Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] Le Tribunal accueille l’appel en partie. La décision de l’intimée est maintenue qu’à compter du 26 octobre 2014 afin que le trop-payé dans le dossier soit nul.

Introduction

[2] En date du 8 septembre 2015, la division générale du Tribunal a conclu qu’il y avait lieu d’imposer une inadmissibilité à l’appelante conformément aux articles 9, 11(1) et 11(4) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi ») concernant son état de chômage.

[3] L’appelante a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 14 octobre 2015 après avoir reçu communication de la décision de la division générale en date du 17 septembre 2015. Permission d’en appeler a été accordée le 29 octobre 2015.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a déterminé que l’audience de cet appel procéderait par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • du fait que la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • l’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires;
  • de la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] Lors de l’audience, l’appelante était absente mais représentée par Me Edouard Côté. L’intimée ne s’est pas présentée à l’audience.

La loi

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit décider si la division générale a erré en concluant qu’il y avait lieu d’imposer une inadmissibilité à l’appelante conformément aux articles 9, 11(1) et 11(4) de la Loi.

Arguments

[8] L’appelante soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • C'est dans le cadre de l'interprétation de l'article 11(4) de la Loi que la division générale a commis une erreur de droit;
  • La division générale devait se demander si la preuve démontrait que l'appelante avait travaillé durant sa semaine de travail un nombre d'heures, de jours ou de quarts de travail supérieurs à la norme de l'article 11(4) de la Loi;
  • Considérant que l’intimée n’a apporté aucune preuve sur cette norme, la division générale a décidé à tort d’en créer une à partir de l’arrêt Canada (PG) c. Buchanan, 2003 CAF 51;
  • L'arrêt Buchanan n'avait aucune application en l'instance puisque les faits à l’origine de cette décision sont complètement différents de ceux en litige;
  • D'autre part, la Loi est une loi fédérale et elle ne peut être interprétée par des lois provinciales. Les lois provinciales qui fixent les semaines normales de travail diffèrent d'une province à l'autre. Ainsi, en raison de ces différences dans les lois provinciales, il en résulterait une application non uniforme de la Loi;
  • De plus, la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (PG) c. Jean, 2015 CAF 242 a déterminé que la référence aux législations provinciales n’est pas un critère déterminant;
  • Par conséquent, l'importation en l'instance d'une norme provinciale clans l'interprétation de l’article 11 (4) de la Loi constitue une erreur de droit qui mérite l’intervention de la division d’appel;
  • L'article 11(4) de la Loi stipule que l'assuré qui travaille habituellement plus d'heures, de jours ou de périodes de travail que ne le font habituellement au cours d'une semaine des personnes employées à temps plein, et qui a droit, en vertu de son contrat de travail, a une période de congé, est censé avoir travaillé une semaine entière au cours de chaque semaine qui tombe complétement ou partiellement dans cette période de congé;
  • La première condition est liée au travail lui-même, alors que la seconde a trait à un droit explicite en vertu d'un contrat de travail; Selon « Le guide de la détermination de l'admissibilité » qui a été produit en l'instance, avoir droit signifie avoir des bons motifs de demander ou d'exiger un avantage. Ainsi, on ne peut présumer qu'il existe une entente prévoyant une période de congé ou des jours de relâche après une période intensive de travail. Le dossier du prestataire doit renfermer la preuve de l'existence d'une telle entente;
  • L’exigence de cette preuve a été reconnue dans les arrêts Buchanan et Canada (PG) c. Merrigan, 2004 CAF 253, qui ont été produits en l'instance. Ainsi, les éléments contenus au dossier de l’intimée n'ont jamais renfermés la preuve d'une entente entre l'appelante et son employeur prévoyant une période de congé ou des jours de relâche après une semaine intensive de travail;
  • De plus, l’intimée n'a jamais prouvé par son enquête que l'appelante a travaillé davantage d'heures que ne le font habituellement au cours d'une semaine des personnes employées à temps plein dans le même secteur;
  • Dans sa décision, la division générale n'a jamais tenu compte de cette absence de preuve et de ce fait, la décision qui a été rendue est fondée sur des conclusions de faits erronés et ne tient pas compte des éléments mis en preuve.

[9] L’intimée soumet les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’appelante:

  • La division générale n’a commis aucune erreur de droit ou de fait, et elle a correctement exercé sa compétence;
  • La division d’appel n’est pas habilitée à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui de la division générale. Les compétences de la division d’appel sont limitées par le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social;
  • L’ensemble de la preuve dans cette affaire démontre qu’il existait un contrat entre les parties. L’intimée s’appuie sur le fait qu’un horaire de travail était établi par l’employeur et qu’il avait été accepté par l’appelante de semaine en semaine. Dans ce cas-ci, la preuve non contestée démontre que l’appelante travaillait 7 jours (56.5 heures) et qu’elle était en congé les 7 jours suivants;
  • Tel que l’a conclu la division générale, l’appelante travaillait un plus grand nombre d’heures, de jours ou de quarts que ne travaillent habituellement au cours d’une semaine des personnes employées à temps plein;
  • D’autre part, la Cour d’appel fédérale a jugé qu’une situation où des employés travaillent sur une base de rotation, prenant la relève l’un de l’autre, ne représente pas une situation de chômage durant la période de non travail;
  • En vertu du paragraphe 11(4) de la Loi, l’appelante ne pouvait être considérée en chômage durant les semaines de congé prévues à son horaire;
  • Les décisions rendues dans cette affaire ne devaient pas être imposées de façon rétroactive et aucun trop-payé n’aurait dû être créé. Au moment où l’appelante a déposé ses demandes de prestations, l’intimée disposait de certains renseignements concernant son horaire de travail et ceux-ci auraient dû être considérés lors de l’établissement de l’admissibilité de l’appelante aux prestations;
  • L’intimée demande à la division d’appel de ne maintenir sa décision qu’à compter du 26 octobre 2014 afin que le trop-payé dans cette affaire soit nul.

Normes de contrôle

[10] L’appelante n’a fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable. L’intimée soumet que la norme de contrôle applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte et celle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle de la décision raisonnable - Pathmanathan c. Bureau du juge-arbitre, 2015 CAF 50.

[11] Le Tribunal constate que la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (PG) c. Jean, 2015 CAF 242, mentionne au paragraphe 19 de sa décision que lorsque la division d’appel « agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, la division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure ».

[12] La Cour d’appel fédérale poursuit en soulignant que « non seulement la division d’appel a-t-elle autant d’expertise que la division générale du Tribunal de la sécurité sociale et qu’elle n’est donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus, un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale ».

[13] La Cour d’appel fédérale termine en soulignant que « lorsque la division d’appel entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l'Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi ».

[14] Le mandat de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale décrit dans l’arrêt Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder v. Canada (AG), 2015 FCA 274.

[15] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

Analyse

Introduction

[16] En raison du fait que les événements sont identiques dans chacun des dossiers de l’appelante, AD-15-1129, AD-15-1130 et AD-15-1131, les appels feront l’objet d’une seule décision qui s’appliquera mutatis mutandis à chacun d’eux.

Les faits

[17] Lors du dépôt de sa demande, l’appelante a indiqué avoir travaillé pour l’employeur ‘’Pavillon l’Héritage’’ et que la fin de son emploi était motivée par un manque de travail. Elle a également indiqué qu’elle ne retournerait pas travailler pour cet employeur (Pièces GD3-5, GD3-6).

[18] L’employeur a fourni un relevé d’emploi indiquant une période d’emploi du 11 avril 2011 au 31 mars 2012 avec la mention « K » comme motif du relevé d’emploi. Le relevé d’emploi avait été émis à la demande de l’employée (Pièce GD3-70). Selon l’employeur, l’appelante et une autre employée étaient les seules à avoir un horaire de sept jours de travail et sept jours de congé (Pièce GD3-66).

[19] L’appelante a déclaré qu’au début de l’emploi, tout était nouveau. Il y avait une personne à temps plein puis une autre à temps partiel mais comme l’employée à temps partiel n’avait pas beaucoup d’heures et que c’était difficile d’avoir une personne juste à temps partiel, l’employeur a proposé un horaire 7/7 et depuis ce temps elle travaille selon cet horaire (Pièce GD3-68). Elle a également déclaré que lorsqu’elle faisait sa demande de prestations au bureau avec l’aide d’un agent, elle déclarait qu’elle avait 7 jours de travail et 7 jours de congé et on lui disait que c’était correct. (Pièce GD3-85).

État de chômage

[20] Vu les faits du présent dossier, le Tribunal est d’avis que la division générale n’a pas erré en concluant qu’il y avait lieu d’imposer une inadmissibilité à l’appelante conformément aux articles 9, 11(1) et 11(4) de la Loi.

[21] La Cour d’appel fédérale a confirmé à plusieurs reprises le principe selon lequel les prestataires qui ont un horaire prévoyant des périodes de travail et de congé sont réputés être en emploi pendant les périodes de congé qui s’inscrivent dans cet horaire reconnu - Canada (PG) c. Jean, 2015 CAF 242, Canada (PG) c. Merrigan, 2004 CAF 253, Canada (PG) c. Duguay, A-75-95.

[22] Il est acquis que l’appelante travaillait régulièrement 7 jours (56.5 heures) avant de bénéficier d'une semaine de relâche. Selon l'employeur, elle et une autre employée travaillaient "sur une base de rotation", prenant la relève l'une de l'autre à tour de rôle. Elle n’a donc jamais cessé d’être à l’emploi de son employeur.

[23] Il paraît évident pour le Tribunal que les semaines de relâche en question étaient prévues au terme du contrat d'emploi comme des semaines de congé au sens du paragraphe 11(4) de la Loi. L’horaire de travail était établi par l’employeur et avait été accepté par l’appelante. Il ressort donc clairement de la preuve devant la division générale que les semaines de relâche n'étaient pas des semaines de chômage.

[24] La Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Jean précitée, a réitéré que « L’assurance- emploi est une mesure de nature sociale, […] dont l’objectif est d’indemniser les chômeurs pour la perte de revenus provenant de leur emploi et d’assurer leur sécurité économique et sociale pendant un certain temps pour ainsi leur permettre de retourner sur le marché du travail ».

[25] Compte tenu des faits au dossier, permettre à l’appelante de recevoir des prestations serait manifestement contraire à l’esprit de la loi et à l’objectif du législateur.

[26] Ce moyen d’appel ne peut donc être retenu par le Tribunal.

Nouvel examen de la demande

[27] L’intimée recommande à la division d’appel de rejeter l’appel de l’appelante avec modification afin que l’exclusion soit imposée à compter du 26 octobre 2014 ce qui ferait en sorte d’annuler le trop-payé établi à l’appelante.

[28] L’intimée reconnait en appel que les décisions rendues dans cette affaire ne devaient pas être imposées de façon rétroactive et qu’aucun trop-payé n’aurait dû être créé. Au moment où l’appelante a déposé ses demandes de prestations, l’intimée disposait de certains renseignements concernant son horaire de travail et ceux-ci auraient dû être considérés lors de l’établissement de l’admissibilité de l’appelante aux prestations.

[29] Le Tribunal prend note que la position de l’intimée en appel concernant l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 52 de la Loi est différente de celle soumise à la division générale.

[30] Considérant la position de l’intimée en appel, et après révision du dossier, le Tribunal est d’accord pour accueillir l’appel afin de modifier la date d’exclusion.

Conclusion

[31] Le Tribunal accueille l’appel en partie. La décision de l’intimée est maintenue qu’à compter du 26 octobre 2014 afin que le trop-payé dans le dossier soit nul.

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