Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

[1] L’audience initialement prévue le 26 janvier 2016 a été ajournée, de même que celle ayant été prévue le 29 mars 2016. Une nouvelle date d’audience a été établie soit, le 4 mai 2016.

[2] L’appelant, monsieur A. C., était présent lors de l’audience téléphonique (téléconférence) tenue le 4 mai 2016.

Introduction

[3] Le 23 décembre 2013, l’appelant a présenté une demande initiale de prestations ayant pris effet le 22 décembre 2013. L’appelant a déclaré avoir travaillé pour l’employeur Sécurité des Deux-Rives Ltée, du 1er septembre 2013 au 20 décembre 2013, inclusivement (pièces GD3-3 à GD3-11).

[4] Le 1er juin 2015, l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») a informé l’appelant qu’elle avait réexaminé sa demande de prestations dont la date de début était le 22 décembre 2013. Elle a avisé l’appelant qu’elle ne pouvait lui verser des prestations régulières d’assurance-emploi à partir du 30 mars 2014 parce qu’il a volontairement arrêté de travailler pour l’employeur Sécurité des Deux-Rives Ltée, le 4 avril 2014, sans motif valable en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »). La Commission a conclu que l’appelant a fait une fausse déclaration en toute connaissance de cause, pour laquelle une pénalité de 1 362,00 $ lui a été imposée. Un avis de violation classifié comme une « violation très grave » a également été transmis à l’appelant (pièces GD3-46 à GD3-48).

[5] Le 10 juillet 2015, l’appelant a présenté une Demande de révision d’une décision d’assurance-emploi (pièce GD3-53).

[6] Le 14 août 2015, la Commission a avisé l’appelant qu’elle maintenait la décision rendue à son endroit, en date du 1er juin 2015, concernant la pénalité qui lui a été imposée et l’avis de violation qui lui a été signifié (pièces GD3-62 et GD3-63).

[7] Le 22 septembre 2015, l’appelant a présenté un Avis d’appel auprès de la Section de l’assurance-emploi de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal »), (pièces GD2-1 à GD2-5).

[8] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. Le fait que l’appelant sera la seule partie à assister à l’audience ;
  2. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent (pièces GD1-1 à GD1-4).

Questions en litige

[9] Le Tribunal doit déterminer si l’appel de la décision de la Commission est fondé à l’égard des deux litiges suivants :

  1. L’imposition d’une pénalité à l’appelant, aux termes de l’article 38 de la Loi, pour avoir perpétré un acte délictueux en faisant sciemment des déclarations fausses ou trompeuses ;
  2. L’émission d’un avis de violation à l’endroit de l’appelant, à la suite d’une pénalité qui lui a été infligée, pour avoir perpétré un acte délictueux et qui lui a été signifié, en vertu de l’article 7.1 de la Loi.

Droit applicable

[10] En ce qui concerne l’imposition de « pénalités », l’article 38 de la Loi prévoit les dispositions suivantes :

[…] (1) Lorsqu’elle prend connaissance de faits qui, à son avis, démontrent que le prestataire ou une personne agissant pour son compte a perpétré l’un des actes délictueux suivants, la Commission peut lui infliger une pénalité pour chacun de ces actes : a) à l’occasion d’une demande de prestations, faire sciemment une déclaration fausse ou trompeuse; b) étant requis en vertu de la présente loi ou des règlements de fournir des renseignements, faire une déclaration ou fournir un renseignement qu’on sait être faux ou trompeurs; c) omettre sciemment de déclarer à la Commission tout ou partie de la rémunération reçue à l’égard de la période déterminée conformément aux règlements pour laquelle il a demandé des prestations; d) faire une demande ou une déclaration que, en raison de la dissimulation de certains faits, l’on sait être fausse ou trompeuse; e) sciemment négocier ou tenter de négocier un mandat spécial établi à son nom pour des prestations au bénéfice desquelles on n’est pas admissible; f) omettre sciemment de renvoyer un mandat spécial ou d’en restituer le montant ou la partie excédentaire comme le requiert l’article 44; g) dans l’intention de léser ou de tromper la Commission, importer ou exporter, ou faire importer ou exporter, un document délivré par elle; h) participer, consentir ou acquiescer à la perpétration d’un acte délictueux visé à l’un ou l’autre des alinéas a) à g). […] (2) La pénalité que la Commission peut infliger pour chaque acte délictueux ne dépasse pas : a) soit le triple du taux de prestations hebdomadaires du prestataire; b) soit, si cette pénalité est imposée au titre de l’alinéa (1)c), le triple : (i) du montant dont les prestations sont déduites au titre du paragraphe 19(3), (ii) du montant des prestations auxquelles le prestataire aurait eu droit pour la période en cause, n’eût été la déduction faite au titre du paragraphe 19(3) ou l’inadmissibilité ou l’exclusion dont il a fait l’objet; c) soit, lorsque la période de prestations du prestataire n’a pas été établie, le triple du taux de prestations hebdomadaires maximal en vigueur au moment de la perpétration de l’acte délictueux. […] (3) Il demeure entendu que les semaines de prestations régulières remboursées par suite de la perpétration d’un acte délictueux visé au paragraphe (1) sont considérées comme des semaines de prestations régulières versées pour l’application du paragraphe 145(2).

[11] Au sujet de la « majoration du nombre d’heures d’emploi assurable requis », l’article 7.1 (1) de la Loi prévoit les dispositions suivantes :

Le nombre d’heures d’emploi assurable requis au titre de l’article 7 est majoré conformément au tableau qui suit, en fonction du taux régional de chômage applicable, à l’égard de l’assuré autre qu’une personne qui devient ou redevient membre de la population active s’il est responsable d’une ou de plusieurs violations au cours des deux cent soixante semaines précédant sa demande initiale de prestations. […] (2) Le nombre d’heures d’emploi assurable requis au titre de l’article 7 à l’égard de la personne qui devient ou redevient membre de la population active est majoré respectivement à mille cent trente- huit heures, mille trois cent soixante-cinq heures ou mille quatre cents heures selon que, au cours des deux cent soixante semaines précédant sa demande initiale de prestations, elle s’est rendue responsable d’une violation mineure, grave ou très grave. […] (2.1) Toute violation prévue à l’article 152.07 dont s’est rendu responsable un particulier est réputée être une violation prévue au présent article, et ce, à la date où il s’est vu donner l’avis de violation. […] (3) Une violation dont un particulier s’est rendu responsable ne peut être prise en compte au titre des paragraphes (1) ou (2) à l’égard de plus de deux demandes initiales de prestations présentées par lui au titre de la présente loi s’il remplit les conditions requises pour recevoir des prestations dans le cadre de chacune de ces deux demandes, compte tenu des paragraphes (1) ou (2), du sous-alinéa 152.07(1)d)(ii) ou des règlements pris en vertu de la partie VIII, selon le cas. […] (4) Il y a violation lorsque le prestataire se voit donner un avis de violation parce que, selon le cas : a) il a perpétré un ou plusieurs actes délictueux prévus à l’article 38, 39 ou 65.1 pour lesquels des pénalités lui ont été infligées au titre de l’un ou l’autre de ces articles, ou de l’article 41.1; b) il a été trouvé coupable d’une ou plusieurs infractions prévues à l’article 135 ou 136; c) il a été trouvé coupable d’une ou plusieurs infractions au Code criminel pour tout acte ou omission ayant trait à l’application de la présente loi. […] (5) À l’exception des violations pour lesquelles un avertissement est donné, chaque violation est qualifiée de mineure, de grave, de très grave ou de subséquente, en fonction de ce qui suit : a) elle est mineure, si sa valeur est inférieure à 1 000 $, grave, si elle est inférieure à 5 000 $, et très grave, si elle est de 5 000 $ ou plus; b) elle est subséquente si elle fait l’objet d’un avis de violation donné dans les deux cent soixante semaines suivant une autre violation, même si l’acte délictueux sur lequel elle est fondée a été perpétré avant cette dernière. […] (6) La valeur d’une violation correspond à la somme des montants suivants : a) le versement excédentaire de prestations lié à l’acte délictueux sur lequel elle est fondée; b) si le prestataire est exclu ou inadmissible au bénéfice des prestations, ou si l’acte délictueux en cause a trait aux conditions requises au titre de l’article 7, le montant obtenu, sous réserve du paragraphe (7), par multiplication de son taux de prestations hebdomadaires par le nombre moyen de semaines à l’égard desquelles des prestations régulières sont versées à un prestataire, déterminé conformément aux règlements. […] (7) Le montant obtenu au titre de l’alinéa (6)b) ne peut excéder le montant des prestations auxquelles le prestataire aurait eu droit s’il n’avait pas été exclu ou déclaré inadmissible ou s’il avait rempli les conditions requises au titre de l’article 7.

Tableau
Regional Rate of Unemployment /
Taux régional de chômage
Violation      
  minor /
mineure
serious /
grave
very serious /
très grave
subsequent /
subséquente
6% and under/
6 % et moins
875 1050 1225 1400
more than 6% but not more than 7%/
plus de 6 % mais au plus 7 %
831 998 1164 1330
more than 7% but not more than 8%/
plus de 7 % mais au plus 8 %
788 945 1103 1260
more than 8% but not more than 9%/
plus de 8 % mais au plus 9 %
744 893 1041 1190
more than 9% but not more than 10%/
plus de 9 % mais au plus 10 %
700 840 980 1120
more than 10% but not more than 11%/
plus de 10 % mais au plus 11 %
656 788 919 1050
more than 11% but not more than 12%/
plus de 11 % mais au plus 12 %
613 735 858 980
more than 12% but not more than 13%/
plus de 12 % mais au plus 13 %
569 683 796 910
more than 13%/
plus de 13 %
525 630 735 840

Preuve

[12] Les éléments de preuve contenus dans le dossier sont les suivants :

  1. Un relevé d’emploi, en date du 13 janvier 2014, indique que l’appelant a travaillé à titre d’« agent de sécurité » pour l’employeur Sécurité des Deux-Rives Ltée, du 26 août 2013 au 20 décembre 2013, inclusivement, et qu’il a cessé de travailler pour cet employeur pour une raison autre (code K – autre), (pièce GD3-12) ;
  2. Un relevé d’emploi, en date du 8 mai 2014, indique que l’appelant a travaillé à titre d’« agent de sécurité » pour l’employeur Sécurité des Deux-Rives Ltée, du 13 janvier 2014 au 4 avril 2014, inclusivement, et qu’il a cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un congédiement (code M – congédiement), (pièce GD3-13) ;
  3. Dans un document non daté, intitulé « Écran en texte intégral – Service de déclaration électronique – Certification de déclaration électronique », la Commission a rappelé qu’un prestataire qui utilise le service de déclaration par Internet pour faire ses déclarations, reçoit des instructions écrites sur la façon d’accéder au système, la manière de remplir les déclarations et la manière d’y apporter des corrections lorsque cela s’avère nécessaire (pièces GD3-14 à GD3-17) ;
  4. Le 6 octobre 2015, la Commission a indiqué que, pour la période du 23 mars 2014 au 19 avril 2014, les déclarations électroniques par Internet de l’appelant, et la certification donnée par un agent de la Commission (les copies des questions et des réponses fournies par l’appelant ont été reproduites les 5 et 19 avril 2014), démontrent que l’appelant a déclaré ne pas avoir cesser de travailler pour un employeur au cours de la période en cause (pièces GD3-18 à GD3-32) ;
  5. Le 5 mai 2014, l’appelant a déclaré avoir effectué 24 heures de travail au cours de la semaine du 6 au 12 avril 2014 et ne pas avoir travaillé ni avoir reçu de gains au cours de la semaine du 13 au 19 avril 2014. L’appelant a répondu « non » à la question suivante : « Avez-vous cessé de travailler pendant la période couverte par la ou les déclarations? » (pièces GD3-33 à GD3-35) ;
  6. Dans un document intitulé « Demande de renseignements – Registres de paie – Request for Payroll Information », complété le 12 septembre 2014, l’employeur Sécurité des Deux-Rives Ltée a déclaré avoir versé des montants à l’appelant, à titre de rémunération, pour les semaines ayant débuté le 9 mars 2014 (372,83 $), le 23 mars 2014 (522,51 $) et le 30 mars 2014 (389,04 $). L’employeur a indiqué que l’appelant a été embauché le 5 juin 2012 et que son emploi s’est terminé le 4 avril 2014 (pièces GD3-36 à GD3-37) ;
  7. Dans deux lettres similaires, une du 9 décembre 2014 et l’autre du 8 janvier 2015, la Commission a informé l’appelant que les renseignements qu’il lui a fournis au sujet de sa rémunération et du motif de sa cessation d’emploi, ne correspondaient pas à ceux qu’elle avait reçus de la part de l’employeur Sécurité des Deux-Rives Ltée pour les semaines de travail ayant débuté le 2 septembre 2012 et le 7 octobre 2012. La Commission a demandé à l’appelant de lui retourner un formulaire pour expliquer la raison pour laquelle il n’a pas signalé toute sa rémunération et le motif de sa cessation d’emploi avant le 24 décembre 2014 dans un cas (lettre en date du 9 décembre 2014), et avant le 22 janvier 2015, dans l’autre cas (lettre en date du 8 janvier 2015). L’appelant n’a pas donné suite à ces demandes (pièces GD3-38 à GD3-45) ;
  8. Dans un document intitulé « Détails sur l’avis de dette (DH009) », en date du 6 juin 2015 et reproduit le 6 octobre 2015, le montant total de la dette de l’appelant a été établi à 13 810,00 $ (pièce GD3-49) ;
  9. Dans un document non daté, intitulé « Raisonnement – Décision montant de la pénalité », la Commission a expliqué les éléments qu’elle a pris en considération et les calculs effectués pour établir le montant de la pénalité de 1 362,00 $ imposée à l’appelant. La Commission a expliqué que le montant de la pénalité qu’elle peut infliger pour chaque acte délictueux ne dépasse pas le triple du taux de prestations hebdomadaire du prestataire, en vertu de l’alinéa 38(2)a) de la Loi. La Commission a souligné que l’appelant n’a aucun antécédent de fausses déclarations (pièce GD3-50) ;
  10. Dans un document non daté, intitulé « Raisonnement – Violation », la Commission a expliqué que l’appelant n’avait pas donné de raisons fondées pour expliquer sa fausse déclaration et qu’aucune condition ou facteur additionnel n’apparaît au dossier. La Commission a aussi précisé avoir exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a émis l’avis de violation à l’endroit de l’appelant puisqu’elle a pris en considération toutes les circonstances et les facteurs reliés au présent dossier. Elle a indiqué qu’elle considérait que cette décision n’était ni excessive ni trop sévère (pièce GD3-51) ;
  11. Le 10 juillet 2015, l’appelant a expliqué ne pas avoir volontairement quitté son emploi, mais plutôt avoir été congédié par son employeur Sécurité des Deux-Rives Ltée, le 9 décembre 2014. Il a indiqué avoir été suspendu par le Bureau de la sécurité privée le 4 avril 2014 (pièce GD3-53) ;
  12. Le 12 août 2015, l’entreprise Gardaworld (Groupe de Sécurité Garda inc.) a transmis à la Commission une copie des documents suivants :
    1. Lettre du Bureau de la sécurité privée (BSP), adressée à l’appelant, en date du 14 mars 2014, l’avisant qu’il avait l’intention de procéder à la révocation de son permis d’agent de gardiennage, en vertu du 2e alinéa de l’article 30 de la Loi sur la sécurité privée (LSP), (pièce GD3-55) ;
    2. Lettre du Bureau de la sécurité privée (BSP), adressée à l’employeur Sécurité des Deux-Rives Ltée, en date du 4 avril 2014, l’informant que le permis d’agent de gardiennage de l’appelant avait été révoqué (pièce GD3-56) ;
    3. Lettre de l’employeur Sécurité des Deux-Rives Ltée adressée à l’appelant, en date du 7 avril 2014, l’avisant que son emploi allait prendre fin le 7 avril 2014 puisque son permis d’agent de sécurité (permis d’agent de gardiennage) avait été révoqué au Bureau de la sécurité privée, depuis le 4 avril 2014 (pièces GD3-57 et GD3-58) ;

[13] Les éléments de preuve présentés à l’audience sont les suivants :

  1. L’appelant a expliqué qu’en avril 2014, son permis d’agent de gardiennage (agent de sécurité) avait fait l’objet d’une suspension, pour une période d’un an, de la part du Bureau de la sécurité privée (BSP), en raison de problèmes personnels (pièces GD3-55 et GD3-56). Quelques jours après que son permis ait été suspendu, il a présenté une demande d’appel auprès du BSP afin d’obtenir une révision de son dossier et de récupérer son permis. Il a indiqué avoir respecté le délai de 20 jours qui lui était alloué pour faire appel de la décision rendue par le BSP et qu’il a appelé régulièrement pour connaître l’état de son dossier. Il a indiqué qu’un procès avait été tenu en juillet 2014 et qu’on lui a alors dit qu’il allait connaître le résultat dans un délai d’environ trois semaines, étant donné que l’année scolaire allait commencer sous peu. Il a spécifié avoir attendu 89 jours avant de pouvoir obtenir une réponse à sa demande de révision, mais que le résultat avait été négatif (pièces GD3-59 à GD3-61) ;
  2. Il a expliqué que lorsque la suspension de son permis a été levée, le 12 décembre 2014, il a communiqué avec l’employeur (monsieur B. L.) pour lui signifier qu’il était prêt à reprendre du service. L’appelant a affirmé avoir alors appris que son dossier était fermé et qu’il n’était plus employé chez cet employeur. Il a expliqué que, par la suite, il a reçu une lettre de l’assurance-emploi l’avisant qu’il avait fait une fausse déclaration parce qu’il n’avait pas indiqué qu’il avait cessé de travailler pour cet employeur. L’appelant a affirmé que son employeur l’a invité à revenir au bureau pour ouvrir son dossier, mais que cette démarche n’avait pas fait en sorte qu’il soit réembauché et qu’il avait trouvé un autre emploi (pièces GD3-59 à GD3-61) ;
  3. L’appelant a déclaré ne pas se souvenir d’avoir déclaré à la Commission qu’il avait reçu son relevé d’emploi (pièces GD3-13 et GD3-59). Il a affirmé qu’il ne reçoit pas son relevé d’emploi, mais que celui-ci est transmis directement par l’employeur à la Commission. L’appelant a dit ne pas trop comprendre comment il aurait pu dire à la Commission qu’il avait « sûrement reçu » son relevé d’emploi, mais qu’il ne l’avait pas avec lui (pièce GD3-59). Il a indiqué ne pas se souvenir d’avoir fait une telle affirmation. L’appelant a souligné que même s’il l’avait reçu, il n’aurait pas porté attention à ce document ni vu la « case cochée » (ex. : congédiement) ;
  4. Concernant le dépôt de sa paie de vacances (1 482,46 $) dans son compte bancaire, à la suite de son congédiement, l’appelant a indiqué qu’il ne pouvait pas dire ce qu’il en était. Il a expliqué qu’il va dans son compte, qu’il prend de l’argent, qu’il paie ses factures et que pour le reste, il vit avec (pièces GD3-13 et GD3-59 à GD3-61) ;
  5. L’appelant a affirmé ne pas avoir reçu la lettre de fin d’emploi, en date du 7 avril 2014, que lui a fait parvenir son employeur (pièce GD3-57). Il a souligné ne pas avoir communiqué avec son employeur au cours de la période du 14 avril 2014 au 12 décembre 2014. L’appelant a précisé que l’adresse apparaissant sur cette lettre était exacte (pièces GD3-57 et GD3-59 à GD3-61) ;
  6. Il a indiqué avoir reçu la lettre du Bureau de la sécurité privée (BSP) l’avisant que son permis allait être suspendu (préavis de révocation en date du 14 mars 2014). Il a précisé que c’est à partir de cette lettre qu’il a pu faire appel pour récupérer son permis (pièce GD3-55) ;
  7. L’appelant a indiqué ne pas avoir donné suite aux lettres que la Commission lui a fait parvenir, les 9 décembre 2014 et 8 janvier 2015, dans lesquelles elle lui demandait de clarifier les motifs de sa cessation d’emploi chez l’employeur Sécurité des Deux-Rives Ltée, parce qu’il ne les a pas reçues (pièces GD3-38 à GD3-45 et GD3-59 à GD3-61) ;
  8. Il a indiqué ne pas avoir récupéré son permis parce qu’il n’avait pas eu le cœur ou le courage de faire des démarches en ce sens. Il a indiqué avoir trop eu de mésaventures en lien avec son permis et que sa situation l’avait démoralisé et « mis à terre ».

Arguments des parties

[14] L’appelant a présenté les observations et les arguments suivants :

  1. L’appelant a indiqué qu’avec la révocation de son permis d’agent de gardiennage, il n’était plus en mesure de travailler à titre d’agent de sécurité ou dans ce domaine d’emploi. Il a affirmé, qu’à sa connaissance, malgré la révocation de son permis par le Bureau de la sécurité privée (BSP), en date du 4 avril 2014, il était encore employé chez l’employeur Sécurité des Deux-Rives Ltée. L’appelant a expliqué que le BSP délivre le permis d’agent de gardiennage, mais que c’est une agence de sécurité qui effectue l’embauche des agents soit, dans son cas, l’employeur Sécurité des Deux-Rives Ltée. L’appelant a souligné qu’il était en attente de savoir s’il pouvait récupérer son permis et continuer à travailler, jusqu’au moment d’obtenir une réponse, en décembre 2014, à sa demande de révision (pièces GD3-59 à GD3-61) ;
  2. L’appelant a affirmé qu’il ne savait vraiment pas qu’il avait été congédié par son employeur. Il ne l’a appris qu’en décembre 2014, lorsque la Commission a communiqué avec lui pour lui préciser qu’il avait été congédié par son employeur. Il a fait valoir que même s’il n’était pas en mesure de travailler pour celui-ci, il croyait qu’il était toujours à son emploi et ne pensait pas que son dossier avait été fermé et qu’il n’allait pas pouvoir revenir travailler pour cet employeur. Il a affirmé que dans sa tête, il était toujours un employé chez Sécurité des Deux-Rives Ltée et qu’il attendait une décision de la cour pour récupérer son permis et retourner travailler. Il a affirmé ne pas avoir reçu d’avis écrit de fin d’emploi (pièce GD2-3) ;
  3. L’appelant a fait valoir qu’il n’avait pas indiqué qu’il avait cessé de travailler pour un employeur dans ses déclarations parce qu’il ne croyait pas que c’était le cas puisqu’il contestait la décision rendue par le Bureau de la sécurité privée (BSP). Celui-ci avait suspendu son permis d’agent de gardiennage et il croyait qu’il était toujours au service de l’employeur Sécurité des Deux-Rives Ltée (pièces GD2-3 et GD3-59 à GD3-61) ;
  4. L’appelant a expliqué avoir répondu « non » à la question : « Avez-vous cessé de travailler pendant la période couverte par la ou les déclarations? » dans la déclaration faite à un agent de la Commission, le 5 mai 2014, parce qu’il avait fait une mauvaise interprétation de cette question, que ce n’était pas une chose à laquelle il avait réfléchi avant de répondre, qu’il avait répondu de façon machinale ou automatique et qu’il avait toujours répondu la même chose sans trop poser de question. Il a souligné qu’il s’agissait d’un manque d’attention de sa part. Il a souligné que « ça coûte cher un manque d’attention » (pièces GD3-33 à GD3-35) ;
  5. Il a expliqué ne pas avoir déclaré la paie de vacances qu’il a reçue (1 482,46 $) parce qu’il ne s’était pas rendu compte que cette somme avait été déposée dans son compte bancaire. Il a affirmé qu’il ne savait pas qu’une paie de vacances lui avait été versée (pièces GD3-59 à GD3-61) ;
  6. L’appelant a fait valoir qu’il a travaillé pour l’employeur Sécurité des Deux-Rives Ltée pendant une période de six ans. Il a expliqué que croyant qu’il était toujours un employé chez cet employeur, il avait répondu aux questions se trouvant dans ses déclarations comme il le faisait d’habitude depuis six ans, aux mêmes moments et selon le cycle suivant : travail, cessation d’emploi, chômage, retour au travail, appel, envoi de la cessation d’emploi. Il a affirmé avoir continué de faire la même routine. Il a expliqué qu’il recevait sa cessation d’emploi au même moment chaque année et qu’il n’a pas porté attention aux questions qui lui étaient posées et aux déclarations qu’il avait pu faire, et qu’il croyait qu’il était toujours à l’emploi de son employeur. L’appelant a soutenu qu’il ne s’agissait pas d’un geste volontaire de sa part, tout en indiquant qu’il n’avait pas suivi ses affaires et qu’il aurait dû se renseigner.

[15] La Commission a présenté les observations et arguments suivants :

  1. Elle a expliqué que conformément à l’article 38 de la Loi, elle peut infliger une pénalité pour toute fausse déclaration faite sciemment par le prestataire. La Commission a précisé que le terme « sciemment » signifie qu’elle peut raisonnablement conclure que le prestataire savait que les renseignements qu'il fournissait étaient erronés lorsqu’il les a fournis ou qu’il n’a pas déclaré certains renseignements. Elle a souligné qu’il n’y a pas d'élément d'intention dans cette considération (pièce GD4-5) ;
  2. La Commission a expliqué que le fardeau de la preuve lui revient de démontrer qu’il y a eu une fausse déclaration. Elle a précisé que lorsqu’elle peut raisonnablement conclure que des prestations ont été versées en raison d’un acte délictueux, le fardeau passe au prestataire ou à l’employeur qui doit alors prouver que les événements peuvent être interprétés comme s’étant produits non délibérément. La Commission a spécifié que la norme de preuve en cas d’acte délictueux est la prépondérance de la preuve. Elle a souligné qu’il n’est pas suffisant de tout simplement ne pas croire un prestataire qui se dit innocent. La Commission a précisé que pour arriver à la conclusion qu’il y a eu une fausse déclaration faite sciemment, les éléments de preuve doivent permettre de démontrer : (1) qu’il y a objectivement un acte délictueux ; (2) que la fausse déclaration a induit la Commission en erreur ; (3) que cette fausse déclaration a entraîné le versement de prestations réelles ou potentielles auxquelles le prestataire n’était pas admissible et (4) qu’au moment de la déclaration, le prestataire savait qu’il ne rapportait pas adéquatement les faits (pièce GD4-5) ;
  3. Elle a soutenu avoir démontré que l’appelant a fait une fausse déclaration lorsqu’il a rempli sa déclaration pour la période du 23 mars au 5 avril 2014, en ne mentionnant pas avoir cessé de travailler (pièces GD3-19 à GD3-27 et GD4-5) ;
  4. La Commission a fait valoir que bien que l’avis de congédiement ait été signifié à l’appelant le 7 avril 2014, celui-ci savait que son permis serait révoqué parce qu’il dit avoir contesté la révocation (pièce GD3-59). Elle a expliqué que l’appelant n’a pas pu indiquer qu’il avait cessé de travailler à la déclaration suivante, pour la période du 6 au 19 avril 2014, parce qu’il n’a pas déclaré de rémunération et la question, à savoir qu’il avait cessé de travailler ne lui a pas été posée (pièces GD3-27 à GD3-32 et GD4-5) ;
  5. Elle a indiqué que, par contre, l’appelant a communiqué avec elle, le 5 mai 2014, pour faire corriger sa déclaration pour la période du 6 au 19 avril 2014. La Commission a souligné que l’appelant a alors eu la possibilité de l’aviser qu’il avait cessé de travailler, mais celui-ci a répondu « non » à la question lui demandant : « Avez-vous cessé de travailler pendant la période visée par la ou les déclarations? (pièce GD3-34). Elle a expliqué qu’à ce moment, l’appelant ne travaillait plus depuis un mois et qu’il ne pouvait pas ignorer qu’il avait cessé de travailler. Selon la Commission, même si l’appelant a allégué qu’il pensait seulement avoir été suspendu (pièce GD3-59), il demeure qu’il avait cessé de travailler. Elle a souligné qu’il ne lui a pas été demandé s’il avait été congédié, mais s’il avait cessé de travailler, ce à quoi, il aurait dû répondre « oui » (pièce GD4-5) ;
  6. La Commission a soutenu que l’appelant savait qu’il faisait une déclaration fausse en répondant ne pas avoir cessé de travailler. Elle a précisé que lors du dépôt de sa demande, l’appelant a été avisé de : « nous informer de toute cessation d’emploi et des motifs de cette cessation » (pièce GD3-7). La Commission a indiqué que l’appelant a aussi été informé que : « Si vous ne dévoilez pas certains éléments d’information, ou si vous faites sciemment une déclaration fausse ou trompeuse, vous commettez une infraction pouvant entraîner un trop-payé et vous vous exposez à de graves pénalités, voire des poursuites » (pièce GD3-8). Elle a souligné que l’appelant a accepté ses droits et responsabilités après les avoir lus et bien compris (pièce GD3-8), (pièce GD4-6) ;
  7. Elle a fait valoir que si le Tribunal vient à la conclusion qu’une pénalité est justifiée, il doit alors déterminer si elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsque le montant de la pénalité a été fixé (pièce GD4-6) ;
  8. La Commission a expliqué que depuis le 1er juin 2005, elle a adopté la politique suivante concernant le calcul des pénalités : pour un premier acte délictueux, le montant de la pénalité peut être jusqu’à 50 % du montant du trop-payé découlant de cet acte délictueux. Pour un deuxième acte délictueux, le montant de la pénalité peut être jusqu’à 100 % du montant du trop payé. Pour le troisième acte délictueux et les suivants, le montant de la pénalité peut être jusqu’à 150 % du montant du trop-payé. La Commission a précisé qu’il s’agit de maximums qu’elle s’est fixé par politique et ce n’est qu’après avoir pris en considération toutes les circonstances atténuantes que le montant de la pénalité est calculé (pièce GD4-6) ;
  9. Elle a indiqué avoir adopté, depuis le 1er juin 2015, la politique suivante concernant le calcul des pénalités lorsqu’une période de prestations n’a pas pu être établie ou a été annulée parce que le relevé d’emploi fourni était inexact : pour un premier acte délictueux, le montant de la pénalité peut être jusqu’à une fois le nombre d’actes délictueux multiplié par le taux maximal de prestations en vigueur au moment où l’acte délictueux a été commis. Pour un deuxième acte délictueux, le montant de la pénalité peut être jusqu’à deux fois le nombre d’actes délictueux multiplié par le taux maximal de prestations en vigueur au moment où l’acte délictueux a été commis. Pour le troisième acte délictueux et les suivants, le montant de la pénalité peut être jusqu’à trois fois le nombre d’actes délictueux multiplié par le taux maximal de prestations en vigueur au moment où l’acte délictueux a été commis. Elle a précisé qu’il s’agit ici de maximums qu’elle s’est fixé par politique et ce n’est qu’après avoir pris en considération toutes les circonstances atténuantes que le montant de la pénalité est calculé (pièce GD4-6) ;
  10. La Commission a soutenu avoir exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire étant donné qu’elle a tenu compte de toutes les circonstances pertinentes à l’affaire au moment de fixer le montant de la pénalité. Elle a indiqué que le montant du trop-payé net est de 12 347,00 $ (toutes les prestations que l’appelant a reçues depuis la semaine effective de son congédiement). La Commission a précisé qu’il s’agit du premier acte délictueux de l’appelant. Elle a spécifié que la pénalité aurait pu être imposée à 50 % du trop-payé soit, 6 174,00 $, mais que le plafond pour un premier acte délictueux est de 5 000,00 $. La Commission a expliqué que l’alinéa 38(2)a) de la Loi stipule que la pénalité qu’elle peut infliger pour chaque acte délictueux ne doit pas dépasser le triple du taux de prestations hebdomadaire du prestataire : une fausse déclaration X (3 X le taux 454,00 $) = 1 362,00 $. La Commission a indiqué qu’en vertu de l’alinéa 38(2)a) de la Loi, la pénalité imposée à l’appelant est de 1 362,00 $ (pièce GD3-50), (pièce GD4-7) ;
  11. Elle a aussi expliqué que depuis le 8 juillet 2010, un avis de violation n’est plus signifié automatiquement lorsqu’elle inflige une pénalité, émet une lettre d’avertissement ou engage une poursuite. La Commission a précisé que lorsque la décision est prise d’infliger une sanction en raison d’une fausse déclaration, elle doit déterminer si un avis de violation doit être émis ou non, conformément au paragraphe 7.1(4) de la Loi. Elle a expliqué qu’en prenant la décision d’émettre un avis de violation, les circonstances atténuantes devaient être considérées. Elle a ajouté qu’un autre élément à considérer était celui de l’impact global d’émettre un avis de violation à l’appelant, y compris sa capacité à établir une demande de prestations dans le futur (pièces GD4-7 et GD4-8) ;
  12. La Commission a expliqué que dans le cas présent, la découverte d’une fausse déclaration a donné lieu à un trop-payé s’élevant à 12 347,00 $ (pièce GD3-49) et que, par conséquent, un avis de violation très grave a été signifié à l’appelant. Elle a précisé que le paragraphe 7.1(5) de la Loi qualifie la violation selon la gravité de l’acte délictueux et que la qualification de la violation dépend strictement du montant du trop-payé découlant de l’acte délictueux en cause. La Commission a souligné que le montant de la pénalité n’entre pas en ligne de compte quand il s’agit de qualifier une violation (pièce GD4-8) ;
  13. Elle a soutenu avoir exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en prenant la décision d’émettre l’avis de violation. La Commission a indiqué qu’après avoir pris en considération l’impact global d’émettre un avis de violation à l’appelant, incluant les circonstances atténuantes, les violations antérieures et l’impact de l’avis de violation sur la capacité de celui-ci à se qualifier sur les prochaines demandes de prestations, elle a déterminé qu’un avis de violation est applicable dans cette affaire (pièce GD3-51), (pièce GD4-8) ;
  14. La Commission a fait valoir que pour intervenir dans sa décision, le Tribunal doit déterminer qu’elle n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a signifié à l’appelant l’avis de violation (pièce GD4-8) ;
  15. La Commission a indiqué que l’avis de décision adressé à l’appelant en date du 9 juin 2015 (sic) [1er juin 2015] comportait une erreur d’écriture (pièces GD3-46 à GD3-48). Elle a expliqué que ce document indique que : « Nous avons réexaminé votre demande dont la date de début était le 22 décembre 2013, mais nous ne pouvons pas vous verser de prestations régulières d’assurance-emploi à partir du 30 mars 2014 parce que vous avez volontairement arrêté de travailler pour Sécurité des Deux-Rives Ltée, le 4 avril 2014, sans motif valable en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi. Nous sommes d’avis que le fait d’avoir quitté volontairement votre emploi n’était pas la seule solution raisonnable dans votre cas.» (pièce GD3-46), alors qu’on devrait plutôt lire : « Nous avons réexaminé votre demande dont la date de début était le 22 décembre 2013, mais nous ne pouvons pas vous verser de prestations régulières d’assurance-emploi à partir du 6 avril 2014 parce que vous (sic) [avez] été congédié par l’employeur Sécurité des Deux-Rives Ltée, le 7 avril 2014, en raison de votre inconduite en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi. ». La Commission a expliqué que dans l’affaire Desrosiers (A-128-89), la Cour d’appel fédérale (la « Cour ») a entériné le principe établi par le juge arbitre dans la décision CUB 16233, voulant qu’une erreur d’écriture qui ne cause aucun préjudice au prestataire n’est pas fatale à la décision portée en appel et confère au conseil arbitral le droit de maintenir la décision de la Commission (pièces GD4-2 et GD4-3).

Analyse

Pénalités

[16] La Cour a confirmé le principe qu’il n’y a déclaration fausse ou trompeuse que lorsque les prestataires savent de façon subjective que les informations qu’ils ont données ou les déclarations qu’ils ont faites - ou celles qui les concernaient - étaient fausses (Mootoo, 2003 CAF 206, Gates, A-600-94).

[17] Dans la cause Gagnon (A-52-04), la Cour a spécifié de quelle manière la Commission peut être justifiée de se donner des lignes directrices en matière d’imposition de pénalités de façon à assurer une certaine cohérence à l’échelle nationale et éviter l’arbitraire en ces matières.

[18] La Cour a également confirmé le principe selon lequel la Commission détient le pouvoir discrétionnaire d’imposer la pénalité prévue au paragraphe 38(1) de la Loi. De plus, la Cour a déclaré qu’aucune Cour, aucun juge-arbitre ou Tribunal n’était autorisé à faire obstacle à une décision de la Commission concernant une pénalité, tant et aussi longtemps que la Commission pouvait prouver qu’elle exerçait son pouvoir discrétionnaire « de façon judiciaire ». En d’autres termes, la Commission doit démontrer qu’elle a agi de bonne foi, tenu compte de tous les facteurs pertinents et laissé de côté ceux qui ne l’étaient pas (Uppal, 2008 CAF 388, Tong, 2003 CAF 281).

[19] La preuve au dossier démontre clairement que l’appelant n’a pas déclaré qu’il avait cessé de travailler pour l’employeur Sécurité des Deux-Rives Ltée, le 7 avril 2014 (pièces GD3-13 et GD3-57).

[20] L’appelant a indiqué avoir reçu une lettre du Bureau de la sécurité privée (BSP), en date du 14 mars 2014, lui indiquant qu’il ne semblait plus remplir les conditions légales de délivrance d’un permis d’agent de gardiennage. Dans cette lettre, l’appelant a été avisé que le BSP avait l’intention de révoquer son permis, en vertu de l’article 30 de la Loi sur la sécurité privée (pièce GD3-55). L’appelant a précisé avoir, dans les jours qui ont suivi la réception de cette lettre, engagé un recours dans le but de contester la décision que le BSP allait rendre à son endroit.

[21] L’appelant a aussi indiqué ne pas avoir communiqué avec l’employeur, entre son dernier jour de travail, le 4 avril 2014 (pièces GD3-13 et GD3-37), et le 12 décembre 2014 soit, la date à laquelle il a appris que son dossier avait été fermé par cet employeur et qu’il n’était plus employé de celui-ci.

[22] Au moment de compléter sa déclaration, le 5 avril 2014, l’appelant a répondu par la négative à une question sans équivoque lui demandant: « Avez-vous cessé de travailler pour un employeur pendant la période du 23 mars au 05 avril? » (numéro du script 6101) et il a confirmé sa réponse à cet effet (numéro du script 6352), (pièce GD3-25).

[23] En outre, dans une déclaration faite à la Commission le 5 mai 2014, l’appelant a également répondu « non » à la question suivante : « Avez-vous cessé de travailler pendant la période couverte par la ou les déclarations? » (pièce GD3-34).

[24] À ce moment, l’appelant ne pouvait ignorer qu’il avait cessé de travailler pour l’employeur Sécurité des Deux-Rives Ltée, depuis environ un mois, lorsqu’il a répondu par la négative à cette question. L’appelant n’était d’ailleurs plus en communication avec cet employeur depuis le 4 avril 2014.

[25] Le Tribunal ne peut retenir l’argument de l’appelant selon lequel il croyait qu’il était toujours à l’emploi de l’employeur Sécurité des Deux-Rives Ltée, même si son permis d’agent de gardiennage (agent de sécurité) avait été révoqué depuis le 4 avril 2014 (pièces GD3-56 et GD3-57).

[26] Le Tribunal considère non crédible l’explication donnée par l’appelant selon laquelle il avait répondu « non » à la question « Avez-vous cessé de travailler pendant la période couverte par la ou les déclarations? » parce qu’il avait mal interprété cette question, qu’il n’avait pas réfléchi avant de répondre, qu’il y avait répondu de façon machinale ou qu’il s’agissait d’un manque d’attention de sa part. Le Tribunal considère qu’une telle question ne contient aucune ambiguïté et ne laisse place à aucune interprétation.

[27] Le Tribunal n’accorde pas de crédibilité à l’explication donnée par l’appelant voulant qu’il n’avait pas déclaré la paie de vacances qu’il a reçue parce qu’il ne s’était pas rendu compte que cette somme avait été déposée dans son compte bancaire ou qu’il ignorait qu’un paiement de cette nature lui avait été versé (pièces GD2-3 et GD3-59 à GD3-61). Lors de l’audience, l’appelant a d’ailleurs indiqué qu’il ne pouvait pas dire ce qu’il en était à cet effet.

[28] Le Tribunal trouve également contradictoire la déclaration de l’appelant selon laquelle il n’avait pas reçu le relevé d’emploi de son employeur, lequel indique qu’il a été congédié (pièce GD3-13). Dans une déclaration faite à la Commission, en mai 2014, l’appelant a déclaré qu’il avait « sûrement reçu » ce document, mais qu’il ne l’avait pas avec lui (pièce GD3-59). Lors de l’audience, l’appelant a dit ne pas se souvenir d’avoir fait une telle affirmation et a mis en doute la déclaration rapportée à cet effet (pièce GD3-59). Le Tribunal considère qu’une telle contradiction nuit à la crédibilité du témoignage de l’appelant.

[29] Le Tribunal trouve aussi contradictoires les affirmations de l’appelant concernant la révocation de son permis d’agent de gardiennage et les directives émises par le Bureau de la sécurité privée à cet effet (pièces GD3-55 et GD3-56).

[30] Lors de l’audience, l’appelant a affirmé que son permis avait été suspendu le 4 avril 2014, pour une période d’un an. Au cours de l’audience, l’appelant a affirmé que lorsque sa suspension avait été levée, en décembre 2014, il avait communiqué avec son employeur dans l’objectif de reprendre son travail. L’appelant a aussi expliqué qu’il avait dû attendre près de trois mois (89 jours) pour connaître le résultat à sa demande de révision auprès du Bureau de la sécurité privée, mais que la réponse obtenue avait été négative.

[31] Sur cet aspect, le Tribunal souligne qu’aucune des lettres envoyées par le Bureau de la sécurité privée, que ce soit à l’employeur ou à l’appelant, ne fait mention d’une suspension d’une durée d’une année (pièces GD3-55 et GD3-56). Dans ce contexte, la levée de sa suspension, en décembre 2014, évoquée par l’appelant lors de l’audience, apparaît peu vraisemblable, d’autant plus qu’il a lui-même indiqué qu’il n’avait pas été en mesure de récupérer son permis.

[32] Dans la lettre adressée à l’employeur, en date du 4 avril 2014, le Bureau de la sécurité privée l’a informé que le permis de l’appelant avait été révoqué le 4 avril 2014 et qu’il était désormais interdit à ce dernier d’exercer des activités de sécurité privée (pièce GD3-56).

[33] Dans une lettre adressée à l’appelant, en date du 7 avril 2014, l’employeur l’a avisé que son emploi prenait fin le 7 avril 2014, puisque son permis d’agent de sécurité avait été révoqué par la Bureau de la sécurité privée depuis le 4 avril 2014 (pièce GD3-57).

[34] Le Tribunal estime que même s’il a affirmé ne pas avoir reçu la lettre de son employeur, en date du 7 avril 2014, l’appelant avait la connaissance requise concernant la responsabilité qui lui incombait de déclarer qu’il avait cessé de travailler (pièces GD3-25 et GD3-34).

[35] Le Tribunal considère que l’appelant savait pertinemment qu’il devait faire ses déclarations en conséquence et juge que celui-ci ne peut aucunement se soustraire à la responsabilité du geste qui lui est reproché. Il savait subjectivement que ses déclarations étaient fausses (Mootoo, 2003 CAF 206, Gates, A-600-94).

[36] Au moment de remplir ses déclarations, l’appelant a reçu un message lui indiquant qu’il devait répondre correctement aux questions qui lui étaient posées, l’avisant également que de communiquer des faux renseignements est une fraude et qu’une telle action est condamnable en vertu de la Loi (pièces GD3-20 et GD3-29).

[37] Au moment de présenter sa demande de prestations, l’appelant a aussi reçu l’indication suivante : « Lorsque vous demandez des prestations régulières […] vous devez : […] nous informer [la Commission] de toute cessation d’emploi et des motifs de cette cessation » (pièces GD3-6 et GD3-7).

[38] En somme, le Tribunal considère que l’appelant a sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse. Le Tribunal rappelle également que « […] le terme "sciemment" est utilisé uniquement pour indiquer que l’auteur de la fausse déclaration doit savoir qu’elle est fausse. » (Gates, A-600-94).

[39] Par ailleurs, la jurisprudence a établi que la Commission n’est pas tenue d’établir l’existence d’une « intention de tromper » afin de prouver qu’un prestataire a sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse.

[40] La Commission a expliqué n’avoir retenu aucune circonstance atténuante dans l’établissement du montant de la pénalité de l’appelant (pièce GD3-50).

[41] Au sujet de la question touchant l’imposition d’une pénalité aux termes de l’article 38 de la Loi pour avoir perpétré un acte délictueux en faisant sciemment une déclaration fausse ou trompeuse, le Tribunal considère justifiée la décision de la Commission sur cette question (pièces GD3-50 et GD4-5 à GD4-7), (Gagnon, A-52-04).

[42] Le Tribunal estime que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, car en rendant sa décision d’imposer une pénalité à l’appelant, elle a été en mesure de prendre en compte l’ensemble des faits pertinents au dossier (Uppal, 2008 CAF 388, Tong, 2003 CAF 281).

[43] L’appel n’est pas fondé sur cette question.

Avis de violation

[44] Dans l’affaire Gill (CAF 2010 182), en se fondant sur son analyse du paragraphe 7.1(4) de la Loi, la Cour a déterminé que lorsqu’une situation requiert l’imposition d’une pénalité, l’émission d’un avis de violation n’est ni obligatoire ni automatique, en vertu du paragraphe 7.1(4) de ladite Loi et que la Commission peut exercer son pouvoir « discrétionnaire » dans les circonstances.

[45] Le Tribunal considère que la décision de la Commission d’émettre un avis de violation à l’endroit de l’appelant, aux termes de l’article 7.1 de la Loi, à la suite d’une pénalité qui lui a été infligée, pour avoir perpétré un acte délictueux, s’avère non justifiée dans les circonstances.

[46] Le Tribunal estime qu’il doit prendre en compte les facteurs atténuants, similaires à ceux qui interviennent dans la détermination du montant d’une sanction pécuniaire, afin d’évaluer la pertinence d’émettre un avis de violation (Gill, CAF 2010 182).

[47] Dans le cas présent, le Tribunal considère que la Commission a émis un avis de violation à l’endroit de l’appelant sans motivation additionnelle de sa part.

[48] Plutôt que d’expliquer pourquoi l’émission d’un avis de violation à l’appelant pouvait être justifiée dans les circonstances, en plus de la pénalité qui lui a été imposée, la Commission s’est limitée à indiquer qu’un avis de violation, qualifiée de « violation très grave », avait été émis à l’endroit de l’appelant en raison d’un trop-payé de 12 347,00 $ (pièce GD4-8).

[49] En mentionnant que le paragraphe 7.1(5) de la Loi qualifiait la violation selon la gravité de l’acte délictueux et que la qualification de la violation dépendait strictement du montant du trop-payé découlant de l’acte délictueux en cause, sauf s’il s’agit d’une lettre d’avertissement ou d’une violation subséquente, la Commission n’a fait que préciser une caractéristique de l’avis de violation sans démontrer la pertinence d’imposer une telle mesure (pièces GD3-51 et GD4-8).

[50] Elle a expliqué qu’après avoir pris en considération l’impact global d’émettre un avis de violation à l’appelant, incluant les circonstances atténuantes, les violations antérieures et l’impact de l’avis de violation sur la capacité de celui-ci à se qualifier sur les prochaines demandes de prestations, elle a déterminé qu’un avis de violation (violation très grave) était applicable dans la présente affaire (pièces GD3-51 et GD4-8).

[51] Le Tribunal est d’avis que même si la Commission a conclu que l’appelant « n’avait pas donné de raisons fondées pour expliquer sa fausse déclaration et qu’aucune condition ou facteur additionnel n’apparaît au dossier » (pièce GD3-51), elle n’a pas expliqué pourquoi sa décision d’émettre un avis de violation n’était « ni excessive ni trop sévère » (pièce GD3-51). Le Tribunal souligne également que la Commission a indiqué avoir pris en compte les circonstances atténuantes et qu’aucun élément de preuve ne vient démontrer qu’il y a eu des « violations antérieures » de la part de l’appelant. La Commission a aussi souligné qu’il s’agissait du « premier acte délictueux » de l’appelant (pièce GD4-7).

[52] Malgré les précisions qu’elle a fournies sur la nature de l’avis de violation, les caractéristiques générales s’y rattachant, et le fait qu’une telle mesure pouvait être applicable à l’endroit de l’appelant, la Commission n’a pas déterminé en quoi l’émission d’un tel avis était appropriée dans le cas présent.

[53] Le Tribunal considère qu’en prenant la décision d’émettre un avis de violation, la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. La Commission n’a pas été en mesure de prendre en compte l’ensemble des faits pertinents au dossier en décidant de signifier un avis de violation à l’appelant, en plus de lui avoir imposé une pénalité pécuniaire.

[54] Le Tribunal juge que l’avis de violation émis à l’endroit de l’appelant ne doit pas être maintenu.

[55] L’appel est fondé sur cette question.

Conclusion

[56] En regard des deux (2) questions en litige portées à son attention, le Tribunal conclut ce qui suit :

[57] Au sujet de la question se rapportant à l’imposition d’une pénalité à l’appelant, aux termes de l’article 38 de la Loi, pour avoir perpétré un acte délictueux en faisant sciemment une déclaration fausse ou trompeuse, l’appel est rejeté ;

[58] À l’égard de la question relative à l’avis de violation qui lui a été signifié aux termes de l’article 7.1 de la Loi, à la suite d’une pénalité qui lui a été infligée pour avoir perpétré un acte délictueux, l’appel est accueilli.

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