Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur sollicita la permission d’en appeler au Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal ») de la décision de la division générale (DG) rendue le 4 mars 2015. La DG a accueilli l’appel du défendeur alors que la demanderesse (Commission) avait refusé d’antidater sa demande en application du paragraphe 10(4) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

[2] La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler (demande) devant la division d’appel le 6 mars 2015. La demande a été reçue dans le délai de 30 jours prévu.

[3] Les moyens d’appel énoncés dans la demande sont que la décision de la DG est entachée d’une erreur de droit et de fait, comme suit :

  1. L’intimé a présenté une demande de prestations régulières avec une demande d’antidatation de sa demande;
  2. La demanderesse a refusé la demande d’antidatation au motif que le prestataire n’avait pas démontré de motif valable pour un retard important;
  3. La demanderesse est d'accord avec le fait que l'intimé avait un motif valable pour le délai entre le 23 novembre 2013 et le 23 octobre 2013;
  4. Toutefois, les éléments de preuve n'appuient pas un motif valable pour le délai de dépôt de sa demande entre le 24 octobre 2014 et le 26 mars 2014;
  5. Une personne raisonnable n'aurait pas attendu quatre mois avant de se renseigner au sujet de la marche à suivre;
  6. Selon la décision de la Cour d'appel fédérale Canada c. Dickson, 2012 CAF 8 et Howard c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 116

Question en litige

[4] Le Tribunal doit décider si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable et analyse

[5] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et « la division d’appel accorde ou refuse cette permission ».

[6] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[7] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS prévoit que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Le Tribunal doit être convaincu que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel énumérés. L’un de ces motifs au moins doit conférer à l’appel une chance raisonnable de succès avant que la permission d’en appeler puisse être accordée.

[9] Le Tribunal note que l’intimé avait été présent et qu’il avait témoigné à l’audience devant la DG, mais que la demanderesse a décidé de ne pas y assister.

[10] La DG a conclu ce qui suit aux pages 5 et 6 de sa décision :

[31] Le prestataire a fait valoir qu'il était rémunéré par son employeur et qu'il payait des primes d'AE jusqu'à la fin du mois d'octobre 2013, et qu'il croyait qu'il pouvait obtenir un emploi en se basant sur ses conversations et son entrevue avec DCL. Le prestataire a également fait valoir que lorsqu'on l'a avisé que l'emploi qu'il souhaitait n'était plus disponible. Le prestataire a exploré d'autres possibilités et a soumis sa demande antidatée en se fiant aux conseils d'un agent de Service Canada. Le prestataire a exploré les possibilités de formation et a soumis sa demande antidatée en se basant sur les conseils d'un agent de Service Canada.

[32] La position de la Commission est que le prestataire n'a pas démontré qu'il n'a pas agi comme toute autre personne raisonnable l'aurait fait en pareilles circonstances,  pour s'assurer de ses droits et de ses obligations prévus par la Loi, et que par le fait même, n'avait pas démontré un motif valable tout au long de la période du délai.

[33] Le prestataire doit prouver l'existence d'un motif valable tout au long de la période de délai en démontrant qu'il a agi comme une personne raisonnable et prudente l'aurait fait dans les mêmes circonstances/la même situation pour s'assurer de ses droits et obligations en vertu de la Loi.

[34] Le Tribunal conclut que du 22 novembre 2012 au 24 octobre 2013, le prestataire recevait une rémunération de son employeur et qu'il payait des cotisations d'AE comme indiqué dans ses feuillets T4. Par conséquent, le Tribunal estime qu'il est raisonnable pour le prestataire de présumer qu'il n'était pas admissible à des prestations durant cette période.

[35] Le Tribunal conclut qu'il est raisonnable pour le prestataire, en raison de ses efforts immédiats pour se trouver un autre emploi après l'arrêt de la rémunération par l'employeur, de croire qu'il aurait pu devenir employé de DCL selon l'occasion d'emploi pour lequel il fut avisé en janvier 2013 qu'il n'était pas le candidat qualifié. Par conséquent, le Tribunal conclut qu'il était raisonnable pour le prestataire de retarder la demande de prestations pendant cette période de temps.

[36] Le Tribunal juge que le prestataire a exploré des possibilités de formation en février et qu'il a présenté sa demande antidatée pour des prestations d'AE en mars 2014 en se basant sur les conseils d'un agent de Service Canada de sa localité. Par conséquent, le Tribunal croit qu'il est raisonnable pour le prestataire d'avoir retardé sa demande pour des prestations pendant cette période de temps puisqu'il a cherché à obtenir de l'aide, incluant auprès de Service Canada.

[37] Le Tribunal aimerait mentionner que cette décision concerne uniquement l'antidatation.

[38] Le Tribunal conclut que le prestataire a prouvé l'existence d'un motif valable tout au long de la période du délai en ayant agi comme une personne raisonnable et prudente l'aurait fait dans les mêmes circonstances/la même situation pour s'assurer du respect de ses droits et obligations en vertu de la Loi.

[39] Selon les éléments de preuve fournis par le prestataire et la Commission, le Tribunal donne raison au prestataire.

[11] Sur le fondement de ces conclusions, la DG a accueilli l’appel de l’intimé.

[12] Lorsque la DG a cité des affaires de la Cour d'appel fédérale pour le critère juridique applicable au « motif valable pour un retard » – soit que le prestataire a agi comme une personne raisonnable aurait agi dans sa situation pour s'assurer de ses droits et obligations - le prestataire a fait valoir que la DG a fondé sa décision sur une application erronée de la loi et qu'elle n'a pas considéré des décisions applicables de la Cour d'appel fédérale.

[13] La DG n'a cité aucune décision de la Cour d'appel fédérale.

[14] Dans l’affaire Howard c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 116, la Cour d’appel fédérale a affirmé que la décision d’un juge-arbitre à l’effet qu’un retard à présenter une demande fondée sur l’espoir de se trouver un emploi ou sur une confiance, de bonne foi, de se trouver du travail en comptant sur ses propres ressources ne constitue pas un «  motif valable ».  La cour a également affirmé que bien que le conseil arbitral avait tenu compte des « circonstances atténuantes » du demandeur, aucun élément de preuve suggérant que ces circonstances justifiaient tout le retard, n’apparaît dans le dossier.

[15] Dans l'affaire Canada c. Dickson, 2012 CAF 8, la Cour d'appel fédérale a infirmé une décision d'un juge-arbitre dans laquelle il n'y avait aucun élément de preuve pour expliquer les cinq derniers mois de retard de la demande de prestations du prestataire en vertu de la Loi sur l'AE.

[16] La demanderesse fait valoir que dans la présente affaire, il n'y avait pas d'éléments de preuve expliquant les cinq derniers mois de retard du dépôt de la demande de prestations d'AE du défendeur.

[17] La DG a conclu que le défendeur « avait exploré des possibilités de formation en février et qu'il a présenté une demande de prestations d'AE antidatée en mars 2014 en se basant sur les conseils d'un agent de Service Canada de sa localité  ». La DG a conclu qu'il était raisonnable pour le défendeur de retarder sa demande de prestations pendant cette période puisqu'il avait cherché de l'aide auprès de Service Canada.

[18] La DG a conclu qu'il est raisonnable pour le défendeur de retarder sa demande de prestations pendant la période durant laquelle il croyait qu'il serait à l'emploi de DCL. La décision de la DG mentionne janvier 2013 comme date où il apprit qu'il n'était pas le candidat retenu : paragraphe [35]. Toutefois, au début de la décision, la DG a indiqué qu'en octobre 2013, le défendeur croyait pouvoir obtenir un emploi auprès de DCL. Ensuite, il y a une mention de « février  » dans le paragraphe suivant. Il n'est pas clair, suite à ma lecture de la décision de la DG et du dossier, si au paragraphe [36], « février » signifie février 2013 ou février 2014.  Il n'est également pas clair si « janvier 2013 » pourrait signifier janvier 2014.

[19] La période de temps ainsi que les événements qui se sont déroulés pendant cette période de temps ont une incidence sur les circonstances du défendeur pendant la période du 24 octobre 2013 (le jour qui suit la journée où les sommes de cessation d'emploi de son employeur lui ont été payées) au 26 mars 2014 (le jour où il a déposé sa demande de prestations).

[20] Bien qu’un demandeur ne soit pas tenu de prouver les moyens d’appel aux fins d’une demande de permission d’en appeler, il doit à tout le moins énoncer certains motifs qui font partie des moyens d’appel énumérés.  Ici, la demanderesse a indiqué des moyens d'appel et des motifs qui font partie des moyens d'appel énumérés.

[21] Sur le moyen voulant qu’il puisse y avoir une erreur mixte de droit et de fait, je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[22] La demande est accordée.

[23] La présente décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

[24] J’invite les parties à présenter des observations écrites sur la pertinence de tenir une audience et, si elles jugent qu’une audience est appropriée, sur le mode d’audience préférable, et également sur le bien-fondé de l’appel.

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