Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparution

[1] L’appelant, monsieur D. M., était présent à l’audience

[2] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience Vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. Le fait que la crédibilité puisse être une question déterminante.
  2. L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires.
  3. Ce mode d’audience est celui qui permet le mieux de répondre aux besoins d’adaptation des parties.

Introduction

[3] Dans le présent dossier, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a imposé une inadmissibilité à l’appelant jugeant que son départ volontaire en date du 2 mars 2015, n’était pas fondé au sens de la Loi sur l’assurance-emploi du Canada (la Loi).

[4] L’appelant a demandé une révision de cette décision qui a été maintenue par la Commission le 29 avril 2015(page GD3-32).

[5] L’appelant conteste cette décision et a interjeté appel au Tribunal de la Sécurité sociale le 16 octobre 2015. Toutefois, son appel était présenté en retard et était incomplet.

[6] Le 4 janvier 2016, une prorogation du délai pour interjeter appel a été accordée.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi au sens des articles 29 et 30 de la Loi et si une inadmissibilité s’applique.

Droit applicable

[8] Article 29 de la Loi. Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

Preuve

Preuve au dossier

[9] L’appelant était à l’emploi de Corporation Tantrum Inc. (distributeur de la marque Red Bull) jusqu’au 2 mars 2015, date à laquelle il a volontairement quitté son emploi parce qu’il n’était pas satisfait des conditions de travail (page GD3-18).

[10] L’appelant a été engagé le 9 février 2015 comme représentant pour la marque Red Bull. Il devait livrer et installer les produits dans différents points de vente, épiceries et dépanneurs. Il a démissionné le 2 mars 2015.

[11] L’appelant explique avoir démissionné en raison des heures supplémentaires excessives obligatoires. Il faisait en moyenne 15 heures supplémentaires par semaine, sans rémunération additionnelle (page GD3-20).

[12] L’appelant étudiait le soir tout en travaillant.  Il avait avisé son employeur de ce fait.

[13] Le contrat de travail stipulait entre 38 et 42 heures par semaine, mais les 2 premières semaines, il a fait 55 heures.

[14] Il faisait des journées de 12 heures, sans pauses et ne prenait même pas le temps de diner pour arriver à compléter sa fiche de travail.

[15] Il a parlé de la situation avec la formatrice et le directeur de l’entreprise. La dernière semaine travaillée, l’employeur a apporté un changement sur son itinéraire de travail, mais cela était sans effet sur sa charge de travail. En effet, la formatrice devait partir plus tôt le vendredi. Il a donc fini la journée de vendredi à 13h00 plutôt qu’à 19h00, ce qui explique que cette semaine- là, il n’avait travaillé que 42 heures.

[16] L’employeur a déclaré que les employés sont payés à taux fixe pour 40 heures hebdomadairement. Il peut arriver que certaines semaines, les employés fassent plus de 40 heures, d’autres semaines moins. Il estime que la semaine de travail compte entre 38 et 42 heures. L’employé, monsieur D.M., avait accepté ce salaire de 35,000$ et ces conditions (page GD3-21).

[17] L’employeur déclare que l’employé devait apprendre à contrôler son horaire et admet que les premières semaines d’embauche sont plus intensives. Cette information figure sur le contrat d’embauche. L’employeur estime que l’appelant aurait fini par avoir un horaire de 8h00 à 16h00 s’il avait persisté (page GD3-27).

[18] L’appelant nie que l’employeur lui aurait dit qu’il travaillerait plus d’heures pendant les premières semaines. Il déclare qu’il n’a pas été payé pour les heures travaillées (page GD3-29).

Preuve de l’appelant à l’audience

[19] Il est étudiant universitaire en marketing.

[20] Depuis 2011, il combine ses études et un travail à temps plein.

[21] Il a comme ambition de travailler dans le domaine du marketing plus particulièrement dans le marchandisage, le positionnement et le placement de produits.

[22] Ce travail comme représentant cadrait avec ses aspirations. Il a démissionné de son travail antérieur chez Super Club Vidéotron pour accepter cet emploi.

[23] Lorsqu’on lui a offert le poste, il avait été convenu qu’il gagnerait un salaire de 40,000$ par an pour un travail de 40 heures par semaines. Un véhicule de service et l’essence étaient inclus à ce contrat de travail.

[24] L’employeur n’a jamais respecté cette entente. Il gagnait un salaire équivalent à 35,000$ et travaillait environ 55 heures et plus par semaine. Il n’était pas payé pour les heures supplémentaires.

[25] Il a tenté de discuter avec l’employeur pour faire respecter l’entente conclue à l’origine, tant sur le salaire que les heures travaillées, sans succès.

[26] Après 3 semaines de formation, il a démissionné

[27] Il a cherché du travail avant de quitter l’emploi.

Arguments des parties

[28] L’Appelant a fait valoir que :

  1. Il a demandé à plusieurs reprises à avoir copie de son contrat de travail, l’employeur a toujours refusé;
  2. l’employeur lui avait dit qu’il travaillerait entre 38 et 42 heures et qu’il finirait ses journées de travail vers 16h00, cela ne s’est jamais produit;
  3. l’employeur le manipulait et changeait sa version pour le faire travailler sans le payer ;

[29] La Commission intimée a soutenu que :

  1. la Commission est d’avis que quitter volontairement son emploi parce qu’au début de l’emploi et pendant les 3 semaines de formation il a fait plus d’heures que ce qui était prévu au contrat de travail représente un départ volontaire. Le prestataire n’a pas réussi à démontrer qu’il était justifié de quitter son emploi parce qu’il n’a pas essayé l’emploi suffisamment longtemps pour acquérir l’expérience désirée permettant de réduire le temps accordé à l’accomplissement des tâches;
  2. le prestataire a mentionné que l’employeur n’a pas parlé du nombre d’heures plus élevé pendant les semaines de formation alors qu’il est plausible de penser que l’apprentissage d’un emploi comme représentant peut occasionner un investissement en effort ou en temps au début de l’emploi si une personne est désireuse de conserver cet emploi. De plus, après quelques semaines, l’employeur a changé la route du prestataire dans le but de l’accommoder;
  3. le prestataire a effectué la nouvelle route seulement une semaine et a atteint 42 heures comme prévu au contrat de travail. Le prestataire indique avoir avisé l’employeur qu’il suivait un cours 2 soirs par semaine et que c’était sa priorité;
  4. le prestataire avait été informé par l’employeur lors de l’embauche qu’il pouvait ajuster son horaire de travail ce qu’il aurait pu faire les jours où il avait un cours. Le prestataire ne démontre pas qu'il s'agissait d'une situation abusive ou intolérable ni que le contrat d'embauche n'aurait pas été respecté. Conséquemment, le prestataire n’a pas réussi à prouver qu’il était justifié de quitter son emploi au sens de la Loi.
  5. dans ce cas, la Commission a conclu que le prestataire n’était pas justifié de quitter son emploi le 2 mars 2015 puisqu’il n’a pas démontré avoir épuisé toutes les solutions raisonnables avant de démissionner. Compte tenu de toutes les circonstances, une solution raisonnable aurait été de conserver son emploi et continuer ses recherches dans le but de trouver un autre emploi convenant à ses compétences.

Analyse

[30] Selon le libellé même de l’alinéa 29c) précité, pour savoir si un prestataire est « fondé à quitter volontairement son emploi », il faut se demander si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue selon la prépondérance des probabilités la seule solution raisonnable dans son cas. (Canada (Procureur général) c. White, 2011 CAF 190 [White]; Harold McNeil c. Canada (Commission de l’assurance-emploi), 2009 CAF 306).

[31] Dans ce dossier, l’appelant accepte un emploi et arrive à la conclusion 3 semaines après son entrée en poste, que le travail qu’il doit faire ne correspond pas au travail proposé en entrevue. Il prétend que le nombre d’heures excède largement ce qui était prévu et que le salaire est inférieur à celui discuté.

[32] L’appelant soutient qu’il était fondé au sens de la Loi de quitter son emploi après 3 semaines en s’appuyant en s’appuyant sur l’article 29c) de la Loi

  1. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération
  2. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,

[33] A l’audience, l’appelant affirme avoir convenu avec l’employeur d’un salaire de 40,000$ par année. De plus, il déclare avoir demandé à plusieurs reprises à son employeur une copie de son contrat de travail. L’employeur ne lui aurait jamais remis ce document.

[34] Je constate en effet qu’aucun contrat de travail ne figure au dossier. Toutefois, après examen des diverses pièces au dossier, je note que l’employeur a toujours affirmé que le salaire était de 35,000$ et avait été accepté par l’appelant.

[35] D’après les faits au dossier, l’appelant pour sa part avait toujours soutenu qu’il n’était pas assez payé, mais sans avancer le chiffre de 40,000$ comme salaire de base. Il affirmait plutôt qu’il travaillait un plus grand nombre d’heures que prévu, que la charge de travail était excessive et qu’il n’était pas payé pour ses heures supplémentaires.

[36] La prépondérance de la preuve démontre que le salaire annuel de l’appelant était de 35,000$. C’est le chiffre que je retiendrai.

[37] L’appelant a accepté un emploi de représentant sur la route et il suit une formation. Il s’estime lésé parce que les deux (2) premières semaines, il travaille environ 55 heures par semaines. Comme il poursuit aussi des études universitaires, cet horaire ne lui convient pas et il abandonne l’emploi.

[38] Je note que l’employeur avait estimé les heures de travail aux environs de 40 heures par semaine, ce que l’appelant avait accepté. Je conçois que l’appelant ait pu être stressé et fatigué après avoir fourni une prestation de travail de plus de cinquante (50) heures les deux (2) premières semaines. Je peux comprendre aussi qu’il ressente un sentiment d’injustice de ne pas être payé en temps supplémentaire pour ce qu’il considère un horaire excessif.

[39] Je remarque que l’employeur a tenté de trouver une solution en demandant à la formatrice de changer d’itinéraire la troisième semaine, ce qui avait réduit les heures de travail à 42 heures. Également, il avait offert à l’appelant d’ajuster son horaire les soirs où il devait suivre des cours.

[40] J’ai écouté l’appelant m’expliquer les raisons de son départ. C’est un jeune homme déterminé et articulé, fort de son point de vue, mais qui me semble peu enclin aux compromis. Malgré les accommodements offerts par l’employeur, il demeure persuadé que ce dernier a tenté de le manipuler en le faisant travailler des heures excédentaires sans le rémunérer.

[41] Or, de l’aveu même de l’appelant, il avait accepté un salaire fixe en sachant que les heures pouvaient varier selon la saison.

[42] Il m’apparaît qu’en période de formation, dans un type d’emploi demandant du temps de déplacement, de nouveaux contacts a établir et de nouvelles façons de faire à apprendre, il est normal que les horaires fluctuent à la hausse. Qu’on doive consacrer un temps plus considérable en formation à effectuer les tâches exigées par un emploi fait partie de la courbe d’apprentissage.

[43] J’écarte les arguments de l’appelant sur le fait qu’il vivait une situation intolérable et injuste. Cela ne me semble pas correspondre ni à la réalité du dossier ni à la réalité du marché.

[44] J’ai examiné les arguments de la Commission et je suis également d’avis que la décision de l’appelant a été précipitée dans les circonstances et qu’il a provoqué lui-même sa situation de chômage.

[45] J’arrive à la conclusion qu’avant de quitter son emploi, une solution raisonnable aurait été de faire le travail plus longtemps et d’acquérir l’expérience voulue pour lui permettre de vérifier si les conditions d’emploi qu’il avait acceptées étaient respectées et raisonnables. Ou encore de rechercher un autre emploi avant de démissionner.

[46] A l’audience, l’appelant a indiqué qu’il avait effectué des recherches d’emploi avant de démissionner, mais sans succès. Cependant, je constate en page GD3-26, il avait déclaré qu’il n’avait pas fait de démarches d’emploi avant de démissionner. De plus, il avait aussi ajouté que même s’il n’avait pas été aux études, il aurait quitté l’emploi car les conditions ne le satisfaisaient pas.

[47] La Cour d’appel fédérale a établi le principe qu’on doit accorder beaucoup plus de poids aux déclarations initiales et spontanées qu’aux déclarations subséquentes à la suite d’une décision défavorable de la Commission (Marc Lévesque, A-557-96, Clinique Dentaire O. Bellefleur, 2008 CAF 13 – A-139-07). Dans le présent dossier, je retiens que l’appelant n’a pas recherché d’emploi avant de démissionner pour tenter de pallier à une prévisible situation de chômage.

[48] Le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas fait la preuve qu’il était fondé de quitter son emploi au sens de la Loi et que cela ne constituait pas la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstances.

Conclusion

[49] L’appel est rejeté

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.