, des chaussures, un chemisier et un pantalon. L’employeur a déclaré qu’il avait un enregistrement de surveillance vidéo montrant la prestataire quittant l’hôtel avec un sac à dos qui semblait contenir des articles à l’intérieur, pas un sac vide, mais l’employeur ne peut confirmer si ces articles se trouvaient ou non à l’intérieur du sac à dos. »

[21] Le 19 juin 2013, l’agente a parlé à l’appelante au téléphone et a documenté la conversation dans un document « Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations » (pièce GD2‑94). L’agente y a noté que l’appelante n’avait pas fourni de détails au sujet de l’incident qui s’était produit le 15 octobre 2012 ou ne disposait pas de renseignements supplémentaires sur l’incident s’étant produit le 14 décembre 2012, mais a déclaré qu’elle était au courant de la politique de l’employeur sur les objets trouvés et qu’elle comprenait cette politique.

[22] Par lettre datée du 16 juillet 2013, la Commission a informé l’appelante que, dans le cadre d’une demande de révision déposée par son employeur, le Strathcona avait fourni de nouveaux éléments d’information au sujet de la raison de son congédiement et que la Commission avait maintenant déterminé que l’appelante avait été congédiée pour inconduite au sens de la Loi (pièces GD2‑100 et 101). Ainsi, l’appelante a été exclue du bénéfice des prestations au motif qu’elle avait perdu son emploi au Strathcona en raison de propre inconduite. Un avis de dette pour versement excédentaire du montant de 2 283,00 $ a été émis à l’intention de l’appelante par suite de son exclusion du bénéfice de prestations (pièce GD2‑104).

[23] Le 22 août 2013, l’appelante a interjeté appel de cette décision auprès du Tribunal en déposant un avis d’appel contenant des observations détaillées sur les motifs de son appel (pièces GD2‑51 à 55).

[24] Dans la demande de l’employeur d’être ajoutée comme partie à l’appel de l’appelante (pièce GD2‑119), demande à laquelle le Tribunal a acquiescé le 15 janvier 2014 (voir la pièce GD2‑142), Mme B. E. a répété que l’appelante avait été congédiée pour deux raisons, soit les suivantes :

  1. « Elle n’a pas suivi la politique de l’entreprise sur les objets trouvés. »
  2. « Vol ».

[25] La première audience dans l’instruction de cet appel a eu lieu le 18 mars 2014. Deux jours plus tard, le 20 mars 2014, l’employeur a transmis les documents supplémentaires suivants au Tribunal :

  1. (a) le processus disciplinaire du Strathcona (révisé le 6 mars 2013) (pièce GD2‑128);
  2. (b) une lettre datée du 13 décembre 2012 émanant de S. H. (Mme S. H.), chef de l’entretien ménager, (pièce GD2‑129) qui donnait des détails sur ses interactions avec l’appelante en lien avec les articles que l’appelante avait trouvés dans la chambre 309 de l’hôtel. Au sujet de l’enregistrement capté par la caméra de surveillance vidéo, Mme S. H. a écrit ceci :

« Je me suis rendue à la réception et j’ai demandé à [nom expurgé] de bien vouloir rechercher ces articles et de me tenir au courant si on ne les rapportait pas. J’étais assise derrière le comptoir de la réception avec [nom expurgé] au moment où le personnel de l’entretien ménager quittait pour la journée. À l’écran de la caméra de sécurité, j’ai vu W. W. qui entrait dans le vestibule avec le sac à dos maintenant plein. Elle s’est assise avec le sac à dos plein puis a quitté les lieux avec les articles.

[Nom expurgé] et moi‑même avons alors vérifié l’enregistrement de la caméra de sécurité pour voir W. W. entrant à l’hôtel pour commencer son quart de travail. L’enregistrement vidéo montrait clairement que W. W. n’avait pas avec elle de sac à dos. »

[26] À la suite de la décision de la division d’appel du Tribunal de renvoyer l’appel de l’appelante à la division générale pour tenue d’une nouvelle audience, le Tribunal a invité toutes les parties à présenter des observations à jour ainsi que toute preuve additionnelle sur laquelle elles avaient l’intention de s’appuyer lors de la nouvelle audience. Des observations à jour ont été déposées par l’appelante ((RGD4) et par la Commission (RGD5); et l’employeur a produit la preuve vidéo provenant de ses caméras de sécurité.

À l’audience du 17 mars 2016

[27] À l’ouverture de l’audience, le membre a ordonné que tous les témoins qui n’étaient pas parties à l’appel devraient sortir de la salle d’audience, sauf pour y venir livrer leur propre témoignage. Le mari de l’appelante a eu la permission de rester dans la salle d’audience après son témoignage.

(I) Témoignage de l’appelante

[28] L’appelante a déclaré que sa première langue était l’amharique, qu’elle était capable de comprendre l’anglais et de le parler « un peu », mais que le sujet était compliqué et qu’elle avait besoin d’un interprète. L’appelante a déclaré que sa superviseure, lorsqu’elle a commencé à travailler au Strathcona, en mai 2005, était H. K. (Mme H. K.), qui parlait aussi l’amharique. Selon l’appelante, ses capacités linguistiques ne lui ont pas causé de problème au travail, même après que Mme H. K. « fût renvoyée, en avril 2012 » et qu’elle fût remplacée par des superviseures qui ne parlaient pas l’amharique, en l’occurrence J. C. et Mme S. H. L’appelante a déclaré qu’elle était capable de suivre les instructions et de remplir ses papiers en anglais, mais que, lorsqu’elle a été congédiée, elle a demandé à son mari de participer pour l’aider dans les communications.

[29] L’appelante a déclaré qu’elle savait que le Strathcona avait une politique sur les objets trouvés, mais, lorsqu’on lui a demandé de lire à haute voix, en anglais, un paragraphe de cette politique fournie à la Commission par le Strathcona (pièce GD2‑91), l’appelante a été incapable de le faire. L’appelante a déclaré qu’elle avait besoin qu’une personne telle que Mme H. K. lui lise de tels documents et/ou lui explique ce qu’ils disaient. Aux dires de l’appelante, la politique de l’employeur sur les objets trouvés n’avait « jamais été affichée quelque part » et elle ne l’avait « jamais vue » avant son congédiement. L’appelante a déclaré que, de ce qu’elle comprenait de la politique de l’employeur sur les objets trouvés, lorsqu’un article était trouvé dans une chambre de l’hôtel, il fallait le rapporter à la réception, sauf s’il s’agissait de choses jetées (un article souillé ou jetable ou quelque chose d’à moitié utilisé, comme un tube de dentifrice) ou encore les articles qui se trouvaient dans les corbeilles à déchets. Si c’est quelque chose d’utilisable, nous l’apportons à la salle du personnel, sinon on le met aux ordures.

[30] L’appelante a déclaré qu’elle avait trouvé un jour un appareil‑photo dans une chambre d’hôtel et qu’elle l’avait « apporté à la réception » et qu’« un cadeau de récompense m’a été envoyé d’Amérique. » L’appelante a déclaré qu’il lui arrivait de montrer à sa superviseure un article qu’elle avait trouvé et qu’elle demandait quoi en faire à sa superviseure et que si cette dernière lui disait « je n’en sais rien », l’appelante mettait l’article dans la salle du personnel.

[31] L’appelante a produit le sac à dos que l’employeur l’a accusée d’avoir volé, et l’objet a été admis en preuve à l’audience. Le sac à dos a été examiné par le membre, qui a noté au dossier qu’il s’agissait d’un sac à dos ordinaire de nylon noir sans marque du fabricant apparente, qu’il n’était pas à l’état neuf, que du rembourrage était déchiré au dos et qu’il avait quelques taches en surface.

[32] L’appelante a témoigné avoir trouvé le sac à dos alors qu’elle nettoyait la chambre 302, le 11 décembre 2012. Elle a déclaré que le sac à dos se trouvait dans la corbeille à déchets de la salle de bains et qu’il y avait quelques vêtements souillés dans un sac en plastique à côté de la corbeille. Elle les a ramassés et, alors qu’elle les mettait à l’extérieur de la porte de la chambre, Mme S. H. est passée. L’appelante a demandé à Mme S. H. quoi en faire, et celle‑ci lui a dit « je n’en sais rien ». Aux dires de l’appelante, Mme S. H. ne lui a pas donné l’instruction d’apporter les articles à la réception, si bien que « comme d’habitude, je les ai apportés à la salle du personnel. » L’appelante a dit avoir laissé les vêtements sur une chaise, dans la salle du personnel, et avoir pris avec elle le sac à dos à la fin de la journée.

[33] L’appelante a déclaré qu’elle n’aurait « jamais » pensé être congédiée pour avoir pris le sac à dos. Elle a ajouté qu’elle ne croyait pas le voler puisqu’elle avait vérifié auprès de Mme S. H. quoi en faire et qu’elle n’avait pas essayé de dissimuler le sac à dos lorsqu’elle avait quitté pour la journée, marchant juste devant le comptoir de la réception et franchissant la porte d’entrée du Strathcona.

[34] L’appelante a témoigné qu’elle était censée commencer un congé préapprouvé de six semaines à la fin de sa journée de travail du 12 décembre 2012 et que, à la place, elle a été congédiée à la fin de cette journée. Elle a déclaré qu’on ne lui a pas du tout donné la chance d’expliquer sa version de l’histoire, mais qu’on lui a plutôt demandé de signer une lettre, ce qu’elle a refusé de faire parce qu’elle n’en comprenait pas le contenu.

[35] Au sujet de l’incident d’octobre 2012, l’appelante a dit se souvenir que cela lui avait « attiré des ennuis », mais elle a déclaré qu’elle n’avait rien fait de mal et qu’on l’avait blâmée lorsqu’une autre préposée à l’entretien ménager avait trouvé quelques articles dans une autre chambre et avait demandé à l’appelante quoi en faire. L’appelante a déclaré avoir répondu à l’autre femme de ménage « je n’en sais rien » et avoir continué son travail. Toutefois, le lendemain, Mme S. H. a accusé l’appelante d’avoir pris les articles et lui a dit de rentrer chez elle. Deux jours après, l’appelante et son mari ont rencontré Mme B. E. et, lors de cette rencontre, l’appelante a été priée de retourner travailler. L’appelante a nié que, lors de cette rencontre avec Mme B. E., on ait abordé ou passé en revue la politique sur les objets trouvés.

[36] Lorsque Mme D. O. lui a demandé, en contre-interrogatoire, si elle avait pris avec elle tous les articles qui se trouvaient dans la chambre d’hôtel ou juste le sac à dos, l’appelante a répondu qu’elle avait seulement pris le sac à dos. Elle a répété avoir laissé les autres articles dans la salle du personnel à l’intention de tout employé qui en voudrait.

[37] Lorsque le membre lui a demandé si elle avait fouillé le sac à dos pour vérifier si des effets personnels s’y trouvaient avant de le prendre avec elle, l’appelante a répondu « non ». Lorsqu’on lui a demandé si elle avait fait vérifier le contenu du sac à dos par un superviseur ou toute autre personne pour voir si des effets personnels s’y trouvaient avant de l’emporter avec elle, l’appelante a dit « non ». L’appelante a déclaré qu’elle pensait que le sac à dos était vide parce que, lorsqu’elle l’a ouvert pour mettre ses chaussures de travail et rapporter le sac chez elle, il n’y avait rien à l’intérieur. L’appelante a cependant reconnu qu’il y avait des compartiments et des poches à fermeture-éclair tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du sac à dos qu’elle n’avait pas vérifiés pour y voir si des effets personnels ou des pièces d’identité ayant pu appartenir à la cliente de l’hôtel s’y trouvaient, avant de prendre le sac à dos avec elle.

[38] Lorsque le membre lui a demandé ce qu’elle pensait des conséquences auxquelles s’expose un employé qui ne suit pas la politique sur les objets trouvés du Strathcona, l’appelante a dit que « l’employée serait punie si elle avait pris quelque chose qu’elle n’aurait pas dû. » Lorsqu’on lui a demandé quelle serait la nature de cette punition, l’appelante a répondu « comment le saurais‑je? »

(II) Témoignage du témoin de l’appelante, H. G.

[39] H. G. (Monsieur H. G.) a déclaré avoir travaillé au Strathcona comme concierge de 2003 à 2005, puis de 2010 à 2014.

[40] Monsieur H. G. a témoigné avoir vu, dans la salle du personnel, les articles qui avaient été mis là à l’intention des membres du personnel, qui pouvaient se les approprier. Monsieur H. G. a décrit ces articles comme étant des chaussures et des vêtements et a déclaré qu’il y avait une feuille sur laquelle était inscrit « GRATUIT » pour signifier que les articles pouvaient être pris. Lorsqu’on lui a demandé si ces articles étaient des choses qui avaient été trouvées dans les chambres d’hôtel après le départ des clients, Monsieur H. G. a répondu « Peut‑être. Je ne sais pas. » Lorsqu’on lui a demandé s’il avait eu vent d’un employé qui avait eu des ennuis pour avoir sorti ces articles de la salle du personnel, Monsieur H. G. a répondu « Non ».

[41] Lorsqu’on lui a demandé s’il avait trouvé quoique ce soit pendant qu’il travaillait, Monsieur H. G. a répondu : « Si je trouvais quelque chose, quoique ce soit – un portefeuille, un veston –, je l’apporterais à la réception. »

(III) Témoignage de la témoin de l’appelante, H. K.

[42] Mme H. K. a déclaré avoir travaillé au Strathcona pendant 18 ans et avoir été « superviseure adjointe de l’entretien ménager » pendant 5 ans, période durant laquelle a été l’assistante de J. C., qui était alors la gestionnaire de l’entretien ménager. Mme H. K. a ajouté qu’on l’avait « licenciée » le 25 avril 2012 et qu’on lui avait dit qu’« on n’avait plus besoin de mes services. »

[43] Mme H. K. a déclaré qu’elle connaissait l’appelante depuis que celle‑ci avait commencé à travailler au Strathcona, en 2005, et que l’appelante était une bonne personne, une travailleuse honnête et qu’elle n’avait pas été impliquée dans des incidents de vol ou de malhonnêteté. Mme H. K. a déclaré que l’appelante avait un jour reçu, d’une cliente, une paire de boucle d’oreilles en or comme récompense, lorsqu’elle avait trouvé un appareil‑photo que la cliente avait oublié et qu’elle le lui a rapporté.

[44] Au chapitre des capacités langagières de l’appelante, Mme H. K. a déclaré qu’il arrivait à l’appelante de prétendre qu’elle comprenait l’anglais, en disant, « oui, oui », alors qu’en réalité ce n’était pas le cas, et que c’est elle alors qui devait expliquer à l’appelante, en amharique, la question posée par le client. Mme H. K. a ajouté que l’appelante avait de la difficulté à lire l’anglais et que c’est elle qui devait lire et expliquer à l’appelante les documents écrits, y compris la politique sur les objets trouvés du Strathcona.

[45] En ce qui concerne la politique sur les objets trouvés du Strathcona, Mme H. K. a déclaré qu’en vertu de cette politique tout objet de valeur qui était trouvé, comme « un passeport, un bijou en or, une carte de crédit », devait être apporté à la réception. Le membre a montré à Mme H. K. une copie de la politique sur les objets trouvés que le Strathcona avait produite à la Commission (pièce GD2‑91) et elle a répondu « C’est bien ce même document. Oui. » Cependant, Mme H. K. a immédiatement précisé qu’un flacon de shampoing à moitié vide ou un tube de dentifrice entamé n’avaient pas besoin d’être apportés à la réception, pas plus que tout objet trouvé dans les corbeilles à déchets se trouvant dans les chambres de l’hôtel. Selon Mme H. K., lorsqu’une femme de ménage trouvait des vêtements dans la corbeille à déchets, elle les montrait à la gestionnaire (J. C.), qui lui disait s’il fallait apporter ces vêtements à la réception ou si l’employée pouvait les avoir. Les fins de semaine, lorsque la gestionnaire était en congé, c’est Mme H. K. qui était responsable et prenait cette décision.

[46] Mme H. K. a témoigné qu’il arrivait que l’on trouve des vestes, des chaussures, des couvre‑chef, des chemises et des t‑shirts dans les poubelles et qu’il était de pratique courante que l’on mette ces articles dans la salle du personnel à l’intention de tout membre du personnel qui voudrait les prendre. Aux dires de Mme H. K., la politique sur les objets trouvés n’a jamais été modifiée pendant les 18 ans qu’elle a passés au Strathcona (quoiqu’elle ait précisé que cette politique ait été périodiquement passée en revue lors de réunions du personnel) et que personne ne s’était jamais attiré d’ennuis pour avoir pris un article jeté qui avait été mis dans la salle du personnel.

(IV) Témoignage de la témoin de l’appelante, J. C.

[47] J. C. (Mme J. C.) a déclaré qu’elle a travaillé au Strathcona pendant « 23 ou 24 ans » et qu’elle a été la responsable de l’entretien ménager pendant une vingtaine d’années, jusqu’à sa dernière journée de travail, le 27 juillet 2012.

[48] Mme J. C. a témoigné qu’elle était la gestionnaire de l’appelante lorsque l’appelante a été embauchée, en mai 2005, et que c’est Mme H. K. qui était en charge du service de l’entretien lorsqu’elle ne travaillait pas les fins de semaine. Mme J. C. a décrit l’appelante comme étant « honnête » et « l’une de mes meilleures travailleuses », ajoutant que l’appelante avait une « solide éthique de travail », n’était jamais en retard et n’avait jamais été impliquée dans un incident de vol ou accusée d’avoir pris des articles qu’elle n’aurait pas dû prendre.

[49] Au sujet des aptitudes linguistiques de l’appelante, Mme J. C. a témoigné que l’appelante n’était « pas très bonne en anglais » et qu’elle disait « oui, oui », sans vraiment comprendre ce qu’on lui disait, de sorte que Mme J. C. demandait à Mme H. K. de faire la traduction à l’appelante lorsque quelque chose d’important devait lui être communiqué. Mme J. C. a déclaré que l’appelante était fonctionnelle au travail et qu’elle pouvait communiquer avec les clients « dans une faible mesure », mais a ajouté qu’elle devait parler lentement à l’appelante lorsqu’elle lui donnait des instructions sur une chambre en particulier.

[50] On a montré à Mme J. C. une copie de la politique sur les objets trouvés que le Strathcona a transmise à la Commission (pièce GD2‑91), et elle a répondu : « Je n’ai jamais vu ce document. » Mme J. C. a alors lu le document et déclaré que c’était « bien » ce qu’elle comprenait de la politique sur les objets trouvés de l’employeur, si ce n’est qu’il y avait des objets trouvés que Mme J. C. consignait au registre et gardait sous clé jusqu’à ce que Mme B. E. ait commencé à travailler au Strathcona et que la politique ait été modifiée pour prévoir que les objets trouvés ou perdus soient gardés à la réception et non par la chef de l’entretien ménager.

[51] Concernant la politique du Strathcona sur les objets trouvés, Mme J. C. a témoigné que lorsqu’on trouvait un article dans la chambre d’un client, à moins que cet article ne se trouvât dans la corbeille à déchets, il fallait le rapporter à la réception. Si un article se trouvait dans la corbeille à déchets d’une chambre d’hôtel, la femme de ménage le montrait à Mme J. C., qui décidait alors s’il fallait apporter l’article à la réception ou si la femme de ménage pouvait l’emporter chez elle. Si la femme de ménage ne voulait pas de l’article jeté, elle le plaçait dans la salle du personnel à l’intention d’un autre employé qui pourrait le vouloir. Selon Mme J. C., « c’est parce que nous n’avions pas beaucoup d’espace pour entreposer les choses. » Mme J. C. a déclaré que lorsqu’elle n’était pas au travail, la fin de semaine ou durant ses congés, c’est Mme H. K. qui décidait quoi faire des objets jetés dans la corbeille. Mme J. C. a ajouté que, durant ses 23 ou 24 années de service au Strathcona, aucun employé n’a jamais été puni pour avoir pris avec lui des articles qui avaient été placés dans la salle du personnel.

[52] Mme J. C. a témoigné que l’appelante aurait compris la marche à suivre si elle avait trouvé quelque chose dans la corbeille à déchets et qu’elle (Mme J. C.) n’avait « aucune raison de penser autrement ».

[53] Questionnée sur la procédure à suivre lorsqu’un article était trouvé « à proximité » de la corbeille à déchets, Mme J. C. a déclaré que l’article devait « m’être montré pour que je prenne la décision. »

[54] Lorsqu’on lui a demandé si un article trouvé dans la corbeille, « comme un sac endommagé » serait fouillé avant que l’on permettre à l’employée de le prendre avec elle ou de l’apporter à la salle du personnel, Mme J. C. a répondu que oui. Mme J. C. a déclaré qu’elle aurait examiné l’article pour voir si « des choses de valeur » ne se trouvaient pas à l’intérieur, même si elle allait laisser le membre du personnel l’avoir, mais que, « la plupart du temps », l’article jeté avait été « vidé ».

(V) Témoignage du témoin de l’appelante : Y. K.

[55] Y. K. (Monsieur Y. K.) a déclaré être le mari de l’appelante.

[56] Monsieur Y. K. a déclaré qu’il avait dû « de nombreuses fois » se mêler lui‑même de situations à l’hôtel au nom de l’appelante, y compris les deux incidents d’octobre 2012. Aux dires de Monsieur Y. K., début octobre 2012, l’appelante était contrariée parce que Mme S. H. avait décidé que les femmes de ménage ne prendraient pas de pause. Monsieur Y. K. a dit s’être rendu à l’hôtel pour parler à Mme B. E., laquelle a convenu que les aides ménagères devraient prendre une pause, bien que, a‑t‑il ajouté, les choses ne « se soient jamais vraiment améliorées » par la suite. Puis il y a eu l’incident du 15 octobre 2012, où l’appelante a été « accusée d’avoir pris des choses dans les poubelles », puis a été renvoyée chez elle avec paye car « les RH n’étaient pas sur place pour enquêter. » Monsieur Y. K. a déclaré être allé, avec l’appelante, à une rencontre avec Mme B. E. « deux jours après », lors de laquelle on leur a dit que les chargés de l’enquête « n’avaient rien trouvé » et que l’appelante pourrait retourner travailler.

[57] Le membre a montré à Monsieur Y. K. une copie de la politique sur les objets trouvés que le Strathcona a transmise à la Commission (pièce GD2‑91) et lui a demandé si l’on avait discuté de cette politique lors de sa rencontre avec Mme B. E. en octobre 2012. Monsieur Y. K. a répondu que non et a dit n’avoir jamais vu ce document auparavant. Il a déclaré qu’en « aucune façon » l’appelante aurait été capable de comprendre un document comme celui de la pièce GD2‑91 et que son anglais était meilleur que celui de l’appelante, ce pourquoi elle avait besoin de lui lorsque des problèmes survenaient au travail.

[58] Monsieur Y. K. a déclaré que, après le congédiement de l’appelante, il a téléphoné à Mme B. E. pour lui demander pourquoi l’appelante avait été renvoyée, et Mme B. E. lui a dit que c’était parce qu’elle avait pris le sac à dos avec elle. Monsieur Y. K. a déclaré avoir dit à Mme B. E. que le sac à dos était « vieux » et lui avoir demandé « Est‑ce que je peux le rapporter? », mais que Mme B. E. lui a dit « Non ».

[59] Monsieur Y. K. a témoigné qu’en août 2013, après que l’appelante eut reçu l’avis de dette (pièce GD2‑104) il a examiné le dossier d’employée de l’appelante dans le fichier du personnel du Strathcona, afin de découvrir ce que l’employeur avait « dit à l’AE » pour qu’ils se retrouvent à devoir « rembourser l’argent ». On a montré à Monsieur Y. K. la lettre du 13 décembre 2012 émanant de Mme S. H. (pièce GD2‑129) et on lui a demandé si cette lettre figurait dans le dossier d’employé de l’appelante lorsqu’il a examiné le fichier. Monsieur Y. K. a répondu que non, mais a ajouté qu’il ne pouvait en avoir la certitude, parce que ce n’était pas cela qu’il recherchait.

[60] Lorsqu’on lui a demandé si la politique du Strathcona sur les objets trouvés avait été abordée lors de sa rencontre d’octobre 2012 avec Mme B. E., après que l’appelante fut renvoyée chez elle au motif qu’elle était accusée d’avoir pris des articles qui se trouvaient dans la corbeille à déchets, Monsieur Y. K. a répondu que non. Lorsqu’on l’a questionné sur ce qui avait été discuté lors de cette rencontre, Monsieur Y. K. a déclaré que Mme B. E. « a demandé ce qui s’était passé et qui a dit quoi », puis a dit à l’appelante qu’elle pourrait retourner au travail parce que l’hôtel « n’avait rien trouvé de répréhensible. »

(VI) Témoignage de la témoin de la partie mise en cause : A. E.

[61] A. E. (Mme A. E.) a déclaré qu’elle travaillait au Strathcona depuis 2007 et qu’elle était gestionnaire du comptoir de services et de la réception depuis un an et demi.

[62] Mme A. E. a témoigné que la politique du Strathcona sur les objets trouvés exige que tout article perdu ou trouvé soit apporté à la réception, où l’on consigne la date, l’heure et l’endroit où il a été trouvé ainsi que le nom de la personne qui l’a trouvé dans un registre. Après trois mois, si l’article n’est pas réclamé, la personne qui l’a trouvé peut le réclamer. « Les objets de petite taille et sans valeur sont conservés dans un sac » et, si on ne les réclame pas après un mois, ils peuvent être donnés au personnel ou à un organisme de charité.

[63] Mme A. E. a déclaré que la raison pour laquelle le Strathcona exige que tous les objets trouvés par le personnel soient apportés à la réception est que le comptoir de réception est ouvert 24 heures sur 24, de sorte que les clients peuvent s’y présenter et s’enquérir d’un objet qu’ils auraient perdu. Mme A. E. a déclaré qu’elle n’était pas au courant de la pratique selon laquelle on laissait des objets trouvés dans la salle du personnel pour les proposer aux employés intéressés. Lorsqu’on lui a demandé si des mesures disciplinaires avaient déjà été prises à l’endroit de quelqu’un pour n’avoir pas suivi la politique sur les objets trouvés du Strathcona, Mme A. E. a répondu qu’un « employé comptable de nuit » avait été discipliné pour n’avoir pas suivi la politique sur les objets trouvés concernant un portefeuille dans lequel un client avait allégué qu’il y manquait une importante somme d’argent.

[64] Concernant l’incident de décembre 2012, Mme A. E. a témoigné qu’elle travaillait à la réception lorsque Mme S. H. lui a demandé si l’on avait apporté un objet perdu. Selon Mme A. E., rien n’avait été apporté alors, mais ultérieurement, des femmes de ménage sont venues déposer des objets trouvés. Toujours selon Mme A. E., « la cliente a appelé pour dire qu’elle avait oublié des vêtements et des chaussures, » mais « nous avions regardé la veille et n’avions rien trouvé, » et c’est ce qui a été dit à la cliente. Mme A. E. a déclaré que Mme S. H. lui a demandé de regarder l’enregistrement vidéo des caméras de surveillance de l’hôtel pour voir le départ de l’appelante ce jour‑là. Mme A. E. a déclaré : « De ce qu’on voyait de la réception, il semble qu’elle avait un sac à dos. »

[65] Mme D. O. a alors demandé à ce que la preuve vidéo de l’employeur soit produite à l’audience. Les quatre courts enregistrements vidéo présentés par le Strathcona (qui avaient été transmis aux parties par le Tribunal avant l’audience) ont alors été visionnés sur l’ordinateur portable du membre.

[66] Les extraits vidéo montrent l’appelante arrivant à l’hôtel pour travailler, quittant pour la journée et, dans la rue à l’extérieur de l’hôtel, prenant place dans un véhicule puis s’éloignant à bord du véhicule.

[67] Lorsqu’on lui a demandé si elle était au courant de la pratique de l’entretien ménager relative aux articles trouvés au rebut, Mme A. E. a répondu qu’elle n’avait jamais relevé de Mme J. C. ou de Mme H. K., de sorte que ni l’une ni l’autre ne lui avait exposé pareille pratique.

[68] Contre-interrogée par M. Pederson au sujet du moment exact où la cliente avait appelé pour s’enquérir des articles qu’elle avait oubliés et de ce qui s’était dit, ainsi que du moment exact où Mme S. H. lui avait demandé de garder l’œil sur l’appelante et de ce qui s’était dit, Mme A. E. n’a pas été en mesure de se souvenir de détails précis. Mme A. E. a nié qu’elle et Mme S. H. aient jamais parlé d’essayer de prendre l’appelante sur vidéo en sorte que le Strathcona puisse congédier l’appelante.

[69] Questionnée au sujet des éventuels efforts qu’elle aurait faits pour récupérer le sac à dos, Mme A. E. a répondu « Je n’ai rien fait. » Selon Mme A. E., c’est à « l’Entretien ménager ou aux Ressources humaines » qu’il aurait incombé de prendre des dispositions pour récupérer l’article. Mme A. E. a témoigné que, en règle générale, l’hôtel aurait essayé de récupérer l’article pour le rendre à la cliente. Lorsqu’on lui a demandé si elle serait étonnée d’apprendre que l’appelante a offert de retourner le sac à dos et que le Strathcona a décliné cette offre, Mme A. E. a répondu : « Ce ne serait pas inhabituel. »

(VII) Témoignage de l’appelante en réponse à la preuve vidéo de la partie mise en cause

[70] À la question « Saviez-vous qu’il y avait des caméras là? », l’appelante a répondu : « J’ignorais s’il y avait des caméras ou non. »

(VIII) Témoignage de la témoin de la partie mise en cause : B. E.

[71] Mme B. E. a déclaré qu’elle avait été la « directrice des ressources humaines » au Strathcona de février 2007 à février 2016.

[72] Mme B. E. a déclaré qu’en sa qualité de directrice des ressources humaines, elle était responsable d’« établir » les politiques de Strathcona, y compris celle sur les objets trouvés. Mme B. E. a dit avoir réécrit toutes les politiques et procédures en 2007, y compris la politique sur les objets trouvés, laquelle a été affichée en 2008, révisée en 2011 (pour exiger que tous les articles trouvés par le personnel soient apportés à la réception et conservés pendant trois mois), réaffichée en 2012 et affichée de nouveau en 2015. Mme B. E. a mentionné qu’avant les révisions de 2011, la politique sur les objets trouvés exigeait que tous les articles trouvés sur place soient apportés à la réception ou au service de l’entretien ménager et conservés pendant deux mois.

[73] Mme B. E. a témoigné que le personnel de l’entretien ménager était au courant de la politique révisée parce qu’on l’avait affichée en ligne sur le site Web du personnel ainsi que dans la salle du personnel, qu’on en avait remis des copies à tous les gestionnaires de service et qu’on leur avait donné l’instruction de passer ces politiques en revue avec leurs employés au moment où les politiques seraient réaffichées et révisées.

[74] Au sujet de l’incident d’octobre 2012, lorsque l’appelante a été accusée d’avoir pris quelque chose dans la poubelle, Mme B. E. a déclaré qu’elle s’était personnellement assise avec l’appelante pour lui lire la politique sur les objets trouvés (pièce GD2‑91) et lui expliquer qu’il était « indispensable » que si elle « trouvait quoi que ce soit, il fallait l’apporter à la réception. » Mme B. E. a déclaré que Monsieur Y. K. n’était pas présent à cette rencontre lorsqu’elle a lu à haute voix à l’appelante la politique, mais elle a ajouté qu’elle était « absolument convaincue » que l’appelante avait compris, car elles « communiquaient bien » en anglais pour autant que Mme B. E. parlât clairement et lentement.

[75] Au sujet de l’incident de décembre 2012, lorsque l’appelante est partie avec le sac à dos, Mme B. E. a témoigné que Mme S. H. lui avait signalé l’incident et qu’elle a demandé à Mme S. H. de préparer la « déclaration écrite » (pièce GD2‑129), laquelle a été versée dans le « dossier d’employé » de l’appelante. Selon Mme B. E., l’appelante a été congédiée pour n’avoir pas suivi la politique sur les objets trouvés et pour avoir commis un vol. Mme B. E. a déclaré que le nombre de fois où elle avait pris des mesures disciplinaires à l’endroit d’un employé pour violation de la politique sur les objets trouvés « pouvait se compter sur les doigts des deux mains. »

[76] M. Pederson s’est livré à un rigoureux contre-interrogatoire de Mme B. E., la questionnant sur ses qualifications, son rôle au Strathcona, l’effectif du service de l’entretien ménager à divers moments de l’année, ses interactions avec l’appelante, la politique du Strathcona concernant l’embauche de travailleurs étrangers temporaires et le processus de mesures disciplinaires progressives du Strathcona.

[77] Lorsqu’on lui a demandé si le rendement de l’appelante au travail avait causé problème durant sa période d’emploi au Strathcona, Mme B. E. a déclaré qu’elle n’avait pas connaissance de problèmes de rendement avant l’incident d’octobre 2012.

[78] Interrogée au sujet de la paie des employés au Strathcona, Mme B. E. a déclaré qu’il n’était pas de sa responsabilité de contrôler les coûts salariaux, mais a reconnu que si un employé était congédié sans justification, l’employeur devait payer à cet employé une indemnité de départ calculée au prorata de la durée de service de l’employé, tandis que si un employé était congédié pour un motif valable, l’employeur économisait de l’argent parce qu’il n’avait pas à payer cette indemnité de départ à l’employé. Lorsqu’on lui a demandé si quelqu’un d’autre avait été congédié à peu près au même moment que l’appelante, Mme B. E. a répondu que non. On a alors montré à Mme B. E. le document « Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations » (pièce GD2‑87) et on lui a demandé à qui elle faisait allusion lorsqu’elle a dit à l’agente de la Commission qu’elle pensait à une différente employée lorsqu’elle a fait sa déclaration du 27 février 2013 (pièce GD2‑82) selon laquelle l’appelante a été congédiée sans justification et a reçu une indemnité de départ. Mme B. E. a répondu qu’elle ne s’en souvenait pas. Lorsqu’on lui a demandé s’il y avait quelqu’un d’autre, travaillant au Strathcona, qui avait un nom qui avait une consonance semblable à celui de l’appelante (car il a été mentionné que l’agente de la Commission avait expressément indiqué qu’elle appelait au sujet de « W. W. » – voir pièce GD2‑82), Mme B. E. a répondu qu’elle ne s’en souvenait pas. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il était important de solliciter une révision de la décision (pièces GD2‑85 et 87), Mme B. E. a déclaré : « C’est la vérité qui prime. J’avais donné une mauvaise réponse et je voulais rectifier cette erreur. » M. Pederson a mentionné à Mme B. E. que, si l’appelante avait été congédié sans justification, le Strathcona aurait dû lui verser une indemnité de séparation, quelque chose que Mme B. E. n’aurait pas voulu faire figurer « dans le dossier » – ce qui s’est précisément produit lorsqu’elle a dit à l’agente de la Commission, le 27 février 2013, que l’appelante avait été « congédiée sans justification et a reçu une indemnité de départ. » Lorsqu’on lui a demandé si là était l’erreur qu’elle essayait de corriger, Mme B. E. a répondu : « Non, ce n’est pas le cas. »

[79] Lorsque le membre s’est enquit du nombre d’employés amharicophones ayant travaillé à l’hôtel, Mme B. E. a déclaré que six employés parlant l’amharique avait été membres du personnel entre 2007 et 2012, mais qu’« aucune de ces personnes ne travaille encore au Strathcona. » Selon B. E., lorsque l’appelante a été congédiée, en décembre 2012, elle n’était que l’une des deux amharicophones qui faisaient encore partie du personnel de l’établissement. Lorsqu’on lui a demandé s’il était juste de dire que l’appelante « ne convenait plus à l’emploi », Mme B. E. a répondu : « Je ne le pense pas du tout. » Lorsqu’on lui a demandé s’il était plus difficile à l’appelante d’accomplir son travail après que Mme H. K. eut quitté son emploi au Strathcona, en avril 2012, Mme B. E. a répondu : « Non. Après cinq années, ses tâches étaient les mêmes et elle s’en serait très bien sortie. »

[80] Lorsqu’on lui a montré la politique sur les objets trouvés qu’elle avait transmise à la Commission (pièce GD2‑91), Mme B. E. a confirmé qu’il s’agissait bien de la politique du Strathcona sur les objets trouvés et a déclaré bien se souvenir d’avoir passé en revue cette politique avec l’appelante lors de leur rencontre d’octobre 2012, « parce que je ne voulais pas qu’il y ait d’autres problèmes. » Questionnée sur la façon dont cette revue de la politique s’était déroulée, Mme B. E. a déclaré qu’elle avait lu la politique à l’appelante et qu’elle avait pu simplifier quelques mots, mais qu’elle avait pris soin de ne pas en modifier le contenu. Lorsqu’on lui a demandé si elle avait dit à l’appelante qu’elle pourrait s’exposer à des mesures disciplinaires progressives ou à un renvoi si elle ne respectait pas la politique sur les objets trouvés, Mme B. E. a répondu : « J’aurais dit que cela pourrait aller jusqu’au congédiement. »

[81] Lorsqu’on lui a demandé si l’appelante avait reçu un avertissement ou si quelque chose avait été versé dans son dossier d’employée à la suite de l’incident d’octobre 2012, Mme B. E. a répondu : « Non, parce que rien n’avait été prouvé. »

[82] Questionnée sur les raisons pour lesquelles la « déclaration écrite » de Mme S. H. (pièce GD2‑129) n’avait été produite qu’après la première audience tenue dans cette affaire, Mme B. E. a répondu : « parce que l’AE ne l’a jamais demandée » et n’a demandé que la lettre de congédiement et la politique sur les objets trouvés. Interrogée sur sa propre enquête menée sur l’incident, Mme B. E. a déclaré avoir questionné les membres du personnel qui se trouvaient dans l’ascenseur avec l’appelante, soit Mme A. E. et Mme S. H. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle n’avait pas obtenu de déclarations écrites d’autres membres du personnel, Mme B. E. a répondu : « Je pensais qu’il y en avait. »

[83] Questionnée sur les raisons pour lesquelles le Strathcona n’avait pas accepté l’offre de Monsieur Y. K. de retourner le sac à dos, Mme B. E. a déclaré qu’elle ignorait que la cliente avait appelé au sujet du bien oublié, et elle a ajouté qu’en tant que directrice des ressources humaines, elle ne participait « pas à la procédure de traitement des clients réclamant un objet perdu. » Cependant, aux dires de Mme B. E., si un article ne se trouve plus dans l’hôtel, « cela dépend, l’hôtel pourrait offrir un remboursement au client à la place. »

[84] On a montré à Mme B. E. la preuve vidéo produite par le Strathcona et on lui a demandé si ces extraits vidéo montraient en fait ce que Mme B. E. avait dit à l’agente de la Commission le 3 juin 2013 (pièce GD2‑87), à savoir que l’on y voyait l’appelante essayant de dissimuler un sac et essayant de cacher le sac en sortant de l’hôtel. Mme B. E. a répondu : « Elle n’essayait pas à tout prix de le dissimuler » et a ajouté : « J’aurais peut‑être pu employer des mots plus précis. »

[85] Lorsqu’on lui a demandé si la politique sur les objets trouvés (pièce GD2‑91) disait quelque chose au sujet des articles trouvés dans les corbeilles à déchets, Mme B. E. a répondu que non. Interrogée sur ce qu’une femme de ménage devrait faire d’une bouteille de shampoing à moitié vide trouvée dans la corbeille à déchets, Mme B. E. a déclaré qu’un tel article était un article mis au rebut et que la préposée à l’entretien ménager pouvait le rapporter chez elle. Lorsqu’on lui a demandé qui avait la responsabilité d’expliquer la politique sur les objets trouvés aux femmes de ménage, Mme B. E. a déclaré que c’était une responsabilité partagée entre elle‑même et Mme J. C. (puis Mme S. H., quand celle‑ci a pris la relève de Mme J. C.). Questionnée au sujet de la personne chargée de s’assurer que la politique soit suivie, Mme B. E.  a déclaré que cette responsabilité était partagée entre les Ressources humaines et les gestionnaires de service. Mme B. E. a témoigné qu’elle se rendait régulièrement dans les salles du personnel et qu’elle n’y avait jamais vu d’objets trouvés que les employés pouvaient apporter chez eux.

Observations

[86] L’appelante a plaidé ce qui suit :

  1. Elle n’a pas volé le sac à dos, pas plus qu’elle n’a enfreint la politique de Strathcona sur les objets trouvés, car elle avait compris cette politique. Lorsqu’elle apporté le sac à dos chez elle, elle l’a fait conformément à une pratique depuis longtemps établie au Strathcona concernant les articles mis au rebut par les clients.
  2. La conduite adoptée par l’appelante lorsqu’elle a apporté chez elle le sac à dos ne constitue pas une inconduite au sens de la Loi. Il n’y avait pas de caractère délibéré dans la conduite de l’appelante, car cette conduite était conforme à une pratique depuis longtemps établie au sein du service de l’entretien ménager en ce qui concerne les articles jetés qui sont trouvés dans les corbeilles à déchets. Subsidiairement, si l’appelante s’est méprise en croyant qu’elle avait la permission d’apporter chez elle le sac à dos, il s’agissait d’une mésinterprétation innocente de la politique du Strathcona sur les objets trouvés. Dans un cas comme dans l’autre, l’appelante n’aurait pas pu prévoir qu’elle s’exposait à un congédiement lorsqu’elle a apporté chez elle le sac à dos.
  3. La lettre du 13 décembre 2012 émanant de Mme S. H. (pièce GD2‑129) ne devrait aucunement être prise en considération pour les motifs détaillés qui sont exposés dans la lettre au Tribunal déposée par M. Pederson le 7 avril 2014 (pièce GD2‑131 à 133) et dans les observations présentées au nom de l’appelante (pièce RGD4).

[87] La Commission a plaidé que les actions de l’appelante lorsqu’elle a pris le sac à dos contrevenaient directement à la politique de l’employeur sur les objets trouvés et étaient la cause de son congédiement. L’appelante était au courant de la politique du Strathcona sur des objets trouvés, a commis un acte délibéré lorsqu’elle n’a pas suivi cette politique et aurait raisonnablement dû savoir que cela entraînerait son congédiement. Par conséquent, sa conduite constitue de l’inconduite au sens de la Loi.

[88] La partie mise en cause a plaidé que l’appelante avait été congédiée pour un motif valable, à savoir la violation de la politique de l’employeur sur les objets trouvés et le vol, et qu’elle ne devrait donc pas être admissible au bénéfice des prestations d’AE.

Analyse

[89] En vertu de l’article 30 de la Loi, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[90] C’est à la Commission qu’il incombe d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite (Larivee, A‑473‑06; Falardeau, A‑396‑85).

[91] Pour prouver qu’il y a eu inconduite, il faut démontrer que l’employée s’est comportée autrement qu’elle aurait dû le faire et qu’elle s’est ainsi comportée de façon « délibérée », c’est‑à‑dire que le geste reproché avait un caractère volontaire ou délibéré ou résultait d’une insouciance ou d’une négligence telle qu’il frôlait le caractère délibéré (Eden, A‑402‑96; Tucker, A‑381‑85). Pour qu’un geste soit qualifié d’inconduite, il doit être démontré que l’employée savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiée (Lassonde, A‑213‑09; Mishibinijima, A‑85‑06; Hastings, A‑592‑06; Locke, 2003 CAF 262) et que cette conduite nuirait au rendement au travail de l’employée ou à l’intérêt de l’employeur, ou encore compromettrait irrémédiablement la relation employeur-employée (CUB 73528).

Quelle est la conduite ayant entraîné le congédiement de l’appelante?

[92] À partir de la date à laquelle l’employeur a déposé sa demande de révision, le Strathcona a maintenu que l’appelante avait été congédiée pour deux motifs : violation de la politique de l’employeur sur les objets trouvés et vol.

[93] L’appelante nie avoir volé quoi que ce soit ou avoir enfreint la politique sur les objets trouvés telle qu’elle la comprenait.

(I) L’allégation de vol

[94] Le Tribunal doit d’abord se pencher sur l’allégation de vol. La Commission a fondé sa décision de rejeter la demande de prestations d’AE de l’appelante sur les diverses déclarations de Mme B. E. au sujet d’un « incident final » lors duquel l’appelante n’a pas apporté des articles qu’elle avait trouvés dans la chambre d’une cliente, et ce, en contravention de la politique du Strathcona sur les objets trouvés, puis a quitté l’hôtel en possession de ces articles, ce que l’employeur a réputé être un vol, ainsi que sur le défaut de l’appelante de contester ces déclarations lorsqu’on l’a questionnée à leur sujet pendant le processus de révision (pièce GD2‑94).

[95] À son niveau le plus élémentaire, le vol implique la prise non autorisée, la conservation ou l’utilisation d’un bien d’autrui par une personne ayant l’intention de priver son propriétaire (ou la personne possédant ce bien à bon droit) de l’utilisation du bien en question. Pour les motifs énoncés ci‑après, le Tribunal conclut que la preuve produite n’étaye pas l’allégation de vol de l’employeur.

Prise non autorisée

[96] L’appelante a déclaré, dès le moment où elle a présenté sa demande, que sa superviseure, Mme S. H., lui avait donné la permission de prendre le sac à dos si elle le voulait. Dans sa demande initiale de prestations d’AE, l’appelante a écrit ceci :

« J’ai été faussement accusée d’avoir volé les articles qui se trouvaient dans la corbeille à déchets. J’ai demandé quoi faire de ces articles à ma nouvelle gestionnaire du service d’entretien ménager, et elle m’a répondu que je pouvais en disposer à ma guise. Je les ai alors mis dans la salle du personnel et jusqu’au 14 décembre certains des articles s’y trouvaient encore. »

[97] Elle ne s’est jamais rétractée de cette déclaration. Elle a refusé de signer la lettre de cessation d’emploi (pièce GD2‑90). Elle a contesté la décision en la qualifiant d’« injuste » et a renvoyé à sa demande initiale de prestations d’AE lorsque l’agente de la Commission l’a verbalement informée de la décision en révision (pièce GD2‑97). Dans son témoignage détaillé, elle a indiqué les articles qu’elle avait trouvés, où elle les avait trouvés, comment elle avait croisé Mme S. H. alors qu’elle mettait les articles à l’extérieur de la chambre qu’elle venait de nettoyer, qu’elle a demandé à Mme S. H. ce qu’elle devrait en faire et que celle‑ci lui a dit « Je n’en sais rien », que, « comme d’habitude », elle a mis les articles dans la salle du personnel à l’intention des employés susceptibles d’en vouloir et qu’à la fin de sa journée de travail elle a emporté avec elle le sac à dos.

[98] Le Tribunal note le témoignage cohérent et sans équivoque de Mmes H. K. et J. C., deux employées de l’entretien ménager ayant de longs états de service, l’une comme gestionnaire de l’entretien ménager (Mme J. C.) pendant toute la durée d’emploi de l’appelante (huit ans) au Strathcona, sauf les derniers mois, et l’autre comme assistante gestionnaire de l’entretien ménager (Mme H. K.). Ces deux femmes ont livré un témoignage parfaitement crédible sur la pratique suivie au Strathcona pour les objets que les employés de l’entretien ménager trouvent dans la corbeille à déchets de la chambre d’un client. Elles ont toutes deux indiqué que de tels articles devaient être montrés à la gestionnaire de l’entretien ménager (ou à l’assistante gestionnaire si la gestionnaire n’était pas en service), que c’est la gestionnaire (ou l’assistante gestionnaire, en l’absence de la gestionnaire) qui décidait alors si les articles devaient être apportés à la réception et consignés dans le registre des objets trouvés ou si l’employée pouvait avoir les articles (ou les laisser dans la salle du personnel à l’intention des autres employés si elle n’en voulait pas). La pratique selon laquelle les articles mis au rebut sont laissés dans la salle du personnel à l’intention des employés susceptibles d’en vouloir a aussi été confirmée par le témoignage concis et crédible du concierge du Strathcona, Monsieur H. G., lors de l’incident de décembre 2012.

[99] Bien que Mme B. E. ait plusieurs fois renvoyé à la politique écrite du Strathcona sur les objets trouvés (pièce GD2‑91), il est tout simplement illogique de croire que tous les articles trouvés au rebut devaient être apportés à la réception et consignés dans le registre. Il est beaucoup plus vraisemblable qu’un gestionnaire de l’entretien ménager déciderait quoi faire d’un article trouvé en sorte que les articles trouvés au rebut, les produits de toilette utilisés et les autres articles jetés n’ayant pas de valeur n’aient pas à être apportés à la réception et à s’accumuler là, à un endroit où des clients peuvent vraisemblablement se présenter à tout moment et où (comme on peut le constater au visionnement des extraits de surveillance vidéo de l’employeur) il y a très peu de place d’entreposage, sans compter la tâche de passer à travers la quantité d’articles mis au rebut que l’on peut trouver chaque jour dans un hôtel.

[100] La Commission ne disposait pas de la déclaration écrite du 13 décembre 2012 de Mme S. H. (pièce GD2‑129) lorsqu’elle a décidé de rejeter la demande de prestations d’AE de l’appelante, car ce document n’a été transmis au Tribunal qu’après l’issue de la première audience en cette matière. Le Tribunal note que Mme S. H. n’a pas livré témoignage à la nouvelle audience, que ce sont plutôt Mmes A. E. et B. E. qui ont témoigné au sujet de la version des événements donnée par Mme S. H. et que Mme B. E. a déclaré s’être fiée à la déclaration écrite du 13 décembre 2012 de Mme S. H. pour prendre la décision de congédier l’appelante. Le Tribunal note aussi que Mme D. O. avait très peu de questions à poser en contre‑interrogatoire à l’appelante et qu’elle n’a posé aucune question au sujet de la version de l’histoire relatée dans la déclaration écrite du 13 décembre 2012 de Mme S. H. (pièce GD2‑129).

[101] Le Tribunal peut certes prendre en considération une preuve par ouï‑dire dans l’audition d’un appel, mais cette preuve doit être examinée dans le contexte de l’ensemble de la preuve produite dans l’instance et soupesée en conséquence. En l’espèce, le Tribunal accorde plus de poids au témoignage que l’appelante a fourni à l’audience, à savoir qu’elle a suivi la pratique de longue date du service de l’entretien ménager en consultant la gestionnaire de l’entretien ménager d’alors, Mme S. H., pour savoir quoi faire des articles qu’elle avait trouvés au rebut dans la chambre qu’elle venait de nettoyer, qu’elle a reçu de Mme S. H. une réponse qui indiquait clairement à l’appelante qu’elle n’était pas tenue d’apporter les articles jetés à la réception afin qu’on les consigne dans le registre des objets trouvés, qu’elle a donc mis ces articles dans la salle du personnel à l’intention des employés susceptibles d’en vouloir et qu’elle est rentrée chez elle en emportant le sac à dos. Le Tribunal juge l’appelante crédible et que la version qu’elle a fournie des événements est logique dans les circonstances tant de ses états de service de près de huit ans au Strathcona que du fait que ses supérieurs immédiats, Mmes H. K. et J. C., lui ont mentionné la politique sur les objets trouvés et les pratiques suivies à cet égard par le service d’entretien ménager.

[102] Le Tribunal conclut donc que la preuve étaye amplement le fait que l’appelante a été autorisée par sa superviseure, Mme S. H., à prendre avec elle le sac à dos si elle le désirait.

Intention de priver

[103] Aux dires de Mme B. E., l’incident a été capté par les caméras de surveillance de l’employeur et des employés en poste à la réception en ont été témoins. Bien que le Strathcona n’ait pas mis l’enregistrement vidéo de surveillance à la disposition de la Commission à l’étape de la révision, l’agente de la Commission a noté en ces termes la description que Mme B. E. a faite de cette captation vidéo dans sa déclaration du 3 juin 2013 :

« La représentante de l’employeur a déclaré que l’enregistrement montrait la prestataire en train de dissimuler un sac et d’essayer de le cacher alors qu’elle sortait de l’hôtel. » (pièce GD2‑87)

Dans une conversation ultérieure qu’elle a eue avec Mme B. E., le 7 juin 2013, l’agente de la Commission a noté ceci :

« La représentante de l’employeur a déclaré que les articles qui avaient été pris lors de l’incident final étaient un sac à dos, des chaussures, un chemisier et un pantalon. La représentante de l’employeur a déclaré que l’hôtel avait un enregistrement de surveillance vidéo montrant la prestataire sortant de l’hôtel avec un sac à dos qui semblait être rempli d’articles, pas un sac vide, mais la représentante de l’employeur ne peut confirmer si ces articles se trouvaient ou non à l’intérieur du sac à dos. » (pièce GD2‑92)

La lettre de congédiement que Mme B. E. a transmise à la Commission le 28 juin 2013 (pièce GD2‑90) renfermait une description de la preuve vidéo dans laquelle Mme B. E. identifiait les articles en question, soit « un sac à dos, un chemisier, un pantalon et des chaussures » et disait ceci :

« L’hôtel Strathcona n’a aucune tolérance pour le vol et, après vous avoir vue dans l’enregistrement vidéo en train de prendre ces articles avec vous alors que vous quittez les lieux, nous vous congédions immédiatement pour ce motif valable. »

[104] Le Tribunal a visionné les extraits de surveillance vidéo produits en preuve à l’audience et juge qu’il est impossible de conclure que ces enregistrements montrent l’appelante essayant de cacher le sac à dos à quelque moment que ce soit ou que des articles se trouvaient à l’intérieur du sac à dos, sans parler des « chaussures, chemisier et pantalon » mentionnés par Mme B. E. le 7 juin 2013 (pièce GD2‑92) ou des « articles trouvés dans une chambre » auxquels Mme B. E. a fait allusion le 3 juin 2013 (pièce GD2‑87).

[105] La preuve vidéo montre que l’appelante est sortie de l’hôtel par la porte principale, marchant lentement devant la réception, où on peut voir un autre employé travailler, et que l’appelante s’est alors assise sur une chaise du hall d’entrée, bien visible depuis le comptoir de la réception, plaçant à ses pieds, sur le côté, le sac à dos, qui était visible depuis la réception et par l’employé qui y travaillait alors. Quelques instants plus tard (alors que l’appelante semble attendre assise et regarder en direction de la porte principale), la preuve vidéo montre que l’appelante s’est levée, a marché vers la porte d’entrée et est sortie de l’hôtel, portant le sac à dos à son côté – pas devant son corps, à un angle qui n’aurait pas permis à l’employé travaillant à la réception de le voir, et pas dissimulé sous sa veste ou dans un autre sac. Les spéculations de Mme B. E. quant au contenu du sac à dos ne sont pas non plus étayées par la preuve vidéo, puisque le sac à dos ne semble ni plein ni pesant et que l’appelante pouvait aisément le porter d’une main.

[106] Le Tribunal reconnaît que la Commission n’a pas eu l’avantage de visionner la preuve vidéo et s’est plutôt fiée à la description que Mme B. E. a faite de ce que montrait la vidéo de surveillance de l’employeur. Toutefois, contrairement à ce que Mme B. E. a indiqué, rien, dans l’enregistrement vidéo, ne signale que l’appelante essayait de quelque façon que ce soit de dissimuler le sac à dos et, en fait, la vidéo de surveillance montre que l’appelante a attendu l’arrivée d’un véhicule et que quelqu’un vienne la chercher à la fin de la journée, bien en vue devant le comptoir de la réception et l’employé qui travaillait là. Ce n’est pas là le comportement d’une personne qui dissimule quelque chose, comme Mme B. E. l’a effectivement admis en contre‑interrogatoire.

[107] L’agente de la Commission a consigné que l’appelante « n’a pas voulu ajouter de renseignements » lorsqu’on l’a questionnée sur l’incident dans le cadre de l’enquête conduite par l’agente relativement à la demande de révision présentée par l’employeur (pièce GD2‑94). Le Tribunal conclut que l’on ne saurait interpréter cela comme un quelconque aveu de culpabilité de la part de l’appelante. Il est clairement apparu au membre, de par son observation de l’appelante durant l’audience, ainsi que les témoignages cohérents de Mme H. K., Mme J. C. et Monsieur Y. K. au sujet des aptitudes linguistiques de l’appelante, que l’appelante n’était tout simplement pas capable de répondre adéquatement à de telles questions en anglais et que, de fait, elle ne comprenait vraisemblablement pas davantage les questions en tant que telles.

[108] Le Tribunal estime que rien, dans la preuve, ne permet de conclure que l’appelante a eu l’intention de priver la propriétaire du sac à dos ou le Strathcona (agissant comme gardien des objets trouvés ou perdus par les clients de l’hôtel) du sac à dos.

[109] Pour les motifs énoncés aux paragraphes 96 à 108 ci‑dessus, le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas commis le vol dont l’employeur allègue qu’il a entraîné son congédiement.

(II) Violation de la politique

[110] Le Tribunal s’est ensuite penché sur l’allégation voulant que l’appelante ait enfreint la politique du Strathcona sur les objets trouvés.

[111] La politique écrite sur les objets trouvés (pièce GD2‑91) a plusieurs fois été nommée par Mme B. E. comme étant la politique officielle du Strathcona sur les objets trouvés. Le Tribunal retient la preuve de Mme B. E. sur ce point et constate que la politique du Strathcona sur les objets trouvés stipule que « tous les articles trouvés sur place » doivent être apportés à la réception, consignés dans le registre et mis en lieu sûr.

[112] L’appelante a admis qu’elle n’avait pas apporté les articles qu’elle avait trouvés au rebut à la réception afin qu’on les consigne dans le registre des objets trouvés. Le Tribunal conclut donc que l’appelante a enfreint la politique de l’employeur sur les objets trouvés et que c’est ce qui a entraîné son congédiement.

Cette conduite constitue-t-elle de l’« inconduite » au sens de la Loi?

[113] La Cour d’appel fédérale a statué que le Tribunal n’a pas pour rôle de déterminer si le congédiement effectué par l’employeur était justifié ou représentait la sanction appropriée (Caul, 2006 CAF 251), mais plutôt de se demander si la conduite reprochée constituait de l’inconduite au sens de la Loi (Marion, 2002 CAF 185).

[114] La Cour d’appel fédérale a également statué qu’une conclusion à l’inconduite, avec les graves conséquences qui en découlent, ne peut être tirée que sur le fondement d’une preuve claire et pas seulement sur des spéculations et suppositions et que c’est à la Commission qu’il incombe de prouver la présence d’une telle preuve, peu importe l’opinion de l’employeur (Crichlow, A‑562‑97).

[115] Ayant conclu que l’appelante n’a pas commis le vol dont l’employeur allègue qu’il a entraîné son congédiement, mais qu’elle a enfreint la politique de l’employeur sur les objets trouvés, le Tribunal n’est pas convaincu que le comportement de l’appelante ait constitué de quelque façon de l’« inconduite » au sens de la Loi. Rien dans la preuve ou les témoignages livrés à l’audience ne permet de signaler un comportement délibéré ou insouciant de la part de l’appelante selon lequel elle savait ou aurait dû savoir que son comportement pouvait entraîner son congédiement. De fait, il n’y a aucune preuve que l’appelante ait même sciemment enfreint la politique sur les objets trouvés.

[116] Le Tribunal reconnaît les nombreuses années d’expérience de Mme B. E. à titre de professionnelle hautement qualifiée en ressources humaines. Il est clairement ressorti, du témoignage qu’elle a livré, qu’elle possède une vaste connaissance du fonctionnement et du personnel hôteliers. Néanmoins, bien que Mme B. E. ait fort bien pu vouloir que l’on suive strictement et à la lettre la politique écrite sur les objets trouvés (pièce GD2‑91), le Tribunal ne peut faire fi des témoignages cohérents et sans équivoque de Mme H. K. et de Mme J. C. selon lesquels il existait, au sein du service de l’entretien ménager du Strathcona, une pratique de longue date concernant ce que l’on doit faire des objets trouvés au rebut dans une chambre occupée par un client. Le Tribunal ne peut davantage faire abstraction de leurs témoignages et de celui de Monsieur H. G. selon lesquels aucun employé ne s’est jamais « attiré des ennuis » pour avoir pris un article jeté qu’on avait mis dans la salle du personnel.

[117] M. Pederson a renvoyé le Tribunal à la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans Procureur général du Canada c. Phillipe Gagne et al, 2010 CAF 237, et a fait valoir qu’il est dit, dans cette décision, que l’on ne peut pas conclure à l’inconduite lorsque les prestataires impliqués ne pouvaient soupçonner que leur conduite mettait en danger leur emploi compte tenu du fait que cette conduite avait été longuement tolérée par la direction et que ces gestes avaient été « posés à la vue et la connaissance de contremaîtres sans jamais qu’il y ait sanction, du moins à la connaissance des prestataires visés. » Comme on l’a déjà expliqué en détail dans les présents motifs, la preuve concernant l’appelante, prise dans son ensemble, établit clairement une correspondance entre la conduite de l’appelante en l’espèce et les circonstances de l’affaire Gagné (précitée).

[118] Le Tribunal est quelque peu troublé par le fait que l’appelante n’ait pas pris la peine de vérifier le contenu du sac à dos – ni n’ait suggéré à Mme S. H. de le faire – pour s’assurer qu’il ne contenait pas d’objets personnels ou d’articles de valeur dans l’une de ses poches extérieures ou l’un des compartiments intérieurs. Cependant, le Tribunal note que le sac à dos a été trouvé dans la corbeille à déchets et que, selon Mme A. E., la cliente qui a rappelé l’hôtel au sujet des articles perdus n’avait mentionné que des vêtements et des chaussures qu’elle avait oubliés, sans rien mentionner en fait de pièces d’identité ou d’articles de valeur particulière. Cette omission, pour négligente qu’elle soit, ne fait pas pour autant de la conduite de l’appelante une inconduite au sens de la Loi.

[119] L’appelante a enfreint les dispositions de la politique écrite du Strathcona sur les objets trouvés lorsqu’elle a apporté dans la salle du personnel plutôt qu’à la réception les articles qu’elle a trouvés au rebut et qu’elle a fini par prendre le sac à dos avec elle. Cependant, cette politique écrite ne dit rien sur ce que l’on doit faire des articles trouvés au rebut. Mme B. E. a elle‑même déclaré qu’une femme de ménage pouvait prendre une bouteille de shampoing à moitié utilisée qu’elle a trouvée dans la corbeille à déchets et a implicitement admis que les articles trouvés au rebut ne doivent pas nécessairement être apportés à la réception puis consignés dans le registre des objets trouvés.

[120] Le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas sciemment violé la politique sur les objets trouvés lorsqu’elle a suivi la pratique de longue date du Strathcona qui consiste à consulter sa gestionnaire de l’entretien ménager au sujet des articles trouvés au rebut et de laisser la gestionnaire de l’entretien ménager décider si ces articles doivent être apportés à la réception ou non et, dans ce dernier cas, si l’on peut les mettre dans la salle du personnel et les laisser à l’intention des employés qui voudraient les prendre avec eux. Le Tribunal juge crédible et raisonnable la preuve relative à ce que signifiait dans la pratique la politique du Strathcona sur les objets trouvés.

[121] Le Tribunal estime que le fait que l’appelante ait suivi la pratique relative aux articles trouvés au rebut empêche de conclure que sa violation de la politique écrite sur les objets trouvés était consciente ou délibérée. Par conséquent, on ne peut pas dire que cette conduite était délibérée. En suivant la pratique que lui avaient expliquée ses superviseurs (Mme H. K. et Mme J. C.) pendant près de huit ans sans incident, l’appelante n’aurait pas pu soupçonner que son comportement en lien avec les articles qu’elle avait trouvés au rebut en décembre 2012 mettrait son emploi en péril. Le Tribunal conclut par conséquent que la violation des dispositions de la politique du Strathcona sur les objets trouvés par l’appelante n’était pas délibérée.

[122] Pour ces motifs, le Tribunal conclut que la preuve sur laquelle la Commission s’est fiée est insuffisante pour prouver qu’il y a eu inconduite en l’espèce.

Conclusion

[123] Le Tribunal conclut que la Commission n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante avait perdu son emploi au Strathcona en raison de sa propre inconduite. Le Tribunal conclut donc que l’appelante n’a pas à être exclue du bénéfice des prestations d’AE pour une période indéfinie en vertu de l’article 30 de la Loi.

[124] L’admissibilité de l’appelante au bénéfice des prestations d’AE est rétablie.

[125] L’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.