Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

L’appelant a assisté à l’audition de son appel par téléconférence.

Introduction

[1] L’appelant a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi (AE) et a touché des prestations d’AE à partir du 15 mars 2009. Après avoir réexaminé la demande de l’appelant, l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission »), a déterminé que l’appelant avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. Le 3 mars 2010, la Commission a émis des lettres de décision relatives à l’exclusion de l’appelant du bénéfice des prestations après présentation de sa demande ainsi qu’à la pénalité qui lui était imposée et à l’avis de violation subséquente qu’on lui donnait.

[2] Le 27 août 2015, soit plus de 30 jours après l’expiration du délai prescrit pour présenter une demande de révision, l’appelant a demandé à la Commission de réviser les décisions du 3 mars 2010.

[3] Le 7 octobre 2015, la Commission a rejeté la demande de l’appelant d’obtenir une prolongation du délai de 30 jours pour demander une révision et, le 26 octobre 2015, l’appelant a interjeté appel de cette décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal »).

[4] L’appel a été entendu par voie de téléconférence parce que ce mode d’audience respecte l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la façon la plus informelle et expéditive que le permettent les circonstances, l’équité et la justice naturelle.

Question en litige

[5] Il s’agit de décider si la demande que l’appelant a présentée en vue d’obtenir une prorogation du délai de 30 jours pour la révision de la décision de la Commission du 3 mars 2010 devrait être rejetée.

Droit applicable

[6] Le paragraphe 112 (1) de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi ») prévoit que quiconque faisant l’objet d’une décision de la Commission, de même que tout employeur d’un prestataire faisant l’objet d’une telle décision, peut, dans les 30 jours suivant la date où il en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder, et selon les modalités prévues par règlement, demander à la Commission de réviser sa décision.

[7] Le paragraphe 112(2) de la Loi stipule que la Commission est tenue d’examiner de nouveau sa décision si une telle demande lui est présentée.

[8] Le paragraphe 1(1) du Règlement sur les demandes de révision prévoit que, pour l’application du paragraphe 112(1) de la Loi sur l’assurance-emploi et sous réserve du paragraphe (2), la Commission peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision, si elle est convaincue, d’une part, qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et, d’autre part, que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision.

[9] Le paragraphe 1(2) du Règlement sur les demandes de révision est ainsi libellé :

« Dans les cas ci-après, la Commission doit aussi être convaincue que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire ne lui porte pas préjudice ni d’ailleurs à aucune autre partie :

  1. la demande de révision est présentée après l’expiration du délai de trois cent soixante cinq jours suivant le jour où l’intéressé a reçu communication de la décision;
  2. elle est présentée par une personne qui a fait une autre demande de prestations après que la décision lui a été communiquée;
  3. elle est présentée par une personne qui a demandé à la Commission d’annuler ou de modifier la décision en vertu de l’article 111 de la Loi sur l’assurance-emploi.

Preuve

[10] Le 29 avril 2009, l’appelant a présenté une demande initiale de prestations d’AE (pièces GD3-3 à 12). Une période de prestations a été établie comme commençant le 15 mars 2009 et l’appelant a touché des prestations d’AE en rapport avec cette demande.

[11] Le 3 mars 2010, la Commission a émis deux lettres à l’appelant :

  1. une lettre datée du 3 mars 2006 informant l’appelant qu’après réexamen de sa demande, la Commission a déterminé qu’il n’aurait pas dû toucher des prestations d’AE à partir du 15 mars 2009 au motif qu’il a perdu en raison de sa propre inconduite l’emploi qu’il occupait à Canelson Drilling Inc. (Canelson) le 18 février 2009 (pièces GD3-13 et 14);
  2. une lettre datée du 3 mars 2010 indiquant que la Commission avait déterminé que l’appelant a délibérément fait une fausse déclaration à l’appui de sa demande de prestations d’AE et qu’une pénalité de 8 000 $ pour 26 fausses déclarations était donc infligée à l’appelant, en plus d’une violation classifiée comme « violation subséquente » du fait qu’un avis pour une violation antérieure avait déjà été imposé le 9 juillet 2005 (pièces GD3-15 à 17).

[12] Un avis de dette au montant de 28 562 $ a été donné à l’appelant le 7 mars 2010 (pièce GD3-18).

[13] Le 19 mars 2010, à la suite d’un retour d’appel demandé par l’appelant le 17 mars 2010, un agent de la Commission s’est entretenu avec l’appelant des décisions du 3 mars 2010 et a documenté leur conversation dans ses notes de retour d’appel (pièces GD3-19 et 20). L’agent a noté ceci :

« Le prestataire a indiqué qu’on ne l’avait mis au courant de la politique de Canelson Drilling sur l’interdiction de fumer sur la plateforme de forage que lorsqu’il a été congédié pour avoir fumé sur la plateforme; le prestataire a travaillé sur de nombreuses plateformes de forage et avait toujours fumé sur les autres plateformes; le superviseur et foreur qui travaillait à Canelson avant que le prestataire ne commence à travailler à Canelson, et dont il se trouve qu’il est aussi un ami du prestataire, a vu le prestataire fumer sur la plateforme à Canelson Drilling et n’a jamais rien dit au prestataire pour l’informer que c’était contraire à la politique de l’employeur, et le prestataire a été renvoyé le lendemain matin. J’ai obtenu confirmation par l’appelant qu’il avait bel et bien reçu un manuel de politique de l’entreprise de Canelson lorsqu’il a été embauché. J’ai conseillé au prestataire de transmettre cette information par écrit et de la déposer le plus tôt possible, avec tout autre détail qu’il pourrait fournir. De plus, le prestataire devait nous dire pourquoi il n’a pas mentionné cet emploi dans sa demande, car, à ce jour, il n’a fourni aucune explication. Le prestataire a répondu qu’il a oublié de mentionner cet emploi, que cet emploi n’avait duré que deux jours et qu’il était, alors, encore à l’emploi de Stoneham Drilling, puis qu’il y est retourné immédiatement après son renvoi de Canelson. J’ai de nouveau dit au prestataire qu’il s’agissait là de nouveaux éléments d’information qu’il n’avait pas fournis auparavant et qu’il aurait fallu qu’il transmette cette information par écrit, avec tout renseignement additionnel relatif à la raison de son congédiement. Le prestataire a indiqué qu’il avait du mal à mettre ses pensées par écrit, qu’il n’avait aucun problème pour rédiger, mais qu’il avait seulement l’impression qu’il lui est difficile d’organiser toute l’information. »

L’agent a conseillé à l’appelant de demander à quelqu’un de l’aider avant de déposer l’information à son bureau local d’AE et a noté : « J’ai documenté certains éléments de la conversation susmentionnée afin de consigner par écrit certains des détails qui pourront être passés en revue à la réception de la réponse écrite du prestataire. »

[14] Une demande de révision a été reçue de l’appelant le 27 août 2015 (pièces GD3-21 à 25), plus de cinq ans après les décisions. L’appelant a accompagné sa demande de révision des éléments suivants :

  1. Une lettre non datée (pièce GD3-23) dans laquelle l’appelant indique que son congédiement était injustifié et que Canelson a changé le motif de renvoi qu’elle avait alors indiqué dans le RE, puis émis un RE modifié; l’appelant explique dans cette lettre qu’il n’était pas conscient de la véritable situation et qu’il avait concédé la pénalité jusqu’à ce qu’il consulte un professionnel qui lui a dit qu’il aurait dû être admissible à des prestations d’AE tout le temps.
  2. Une lettre de Canelson datée du 17 août 2015, avec la mention d’adresse « À qui de droit », qui dit ceci (pièce GD3-24) :

    « Concernant un RE daté du 3 mars 2009 qui visait notre ancien employé S. M., nous avons réexaminé nos dossiers et déterminé que monsieur S. M. n’avait pas reçu de son superviseur d’alors une orientation adéquate à l’intention des nouveaux employés, de sorte qu’il aurait dû recevoir un avertissement plutôt qu’être congédié. Nous avons donc mis à jour le RE de cet employé pour tenir compte de ce changement; une copie du RE modifié est jointe à la présente. »
  3. Un relevé d’emploi (RE) modifié émis par Canelson le 17 août 2015 (pièce GD3-25), qui indique que l’appelant a travaillé par Canelson pendant trois jours (du 16 au 18 février 2009) et que le motif d’émission du RE est « autre ».

[15] La Commission a examiné les notes de l’Agence du revenu du Canada (ARC) concernant le recouvrement de la dette (pièces GD3-29 à 48). D’après ces notes :

  1. Un avis de dette a été envoyé à l’appelant le 7 mars 2010 et, par la suite, un relevé mensuel lui a été envoyé chaque mois, sauf entre le 27 février 2011 et le 24 août 2012 (date à laquelle une nouvelle adresse a été obtenue et l’envoi des relevés mensuels a pu reprendre).
  2. L’appelant a parlé à un agent de l’ARC aux dates suivantes :
    1. le 16 août 2012; il a déclaré qu’il était incapable de faire les paiements et que le versement excédentaire était erroné et qu’il allait appeler l’AE pour que le problème soit rectifié;
    2. le 19 novembre 2012; il a déclaré qu’il travaillait dans un camp et qu’il communiquerait ultérieurement avec les agents du recouvrement pour fixer un calendrier de remboursement;
    3. le 29 novembre 2012; il a déclaré qu’il était dans l’impossibilité de payer en raison de difficultés financières;
    4. le 30 novembre 2012; il a indiqué qu’il avait parlé antérieurement à l’AE, qu’il interjetait appel de la dette et que l’AE lui envoyait par la poste les papiers à remplir; il a déclaré qu’il savait qu’il n’avait pas de dettes envers l’AE;
    5. le 31 décembre 2012; il a mentionné qu’il lui fallait un peu plus de temps pour s’occuper de son appel.
  3. Une saisie a été amorcée le 19 avril 2013 dans le compte bancaire de l’appelant (à la CIBC) et est revenue avec une note de la banque indiquant qu’il n’y avait pas de fonds à remettre.
  4. L’appelant a parlé à un agent de l’ARC le 13 novembre 2013 et a déclaré qu’il ne travaillait nulle part, qu’il contestait la dette et qu’il poursuivrait RHDCC devant les tribunaux.
  5. Une saisie a été exécutée le 29 mai 2014 (à Ensign Drilling Partnership).
  6. L’appelant a parlé à un agent de l’ARC au sujet de la saisie en ces termes :
    1. 11 et 12 juin 2014 – l’appelant a fait savoir qu’il n’était pas d’accord avec le taux du tiers saisi;
    2. 18 juin 2014 – l’appelant a demandé à ce que le tiers saisi soit retiré et a fait savoir qu’il avait porté sa cause en appel relativement à l’intégralité du montant de la dette et qu’il était en attente d’une date pour l’audience;
    3. 27 juin 2014 – la saisie-arrêt a été modifiée à la demande de l’appelant;
    4. 16 février 2015 – l’appelant a déclaré qu’il recevait des prestations « d’assurance-emploi maintenant » et qu’il ne pouvait pas subvenir à ses besoins avec un revenu amputé de 50 %; la saisie a été remodifiée à la demande de l’appelant.

[16] La Commission a aussi examiné les antécédents d’emploi de l’appelant (pièces GD3-47 et 48) et a noté que l’appelant avait travaillé pour de nombreux employeurs entre le 3 mars 2010 (la date des décisions) et le 27 août 2015 (la date à laquelle sa demande de révision a été reçue). La Commission a dressé un tableau résumant les antécédents d’emploi de l’appelant durant cette période (pièces GD8-1 et 2).

[17] L’appelant a effectué huit paiements par l’intermédiaire du tiers saisi, et des prestations d’AE en lien avec une demande subséquente (ayant pris effet le 4 janvier 2015) ont aussi été récupérées et appliquées au remboursement de la dette (pièces GD4-2).

[18] Un agent de la Commission a communiqué avec l’appelant le 7 octobre 2015 au sujet de sa demande de révision et a documenté leur conversation téléphonique dans un formulaire Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations (pièce GD3-26). Questionné sur les 1 957 jours qu’il avait attendus avant de présenter une demande de révision des décisions du 3 mars 2010, l’appelant a déclaré qu’il n’a été mis au courant de la décision que lorsqu’il avait présenté une nouvelle demande de prestations, qu’il n’a pas obtenu avis de la décision car cela n’avait pas été envoyé à sa bonne adresse et qu’il travaillait en dehors de la ville, qu’il était occupé et qu’il ne pouvait pas s’occuper de cela.

[19] L’agent a préparé un compte rendu de décision (pièce GD3-27) et a noté que l’appelant était au courant des décisions du 3 mars 2010 avant le 19 mars 2010 et qu’il n’avait pas fourni d’explication raisonnable pour le délai ni démontré une intention constante de demander une révision. L’agent a aussi mentionné que l’appelant avait interjeté appel d’une décision distincte, « si bien qu’il est au courant du processus », et qu’il était au courant des décisions parce qu’il avait eu plusieurs conversations avec des agents de recouvrement de créances de l’ARC entre 2012 et 2015.

[20] Par lettre datée du 7 octobre 2015, la Commission a informé l’appelant qu’elle avait décidé de ne pas lui accorder une prolongation du délai de 30 jours pour présenter une demande de révision des décisions du 3 mars 2010 qui lui avait été communiquées le 19 mars 2010 au motif que l’explication qu’il avait donnée pour le retard à demander une révision ne satisfaisait pas aux exigences prévues dans le Règlement sur les demandes de révision (pièce GD3-28).

[21] Dans son avis d’appel du 26 octobre 2015 (pièce GD2), l’appelant a mentionné qu’il avait souffert de « problèmes de santé émotionnelle (dépression) pendant plusieurs années » et qu’il n’avait pu garder un emploi durant cette période, ajoutant que ce n’est que lorsqu’il a reçu des conseils au sujet du congédiement injustifié dont il avait pu être victime qu’il a pu communiquer avec Canelson, demander à l’entreprise d’enquêter sur son cas, d’annuler le RE qu’elle avait initialement émis et d’émettre un RE modifié. L’appelant a écrit : « J’ai présenté une demande de révision dès que j’ai été mis au courant des véritables faits. » L’appelant a aussi écrit que l’agent de la Commission avait communiqué avec lui au travail, le 7 octobre 2015, au sujet de sa demande de révision et qu’il n’était pas à l’aise de discuter de ses problèmes de santé en présence de collègues.

[22] Avant l’audition de son appel, l’appelant a déposé un billet du médecin (pièce GD7) daté du 13 avril 2016 qui se lit comme suit :

« Le patient susnommé est sous nos soins. Il souffre de dépression. Il est actuellement médicamenté et reçoit du counseling de notre part. »

À l’audience

[23] L’appelant a plaidé ce qui suit :

  1. Fin 2008, son amie de cœur est décédée du cancer et il en a été dévasté. Il a tenté de retourner travailler à l’hiver 2009, mais a commencé à sombrer dans une profonde dépression, finissant par « sauter d’un emploi à l’autre » et ayant « vraiment beaucoup de difficultés à joindre les deux bouts » jusqu’à ce que sa sœur lui rende visite sur l’île de Vancouver et, le trouvant dans un état très affaibli, organise une intervention. Avec l’aide de sa sœur, il est retourné vivre en X et a emménagé chez ses parents âgés en 2014. Ses parents l’ont convaincu de recevoir un traitement pour ce qui était alors de sérieux problèmes de santé mentale. Il y a deux ans environ, l’appelant a commencé à prendre des médicaments pour traiter sa « grave dépression ».
  2. Il était « vraiment aux prises avec de grandes difficultés » durant sa dépression et a mentionné, entre autres symptômes, des pensées suicidaires, un retrait social et émotionnel et l’incapacité à se concentrer ou à commencer à « accomplir les choses qui doivent être faites ». Son état s’est poursuivi jusqu’à ce qu’on l’ait mis sous médication d’ordonnance « pendant un certain temps » et que les médecins lui aient finalement trouvé une posologie correcte.
  3. Il s’est écoulé plus d’un an avant que la médication fonctionne au point qu’il se sente suffisamment mieux pour essayer de comprendre comment il en était arrivé à devoir un montant si important à l’AE. Tandis que les symptômes de sa dépression s’estompaient, il a été capable de parler à son oncle, avocat, de la situation dans laquelle il se trouvait et, à partir de là, de communiquer directement avec Canelson. Cela a pris du temps. De nombreux appels téléphoniques ont été faits à Canelson avant que l’appelant soit finalement adressé au service des ressources humaines et à la personne, à Canelson, qui était chargée de mener l’enquête et que, finalement, on lui envoie la lettre traitant de son congédiement injustifié ainsi que le RE modifié. « Il a fallu beaucoup d’efforts, de temps et d’appels téléphoniques », et l’appelant a passé des mois à faire des appels de suivi et demander les documents dont il savait qu’il avait besoin aux fins d’une demande de révision.
  4. Lorsqu’il a parlé à l’agent de la Commission, en mars 2010, il souffrait beaucoup de sa grave dépression. Il n’avait pas compris les décisions du 3 mars 2010 et c’est la raison pour laquelle il a téléphoné à la Commission pour se les faire expliquer. Il a dit à l’agent que c’était faux et qu’il voulait obtenir plus de renseignements sur la raison pour laquelle une pénalité lui a été infligée. L’appel téléphonique du 19 mars 2010 avec l’agent de la Commission a été la première discussion qu’il a eue au sujet de l’« inconduite » à Canelson et il a imaginé que cela avait sans doute quelque chose à voir avec l’incident lors duquel il pouvait fumer. C’est pour cette raison qu’il a expliqué qu’on ne l’avait pas renseigné sur la politique de l’employeur relative à l’usage du tabac. Il avait présenté une demande de prestations d’AE en avril 2009 parce qu’il avait été mis à pied par son employeur régulier, Stoneham Drilling. Il a indiqué « Mis à pied » comme motif de la cessation d’emploi sur sa demande de prestations. Ce n’est que lorsqu’il a été en contact avec Canelson, en 2015, qu’il a commencé à recoller ensemble les morceaux du casse-tête des raisons pour lesquelles il a été exclu du bénéfice des prestations.
  5. L’appelant a admis qu’il avait oublié de mentionner l’emploi à Canelson sur sa demande de prestations, mais a déclaré qu’il avait toutes les raisons de croire que son RE émanant de Canelson aurait été émis sur le fondement d’une mise à pied. Lorsqu’on lui a dit qu’il était « fini » à Canelson, lorsqu’il est retourné à la plateforme de forage de Canelson en février 2009, c’était la dernière plateforme de la région qui était encore en activité avant le « congé de printemps » (à l’arrivée du dégel, lorsqu’il est interdit de circuler sur les routes de glace, entre mars et juin de chaque année) et, en fait, l’entreprise était en train de procéder à une réduction de ses effectifs et il restait moins d’une semaine avant que la plateforme soit complètement fermée. L’appelant savait qu’il n’allait travailler à Canelson que quelques jours, « pour donner un coup de main avant l’arrêt printanier des activités ». Il était en fait toujours employé par son employeur régulier à temps plein lorsqu’il a accepté de « donner un coup de main » et, donc, de travailler quelques heures à Canelson. Il a continué de travailler chez son employeur régulier après qu’on lui eût dit que ses services n’étaient plus requis à Canelson et, le moment venu, qu’il fût mis à pied par son employeur régulier lors du dégel printanier, en mars 2009.
  6. L’appelant a travaillé sur bon nombre de plateformes de forage au fil des ans et chaque site de forage comportait différents endroits où il est permis de fumer. Il n’est resté sur la plateforme de Canelson que trois jours, jusqu’à ce qu’il y ait un « malentendu » au sujet de l’endroit où il pouvait fumer. Il n’avait même pas reçu une orientation adéquate sur les lieux. Canelson ne lui a jamais dit qu’il avait été renvoyé. Lorsqu’on lui a dit qu’il était « fini », il n’était mentionné nulle part que c’était en raison de l’incident d’usage du tabac et il a, en fait, présumé qu’on l’avait mis à pied en prévision du dégel printanier, étant donné qu’on lui avait dit que cela arriverait bientôt. Personne ne lui a jamais dit que Canelson avait, en fait, émis en RE qui disait qu’il avait été congédié. Il a émis des suppositions à ce sujet lorsqu’il a parlé à l’agent de la Commission en mars 2009.
  7. Canelson a maintenant admis par écrit (pièce GD3-24) qu’on aurait jamais dû le congédier pour l’incident d’usage du tabac alors qu’il n’avait pas reçu d’orientation adéquate sur les lieux à l’intention des nouveaux employés. Canelson a admis en outre qu’on aurait dû lui donner un avertissement à la place et a modifié son RE en conséquence (pièce GD3-25).
  8. Il a bel et bien dit aux agents de l’ARC à diverses reprises qu’il avait l’intention d’interjeter appel et qu’il avait toujours eu cette intention, mais que sa dépression l’avait empêché de prendre des mesures à cet effet jusqu’à ce qu’il ait été adéquatement médicamenté pendant une période suffisamment longue. Dès qu’il a commencé à se sentir mieux, il a mené sa propre enquête sur ce qui était survenu à Canelson et a déposé sa demande de révision dès qu’il a été en possession des documents justificatifs.
  9. La dépression est maintenant une affection avec laquelle il sera aux prises toute sa vie. Il demeure toujours chez ses parents âgés, « même si je suis moi-même un homme âgé » (46 ans) et il est toujours traité (au moyen de médicaments et de séances de counseling) pour sa dépression (pièce GD7).

[24] La copie de la demande initiale de prestations d’AE de l’appelant qui a été jointe au dossier de révision de la Commission (pièces GD3-3 à 12) était incomplète et il manquait notamment la page intitulée « raison de la cessation d’emploi ». À l’issue de l’audience, le Tribunal, en vertu de l’article 32 du Rèlgement sur le Tribunal de la sécurité sociale, a demandéà la Commission de produire une copie complète de la demande de prestations de l’appelant, y compris la partie de la demande se rapportant au motif de la cessation d’emploi de l’appelant.

[25] Le 25 avril 2016, la Commission a produit une copie de la demande complète (pièce GD10- 1 à 16). Le Tribunal note ce qui suit :

  1. Au moment où il a présenté sa demande (25 avril 2009), l’appelant demeurait à une adresse sur l’île de Vancouver (pièce GD10-1).
  2. L’appelant a indiqué que son dernier employeur était « stoneham drilling » (Stoneham), où il a travaillé du 17 juin 2008 au 11 mars 2009 (pièce GD10-3).
  3. À la question « Allez-vous retourner travailler pour cet employeur? », l’appelant a répondu « oui », mais a indiqué que la date de son retour était inconnue pour le moment (pièce GD10-3).
  4. Il a expliqué le retard à présenter une demande de prestations d’AE par le fait qu’il était « à la recherche d’un emploi ou dans l’attente de retourner à mon précédent emploi » (pièce GD10-4).
  5. Il a donné comme motif de sa cessation d’emploi à Stoneham une « pénurie de travail » (pièce GD10-5).
  6. À la question « Avez-vous eu un autre emploi au cours des 52 dernières semaines, y compris toutes vos précédentes périodes d’emploi chez votre employeur actuel ou d’autres employeurs ainsi que les emplois à temps partiel ou occasionnel? », l’appelant a répondu « non ».

Observations

[26] L’appelant a plaidé que sa dépression l’a empêché d’agir le moindrement jusqu’à ce qu’il commence un traitement et qu’il commence à sentir se dissiper les effets débilitants de sa dépression. Après que cela se fut produit, il a pris les mesures nécessaires pour présenter une demande de révision, c’est-à-dire qu’il a entamé le long processus qui consistait à obtenir les renseignements et documents pertinents de Canelson au sujet de son congédiement injustifié. Sur ce fondement, l’appelant plaide qu’il a fourni une explication raisonnable de son retard et a démontré qu’il avait une intention constante de demander une révision dès le moment où il a été mentalement apte à le faire. L’appelant plaide en outre que le RE modifié que Canelson a présenté constitue une « réponse complète » aux questions de savoir s’il a été congédié pour inconduite et s’il a délibérément fait des fausses déclarations à la Commission et que cette preuve a été obtenue des sources actuellement disponibles. Finalement, l’appelant plaide qu’il serait injuste qu’il « paye pour le reste de sa vie » l’erreur de Canelson.

[27] La Commission a plaidé ceci :

  1. L’appelant n’a pas fourni d’explication raisonnable pour le retard ni n’a démontré une intention constante de demander une révision pendant toute la période du retard, soit environ 1 957 jours.
  2. L’appelant était au courant du versement excédentaire et du fait que ce trop-payé résultait d’une décision en matière d’assurance-emploi. Il a eu de nombreuses conversations téléphoniques avec l’ARC lors desquelles il a déclaré qu’il allait prendre des mesures pour « rectifier » la situation ou interjeter appel, mais n’a rien fait.
  3. Les faits au dossier ne permettent pas de conclure que l’appelant était incapable de s’occuper de ses affaires pendant toute la période du retard ou qu’il a été empêché de déposer un appel pendant une période de plus de cinq ans. Il ressort plutôt de la preuve qu’il a été capable de travailler et de communiquer avec l’ARC au sujet du versement excédentaire et de la pénalité, ce qui indique qu’il aurait été capable de déposer dans les délais un appel ou une demande de révision.
  4. La Commission n’est pas convaincue que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire ne porterait pas préjudice à elle-même ou à une autre partie. Autoriser un délai supplémentaire pour le dépôt de la demande serait contraire à l’intention de la législation, et trop de temps s’est écoulé pour qu’il soit possible à la Commission d’obtenir les faits exacts entourant le congédiement du prestataire.

Analyse

[28] Le Tribunal fait observer que les deux décisions de la Commission datées du 3 mars 2010 qui portent sur l’exclusion de l’appelant du bénéfice des prestations pour avoir perdu son emploi à Canelson en raison de sa propre inconduite et l’imposition d’une pénalité et d’un avis de violation en lien avec sa demande de prestations ne sont pas les questions que le Tribunal doit trancher dans le présent appel. Le Tribunal doit plutôt déterminer s’il y a lieu d’accéder à la demande de l’appelant d’obtenir une prolongation du délai de 30 jours pour demander la révision de ces décisions.

[29] L’article 112 de la Loi prévoit qu’un prestataire peut demander à la Commission de reconsidérer sa décision initiale, mais il doit le faire dans les 30 jours suivant la date à laquelle cette décision lui a été communiquée. L’article 1 du Règlement sur les demandes de révision précise les exigences qui doivent être satisfaites pour que soit autorisée une prolongation du délai pour demander une révision en application de l’alinéa 112(1)b) de la Loi.

[30] Dans la présente affaire, puisque l’appelant a présenté sa demande de révision plus de 365 jours après que les décisions du 3 mars 2010 ont été rendues et lui ont été communiquées, la Commission ne peut autoriser un délai supplémentaire pour le dépôt d’une demande de révision que si elle est convaincue que les quatre facteurs énoncés à l’article 1 du Règlement sur les demandes de révision sont satisfaits. Plus précisément, la Commission doit être convaincue :

  1. qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et
  2. que l’appelant a manifesté l’intention constante de demander la révision et
  3. que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et
  4. que l’autorisation du délai supplémentaire ne porte pas préjudice à la Commission ni à aucune autre partie.

[31] Le Tribunal reconnaît qu’une décision que la Commission prend en vertu du Règlement sur les demandes de révision est une décision discrétionnaire. Le Tribunal note le libellé non contraignant du paragraphe 1(1) du Règlement sur les demandes de révision (en lien avec l’alinéa 112(1)b) de la Loi), qui prévoit que la Commission « peut » accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision.

[32] Le Tribunal a aussi tenu compte de la jurisprudence relative à l’application des dispositions susmentionnées dans les cas de prolongation du délai pour interjeter appel auprès du conseil arbitral (l’article 114 de la Loi tel qu’il était libellé avant le 1er avril 2013). Le libellé de ces dispositions antérieures était semblable à celui que l’on retrouve à l’alinéa 112(1)b) de l’actuelle Loi et à l’article 1 du Règlement sur les demandes de révision. Cette jurisprudence a établi a) que le pouvoir de la Commission de reporter à plus tard la date limite pour interjeter appel d’une de ses décisions est de nature discrétionnaire et b) que la décision de la Commission d’accorder ou de refuser la prolongation du délai est susceptible d’être annulée uniquement si ce pouvoir discrétionnaire a été exercé de façon non judiciaire (Knowler,A-445-93; Chartier, A-42-90; Plourde, A-80-90).

[33] Le Tribunal doit donc déterminer si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’elle a rejeté la demande de l’appelant d’obtenir une prolongation du délai de 30 jours pour présenter une demande de révision des décisions du 3 mars 2010. En d’autres termes, le Tribunal doit déterminer si la Commission a agi de bonne foi et dans un but ou pour des motifs appropriés, si elle a pris en compte tous les facteurs pertinents, si elle a fait abstraction des facteurs non pertinents et si elle a agi de manière non discriminatoire (Dunham,A-708-95, Purcell, A-694-94).

[34] En l’espèce, la Tribunal conclut que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’elle a pris en compte les facteurs énoncés aux paragraphes 1.1 et 2 du Règlement sur les demandes de révision.

[35] En ce qui concerne les deux premiers facteurs du paragraphe 1.1 du Règlement sur les demandes de révision,le Tribunal conclut que la Commission n’a pas examiné adéquatement la question de savoir si l’appelant était réellement capable de répondre aux décisions du 3 mars 2010 lorsqu’elle a examiné la question de savoir si l’appelant avait fourni une explication raisonnable pour le retard. Le Tribunal conclut en outre que la Commission n’a pas tenu compte du fait que l’appelant a mené sa propre enquête sur le fondement des décisions et a déposé une demande de révision dans les dix jours qui ont suivi son obtention des documents modifiés de Canelson. Le Tribunal procédera donc à un examen judiciaire de ces facteurs.

[36] Le Tribunal juge crédible le témoignage de l’appelant selon lequel on ne lui a donné aucune indication qu’il avait été congédié lorsqu’il a quitté Canelson, le 18 février 2009, et qu’il pensait avoir été mis à pied à l’avance du dégel printanier. Le Tribunal juge également crédible le témoignage de l’appelant selon lequel les décisions du 3 mars 2010 lui ont causé surprise et confusion et que, lorsqu’il a appelé la Commission, le 17 mars 2010, et demandé à parler à « l’arbitre » (pièce GD3-19), il souffrait d’une grave dépression et était incapable de présenter quoi que ce soit par écrit, raison pour laquelle il a téléphoné et demandé à parler à quelqu’un à la place. Le Tribunal note que les difficultés à mettre quelque chose par écrit que l’appelant a évoquées ont été documentées par l’agent qui a retourné son appel (pièce GD3-20).

[37] Le Tribunal convient avec l’appelant que la décision du 3 mars 2010 concernant l’imposition d’une pénalité et l’émission d’un avis de violation (pièces GD3-15 à 17) prête particulièrement à confusion. Cette décision s’ouvre sur la déclaration : « Contrairement à ce que vous nous avez dit, nous avons appris que vous aviez perdu votre emploi à Canelson Drilling Inc. » La décision poursuit en ces termes : « Nous sommes arrivés à la conclusion que vous aviez fait cette fausse déclaration délibérément » (soulignement ajouté), puis elle fait savoir qu’une pénalité de 8 000 $ était infligée pour quelque 26 fausses déclarations.

[38] Le Tribunal juge crédible le témoignage de l’appelant selon lequel il n’a pas compris cette décision et fait remarquer que, même dans les observations présentées par la Commission pour le présent appel, la Commission a seulement indiqué que l’appelant avait fourni de faux renseignements au moment où il a présenté sa demande de prestations, ayant omis de déclarer qu’il avait été employé à Canelson puis congédié (GD4-1). La décision du 3 mars 2010 ne donne en fait aucune indication sur la façon dont la Commission a déterminé que l’appelant avait fait 26 fausses déclarations. Lors de la très brève discussion qu’il a eue le 19 mars 2010 avec l’agent, l’appelant a seulement été informé qu’il lui fallait expliquer pourquoi il avait omis de mentionner son emploi à Canelson dans sa demande de prestations. Lorsque l’appelant a dit à l’agent qu’il avait omis ce renseignement par inadvertance, parce qu’il était encore employé à Stoneham Drilling pendant qu’il était à Canelson, l’agent lui a conseillé de mettre par écrit cette « nouvelle information », mais l’appelant a de nouveau exprimé des préoccupations quant à son incapacité de faire cela. Le Tribunal trouve crédible et logique, dans les circonstances, le témoignage de l’appelant selon lequel il était submergé à l’idée d’essayer de faire toute la lumière sur quelque chose d’aussi complexe et embrouillé que cette affaire alors qu’il était aux prises avec une grave dépression, qu’il passait d’un emploi à l’autre et qu’il avait des pensées suicidaires.

[39] Dans ses observations en GD8-1, la Commission reconnaît que « la dépression et d’autres problèmes de santé mentale peuvent avoir des effets débilitants et rendre difficile pour une personne de s’occuper d’importantes questions, voire des préoccupations de tous les jours. » Le Tribunal reconnaît que l’appelant n’a pas produit de preuve médicale à l’appui de son incapacité des cinq dernières années, mais il juge que le témoignage que l’appelant a livré à l’audience établit qu’il était en fait aux prises avec les effets débilitants de problèmes de santé entre la date des décisions (3 mars 2010) et la date de sa demande de révision (27 août 2015). Le Tribunal estime que son témoignage au sujet de sa dépression était sincère et convaincant, tout comme son témoignage au sujet de l’intervention de sa sœur, son retour en X pour vivre chez ses parents âgés, des soins à lui prodiguer que ses parents ont amorcés et de la stabilité qu’il a trouvée au cours de l’année écoulée ou des deux dernières années, tandis que ses médicaments et ses séances de counseling faisaient effet.

[40] Le Tribunal est conscient des stigmates qui se rattachent à la dépression et à la maladie mentale et juge crédible le témoignage de l’appelant selon lequel il se trouvait au travail lorsque l’agent de la Commission lui a téléphoné pour lui demander pourquoi il avait tardé à faire ses demandes de révision et qu’il ne se sentait pas capable de discuter de sa dépression et de tout ce qu’il avait subi avec ses collègues de travail à proximité. Le Tribunal accorde donc plus de poids au témoignage que l’appelant a livré à l’audience qu’aux réponses fournies à l’agent pendant l’entretien téléphonique du 7 octobre 2015.

[41] Pour ces motifs, le Tribunal conclut que l’appelant a fourni une explication raisonnable pour justifier son retard à demander une révision des décisions du 3 mars 2010.

[42] En ce qui concerne l’intention constante de poursuivre un appel, les discussions périodiques que l’appelant a eues avec des agents de l’ARC ne permettent pas d’établir qu’il s’était résigné à accepter les décisions. Le Tribunal accorde plus de poids au témoignage que l’appelant a livré à l’audience qu’à ses diverses déclarations faites aux agents de recouvrement des créances de l’ARC concernant son intention d’« en appeler », estimant que ses dernières déclarations ne sont pas étonnantes de la part de quelqu’un qui souffrait de dépression et était incapable de donner une suite concrète à ses intentions.

[43] Le Tribunal note aussi que l’appelant a déposé une demande de révision dans les dix jours de son obtention des documents de Canelson. La lettre de Canelson informant que l’appelant n’a pas reçu une orientation adéquate à l’intention des nouveaux employés de la part de son superviseur et qu’il aurait dû donc écoper d’un avertissement plutôt qu’être congédié est datée du 17 août 2015. Le RE modifié émanant de Canelson avait aussi été émis le 17 août 2015. La demande de révision de l’appelant a été reçue à la Commission dix jours après, soit le 27 août 2015. Le Tribunal trouve crédible le témoignage que l’appelant a fourni au sujet de l’enquête qu’il a lui-même menée une fois que le traitement de sa dépression avait commencé à lui procurer du soulagement et au sujet des efforts soutenus et diligents qu’il lui a fallu déployer pour obtenir de Canelson des documents justificatifs et juge que ce témoignage atteste de l’intention constante de l’appelant de demander une révision. Ayant jugé crédible le témoignage de l’appelant concernant les effets dévastateurs de sa dépression et son incapacité à prendre toute mesure jusqu’à ce que son médicament ait commencé à faire effet, le Tribunal conclut en outre que la consultation, par l’appelant, de son oncle avocat et ses communications et contacts répétés avec Canelson démontrent qu’il existait une intention constante de présenter une demande de révision depuis le moment où l’appelant a en fait été capable de le faire.

[44] Pour ce qui est des troisième et quatrième facteurs du paragraphe 1(2) du Règlement sur les demandes de révision, le Tribunal note que le compte rendu de décision qui a été préparé aux fins de la décision rejetant la demande de l’appelant pour obtenir un délai supplémentaire pour demander une révision (pièce GD3-27) ne mentionne pas ni même ne fait allusion aux troisième et quatrième facteurs. Malgré la simple affirmation que la Commission a faite (pièce GD4-2) dans ses observations relatives au présent appel (selon laquelle elle n’était pas convaincue que la demande de révision avait des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire ne lui porterait pas préjudice ni n’en causerait à aucune autre partie), il n’y a aucune preuve que ces deux facteurs aient été le moindrement été pris en considération eu égard à la décision du 7 octobre 2015 rejetant la demande de prolongation de délai.Par conséquent, on ne peut pas dire que la Commission a tenu compte de tous les facteurs pertinents ou a écarté les facteurs non pertinents, pas plus que l’on ne saurait dire que la prise en compte des troisième et quatrième facteurs par la Commission a été faite de bonne foi. Le Tribunal procédera donc à un examen judiciaire de ces facteurs.

[45] Pour statuer sur la question de savoir si la demande de révision de l’appelant a des chances raisonnables de succès, le Tribunal fait observer que la question à trancher n’est pas de savoir si la demande de révision doit échouer à l’issue de l’exposition complète des faits, de la jurisprudence et des observations. Plutôt, la véritable question est de savoir, en présumant que les faits plaidés sont vrais, si la demande de révision n’a aucune chance raisonnable de succès. Sur cette question, le Tribunal ne peut passer sous silence la preuve directe émanant de Canelson selon laquelle l’appelant n’aurait pas dû être congédié le 18 février 2009. Le fait que l’employeur ait admis ses erreurs dans son omission de fournir à l’appelant une orientation des nouveaux employés et dans sa gestion de l’incident relatif a la violation alléguée de la politique d’interdiction d’usage du tabac par l’appelant est une preuve convaincante qu’il n’existait en fait aucun fondement pour appuyer la conclusion à l’inconduite de la Commission (et à l’exclusion du bénéfice des prestations qui en a résulté) dans le cas de l’appelant. Au surplus, pour qu’une pénalité soit infligée en application de l’article 38 de la Loi, il faut que la ou les fausses déclarations en cause aient été faire « sciemment ». Si les diverses déclarations de l’appelant au sujet de l’inadvertance de son omission de mentionner Canelson comme précédent employeur dans sa demande de prestations sont tenues pour avérées, et en tenant compte des admissions de l’employeur, on ne peut pas dire que l’appelant a « sciemment » fait une déclaration qu’il savait fausse ou trompeuse en lien avec sa demande de prestations d’AE. Le Tribunal conclut donc que la demande de révision des décisions du 3 mars 2010 que l’appelant a présentée a bel et ben des chances raisonnables de succès.

[46] Pour statuer sur la question de savoir si l’autorisation d’un délai supplémentaire porterait un préjudice, le Tribunal reconnaît que l’appelant a dépassé de quelque 1 957 jours le délai de 30 jours alloué pour demander une révision des décisions du 3 mars 2010. Sur le fondement de la seule durée, il s’agit d’un très long retard (plus de cinq ans) dont on pourrait croire qu’il causerait un préjudice à la Commission ou à une autre partie. Cependant, la durée du délai n’est pas un facteur déterminant pour trancher la question du préjudice. En l’espèce, l’appelant a obtenu directement de Canelson une preuve documentaire nouvelle qui est contemporaine de sa demande de révision présentée le 27 août 2015. De fait, Canelson a même pris le temps d’émettre un RE modifié pour corriger l’erreur de l’employeur commise sur le RE émis en février 2009. Il ne s’agit pas ici d’une situation dans laquelle la Commission sera dans l’impossibilité de trouver quelqu’un, chez l’employeur, auprès de qui vérifier les allégations de l’appelant, ni d’une situation où l’employeur refuse de participer a la procédure ou de répondre. Le Tribunal conclut donc que l’autorisation d’un délai supplémentaire pour présenter une demande de révision ne porterait pas préjudice à la Commission.

[47] Pour que l’appelant se voit accorder une prolongation de délai pour demander une révision des décisions du 3 mars 2010, il faut que les quatre conditions énoncées à l’article 1 du Règlement sur les demandes de révision soient toutes satisfaites. Le Tribunal conclut que l’appelant a rempli ces quatre conditions et qu’on peut donc lui accorder une prolongation de délai. Le Tribunal conclut en outre que d’accorder une prolongation du délai pour demander une révision des décisions du 3 mars 2010 est indiqué et justifié dans le cas de l’appelant.

Conclusion

[48] Le Tribunal estime que la Commission n’a pas pris en compte tous les facteurs pertinents ni n’a agi de bonne foi lorsqu’elle a rejeté la demande de l’appelant de prolongation du délai de 30 jours pour présenter une demande de révision de ses décisions du 3 mars 2010. Le Tribunal conclut donc que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’elle a rendu sa décision rejetant la demande de prolongation du délai de 30 jours pour demander une révision que l’appelant a présentée.

[49] Le Tribunal conclut par ailleurs que l’appelant a satisfait aux critères d’octroi d’une prolongation du délai de 30 jours pour demander une révision des décisions du 3 mars 2010 en application de l’article 112 de la Loi et de l’article 1 du Règlement sur les demandes de révision,et autorise la prolongation du délai pour permettre à l’appelant de demander la révision de ces décisions.

[50] C’est maintenant à la Commission qu’il appartient de réexaminer ses décisions du 3 mars 2010 aux termes de l’article 112 de la Loi.

[51] L’appel est accueilli.

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