Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Introduction

[1] L’appelant a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi (AE) à la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission), en février 2015. La Commission l'a informé du fait qu'il ne se qualifiait pas pour recevoir des prestations d'AE, parce qu'il n'avait pas le nombre d'heures d'emploi assurable requis. L’appelant a présenté une demande de révision. Il fut avisé par la Commission, par le biais d'une lettre datée du 21 mars 2015, qu'il devait avoir accumulé 1 103 heures d'emploi assurable pendant la période de référence, mais il n'en avait accumulé que 1 014.

[2] L’appelant a interjeté appel devant la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 15 avril 2015. Il a demandé au Tribunal d'accueillir son appel parce qu'il souffrait de maladie mentale, qu'il était incapable de correspondre pour une période de temps, et qu'il avait été pénalisé pendant sa maladie. Pour ces raisons, il aurait dû être en mesure de se qualifier à des prestations avec seulement 700 à 910 heures d'emploi assurable.

[3] Le 10 août 2015, la DG a rejeté sommairement l'appel sur le fondement suivant : la période de référence de l'appelant équivaut aux 52 semaines ayant précédé sa demande de prestation d'AE, notamment du 2 février 2014 au 31 janvier 2015. Le fait que l'appelant avait accumulé 1 014 heures d'emploi assurable pendant sa période de référence, plutôt que 1 103 heures, n'est pas réfuté. La DG a indiqué que l'appelant avait antérieurement reçu une violation et, par conséquent, devait accumuler plus d'heures d'emploi assurable pour se qualifier à des prestations. La DG a également noté que la Loi sur l'assurance-emploi ne permet aucun pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait au nombre d'heures qu'un prestataire doit accumuler pour se qualifier à des prestations.

[4] L’appelant a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel (DA) du Tribunal de la sécurité sociale, le 28 janvier 2016. Ses motifs d’appel peuvent être résumés comme suit :

  1. Il souffrait de problèmes de santé mentale au moment des pénalités;
  2. Il a payé sa première pénalité;
  3. Il souffre toujours de problèmes de santé mentale, mais il doit prendre des médicaments et se sent mieux maintenant.

[5] Dans les observations qu’elle a déposées, l’intimée a dit ceci :

  1. L'appel de l'appelant devant la DG n'a aucune chance raisonnable de succès et fût rejeté sommairement;
  2. Un avis de violation grave lui a été émis à la suite d’une demande de 2012, et une violation subséquente pour une demande de 2014;
  3. Celles-ci ont eu pour résultats d'augmenter le nombre d'heures d'emploi assurable de l'appelant pour se qualifier à des prestations régulières;
  4. La deuxième violation fut infirmée et par conséquent, l'appelant avait besoin de 1 103 heures d'emploi assurable;
  5. Il n'en a accumulé que 1014 au cours de la période de prestations;
  6. La DG ne possède pas de pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait au nombre d'heures requis pour se qualifier à des prestations;
  7. L'appelant ne fournit aucun nouvel élément d'information et ne s'appuie sur aucun des moyens d'appel selon lesquels la DG aurait erré; il réitère plutôt les arguments présentés à la DG;
  8. Le rôle de la DG n'est pas d'instruire à nouveau l'affaire, mais de déterminer si une erreur susceptible de contrôle a bel et bien été commise conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l'Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS);
  9. Il n'y a aucune erreur dans la décision de la DG.

[6] Cet appel a été instruit sur la foi du dossier pour les raisons suivantes :

  1. L’absence de complexité de la question soulevée en appel;
  2. Le membre de la DA a déterminé qu’il n’est pas nécessaire de tenir une autre audience;
  3. L’exigence, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[7] La DA doit déterminer si elle doit rejeter l’appel, rendre la décision que la DG aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la DG ou encore confirmer, infirmer ou modifier la décision.

Droit applicable et analyse

[8] L’appelant interjette appel d’une décision de la DG datée du 10 août 2015 dans laquelle la DG a rejeté sommairement son appel au motif qu’elle était convaincue que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[9] Aucune permission d’en appeler n’est requise dans le cas des appels interjetés au titre du paragraphe 53(3) de la Loi sur le MEDS car un rejet sommaire de la part de la DG peut faire l’objet d’un appel de plein droit. Comme il a été établi qu’il n’est pas nécessaire d’entendre davantage les parties, une décision doit être rendue, comme l’exige l’alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

Norme de contrôle

[10] L’intimée fait valoir que la norme de contrôle applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte et que la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable : Pathmanathan c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 50 (paragraphe 15).

[11] Dans Canada (Procureur général) c. Jewett, 2013 CAF 243, et Chaulk c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 190, entre autres, la Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle applicable aux questions de droit et de compétence pour des appels du conseil arbitral en matière d’assurance-emploi est celle de la décision correcte, tandis que la norme de contrôle applicable aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable.

[12] Jusqu’à tout récemment, la DA considérait que les décisions de la DG pouvaient être révisées selon les mêmes normes applicables aux décisions du conseil arbitral.

[13] Cependant, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Paradis; Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242, la Cour d’appel fédérale a suggéré que cette approche ne convient pas lorsque la DA du Tribunal révise les décisions en matière d’assurance-emploi rendues par la DG.

[14] Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Maunder, 2015 CAF 274, la Cour d'appel fédérale s'est référée à Jean, supra, et a déclaré qu'il n'était pas nécessaire pour la Cour de considérer la question de la norme de contrôle à appliquer par la DG aux décisions de la DG. L'affaire Maunder était reliée à une demande de pension d'invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada.

[15] Dans la récente affaire Hurtubise c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 147, la Cour d'appel fédérale a considéré une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue par la DA qui avait rejeté l'appel d'une décision de la DG. La DA avait appliqué la norme de contrôle suivante : celle de la décision correcte pour les questions de droit et celle de la décision raisonnable pour les questions mixtes de fait et de droit. La DA avait conclu que la décision de la DG était (traduction) « cohérente avec les éléments de preuve ayant été portés à sa connaissance et correcte... ». La DA a mis en application l'approche que la Cour d'appel fédérale a jugé inappropriée dans Jean, supra, mais la décision de la DA fut rendue avant la décision Jean. Dans l'affaire Hurtubise, la Cour d'appel fédérale n'a pas émis de commentaire au sujet de la norme de contrôle et a conclu qu'elle était « incapable de conclure que la décision de la DA était déraisonnable ».

[16] Il semble y avoir divergence quant à l'approche que la DA du Tribunal devrait mettre en application lorsqu'elle révise des décisions en matière d'assurance-emploi rendues par la DG, et plus particulièrement, quant à savoir si la norme de contrôle pour les questions de droit et de compétence pour les appels en matière d'assurance-emploi auprès de la DG diffère de la norme de contrôle pour les questions de fait et pour les questions mixtes de fait et de droit.

[17] Je ne sais pas trop comment concilier ces divergences apparentes. En tant que tel, je vais considérer le présent appel en me référant aux dispositions d'appel prévues dans la Loi sur le MEDS et sans référence au critère « raisonnable » et « correct » puisqu'ils se réfèrent à la norme de contrôle.

[18] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDSénonce comme suit les moyens d’appel :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[19] L'appelant ne conteste aucune des conclusions de faits de la DG. Il allègue plutôt que le résultat est injuste puisqu'il était très malade au moment où la violation fut imposée, qu'on lui a récemment diagnostiqué un cancer et que sa situation financière est difficile.

Critère juridique relatif aux rejets sommaires

[20] Le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDSpermet à la DG de rejeter sommairement un appel si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[21] Entre autres pouvoirs qui sont conférés à la DA, il y a celui de substituer sa propre opinion à celle de la DG. Aux termes du paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS, la DA peut rejeter l’appel, rendre la décision que la DG aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la DG pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la DG.

[22] En l’espèce, la DG a correctement énoncé le fondement législatif sur lequel il lui était loisible de rejeter l’appel de façon sommaire, en citant le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDSaux paragraphes 3 et 17 de sa décision.

[23] Toutefois, il n’est pas suffisant de reprendre le libellé du paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDStraitant des rejets sommaires si l’on n’applique pas cette disposition comme il se doit. Après avoir déterminé le fondement législatif, la DG doit déterminer le bon critère juridique applicable puis appliquer le droit aux faits.

[24] La DG a posé la question suivante (traduction) « ... est-ce que l'appel devrait être rejeté sommairement » au paragraphe 2 de sa décision.

[25] Dans sa décision, la DG n’indique pas le critère juridique qu’elle a appliqué pour conclure qu’il convenait de rejeter l’appel de façon sommaire.

Décision de la DG

[26] Bien que la division générale n’ait pas énoncé le critère juridique qu’elle a appliqué, elle a cependant expliqué ce sur quoi elle s’est fondée pour rejeter l’appel de façon sommaire :

[traduction]

[18] Pour se qualifier à des prestations d'assurance-emploi, la personne assurée doit avoir subi un arrêt de rémunération provenant de son emploi, et doit, au cours de sa période de référence, avoir exercé un emploi assurable pendant au moins le nombre d’heures indiqué au tableau figurant à ce paragraphe, en fonction du taux régional de chômage de l’endroit où l’assuré habite habituellement.

[19] L'appelant a antérieurement reçu une violation sévère. Le nombre d'heures d'emploi assurable requis pour se qualifier à des prestations fut augmenté conformément à l'article 7.1 de la Loi, en raison de cette violation. Il devait accumuler un nombre d'heures d'emploi assurable supplémentaire pendant sa période de référence pour pouvoir déposer une demande de prestations. Puisqu'il résidait dans une région économique avec un taux de chômage de 7,8 %, l'appelant devait avoir accumulé 1 103 heures d'emploi assurable pour se qualifier à des prestations.

[20] L'appelant avait accumulé 1 014 heures d'emploi assurable pendant sa période de référence.

[21] Il n'y a aucun élément de preuve de relevé d'emploi supplémentaire au dossier.

[23] Le membre conclut que l'appelant avait accumulé 1 014 heures d'emploi assurable pendant sa période de référence et que 1 103 heures étaient requises pour qu'il puisse se qualifier à des prestations. L'appelant ne s'est pas qualifié à des prestations puisqu'il n'avait pas accumulé le nombre d'heures d'emploi assurable requis.

[24] Le membre juge que l'appelant n'avait pas le nombre d'heures d'emploi assurable requis pour pouvoir déposer une demande, tel qu'énoncé à l'article 7.1 de la Loi.

[25] Le membre conclut que la Loi ne prévoit aucun pouvoir discrétionnaire et que l'appel n'a aucune chance raisonnable de succès.

[27] Puisque le membre de la DG n’a pas précisé le critère juridique applicable aux rejets sommaires et n’a pas appliqué ce critère aux faits de l’affaire, la décision de la DG est fondée sur une erreur de droit.

[28] Le critère juridique applicable aux rejets sommaires est la première question à laquelle il faut répondre. La question suivante est de déterminer si une erreur de droit ou un autre type d'erreur est incluse dans la décision de la Commission au sujet des questions en litige.

[29] En raison de l'erreur de droit portant sur la question préliminaire du critère juridique applicable aux rejets sommaires, la DA doit faire sa propre analyse et déterminer si elle doit rejeter l'appel, rendre la décision que la DG aurait dû rendre, renvoyer l'affaire à la DG, confirmer, infirmer ou modifier la décision : Housen c. Nikolaisen, [2002] RCS 235, 2002 CSC 33 au paragraphe 8, et paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS.

Application du critère juridique relatif aux rejets sommaires

[30] Même si la division générale a erré lorsqu’elle n’a pas indiqué et appliqué le critère juridique pertinent, les paragraphes 18 à 21, 23 et 24 de la décision de la DG sont corrects, et je suis d'accord avec les conclusions qui y sont énoncées.

[31] Bien que l’expression « aucune chance raisonnable de succès » n’ait pas été définie plus avant dans la Loi sur le MEDS aux fins de l’interprétation du paragraphe 53(1) de cette loi, le Tribunal fait observer que c’est une notion qui est utilisée dans d’autres domaines du droit et qui a fait l’objet de décisions antérieures de la DA.

[32] Il semble y avoir trois catégories d’affaires dans la jurisprudence de la DA relative aux appels rejetés sommairement par la DG :

  1. Exemples AD-13-825 (J. S. c. Commission de l'assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDA 715), AD-14-131 (C. D. c. Commission de l'assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDA 594) , AD-14-310 (M. C. c. Commission de l'assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDA 237) , AD-15-74 (J. C. c. Ministre de l'Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 596) : le critère juridique appliqué fut « La question à se poser dans le cas d’un rejet sommaire est: Est-il clair et évident sur la foi du dossier que l'appel est manifestement voué à l'échec? » Il s’agit du critère énoncé par la Cour d’appel fédérale dans les arrêts Lessard-Gauvin c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 147; Sellathurai c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CAF 1;et Breslaw c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 264;
  2. Exemples AD-15-236 (C. S. c. Ministre de l'Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 974), DA-15-297 (A. P. c. Ministre de l'Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 973), et AD-15-401(A. A. c. Ministre de l'Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 1178) : la DA a appliqué un critère juridique formulé de façon différente : y avait-il une « question litigieuse » et est-ce que la demande était fondée en utilisant les termes « sans aucun espoir » et une affaire « au fondement faible », lorsqu'elle devait déterminer si le rejet sommaire était approprié pour l'appel. En autant qu'il y eût un fondement factuel adéquat pour appuyer l'appel et que la conclusion n'apparaît pas « clairement », dans ce cas le rejet sommaire ne serait pas approprié pour cette affaire. Le rejet sommaire d'une affaire au fondement faible ne serait pas approprié, puisqu'il implique nécessairement une évaluation sur le fond du litige en examinant les éléments de preuve et en les soupesant;
  3. Exemple AD-15-216 (K. B. c. Ministre de l'Emploi et Développement social, 2015 TSSDA 929) : la DA n’a pas formulé de critère juridique hormis la citation du paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS.

[33] J’estime que l’application des deux critères que j’ai énoncés au paragraphe 32 de la présente décision mène au même résultat en l’espèce, à savoir que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Il est clair et évident sur la foi du dossier que l'appel est destiné à l'échec, peu importe les éléments de preuve ou les arguments qui pourraient être présentés à l'audience. Il est également clair que cette affaire n'est pas une affaire « au fondement faible », mais une affaire « sans aucun espoir », puisqu'elle n'implique pas l'évaluation sur le fond du litige ou l'examen des éléments de preuve.

[34] Ni la DG ou la DA du Tribunal ne peut modifier les conditions d'admissibilité prévues au paragraphe 7(2) de la Loi sur l'assurance-emploi, peu importe les circonstances.

[35] Il est clair selon l'information au dossier que l'appelant a 1 014 heures assurables et que 1 103 heures assurables sont requises pour se qualifier à des prestations. En dépit de la preuve ou des arguments qui pourraient être présentés à l’audience, l’appel sur ce motif est voué à l’échec.

[36] Après avoir examiné l’appel de l’appelant, le dossier et la décision de la DG ainsi que les décisions antérieures de la DA au sujet de rejets sommaires et après avoir appliqué le critère juridique servant à déterminer les cas de rejet sommaire, je rejette l’appel.

Conclusion

[37] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.