Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

  • Appelant : G. M.
  • Représentante pour l'intimée (Commission) : Susan Prud'homme

Introduction

[1] Le 9 mai 2015, la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu que l'appelant a été renvoyé de son emploi en raison de son inconduite en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi (Loi sur l'AE) et elle a rejeté son appel. Le demandeur a assisté à l’audience devant la DG tenue par téléconférence le 25 février 2015. Personne n'a assisté à l'audience pour l'intimée, mais celle-ci avait déposé des observations écrites.

[2] L'appelant a déposé une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel (DA) du Tribunal le 7 septembre 2015. La permission d’en appeler lui a été accordée le 15 novembre 2015.

[3] Les documents suivants, qui n’étaient pas dans le dossier présenté à la DG et qui n’ont pas été présentés comme éléments de preuve à la DG, étaient joints à l’avis d’appel 

  1. Un accord de règlement relié à une affaire de la Commission des relations du travail de l'Ontario (CRTO), uniquement signé par l'appelant et non daté;
  2. Une ébauche de lettre non signée, datée du 27 avril 2015, du centre Dixie Bloor Neighbourhood, l'ancien employeur de l'appelant;
  3. Une lettre signée du 20 mai 2015, du centre Dixie Bloor Neighbourhood, l'ancien employeur de l'appelant.

[4] Le Tribunal a tenu une audience par téléconférence pour les raisons suivantes 

  1. La complexité des questions faisant l’objet de l’appel;
  2. Les renseignements au dossier, y compris le besoin de renseignements supplémentaires;
  3. L’exigence, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[5] L'appelant fut renvoyé par son ancien employeur en juin 2014, en raison d'un conflit d'intérêts relié à du travail supplémentaire non effectué pour l'employeur.

Questions en litige

[6] À savoir si la division d'appel peut considérer les éléments de preuve qui n'ont pas été soumis à la DG, soit un accord de règlement et les deux lettres susmentionnées.

[7] Il s’agit de déterminer si la division générale a commis une erreur de droit ou un manquement à la justice naturelle, ou si elle a tiré des conclusions de fait erronées pour rendre sa décision de rejet de l'appel de l'appelant devant la DG.

[8] Il faudra également déterminer s’il convient, pour la division d’appel, de rejeter l’appel, de rendre la décision que la DG aurait dû rendre, de renvoyer l’affaire à la DG pour réexamen, ou encore de confirmer, d’infirmer ou de modifier la décision de la DG.

Droit applicable

[9] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants 

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] La permission d'en appeler fut accordée pour les raisons suivantes (les références renvoient à des paragraphes de la décision relative à la demande de permission d'en appeler) 

[24] Le demandeur affirme, sans citer les moyens d'appel énumérés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, que la DG a fondé sa décision sur des erreurs de fait et de droit en déterminant qu'il avait été renvoyé de son emploi en raison de son inconduite. Il demande à ce que la DA prenne en considération les documents provenant de l’affaire devant la CRTO, y compris une entente de règlement et les lettres ayant suivi l’entente de règlement.

[25] Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Courchene, 2007 CAF 183, la CAF s’est prononcée sur une demande de contrôle judiciaire fondée sur une affaire dans laquelle le juge-arbitre a décidé d’admettre en preuve le procès-verbal de l’entente de règlement à titre de « fait nouveau » ou fait essentiel qui n’était pas connu du conseil arbitral lorsqu’il a rendu sa décision. La CAF a conclu ce qui suit 

En ce qui concerne l’approche à adopter à l’égard de l’admissibilité de nouveaux éléments de preuve par un juge-arbitre, nous renvoyons à l’arrêt rendu par la Cour dans Gilles Dubois c. La Commission de l’assurance-emploi du Canada et le procureur général du Canada, [1998] A.C.F. no 768, 231 N.R. 119, aux pages 119 à 121, où le juge Marceau affirme 

F.C.J. No. 768, 231 N.R. 119 at 129-121, in which Marceau J. states:

Il suffit de dire que l’arbitre a refusé de recevoir la preuve nouvelle par application rigide des principes dégagés par les tribunaux à l’effet qu’en matière d’appel ou de révision judiciaire, preuve nouvelle implique preuve inconnue de la partie impliquée au moment de l’audition en première instance ou alors impossible à produire.

. . .

Nous tenons à exprimer des réserves sérieuses à l’égard de l’application par un arbitre de règles formelles dégagées pour la bonne marche des tribunaux judiciaires. L’arbitre est un échelon dans le processus d’administration de la Loi sur l’assurance-chômage, une loi d’ordre éminemment social, où les prestataires agissent d’eux-mêmes la plupart du temps sans représentation et où les arbitres au niveau de la première instance n’ont même pas de formation juridique. Les principes de justice suggèrent l’introduction d’un libéralisme total au niveau de l’acceptation des représentations des prestataires à tous les niveaux, libéralisme que demande d’ailleurs l’article 86 [maintenant l’article 120] de la Loi.

Sur ce fondement, la CAF a conclu que la décision rendue par le juge-arbitre dans Courchene était raisonnable.

[26] L’arrêt Canada (Procureur général) c. Boulton (1996), 208 N.R. 63 (CAF), permet d’affirmer qu’une transaction (une entente de règlement dans notre affaire) peut constituer un élément de preuve pouvant réfuter d’autres éléments de preuve d’inconduite dans certaines circonstances et peut être prise en considération par le juge-arbitre dans les cas qui s’y prêtent.

[27] Sur le moyen qu’il pourrait y avoir des erreurs mixtes de fait et de droit, tel qu’il est plaidé plus haut au paragraphe 4, et à la lumière de la jurisprudence de la CAF, je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[11] Entre autres pouvoirs qui sont conférés à la DA, il y a celui de substituer sa propre opinion à celle de la DG. Aux termes du paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS, la DA peut rejeter l’appel, rendre la décision que la DG aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la DG pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la DG.

Observations

[12] Les observations de l'appelant peuvent se résumer ainsi 

  1. Il n'y avait aucune part de responsabilité, faute ou inconduite de sa part;
  2. Son employeur était au courant du travail supplémentaire et il en avait discuté avec la gestion;
  3. Une affaire devant la CRTO était en suspens au moment de l'appel devant la DG;
  4. La CRTO a conclu qu'il n'y avait aucune faute et inconduite volontaire de sa part;
  5. Il a des lettres de recommandation de son ancien employeur;
  6. Le membre de la DG ne l'a pas entendu et ses points ont été perdus;
  7. Les deux lettres jointes à sa demande consistaient en la même lettre; une était une ébauche et l'autre comportait deux signatures de l'ancien employeur;
  8. L'accord de règlement de la CRTO indique que l'ancien employeur ne bloquerait pas sa demande de prestations d'AE et qu'il n'y avait aucune part de responsabilité ou faute.

[13] L’intimée a fait valoir que 

  1. La DG n'a pas effectué d'erreur en ce qui a trait à sa conclusion de fait selon laquelle la perte d'emploi de l'appelant était reliée à une inconduite en vertu de la Loi sur l'AE;
  2. Les moyens d'appel de l'appelant n'ont pas été prouvés;
  3. L'entente de règlement ne démontre pas que les faits au dossier étaient erronés ou qu'ils ne représentaient pas de façon précise les faits tels qu'ils ont eu lieu;
  4. L'appel devrait être rejeté en vertu du paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS. [14] L'employeur n'a pas été mis en cause dans cet appel.

Norme de contrôle

[15] L’intimée fait valoir que la norme de contrôle applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte et que la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable Pathmanathan c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 50 (paragraphe 15).

[16] Dans les arrêts Canada (Procureur général) c. Jewett, 2013 CAF 243, et Chaulk c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 190, entre autres, la Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle applicable aux questions de droit et de compétence pour des appels du conseil arbitral en matière d’assurance-emploi est celle de la décision correcte, tandis que la norme de contrôle applicable aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable.

[17] Jusqu’à tout récemment, la DA considérait que les décisions de la DG pouvaient être révisées selon les mêmes normes applicables aux décisions du conseil arbitral.

[18] Cependant, dans Canada (Procureur général) c. Paradis; Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242, la Cour d’appel fédérale a suggéré que cette approche ne convient pas lorsque la DA du Tribunal révise les décisions en matière d’AE rendues par la DG.

La Cour d’appel fédérale, dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Maunder, 2015 CAF 274, a fait référence à Paradis, supra et a déclaré qu’il n’était pas nécessaire que la Cour se penche sur la question de la norme de contrôle que la DA doit appliquer aux décisions de la DG.

[20] Je suis embarrassé face à ces divergences apparentes. À ce titre, je vais me pencher sur ce dossier en me référant aux dispositions de la Loi sur le MEDS applicables à l’appel.

[21] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants 

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[22] La permission d'en appeler fut accordée en se fondant sur les documents de l'affaire devant la CRTO, plus particulièrement un accord de règlement et des lettres ayant suivi l'accord de règlement ainsi que les affaires Courchene et Boulton.

[23] Ces documents n'ont pas été présentés à la DG et auquel cas, constitueraient de nouveaux éléments de preuve devant la DA.

Analyse

Nouveaux éléments de preuve

[24] Le Tribunal doit d’abord déterminer si les nouveaux éléments de preuve que désire soumettre l’appelant sont recevables par la DA. Personne ne conteste que cette nouvelle preuve n’a pas été présentée devant la DG.

[25] Des arrêts de la Cour d’appel fédérale ont prescrit que 

  1. Les juges-arbitres ne devraient jamais admettre de nouveaux éléments de preuve Canada (Procureur général) c. Taylor, (1991) A.C.F. no 508, Canada (Procureur général) c. Hamilton, (1995) A.C.J. no 1230, Brien c. Canada (CAE), (1997) A.C.F. no 492, Canada (Procureur général) c. Merrigan, (2004) CAF 253 et Karelia c. Canada (MRHDS), (2012) CAF 140;
  2. Les juges-arbitres pouvaient admettre de nouveaux éléments de preuve dans la mesure où il s’agissait de « faits nouveaux » en vertu de (l’ancien) article 120 de la Loi sur l’AE Canada (MEI) c. Bartone, (1989) A.C.F. no 21, Canada (Procureur général) c. Wile, (1994) A.C.F. no 1852, Canada (Procureur général) c. Chan, (1994) A.C.F. no 1916;
  3. Les juges-arbitres pouvaient considérer de nouveaux éléments de preuve, qui n’étaient pas des « faits nouveaux », s’ils concernaient un manquement à la justice naturelle Velez c. Canada (Procureur général), (2002) CAF 343;
  4. Les juges-arbitres pouvaient, dans un cas exceptionnel, considérer une nouvelle preuve qui n’était pas des « faits nouveaux » en vertu de l’ancien article 120 de la Loi sur l’AE Dubois c. Canada (CAE), (1988) A.C.F. no 768 et Canada c. Courchene, (2007) CAF 183.

[26] Dans la décision Rodger c. Canada (Procureur général), (2013) CAF 222, la Cour d’appel fédérale a dû faire face à un appelant qui a tenté de présenter de nouveaux éléments de preuve devant le juge-arbitre, il a tenté de présenter ces mêmes éléments comme des faits nouveaux en se fondant sur une demande d’annulation ou de modification de la décision initiale du juge-arbitre, puis a tenté de présenter une nouvelle preuve devant la Cour d’appel fédérale. La décision de la Cour d’appel fédérale a fait valoir que 

26 Même si un plaideur ne comprend pas entièrement la procédure à laquelle il participe, ou ne saisit pas l’importance d’un élément de preuve en particulier, le rôle de notre Cour se limite à contrôler les décisions qui lui sont présentées en fonction des éléments de preuve dont disposait le décideur (Ray c. R., (2003) CAF 317 (CanLII), (2003) 4 C.T.C. 206 (C.A.F.), au paragraphe 5). Il ne s’agit pas en l’espèce d’un des rares cas appelant une exception, par exemple une affaire où la Cour doit décider s’il y a eu manquement à l’équité procédurale. Le juge-arbitre a tranché l’appel en fonction des éléments de preuve à sa disposition, qui consistait en tous les documents produits devant le conseil et les témoignages relevés dans la décision du conseil, puisqu’il n’y avait pas de transcription de l’audience. La Cour doit se servir du même dossier aux fins du contrôle de la décision du juge-arbitre.

27 Lorsqu’il a présenté son premier appel devant le juge-arbitre, le demandeur tentait de faire instruire de nouveau sa cause sur le fond. Malheureusement, le rôle du juge-arbitre ne consistait pas à réexaminer, de novo, son appel de la décision de la Commission, pas plus que le rôle de la Cour, dans le cadre de la procédure en contrôle judiciaire, ne consiste à réexaminer, de novo, l’affaire ou les questions dont était saisi le juge-arbitre, comme je l’ai déjà expliqué.

43 Comme mentionné dans Canada (Procureur général) c. Chan (1994), 178 N.R. 372 (C. A.F.) au paragraphe 10 (Chan), la révision prévue à ce paragraphe de la Loi devrait demeurer une « denrée rare », et un juge-arbitre devrait faire très attention à ce que des « prestataires négligents ou mal intentionnés » n'abusent pas du processus. Comme mentionné sans équivoque dans Chan, une version différente ou plus détaillée des faits déjà connus par l'appelant ou la reconnaissance soudaine des conséquences de certains de ces faits ne sont pas des faits nouveaux.

[27] Conformément à la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durables de 2012, article 19, paragraphes 266 — 267, le bureau du juge-arbitre a été remplacé par la DA du Tribunal.

[28] Afin de déterminer si la DA peut recevoir de nouveaux éléments de preuve il convient d’analyser la question en quatre temps 

  1. La DA peut-elle annuler ou modifier une décision de la DG?
  2. Les nouveaux éléments de preuve sont-ils des « faits nouveaux »?
  3. Si les nouveaux éléments de preuve ne sont pas des « faits nouveaux » les nouveaux éléments de preuve sont-ils liés à un manquement à la justice naturelle?
  4. Si les nouveaux éléments de preuve ne sont pas des « faits nouveaux » existe-t-il des circonstances exceptionnelles comme dans les affaires Dubois ou Courchene?
(a) La DA peut-elle annuler ou modifier une décision de la DG?

[29] L'alinéa 66(1)a) de la Loi sur le MEDS indique qu'une décision pourrait être annulée ou modifiée « si de nouveaux faits sont présentés » ou si le Tribunal est convaincu que la décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou a été fondée sur une erreur relative à un tel fait.

[30] La DA peut annuler ou modifier une décision qu’elle a rendue, mais ne peut pas annuler ou modifier une décision de la division générale. Une demande d’annulation ou de modification d'une décision de la division générale devrait être présentée à la division générale du Tribunal.

[31] Étant donné le délai d’un an pour présenter la demande d’annuler ou de modifier, il est peut-être trop tard pour l’appelant puisse présenter une demande à la division générale. Dans les circonstances, je discuterai des questions qui restent.

(b) Les nouveaux éléments de preuve sont-ils des « faits nouveaux »?

[32] Dans l’affaire Chan, la Cour d’appel fédérale a affirmé que le réexamen d’une décision en se fondant sur faits nouveaux devrait se faire qu’en de rares occasions 

¶ 11 La révision d'une décision par un juge-arbitre sur le fondement de « faits nouveaux » ayant été déposés est et devrait demeurer une denrée rare. On accorde un grand nombre d'occasions de contester des décisions qui les affectent aux prestataires d'assurance-emploi et les juges-arbitres devraient faire très attention à ce que les prestataires négligents ou mal intentionnés n'abusent pas du processus de révision. (…)

[33] Les nouveaux éléments de preuve que l'appelant désire présenter sont des documents de l'affaire de la CRTO entre lui et son ancien employeur. L'appelant s'appuie sur ces documents pour démontrer qu'il n'y a pas eu faute ou inconduite de sa part.

[34] Il existe une différence entre des faits nouveaux et de nouveaux éléments de preuve à l’appui de faits connus. Comme mentionné plus haut dans l’affaire Chan « Une version différente des faits déjà connus de la prestataire, de simples réflexions après coup ou la constatation soudaine des conséquences d’actions passées ne sont pas des « faits nouveaux ».

[35] Des éléments de preuve disponibles au moment de l’audience devant la DG, mais non présentés, ne peuvent être considéré comme des faits nouveaux Velez, supra.

[36] Les « faits nouveaux » doivent s’être produits après la décision ou avant celle-ci, à condition qu’ils aient été impossibles à révéler malgré la diligence Chan, supra.

[37] La question n’est pas de savoir si l’appelant était au courant qu’il devait présenter les nouveaux éléments de preuve à l’audience de la DG, mais bien de savoir si l’appelant, en agissant de façon diligente, aurait pu présenter ces éléments de preuve Canada (Procureur général) c. Hines (2011) CAF 252.

[38] En l'espèce, les nouveaux éléments de preuve que l'appelant a voulu déposer sont des documents qui n'existaient pas au moment de l'audience de la DG. Les documents sont datés des mois d'avril et mai 2015 et l'audience de la DG a eu lieu en février 2015. Par conséquent, ils pourraient répondre au critère juridique de « faits nouveaux », s’ils avaient un impact majeur sur la conclusion de l'affaire.

[39] Même si la DA ne peut annuler ou modifier une décision de la DG, elle peut être en mesure de recevoir des documents dans un autre but.

(c) Les nouveaux éléments de preuve sont-ils liés à un manquement à la justice naturelle?

[40] L'appelant ne s'appuyait pas sur le manquement à un principe de justice naturelle dans sa demande de permission d'en appeler.

[41] À l'audience de la DA, l'appelant a déclaré que « le membre de la DG ne m'a pas écouté » et « personne ne m'écoutait ».

[42] L’intimée a soutenu que la DG était le maître des faits et son rôle consistait à soupeser la preuve portée à sa connaissance et à établir les faits en fonction de la preuve qui lui est présentée. Au cours de ce processus, la DG peut décider quels sont les éléments de preuve qu'elle préfère. Rien dans la décision de la DG n’indique que cette dernière s’est montrée défavorable à l’égard de l’appelant ou qu’elle n’a pas fait preuve d’impartialité. Rien non plus ne prouve qu’il y a eu manquement aux principes de justice naturelle en l’espèce.

[43] Tout manquement à la justice naturelle doit être soulevé à la première occasion possible; le fait de ne pas s’y opposer au cours de l’audience doit être considéré comme une renonciation implicite à invoquer tout manquement perçu à l’équité par la partie ayant allégué le manquement (Benitez et al c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 461, paragr. 204-220). La première occasion qui est donnée au demandeur se présente lorsque celui-ci est informé des renseignements pertinents et qu’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’il soulève une objection (ibid., paragraphe 221). Toutefois, la doctrine de la renonciation n’empêche pas un demandeur de faire valoir que la façon dont l’audience a été menée constitue un manquement à l’obligation d’équité du fait, par exemple, d’un contre-interrogatoire musclé (ibid., paragraphe 222).

[44] L’appelant n’a pas invoqué de manquement aux principes de justice naturelle à l’audience de la DG. Sa demande de permission d'en appeler inclut une répétition des arguments présentés devant la DG mais ne fait pas allusion à un manque au principe de justice naturelle. L'appelant a initialement fait part d'allégations de manque au principe de justice naturelle lors de l'audience de l'appel.

[45] J’en conclus que l’appelant n’a pas invoqué un manquement à la justice naturelle à la première occasion qui lui a été donnée. Toutefois, la doctrine de la renonciation n’empêche pas un demandeur de faire valoir que la façon dont l’audience a été menée constitue un manquement à l’obligation d’équité du fait d’un contre-interrogatoire musclé ou d’une autre forme d’intimidation similaire. La description qu’a faite l’appelant de l'audience devant la DG ne démontre en rien que l’appelant a fait l’objet d’intimidation au cours de l’audience.

[46] Bien que l’appelant n’ait pas soulevé de questions relatives à l’équité lors de l’audience de la DG et que, de ce fait, il soit réputé avoir renoncé à invoquer tout manquement perçu à l’équité, le Tribunal se penchera sur le ou les manquements allégués aux principes de justice naturelle.

[47] L'appelant allègue qu'il n'a pas été entendu. Plus précisément, il soutient que personne ne l'a écouté.

[48] Tout appelant a droit à une audience équitable où il a pleinement l’occasion de présenter son cas à un décideur impartial Baker c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1999) 2 RCS 817, aux paragraphes [21] - [22].

[49] J’ai examiné en détail le dossier d’appel porté à la connaissance de la DG, incluant les enregistrements audio; il est clair que la DG avait le dossier documentaire à sa disposition (notamment la demande de l’appelant, les questionnaires et les autres déclarations, ainsi que sa demande de révision et des documents concernant des entrevues avec l’employeur). La DG a également résumé, dans sa décision écrite, le témoignage de l'appelant au sujet de son historique d'emploi auprès de l'employeur et les circonstances du « travail supplémentaire » à l'origine des problèmes avec l'employeur. L'occasion pour l'appelant de présenter son cas ne dépendait pas uniquement sur le témoignage oral de l'audience de la DG, et il n'y a aucun élément de preuve selon lequel le membre de la DG a empêché l'appelant de soumettre des éléments de preuve.

[50] Dans l’arrêt Arthur c. Canada (Procureur général), (2001) CAF 223, la Cour d’appel fédérale a affirmé qu’une allégation de partialité ou de préjugé portée à l’encontre d’un tribunal est une allégation sérieuse. Elle ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressions d’un demandeur. Elle doit être étayée par des preuves concrètes qui font ressortir un comportement dérogatoire à la norme. L’obligation d’agir équitablement comporte deux volets, soit le droit d’être entendu et le droit à une audition impartiale.

[51] Même si je tenais pour avérées les allégations de l’appelant au sujet de la DG - qu'il n'avait pas été entendu - comme elles figurent au paragraphe 41 ci-dessus, la preuve ne montre pas que la DG n’a pas suffisamment donné l’occasion à l’appelant d’être entendu ou que la DG s’est fondée sur des préjugés ou a fait preuve de partialité. Bien que l’appelant puisse avoir l’impression de n’avoir pas été entendu, la preuve ne démontre pas que la DG a, par son comportement, dérogé aux normes entourant le droit d’être entendu et le droit à une audience équitable.

[52] Pour les motifs susmentionnés, je conclus que la DG n’a pas manqué aux principes de justice naturelle en n’accordant pas une audience équitable à l’appelant.

[53] De plus, les nouveaux éléments de preuve que l'appelant désire soumettre ne sont pas reliés à un manquement au principe de justice naturelle. Ils ne peuvent être reçus par la DA selon l'exception Velez.

(d) Existe-t-il des circonstances exceptionnelles comme dans les affaires Dubois ou Courchene?

[54] Courchene, supra, et Canada (Procureur général) c. Boulton (1996), 208 N.R. 63 (CAF) on déterminé le fondement selon lequel la permission d'en appeler est accordée. Dubois, supra, fut affirmée dans l'affaire Courchene.

[55] Dans l'affaire Courchene, le juge-arbitre a accueilli en tant qu'élément de preuve, le procès-verbal du règlement qui n'était pas devant le conseil, sous forme d'une demande de modifier et d'annuler. Dans l'affaire Boulton, le règlement était un élément de preuve devant le conseil. Dans l'affaire Dubois, la Cour d'appel fédérale a indiqué que le nouvel élément de preuve, sous forme de certificat médical, aurait dû être accueilli afin d'être présenté devant le juge-arbitre là où aucune demande de modification ou d'annulation n'avait été soulevée.

[56] Devant moi, l'intimée est d'accord avec le fait que la DA pourrait recevoir de nouveaux documents selon ce courant jurisprudentiel. Toutefois, elle a fait valoir que (1) le cas en l'espèce est différent du cas Courchene puisque la Cour d'appel fédérale avait statué que l'accord en question était entièrement contradictoire à une conclusion d'inconduite et (2) les faits dans l'affaire Courchene sont différents de ceux de l'affaire Boulton.

[57] Je note que le courant jurisprudentiel des affaires Dubois, Courchen et Boulton a été conclu selon un régime qui permettait qu'un juge-arbitre modifie ou annule une décision du conseil. Comme susmentionné, la DA ne peut annuler ou modifier une décision de la DG. Toutefois, la DA considère qu'une décision de la DG est révisable selon les mêmes principes qu'une décision du conseil (dont on interjette appel devant le juge-arbitre).

[58] En considérant les récentes décisions dans Paradis, supra, et Maunder, supra, ainsi que les différences entre l'article 66 de la Loi sur le MEDSS et l'ancien article 120 de la Loi sur l'AE (disposition pour la modification ou l'annulation), je suis convaincue que ce courant jurisprudentiel lie la révision d'une décision de la DG par la DA.

[59] L'intimée limiterait la mise en application de ce courant jurisprudentiel aux affaires d'inconduite pour lesquelles un accord de règlement entre le prestataire et l'employeur était contradictoire à une conclusion d'inconduite du prestataire. Par contre, certaines décisions de la DA ont allégué que ces affaires ne sont pas limitées à ce but par exemple DA-14-99 (2016 TSSDAAE 40).

[60] Dans les circonstances et jusqu'à ce que la Cour d'appel fédérale ordonne le contraire, je me guiderai à l'aide de la jurisprudence d'AE existante. Concernant la question en litige en l'espèce, je vais accueillir et évaluer les nouveaux éléments de preuve de l'appelant.

Nouveaux documents et inconduite

[61] L'appelant déclare que ces nouveaux documents indiquent que son ancien employeur n'aurait pas empêché ses prestations d'AE et qu'il n'avait pas eu de part de responsabilité ou d'inconduite de sa part.

[62] Bien que l'accord de règlement fournir par l'appelant n'est que signé par lui-même, il a déclaré qu'il s'agissait de la version finale. Il a indiqué que l'accord a été signé en mai 2015 et que ce document est sa seule copie. L'intimée était prête à accepter le document en tant que l'accord de règlement ayant eu lieu entre l'appelant et son ancien employeur. L'audience a eu lieu sur ce fondement.

[63] L'entente de règlement comprend ce qui suit 

Tandis que le demandeur a déposé sa demande d'assurance-emploi qui est maintenant révoquée;

Tandis que le demandeur est désireux d'en venir à un accord en matière d'assurance-emploi selon lequel il n'aura pas à rembourser de sommes versées et qu'il continue à être admissible;

Tandis que Dixie Bloor Neighbourhood Centre (DBNC) ne veut pas nuire au demandeur en ce qui a trait à l'obtention d'un accord en matière d'assurance-emploi selon lequel il n'aura pas à rembourser de sommes versées et qu'il continue à être admissible;

Dans le but de résoudre toutes les questions incluses dans cette demande et en ce qui a trait à l'emploi et la cessation d'emploi, les parties conviennent de ce qui suit...

[64] Au moyen de l'accord de règlement, l'appelant et son ancien employeur se sont entendus en ces termes 

  1. Le DBNC fournira deux copies originales de la lettre d'emploi telle qu'elle figure à l'annexe A ci-jointe.
  2. Le DBNC répondra à toute demande de renseignements au sujet de l'emploi du demandeur selon les renseignements indiqués dans l'annexe A ci-jointe.
  3. Il n'y a aucune admission de responsabilité ou de faute par aucune des parties, et cet accord met fin à toute affaire, réclamation, ou action entre les parties, qu'elles soient actuelles ou potentielles, qui sont reliées d'une manière ou d'une autre à l'emploi de l'employé par l'employeur.
  4. Les parties sont d'accord avec le fait que toute somme due au demandeur ou qui pourrait être due au demandeur a été versée.

[65] L'annexe A de l'entente de règlement est la lettre que l'ancien employeur aurait produite dans un format signé et daté pour utilisation par l'appelant. Une copie signée et datée fut produite, il s'agit de la lettre de mai 2015 qui se trouve au dossier de la DA. Cette lettre confirme l'emploi de l'appelant en tant que « prospecteur d'emploi » du 7 août 2007 au 20 juin 2014 et décrit ses responsabilités durant son emploi. L'appelant a fait valoir qu'elle décrit plus qu'un programme ainsi qu'un programme de mentorat qu'il a développé au courant de son « travail supplémentaire ».

L’arrêt Boulton, supra, est l'autorité en matière de ce en quoi une proposition d'accord peut constituer un élément de preuve qui pourrait réfuter d'autres éléments de preuve d'inconduite dans certaines circonstances et peut être considérée par le juge-arbitre dans les affaires appropriées.

[67] Dans l'arrêt Boulton, la Cour d'appel fédérale s'est référée à l'affaire Canada (Procureur général) c. Wile (A-233-94) et a déclaré 

Le raisonnement qui se dégage de l'arrêt Wile est que, avant qu'une transaction puisse être invoquée pour réfuter une constatation antérieure d'inconduite, il faut qu'il y ait une preuve quelconque en la matière qui neutraliserait la position prise par l'employeur durant l'enquête de la Commission ou lors de l'audience du conseil arbitral.

Selon l'accord dans l'affaire Boulton, tous les griefs furent retirés comme étant totalement ou finalement résolus et le prestataire fut réintégré dans son emploi pour être ensuite licencié en vertu de son ancienneté à la même date. La Cour d'appel fédérale a conclu que l'accord ne renferme aucun aveu exprès ou implicite que les faits consignés dans le dossier déposé auprès de la Commission étaient erronés ou qu'ils ne reflétaient pas de façon exacte les événements ayant mené à la cessation de l'emploi et par conséquent, les modalités de l'accord n'étaient pas en contradiction avec la conclusion antérieure d'inconduite.

[68] Dans Wile, l'accord de règlement inclut la phrase suivante « Aucune faute n'est reconnue ou alléguée par l'une ou l'autre des parties au sujet des malheureux différends qui les opposent ». La Cour d'appel fédérale a soutenu que cette phrase ne pouvait être utilisée pour annuler les fondements selon lesquels le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

[69] Les modalités de l'accord de règlement en l'espèce sont les suivants « Aucune faute n'est reconnue ou alléguée par l'une ou l'autre des parties, et cet accord met fin à toute affaire, réclamation ou action entre les parties, qu'elles soient actuelles ou potentielles, reliées d'une façon ou d'une autre à l'emploi de l'employé par l'employeur. » Cette phrase est similaires à celle de l'affaire Wile.

[70] Dans l'affaire Courchene, le juge-arbitre a conclu que la teneur du procès-verbal de l’accord de règlement « contredisait l'allégation d'inconduite de l'employeur ». La Cour d'appel fédérale a conclu que les modalités, dans l'ensemble, pouvaient raisonnablement être compris comme étant contradictoire à une allégation d'inconduite de la part du prestataire et s'est plus particulièrement référée à 

La lettre de congédiement est remplacée par une lettre de démission, tous les renseignements concernant le grief sont retirés du dossier de la défenderesse, le relevé d’emploi est modifié de manière à indiquer que la décision de mettre fin à la période d’emploi a été prise d’un commun accord et – élément très important – la défenderesse reçoit une compensation substantielle (équivalant à douze semaines de salaire, après une période d’emploi d’un an et demi). ».

[71] Les modalités de l’accord de règlement ressemblent aux modalités de l'accord de l'affaire Wile et sont très différentes des modalités des accords pour les affaires Boulton et Courchene. En ce qui a trait au fait que l'accord de règlement est un élément de preuve pour ce qui est de l'inconduite ce qui contredit la position de l'employeur durant l'enquête menée par le Commission ou au moment de l'audience, je réponds par la négative.

[72] Tout en appliquant la jurisprudence de la Cour d'appel fédérale à l'affaire présente, il est clair que l’accord de règlement entre l'appelant et son ancien employeur ne contredit pas la conclusion d'inconduite de la DG.

Manquement à la justice naturelle

[73] L'appelant s'est reposé, dans son appel, sur le manque d'occasion d'être entendu. Toutefois, j'ai conclu aux paragraphes [40] à [53] susmentionnés, que la DG n'a pas manqué à l'observation d'un principe de justice naturelle relié aux faits de soupeser les éléments de preuve et de tirer des conclusions en se fondant sur son examen de la preuve.

Erreur de droit ou conclusions tirées de faits erronés

[74] Le reste des observations du demandeur dans cet appel conteste à nouveau les faits et arguments déposés auprès de la DG.

[75] Le rôle de la DG en tant que juge des faits consiste à soupeser la preuve et à tirer des conclusions en s'appuyant sur une appréciation de cette preuve.  La DA ne juge pas des faits.

[76] À titre de membre de la division d’appel du Tribunal, dans le cadre de l'instruction de cet appel, il ne m’appartient pas d’examiner et d’évaluer les éléments de preuve dont disposait la DG dans l’optique de remplacer les conclusions de fait qu’elle a tirées par mes propres conclusions. Le rôle de la DA consiste à déterminer si la DG a commis une erreur susceptible de contrôle prévue au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et, si c’est le cas, de prévoir une réparation pour cette erreur. En l’absence d’une telle erreur, la loi ne permet pas à la DA d’intervenir. La DA n’a pas comme rôle d’instruire l’affaire de nouveau.

Le demandeur n’a relevé aucune erreur de droit ou conclusion de fait erronée que la DG aurait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle est parvenue à sa décision.

Conclusion

[78] En considérant les observations des parties, mon examen de la décision de la DG et du dossier d'appel, je conclus qu'aucune erreur susceptible de réexamen n'a été accomplie par la DG.

[79] L’appel est rejeté.

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