Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

[1] L’appelant, monsieur S. L., était absent lors de l’audience téléphonique (téléconférence), tenue le 17 mai 2016. Un avis d’audience a été envoyé à l’appelant, en date du 16 mars 2016, pour l’informer de la tenue de l’audience du 17 mai 2016 (pièces GD1-1 à GD1- 4). Une preuve de livraison de l’avis d’audience adressé à l’appelant, en date du 30 mars 2016, a été transmise au Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal ») le 1er avril 2016.

[2] Convaincu que l’appelant a été avisé de la tenue de l’audience du 17 mai 2016, le Tribunal a procédé en son absence, comme le permet l’article 12 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, pour une telle situation. À noter que le Tribunal a attendu plus de 30 minutes après le début de l’audience du 17 mai 2016 afin de s’assurer de la présence de l’appelant à cette audience. Malgré cette période d’attente, l’appelant n’a pas signifié sa présence.

Introduction

[3] Le 30 juin 2015, l’appelant a présenté une demande renouvelée de prestations ayant pris effet le 28 juin 2015. L’appelant a déclaré avoir travaillé pour l’employeur Externat Sacré-Cœur, du 21 janvier 2015 au 30 juin 2015, inclusivement. L’appelant a indiqué qu’il allait retourner travailler pour son employeur, mais que la date de son retour au travail chez cet employeur était inconnue (pièces GD3-3 à GD3-12).

[4] Le 31 août 2015, l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») a informé l’appelant qu’elle ne pouvait lui verser des prestations d’assurance- emploi, du 1er juillet 2015 au 19 août 2015, du 22 décembre 2015 au 4 janvier 2016 et du 29 février 2016 au 5 mars 2016, parce qu’elle ne peut pas lui verser de telles prestations pendant la période du congé scolaire (pièces GD3-17 et GD3-18).

[5] Le 16 septembre 2015, l’appelant a présenté une Demande de révision d’une décision d’assurance-emploi (pièces GD3-19 à GD3-21).

[6] Le 20 octobre 2015, la Commission a informé l’appelant qu’elle maintenait la décision rendue à son endroit, en date du 31 août 2015 (pièces GD3-27 et GD3-28).

[7] Le 17 novembre 2015, l’appelant a présenté un Avis d’appel auprès de la Section de l’assurance-emploi de la Division générale du Tribunal (pièces GD2-1 à GD2-17).

[8] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. Le fait que l’appelant sera la seule partie à assister à l’audience ;
  2. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent (pièces GD1-1 à GD1-4).

Question en litige

[9] Le Tribunal doit déterminer si l’imposition d’une inadmissibilité aux prestations d’assurance-emploi à l’appelant est justifiée, en vertu de l’article 33 du Règlement sur l’assurance-emploi (le « Règlement »), parce qu’à titre d’enseignant, il n’a pas pu prouver qu’il était admissible au bénéfice de ces prestations, pendant une période de congé.

Droit applicable

[10] En ce qui concerne les « modalités supplémentaires pour les enseignants », l’article 33 du Règlement précise que :

[…] (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article. […] « enseignement » La profession d’enseignant dans une école maternelle, primaire, intermédiaire ou secondaire, y compris une école de formation technique ou professionnelle. (teaching) […] « période de congé » La période qui survient annuellement, à des intervalles réguliers ou irréguliers, durant laquelle aucun travail n’est exécuté par un nombre important de personnes exerçant un emploi dans l’enseignement. (non-teaching period) (2) Le prestataire qui exerçait un emploi dans l’enseignement pendant une partie de sa période de référence n’est pas admissible au bénéfice des prestations — sauf celles prévues aux articles 22, 23, 23.1 ou 23.2 de la Loi — pour les semaines de chômage comprises dans toute période de congé de celui-ci, sauf si, selon le cas : a) son contrat de travail dans l’enseignement a pris fin; b) son emploi dans l’enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance; c) il remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignement. (3) Lorsque le prestataire qui exerçait un emploi dans l’enseignement pendant une partie de sa période de référence remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi autre que l’enseignement, les prestations payables pour une semaine de chômage comprise dans toute période de congé de celui-ci se limitent au montant payable à l’égard de l’emploi dans cette autre profession.

Preuve

[11] Les éléments de preuve contenus dans le dossier sont les suivants :

  1. Un relevé d’emploi, en date du 2 juillet 2015, indique que l’appelant a travaillé à titre d’« enseignant » pour l’employeur Externat Sacré-Cœur, du 21 janvier 2015 au 30 juin 2015 inclusivement, et qu’il a cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un manque de travail (code A – Manque de travail / fin de saison ou de contrat). Le document indique que la date prévue de rappel est le 20 août 2015 (pièce GD3-13) ;
  2. Dans des déclarations faites à la Commission le 10 juillet 2015 et le 14 octobre 2015, l’appelant a indiqué avoir réalisé un contrat de remplacement, pour l’employeur Externat Sacré-Cœur, au cours de l’année scolaire 2014-2015. Il a précisé qu’il s’agissait d’un contrat représentant 84 % d’une tâche complète et que ce contrat s’est terminé avec la fin de l’année scolaire 2014-2015 (30 juin 2015). L’appelant a déclaré avoir obtenu un nouveau contrat d’enseignement au niveau secondaire, de la part de cet employeur, pour l’année scolaire 2015-2016. Il a précisé qu’il s’agissait d’un contrat verbal qu’il avait accepté à la fin de mai 2015. L’appelant a indiqué que ce contrat représente une tâche complète d’enseignement (100 % ou plus d’une tâche d’enseignement soit, 106 %, ou 108 %, selon les déclarations). Il a précisé n’avoir signé aucun contrat avec son employeur, ni pour l’année scolaire 2014-2015 ni pour l’année scolaire 2015-2016 et que tout s’était fait verbalement. L’appelant a mentionné être un enseignant en Univers social au niveau secondaire (histoire et géographie). Il a précisé ne pas occuper un emploi syndiqué. L’appelant a expliqué ne pas cumuler d’ancienneté d’une année à l’autre, mais que l’employeur reconnaissait ses années de service pour son échelon salarial. Il a précisé qu’il versait des cotisations au Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP). L’appelant a indiqué qu’habituellement, les écoles privées versent la rémunération prévue pour les enseignants œuvrant au secteur public. L’appelant a précisé ne pas contester l’inadmissibilité qui lui a été imposée à partir du 20 août 2015 puisqu’il a commencé à travailler à temps plein à compter de cette date (pièces GD3-14, GD3-15 et GD3-22 à GD3-25) ;
  3. Le 31 août 2015, l’employeur a déclaré que l’appelant avait eu un contrat au cours de l’année scolaire 2014-2015 et que ce contrat s’était terminé à la fin de l’année scolaire 2015 (30 juin 2015). L’employeur a indiqué que l’appelant avait reçu une offre verbale de contrat, au cours du mois de mai 2015, pour l’année scolaire 2015-2016. L’employeur a précisé qu’il s’agit d’un contrat représentant 100 % d’une tâche, que l’appelant a débuté le 20 août 2015 et devant se terminer le 29 juin 2016. L’employeur a indiqué que les enseignants cumulent de l’ancienneté à chaque contrat et qu’ils ont droit à une augmentation de salaire chaque année (pièce GD3-16) ;
  4. Le 14 octobre 2015, l’employeur a indiqué que le congé scolaire était échelonné du 1er juillet 2015 au 19 août 2015 inclusivement (pièce GD3-26) ;
  5. Dans son Avis d’appel présenté le 17 novembre 2015, l’appelant a transmis une copie des documents suivants :
    1. Lettre de la Commission (décision en révision) adressée à l’appelant, en date du 20 octobre 2015 (pièce GD2-6 ou pièces GD3-27 et GD3-28) ;
    2. Lettre explicative de l’appelant visant à démontrer qu’il est admissible au bénéfice des prestations (pièce GD2-7) ;
    3. Bordereau de paie de l’appelant, émis par l’employeur Externat Sacré-Cœur, en date du 13 août 2015 (période du 26 juillet 2015 au 6 août 2015), et indiquant qu’il a donné des cours d’appoint (pièce GD2-8) ;
    4. Relevé d’emploi, en date du 2 juillet 2015, indiquant qu’il a travaillé à titre d’« enseignant » pour l’employeur Externat Sacré-Cœur, du 21 janvier 2015 au 30 juin 2015, inclusivement (pièce GD2-9 ou GD3-13) ;
    5. Accusés de réception d’offres d’emploi de l’appelant envoyées à différents employeurs (ex. : Commission scolaire Marie-Victorin, Collège Letendre (Laval), Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles, Commission de la construction du Québec), au cours de la période échelonnée d’avril 2015 à août 2015 (pièces GD2-10 à GD2-13).

[12] Les éléments de preuve présentés à l’audience sont les suivants :

  1. Les deux parties au dossier étaient absentes lors de l’audience et aucun élément de preuve n’a donc été présenté au cours de celle-ci.

Arguments des parties

[13] L’appelant a présenté les observations et les arguments suivants :

  1. Il a fait valoir qu’il n’avait aucune garantie d’emploi, même si une offre lui a été avant la fin de l’année scolaire 2014-2015 et qu’il pouvait y avoir quelqu’un d’autre qui pouvait passer avant lui (pièces GD3-22 à GD3-25) ;
  2. L’appelant a soutenu que la période du 1er juillet 2015 au 19 août 2015 n’est pas, pour un chercheur d’emploi comme lui, une période de congé scolaire. Selon lui, il s’agit plutôt d’une période de mise à pied, compte tenu que l’année scolaire est terminée. Il a souligné que son relevé d’emploi indique qu’il s’agit d’une fin de saison ou de contrat et que ce document ne fait pas mention qu’il s’agit d’un congé scolaire. L’appelant a indiqué que la Loi semble faire une distinction entre le fait d’avoir reçu une promesse d’embauche, comme c’était son cas à la fin de l’année scolaire 2014-2015, et le fait de ne pas avoir reçu une telle promesse. Il a expliqué qu’il s’agit bien d’une mise à pied, temporaire dans un cas, puisqu’il y a eu promesse d’embauche, et indéterminée dans l’autre cas. Il a soutenu que la Loi autorise le paiement de prestations seulement dans ce deuxième cas. L’appelant s’est interrogé pour savoir s’il s’agissait d’une forme de discrimination. Il a expliqué qu’en suivant cette logique, il valait mieux obtenir de telles promesses d’emploi peu de temps avant la rentrée scolaire, sans quoi la situation devient suspecte, incohérente ou arbitraire. L’appelant s’est demandé si l’on supposait que la personne ayant obtenu une promesse d’embauche, le plus souvent faite verbalement, et facilement résiliable selon lui, n’allait pas faire d’efforts pour se trouver du travail au cours de l’été. Il a souligné que les enseignants ne recevaient pas de rémunération au cours de la saison estivale. L’appelant a indiqué avoir effectué plusieurs recherches d’emploi auprès de plusieurs commissions scolaires ainsi qu’auprès de la Commission de la construction du Québec (CCQ). Il a déclaré avoir enseigné dans une école au cours de l’été 2015, pour son employeur actuel. L’appelant a demandé s’il était possible que la Loi entretienne un préjugé à l’égard de la profession enseignante (pièces GD3-19 à GD3-21 et GD2-1 à GD2-13).

[14] La Commission a présenté les observations et arguments suivants :

  1. Le paragraphe 33(1) du Règlement définit l’enseignement comme la profession d’enseignant dans une école maternelle, primaire ou secondaire, y compris dans une école de formation technique ou professionnelle. Aux termes du paragraphe 33(1) du Règlement, un enseignant n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance- emploi, autres que les prestations de maternité et les prestations parentales, pendant une période de congé, à moins que l’une des conditions d’exemption décrites dans le paragraphe 33(2) du Règlement soit rencontrée: a) son contrat de travail dans l’enseignement a pris fin ; b) son emploi dans l’enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance ; c) il remplit les conditions requises pour recevoir des prestations d’assurance-emploi à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignement (pièce GD4-3) ;
  2. La Commission a expliqué que l’appelant n’a pas démontré que son contrat de travail dans l’enseignement a pris fin le 30 juin 2015, et qu’il ne retournerait pas à l’emploi de son employeur à la suite de la période de congé scolaire. Elle a souligné que l’appelant a conclu un autre contrat dans l’enseignement avec le même établissement d’enseignement, avant la date d'expiration de son contrat existant (pièces GD3-15, GD3-16 et GD4-3) ;
  3. La Commission a soutenu que le lien d’emploi de l’appelant s’est poursuivi lorsqu’il a conclu une entente avec son employeur pour la prochaine période d’enseignement. Elle a déterminé qu’en conséquence, l’appelant ne rencontre pas l’exception prévue à l’alinéa 33(2)a) du Règlement (pièce GD4-3) ;
  4. Elle a indiqué que l’appelant ne peut pas être admissible aux prestations durant les périodes de congé scolaire du 1er juillet 2015 au 19 août 2015, du 22 décembre 2015 au 4 janvier 2016 et du 29 février 2016 au 5 mars 2016, puisqu’il n’a pas démontré qu’il rencontrait l’une des conditions d’exemption décrites au paragraphe 33(2) du Règlement (pièce GD4-4) ;
  5. La Commission a expliqué que bien que l’appelant ait soutenu qu’il était disponible à travailler, la notion de disponibilité n’est pas en lien avec le présent litige (pièce GD4-4).

Analyse

[15] L’article 33 du Règlement sert à déclarer un enseignant inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi, durant les périodes de congé, sauf si, selon le cas :

[…] a) son contrat de travail dans l’enseignement a pris fin; b) son emploi dans l’enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance; c) il remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignement.

[16] La Cour d’appel fédérale (la « Cour ») a confirmé le principe selon lequel l’exception prévue en vertu de l’alinéa 33(2)a) du Règlement est destinée à apporter un soulagement aux enseignants qui souffrent d’une véritable rupture de la relation employé / employeur à la fin de la période d’enseignement. Les enseignants qui ont vu leurs contrats renouvelés avant l’expiration de leurs contrats d’enseignement ou peu de temps après, pour la nouvelle année scolaire, n’étaient pas en chômage et il y avait continuité de l’emploi. L’intention du législateur en ce qui a trait à l’article 33 du Règlement est fondée, entre autres, sur la prémisse qu’à moins qu’il y ait une véritable rupture dans la continuité de l’emploi d’un enseignant, celui-ci n’aura pas droit aux prestations pour la période de congé scolaire (Oliver et al, 2003 CAF 98, Stone, 2006 CAF 27, Robin, 2006 CAF 175).

[17] Dans l’affaire Lafrenière (2013 CAF 175), la Cour a fait le rappel suivant :

[…] L’intention du Parlement est de verser des prestations aux personnes qui se retrouvent en chômage sans que l’on puisse leur en attribuer la faute et qui consacrent de sérieux efforts à se trouver un emploi. Aux termes de l’article 33 du Règlement, les enseignants visés ne sont pas considérés comme des chômeurs pendant les périodes annuelles de congé et sont, par conséquent, exclus du bénéfice des prestations à moins de satisfaire à l’un des trois critères prévus au paragraphe 33(2) du Règlement […] l’objectif de l’article 33 du Règlement […] est d’éviter le « cumul de prestations et de traitement ».

[18] Dans l’affaire Oliver et al (2003 CAF 98), la Cour a donné l’explication suivante :

[…] Dans tous les arrêts de la Cour, à l’exception de l’arrêt Ying, les enseignants se sont vus refuser les prestations réclamées au titre de l’alinéa 33(2)a) du Règlement. Le juge-arbitre a établi une distinction d’avec l’arrêt Ying. Selon lui, on ne peut trancher la question de savoir si un enseignant était visé ou non par l’exception uniquement sur la base d’une date de fin de travail indiquée dans un contrat. Toutes les circonstances de l’espèce doivent être prises en considération à la lumière de l’objectif et de l’intention de la loi. […] Avec déférence, j’estime que le juge-arbitre a bien compris le principe directeur des arrêts de la Cour cités dans sa décision et qu’il l’a correctement appliqué aux faits de l’espèce. […] Dans tous les arrêts, y compris l’arrêt Ying, la Cour a cherché à voir s’il y avait une continuité d’emploi pour les prestataires. Il n’existait pas une telle continuité dans l’affaire Ying étant donné qu’ « il y avait une période allant du 30 juin 1996 au 26 août 1996 dont on n’aurait pu dire qu’elle était une période où la demanderesse avait un contrat de travail en vigueur » (arrêt Ying, précité, paragraphe 1). […] La situation juridique est différente en l’espèce. Les contrats de travail ont été renouvelés avant ou peu après la fin des contrats de stage probatoire des prestataires. On ne peut pas dire, comme dans l’arrêt Ying, que les prestataires n’avaient pas de contrat de travail en vigueur. Le statut juridique des prestataires était semblable à celui des enseignants dans l’arrêt Partridge, précité, et dans l’arrêt Bishop c. Canada, 2002 CAF 276.

[19] Dans l’affaire Robin (2006 CAF 175), la Cour a déclaré :

[…] Il n’est pas suffisant de s’en tenir, comme l’a fait le juge-arbitre, aux dates de fin et début des contrats pour déterminer si le contrat de travail dans l’enseignement d’une prestataire a pris fin au sens de l’alinéa 33(2)a) du Règlement. Il faut, en outre, comme nous l’enseigne Oliver, précité, déterminer s’il y a eu une rupture claire dans la continuité de l’emploi de la prestataire, de sorte que cette dernière est devenue un « chômeur ». Le fait qu’il puisse exister une  (sic) [un] intervalle entre deux contrats pendant laquelle (sic) [lequel] l’enseignante n’est pas sous contrat, ne fait pas en sorte, à mon avis, qu’il y a une véritable rupture de la relation entre l’enseignante et son employeur. Il ne faut pas oublier que le but de l’exercice n’est pas d'interpréter les dispositions contractuelles afin d’établir les droits respectifs de l’employeur et de l’employé, mais de décider si un prestataire a droit de recevoir des prestations d’assurance- emploi parce qu’il est, de fait, en période de chômage.

[20] Dans l’affaire Bazinet et al (2006 CAF 174), la Cour a déclaré :

[…] Considérant que les demanderesses ont travaillé comme enseignantes à temps partiel pour la Commission scolaire de la fin août 2002 à la fin juin 2003, considérant que vers la fin juin 2003, la Commission scolaire leur a fait des offres de travail pour l’année scolaire 2003-2004, offres qu’elles ont acceptées dans les jours suivants, et considérant que les demanderesses, tout comme les autres enseignantes de la Commission scolaire, n’avaient pas à travailler durant les mois de juillet et août 2003, je ne puis voir comment il soit possible de conclure qu’il y a eu rupture dans la relation de travail entre les demanderesses et la Commission scolaire. […] La réalité est donc la suivante, à savoir que les demanderesses ont enseigné, sans interruption, dans les écoles de la Commission scolaire durant le cours des années 2002-2003 et 2003-2004. La situation factuelle démontre, hors de tout doute, que la relation des demanderesses avec leur employeur n’a pas pris fin. Par conséquent, il n’y a pas eu rupture dans la continuité de leur emploi auprès de la Commission scolaire. […] Quant à l’argument des demanderesses selon lequel il ne pouvait y avoir de continuité dans leur emploi puisque les offres d’emploi qu’elles avaient reçues de la Commission scolaire à la fin juin 2003 n’étaient que des offres verbales et qu’elles avaient été formulées par des personnes non autorisées légalement à les embaucher, je suis d’avis que cet argument est sans mérite. En premier lieu, comme je le mentionnais précédemment au paragraphe 44 de mes motifs, il ne faut pas oublier que le but de l’exercice n’est pas d’interpréter les dispositions contractuelles afin d’établir les droits respectifs de l’employeur et de ses employés, mais de décider si un prestataire a droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi parce qu’il est, de fait, en période de chômage. En second lieu, je suis d’accord avec le défendeur que cet argument est tout à fait théorique, considérant que, de fait, les demanderesses ont accepté les offres faites par la Commission scolaire et qu’elles ont repris leur travail le 27 août 2004, même si leurs contrats n’ont été signés qu’à l’automne 2004.

[21] Le Tribunal souligne que la Cour suprême du Canada a rejeté la demande d’autorisation d’appel déposée par la prestataire, relativement à cette décision (Bazinet et al, 2006 CAF 174 – CSC 31541).

[22] Dans la cause Stone (2006 CAF 27), la Cour a suggéré neuf facteurs dont il conviendra de tenir compte pour savoir s’il y a eu rupture claire dans la continuité de l’emploi en vertu de l’alinéa 33(2)a) du Règlement. La Cour mentionne que cette liste n’est pas limitative, que les facteurs ne doivent pas être évalués d’une manière mécanique et qu’il faut plutôt examiner l’ensemble des circonstances de chaque cas.

[23] Ces neufs facteurs sont les suivants : l’ancienneté de la relation d’emploi, la durée de la période de congé, les usages et pratiques du domaine d’enseignement en cause, le versement d’une rémunération durant la période de congé, les conditions du contrat de travail écrit, s’il y en a un, la méthode à laquelle recourt l’employeur, les autres éléments attestant une reconnaissance de départ de la part de l’employeur et l’arrangement conclu entre le prestataire et l’employeur, et la conduite respective de chacun (Stone 2006 CAF 27).

[24] La Cour a aussi précisé que l’exception prévue à la fin de l’alinéa 33(2)b) du Règlement met l’accent sur l’exercice de l’emploi et non sur le statut de l’enseignant qui l’occupe. L’emploi qui a été exercé de façon continue et déterminée peut ne pas être considéré comme un emploi occasionnel ou de la suppléance. Les enseignants qui concluent des contrats temporaires en enseignement régulier au cours de l’année scolaire ne répondent plus à la définition d’enseignement « occasionnel » ou de « suppléance » au sens de l’alinéa 33(2)b) du Règlement (Arkinstall, 2009 CAF 313, Blanchet, 2007 CAF 377).

[25] Dans le présent dossier, le Tribunal estime qu’il n’y a pas eu une véritable rupture dans la continuité de l’emploi de l’appelant et que celui-ci ne peut être admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pendant la période de congé scolaire (Oliver et al, 2003 CAF 98, Stone, 2006 CAF 27, Bazinet et al, 2006 CAF 174, Robin, 2006 CAF 175, Arkinstall, 2009 CAF 313, Blanchet, 2007 CAF 377).

[26] Le Tribunal précise que, dans le cas présent, l’inadmissibilité au bénéfice des prestations, en vertu de l’article 33 du Règlement, a été imposée à l’appelant pour la période de congé scolaire du 1er juillet 2015 au 19 août 2015, de même que pour les périodes du 22 décembre 2015 au 4 janvier 2016 et du 29 février 2016 au 5 mars 2016 (pièces GD3-17 et GD3-18).

[27] L’appelant a indiqué qu’il contestait uniquement l’inadmissibilité qui lui a été imposée pour la période du 1er juillet 2015 au 19 août 2015, puisqu’il avait commencé à travailler à temps plein à compter du 20 août 2015 (pièce GD3-24).

Fin du contrat de travail de l’appelant et continuité du lien d’emploi (alinéa 33(2)a du Règlement)

[28] L’appelant a travaillé à titre d’enseignant pour l’établissement d’enseignement privé Externat Sacré-Cœur, au cours de l’année scolaire 2014-2015. Il a réalisé un contrat de remplacement, représentant 84 % d’une tâche complète d’enseignement, au cours de la période du 21 janvier 2015 au 30 juin 2015 (pièces GD3-3 à GD3-13 et GD3-22 à GD3-24).

[29] L’appelant a déclaré avoir accepté, à la fin de mai 2015, un nouveau contrat de travail avec le même employeur, pour l’année scolaire 2015-2016. Il a précisé que ce contrat avait débuté le 20 août 2015, qu’il représentait une tâche complète d’enseignement (temps plein ou 100 % et plus d’une tâche), et que ce contrat allait se terminer en juin 2016 (pièces GD3-23 et GD3-24).

[30] En acceptant, en mai 2015, le nouveau contrat ayant débuté le 20 août 2015, l’appelant a ainsi démontré qu’il n’y a pas eu de rupture claire de son lien d’emploi avec l’Externat Sacré- Cœur.

[31] Le relevé d’emploi émis par l’employeur, en date du 2 juillet 2015, indique d’ailleurs que la date prévue du rappel de l’appelant était le 20 août 2015 (pièce GD2-9 ou GD3-13).

[32] Le fait que l’appelant ait réalisé un contrat d’enseignement qui s’est terminé en juin 2015, et qu’il en ait accepté un autre, en mai 2015, pour l’année scolaire 2015-2016, a fait en sorte de confirmer la continuité de son lien d’emploi avec son employeur.

[33] Le Tribunal ne retient pas l’argument présenté par l’appelant selon lequel, la période du 1er juillet 2015 au 19 août 2015 avait été une « période de mise à pied », et non une « période de congé scolaire » puisque son contrat avait pris fin le 30 juin 2015 (pièces GD2-9 et GD3-21).

[34] La relation ou le lien d’emploi de l’appelant avec son employeur Externat Sacré-Cœur s’est poursuivi à partir du moment où l’appelant a conclu une entente avec cet employeur pour l’année d’enseignement ayant suivi la fin de son contrat en juin 2015. L’appelant n’a, de ce fait, pas démontré qu’il ne retournerait pas à l’emploi de son employeur, à la suite de la période de congé scolaire.

[35] Le Tribunal souligne que bien qu’il puisse exister un intervalle de temps entre deux contrats pendant lequel un enseignant n’est pas sous contrat, une telle situation ne fait pas en sorte qu’il y a une véritable rupture de la relation entre l’enseignant et son employeur (Robin, 2006 CAF 175).

[36] Sur cet aspect, le Tribunal précise qu’il n’est pas suffisant de s’en tenir aux dates de fin et de début des contrats pour déterminer si le contrat de travail dans l’enseignement d’un prestataire a pris fin au sens de l’alinéa 33(2)a) du Règlement, mais d’examiner s’il y a eu une rupture claire dans la continuité de l’emploi de celui-ci, faisant en sorte qu’il soit devenu un chômeur (Oliver et al, 2003 CAF 98, Robin, 2006 CAF 175).

[37] En ce sens, le Tribunal précise aussi que le but d’un tel exercice n’est pas d’interpréter les dispositions contractuelles afin d’établir les droits respectifs de l’employeur et de l’employé, mais de décider si un prestataire peut être admissible au bénéfice des prestations d’assurance- emploi parce qu’il se retrouve en période de chômage (Bazinet et al, 2006 CAF 174, Robin, 2006 CAF 175).

[38] Le Tribunal souligne également que la Cour a déterminé qu’on ne pouvait trancher la question de savoir si un enseignant était visé ou non par l’exception prévue à l’alinéa 33(2)a) du Règlement, uniquement sur la base d’une date de fin de travail indiquée dans un contrat et que toutes les circonstances de l’espèce devaient être prises en considération à la lumière de l’objectif et de l’intention de la loi (Oliver et al, 2003 CAF 98).

[39] L’employeur a également précisé que la période du 1er juillet 2015 au 19 août 2015 constituait bien une période de congé scolaire (pièce GD3-26).

[40] Le Tribunal précise aussi que, dans le cas qui nous occupe, l’appelant a accepté son nouveau contrat en mai 2015 soit, avant la fin de l’année scolaire 2014-2015.

[41] L’appelant a également fait valoir qu’il n’avait pas de garantie d’emploi de la part de son employeur, même si une offre lui avait été faite avant la fin de l’année scolaire 2014-2015, une autre personne aurait pu être embauchée à sa place pour occuper le même poste.

[42] Le Tribunal ne retient pas l’argument présenté par l’appelant concernant cet élément puisque la preuve démontre qu’il a, comme prévu, commencé son nouveau contrat le 20 août 2015, après avoir accepté l’offre que lui avait faite son employeur en mai 2015.

[43] Concernant les recherches d’emploi effectuées par l’appelant au cours de la période d’avril 2015 à août 2015 (pièces GD2-10 à GD2-13), le Tribunal précise que la question relative à la disponibilité à travailler manifestée par l’appelant n’est pas pertinente au présent litige.

Emploi exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance (alinéa 33(2)b) du Règlement)

[44] Le Tribunal considère que l’alinéa 33(2)b) du Règlement n’est pas applicable à la situation de l’appelant (Arkinstall, 2009 CAF 313, Blanchet, 2007 CAF 377).

[45] Le Tribunal considère que le contrat réalisé par l’appelant au cours de l’année scolaire 2014-2015 (du 21 janvier 2015 au 30 juin 2015) et celui qu’il a accepté, en mai 2015, pour l’année scolaire 2015-2016, ne répondent pas à la définition d’enseignement « occasionnel » ou de « suppléance », au sens de l’alinéa 33(2)b) du Règlement (Arkinstall, 2009 CAF 313, Blanchet, 2007 CAF 377).

Emploi dans une autre profession que l’enseignement (alinéa 33(2)c) du Règlement)

[46] Le Tribunal considère également que rien dans la preuve au dossier n’indique que l’appelant était admissible aux prestations dans un emploi autre que dans l’enseignement. En conséquence, l’alinéa 33(2)c) du Règlement ne s’applique pas au cas présent.

[47] S’appuyant sur la jurisprudence mentionnée plus haut, le Tribunal estime que l’appelant n’a pas démontré qu’il pouvait être admissible, à titre d’enseignant, au bénéfice des prestations d’assurance-emploi, pendant une période de congé, parce qu’il ne rencontre pas les exceptions prévues au paragraphe 33(2) du Règlement.

[48] En conséquence, la décision de la Commission d’imposer une inadmissibilité à l’appelant, à compter du 1er juillet 2015, en vertu de l’article 33 du Règlement, est justifiée dans les circonstances.

[49] L’appel n’est pas fondé à l’égard du litige en cause.

Conclusion

[50] L’appel est rejeté.

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