Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 11 mars 2016, la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a rejeté l'appel du demandeur à l'encontre de la décision de la Commission de l'assurance-emploi du Canada (Commission). En août 2015, le demandeur a demandé à ce que la décision d'octobre 2008 de la Commission soit révisée. Cette demande tardive pour révision fut refusée par la Commission. Le demandeur a interjeté appel devant la DG du Tribunal.

[2] Le représentant du demandeur a participé à l’audience devant la DG, laquelle a été tenue par téléconférence le 7 mars 2016. La défenderesse ne s’y est pas présentée.

[3] La DG a déterminé que :

  1. La question en litige est la requête du demandeur pour prolonger le délai prévu de 30 jours pour réviser la décision d'octobre 2008 de la Commission;
  2. La décision de la Commission de refuser d'accorder une prorogation en est une discrétionnaire et ne peut être infirmée par le Tribunal que si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon non conforme à la norme judiciaire;
  3. Il n'y avait aucun motif pour intervenir avec la décision de la Commission en raison des facteurs suivants : l'explication pour le retard, l'intention continue de demander une révision, la chance raisonnable de succès et le préjudice causé aux autres parties;
  4. La Commission a agi en toute bonne foi et a considéré tous les facteurs pertinents. Elle n'a pas considéré des facteurs sans pertinence lorsqu'elle a refusé la requête du demandeur pour prolonger la période de révision.

La DG a rejeté l’appel en se basant sur ces conclusions.

[4] Le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel (DA) du Tribunal le 5 avril 2016. La demande a été reçue dans le délai de 30 jours prévu.

Question en litige

[5] Déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable et analyse

[6] Aux termes de l’article 57 et de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), la demande de permission d’en appeler doit être présentée à la DA dans les 30 jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision qu’il entend contester.

[7] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[8] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prescrit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[9] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Les moyens d'appel soulevés par le demandeur sont décrits dans un document de trois pages joint à sa demande. Les arguments du demandeur peuvent être résumés comme suit :

  1. Il était en détention pendant la période pertinente. C'est la raison qui explique son retard à demander une révision;
  2. Il n'avait pas accès à Internet, d'aide de la part de ses amis ou de sa famille, ou la capacité à recueillir des renseignements en étant incarcéré;
  3. Répondre au courrier nécessite plus de temps que la période de réponse de 30 jours;
  4. Il n'a pas dit que « la paperasse nécessite trop de temps » comme il est indiqué dans la décision de la DG; il a plutôt dit qu'il lui avait été impossible de recueillir les documents requis à l'intérieur du délai prévu;
  5. Il a informé la Commission de son incarcération et a fourni des éléments de preuve confirmant la période de l'incarcération;
  6. Il n'est pas d'accord avec les conclusions de la DG selon lesquelles il n'avait pas d'explication raisonnable pour son retard et qu'il n'avait pas démontré son intention continue de faire une demande de révision;
  7. Il est dans une situation particulière : il est en prison, n'a pas accès à l'Internet, et n'a pas de famille ou amis qui sont en mesure de l'aider;
  8. Il croit être victime de partialité parce qu'il est en prison.

[11] Aux pages 3, 4, 6 et 7 de sa décision, la DG a invoqué les bonnes dispositions législatives ainsi que la jurisprudence applicable pour considérer la question de la demande tardive de révision.

[12] La DG a noté que le représentant du demandeur a assisté à l'audience de la DG en son nom. Aux pages 4 à 5, la décision de la DG résume la preuve au dossier, le témoignage et les observations du demandeur.

[13] Le demandeur fait valoir des éléments similaires devant la DG (comme il l'a déclaré dans sa demande devant la DA), c.-à-d. : que des circonstances particulières expliquent son retard. Les observations du demandeur à l’appui de sa demande reprennent en bonne partie les faits et les arguments qu’il avait présentés devant la DG.

[15] Le rôle de la DG en tant que juge des faits consiste à soupeser la preuve et à tirer des conclusions en s'appuyant sur une appréciation de cette preuve. La DA ne juge pas des faits.

[16] À titre de membre de la division d’appel du Tribunal, dans le cadre d’une demande de permission d’en appeler, il ne m’appartient pas d’examiner et d’évaluer les éléments de preuve dont disposait la DG dans l’optique de remplacer les conclusions de fait qu’elle a tirées par mes propres conclusions. Mon rôle consiste à déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès sur la foi des raisons et moyens d’appel du demandeur.

[17] Le demandeur a également fait valoir que la décision de la DG fut fondée sur une erreur aux paragraphes [12] et [15] b), selon laquelle la DG a résumé une de ses observations et une partie des éléments de preuve comme suit :

Tous les documents doivent être envoyés par la poste, ce qui est extrêmement long pour lui.

[18] Ceci constitue une conclusion de fait erronée. La DG a résumé une partie des éléments de preuve et des observations comme suit : « les documents doivent être envoyés par la poste, ce qui est extrêmement long » quand l'explication du demandeur dans ses propres mots était qu'il « était impossible pour lui de recueillir les documents à l'intérieur du délai prévu ». La DG s'est basée sur d'autres éléments de preuve au dossier et sur les observations du représentant du demandeur lors de l'audience. La division générale n’a pas été tirée cette conclusion de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[19] Ce ne sont pas toutes les conclusions de fait erronées qui correspondent à l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS. Une conclusion de fait erronée sur laquelle la DG ne fonde pas sa décision ne serait pas couverte, pas plus que ne le serait une conclusion qui n’est pas tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance du Tribunal.

[20] Si la permission d’en appeler est accordée, le rôle de la DA consiste alors à déterminer si la DG a commis une erreur susceptible de contrôle prévue au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et, si c’est le cas, de fournir réparation. En l’absence d’une telle erreur, la loi ne permet pas à la DA d’intervenir. La DA n’a pas comme rôle d’instruire l’affaire de nouveau. Dans ce contexte, la DA doit déterminer, au stade de la permission d’en appeler, si l’appel a une chance raisonnable de succès.

[21] Selon les termes de l'observation soumise par le demandeur selon laquelle « il est victime de partialité », il déclare qu'il croit cela parce qu'il est en prison.

[22] Dans l’affaire Arthur c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 223, la Cour d’appel fédérale a affirmé qu’une allégation de partialité ou de préjugé portée à l’encontre d’un tribunal est une allégation sérieuse. Elle ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressions d’un demandeur. Elle doit être étayée par des preuves concrètes qui font ressortir un comportement dérogatoire à la norme. L’obligation d’agir équitablement comporte deux volets, soit le droit d’être entendu et le droit à une audition impartiale.

[23] Même si les allégations du demandeur étaient tenues comme avérées, elles ne sont pas suffisantes pour démontrer que la DG n’a pas suffisamment donné l’occasion au demandeur d’être entendu ou qu’elle s’est fondée sur des préjugés ou qu’elle a fait preuve de partialité.

[24] J’ai lu et examiné soigneusement la décision de la DG et le dossier. Aucune preuve ne suggère que la DG n'a pas respecté un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence en rendant sa décision. Le demandeur n’a relevé aucune erreur de droit ou conclusions de fait erronées que la DG aurait tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle est parvenue à sa décision.

[25] Pour qu’il y ait une chance raisonnable de succès, le demandeur doit expliquer en quoi la DG a commis au moins une erreur susceptible de révision. Cette demande présente des lacunes à cet égard, et je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[26] La demande est refusée.

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