Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La décision du conseil arbitral est annulée, et la décision de la Commission est rétablie.

Introduction

[2] Le 5 avril 2013, un conseil arbitral (conseil) a accueilli l’appel interjeté par l'intimé à l’encontre de la décision antérieure de la Commission.

[3] Dans les délais, la Commission a déposé une demande de permission d’en appeler à la division d’appel, et la permission d’en appeler lui a été accordée.

[4] Le 10 mai 2016, une audience par téléconférence a été tenue. La Commission y a participé et a présenté des observations, mais pas l'intimé. L'avis d'audience a été envoyé par messager ainsi que par la poste ordinaire à la dernière adresse connue de l'intimé. Même si la carte de signature de Postes Canada présente n'a pas pu être trouvée, ni l'une ni l'autre des copies de l’avis n’ont été renvoyées par Postes Canada comme étant non distribuable. Par conséquent, je suis convaincu que l'intimé a reçu l'avis d'audience ou, dans l'alternative, que le Tribunal a pris toutes les mesures nécessaires pour communiquer avec l'intimé.

Droit applicable

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale [ou le conseil] n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale [ou le conseil] a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale [ou le conseil] a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Analyse

[6] Cette affaire nouvelle repose sur la question de la disponibilité.

[7] La Commission soutient que le conseil a commis une erreur en concluant que l’intimé était disponible pour travailler, au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi), même si, pour la période en question, l’intimé n’avait pas la permission de travailler au Canada. Ils notent que les éléments de preuve incontestés indiquent que l'intimé n'a pas présenté une demande pour prolonger son permis de travail avant la date de péremption dudit permis. La Commission fait également valoir qu'il n'y pas d'éléments de preuve indiquant toute recherche d'emploi dans le dossier. La Commission demande que son appel soit accueilli.

[8] Même si l'intimé communiquait avec le Tribunal en réponse au fait que la demande de permission d'en appeler était accordée, il n'a présenté aucune observation sur le fond et ne s'est pas présenté à l'audience de la division d'appel. Toutefois, devant le conseil, il a fait valoir que son employeur n'a pas fourni un avis relatif au marché du travail (AMT) dans un délai raisonnable, et que ce n'était pas sa faute s'il n'avait pas pu faire une nouvelle demande de permis plus tôt.

[9] Les faits en l’espèce sont comme suit :

[10] L'intimé était en possession un permis de travail valide qui devait expirer le 5 janvier 2013 (voir pièces AD2 – 16). Le 20 décembre 2012, l'employeur de l'intimé a présenté une demande d'AMT auprès de Service Canada. Cet AMT n'a pas été fourni par Service Canada avant février 2013 (voir pièces AD2 – 22), au moment où l'intimé a présenté une demande pour obtenir la prolongation de son permis. Toutefois, le 19 mars 2013, l'intimé s'est fait dire qu'en raison d'un « formulaire de demande incomplet et périmé » sa demande de février 2013 ne serait pas prise en compte (voir pièces AD2 – 41).

[11] Le dossier ne spécifie pas si des démarches supplémentaires ont été prises, s'il y a lieu, mais Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a noté le 19 mars 2013 que son statut de résident temporaire serait périmé le 24 avril 2013 (voir pièces AD2 – 41 et AD2 -27) à moins que la demande ne soit présentée à nouveau.

[12] Pendant ce temps, l'intimé avait fait une demande de prestations devant débuter en janvier 2013. Parce qu'il n'avait plus un permis de travail valide à ce moment, la Commission a conclu qu'il n'était pas disponible et qu'il ne se qualifiait pas, ce qui a eu pour résultat le présent appel.

[13] Dans sa décision, le conseil s’est dit sympathique à la situation de l’intimé et a noté correctement les trois critères juridiques liés à la disponibilité, qui doivent être analysés, tel que prévu dans l’affaire Faucher c. Canada (Procureur général), A‑56‑96:

[…] le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert, l’expression de ce désir par des efforts pour se trouver cet emploi convenable, et le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail […] »

[14] Le conseil a ensuite considéré ces facteurs et, puisqu'ils étaient tous présents et que l'intimé avait cherché du travail (même s'il a reconnu qu'il ne pouvait pas travailler au Canada sans permis), a conclu que l'intimé était en réalité disponible. En ce faisant, le conseil a cité un nombre de décisions de juges-arbitres en appui à ses conclusions que le fait de ne pas être disponible ne doit pas s'appliquer où il est causé par des circonstances hors du contrôle du prestataire. Il a ensuite accueilli l'appel de l'intimé.

[15] Sauf le plus grand respect que je dois au conseil, je ne suis pas de cet avis.

[16] Premièrement, je prends acte de la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Vezina c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 198, où la Cour conclut que :

« La question de la disponibilité est une question objective, il s’agit de savoir si un prestataire est suffisamment disponible en vue d’un emploi convenable : pour avoir droit aux prestations d’assurance-chômage (assurance-emploi). Elle ne peut pas être subordonnée aux raisons particulières, quelque compassion qu’elles puissent susciter, pour lesquelles un prestataire impose des restrictions à sa disponibilité. Car, si le contraire était vrai, la disponibilité serait une exigence très variable, tributaire qu’elle serait des raisons particulières qu’invoque l’intéressé pour expliquer son manque relatif de disponibilité. ».

[17] Puisque les décisions des juges-arbitres citées par le conseil ne concordent pas avec la jurisprudence de la Cour citée ci-dessus, elles ne représentent pas de bons exemples de loi et ne devraient pas être suivies.

[18] Deuxièmement, je note que l'intimé n'a pas refait une demande 30 jours avant l'expiration de son permis tel que demandé par CIC sur leur page Web (reproduit aux pièces AD2 – 23). Je ne doute pas du fait que ce règlement existe pour que des problèmes administratifs tels que l'utilisation du mauvais formulaire ou le fait de ne pas avoir d'AMT puissent être réglés en temps opportun avant l'expiration du permis.

[19] Il se peut fort bien que les actions de cet employeur aient mené aux difficultés de l'intimé. Mais cela ne peut changer le fait que c'est l'intimé qui est responsable de son propre permis de travail.

[20] En fait, l'intimé a présenté sa demande presque un mois après que son permis fut déjà expiré. Je dois par conséquent attribuer le renouvellement échoué de son permis, du moins en partie, à ses propres actions, qui ont eu pour effet de limiter ses chances (à zéro effectivement) de retourner sur la marché du travail canadien parce qu'il n'était pas en droit de le faire.

[21] Troisièmement, même en laissant de côté les deux points juridiques ci-haut, l’on doit admettre qu’aux yeux d’un observateur externe il semblerait fort illogique qu’une personne qui n’a pas le droit de travailler légalement au Canada puisse être considérée comme étant disponible pour travailler au sens de la Loi et qu’elle reçoive des prestations régulières qui ne sont pas des prestations de maladie. À mes yeux, cela ne pouvait être et ce n’était pas l’intention du Parlement lorsque les dispositions reliées à la disponibilité ont été rédigées.

[22] Après avoir émis les conclusions ci-dessus, il est inévitable de conclure que l'intimé n'était pas disponible pour un emploi convenable dès qu'il a perdu son permis de travail puisqu'à partir de ce moment, il ne pouvait plus légalement travailler au Canada.

[23] En concluant le contraire et puisqu’il n’a pas considéré et appliqué la jurisprudence citée ci-dessus, le conseil a erré en droit. Puisque je me dois d'intervenir pour corriger ceci, cet appel doit réussir.

Conclusion

[24] Pour les motifs susmentionnés, l’appel est accueilli. La décision du conseil est annulée et la décision de la Commission est rétablie.

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