Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

Monsieur F. D., prestataire, a pris part à l’audience par téléconférence.

Introduction

[1] L’appelant a présenté une demande d’assurance-emploi débutant le 1er juin 2014. Le 21 septembre 2015, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») avise le prestataire que les prestations d’assurance-emploi établies pour sa demande, ne peuvent pas commencer à partir du 5 juillet 2015 parce qu’il n’a pas pu démontrer que, pour la période du 26 septembre 2014 au 4 juillet 2015, avoir un motif valable qui justifiait son retard à présenter sa demande. Le 16 novembre 2015, la Commission informe que le prestataire que suite à sa demande de révision, la décision rendue en lien avec l’antidate a été maintenue. Le prestataire a porté appel de cette décision auprès du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal ») le 21 décembre 2015.

[2] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience Téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. La complexité de la ou des questions en litige.
  2. L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires.
  3. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[3] La demande d’assurance-emploi du prestataire peut-elle être antidatée au 26 septembre 2014 ?

Droit applicable

[4] Le paragraphe 10 (5) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi ») indique :

(5) Lorsque le prestataire présente une demande de prestations, autre qu'une demande initiale, après le délai prévu par règlement pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si celui-ci démontre qu'il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

[5] L’article 48 de la Loi indique :

  1. (1) Une personne ne peut faire établir une période de prestations à son profit à moins qu’elle n’ait présenté une demande initiale de prestations conformément à l’article 50 et aux règlements et qu’elle n’ait prouvé qu’elle remplit les conditions requises pour recevoir des prestations.
  2. (2) Aucune période de prestations ne peut être établie à moins que le prestataire n’ait fourni, sous la forme et de la manière fixées par la Commission, des précisions sur son emploi et sur la raison de tout arrêt de rémunération, ainsi que tout autre renseignement que peut exiger la Commission.
  3. (3) Sur réception d’une demande initiale de prestations, la Commission décide si le prestataire remplit ou non les conditions requises pour recevoir des prestations et lui notifie sa décision.

[6] L’article 49 de la Loi indique :

  1. (1) Nul n’est admissible au bénéfice des prestations pour une semaine de chômage avant d’avoir présenté une demande de prestations pour cette semaine conformément à l’article 50 et aux règlements et prouvé que :
    1. a) d’une part, il remplit les conditions requises pour recevoir des prestations;
    2. b) d’autre part, il n’existe aucune circonstance ou condition ayant pour effet de l’exclure du bénéfice des prestations ou de le rendre inadmissible à celui-ci.

[7] Enfin, les paragraphes 50 (1) et 50 (4) de la Loi ajoutent :

  1. (1) Tout prestataire qui ne remplit pas une condition ou ne satisfait pas à une exigence prévue par le présent article n’est pas admissible au bénéfice des prestations tant qu’il n’a pas rempli cette condition ou satisfait à cette exigence.
  2. (4) Toute demande de prestations pour une semaine de chômage comprise dans une période de prestations est présentée dans le délai prévu par règlement.

Preuve

[8] Les éléments de preuve contenus au dossier indiquent que :

  1. Relevé de paie daté du 4 septembre 2014 indiquant 58.82 heures de travail pour la période du 25 août 2014 au 5 septembre 2014 (GD2-6).
  2. Déclaration du prestataire pour la période du 24 août 2014 au 6 septembre 2014. Le prestataire indique avoir commencé à travailler à temps plein (GD3-17 à GD3-23).
  3. Le 19 août 2015, le prestataire demande une antidate au 26 septembre 2014. Il indique avoir déclaré qu’il avait commencé à travailler à temps plein. Il indique qu’il croyait que le fait de travailler du lundi au vendredi signifiait un travail à temps plein. Le nombre total de ses heures de travail par semaine était de 29 et demie heures. Il ne savait pas qu’il devait continuer à faire ses déclarations puisque sa demande était fermée, ayant déclaré un travail à temps plein. Il continuait à se chercher du travail (GD3-25).
  4. Le 21 septembre 2015, le prestataire indique à la Commission qu’en août 2015, en remplissant sa déclaration, il a indiqué qu’il travaillait à temps plein. Il croyait que le fait de travailler du lundi au vendredi, sans considération au nombre d’heures de travail, constituait du travail à temps plein. Il a indiqué ne pas avoir tenté de joindre la Commission puisque sa demande était fermée. Il a indiqué avoir cherché l’information sur Internet, mais qu’elle n’était pas sur la première page. Il a demandé l’antidate après avoir été avisé par un agent qu’il était payable pendant ce temps (GD3-26).
  5. Le 16 novembre 2015, le prestataire indique à la Commission qu'il ne savait pas qu'il aurait droit à l'assurance-emploi s'il travaillait moins de 35 heures et gagnait moins de 90% de son salaire. La Commission lui demande pourquoi il ne s'est pas informé et il répond qu'il ignorait la loi donc il n'a jamais pensé questionner là-dessus. C'est quand il s'est présenté à un bureau Service Canada pour une toute autre question que l'agent lui a appris qu'il aurait pu être payable (GD3-30).

[9] La preuve soumise à l’audience par le témoignage de l’appelant révèle que :

  1. La demande de prestations du prestataire était valide du début juin 2014 au 4 juin 2015.
  2. Après 2 mois de prestations, le prestataire a accepté un emploi à raison de 29 heures et demie par semaine.
  3. Il a déclaré qu’il travaillait à temps plein puisqu’il ignorait que selon le projet pilote 18, il pouvait recevoir des prestations d’assurance-emploi s’il travaillait moins de 35 heures par semaine et recevait moins de 90% de sa rémunération. Le prestataire ignorait l’existence de ce projet-pilote.
  4. En juillet 2015, il a dû demander à nouveau du chômage. Il s’est présenté au Centre Service Canada afin d’obtenir des informations en lien avec sa demande et des prestations parentales. Le prestataire a indiqué avoir fait les liens avec son ancienne demande et avoir compris qu’il aurait pu recevoir des prestations d’assurance-emploi pour son ancienne demande comme il ne travaillait pas à temps complet. Il a donc demandé l’antidate.
  5. Le prestataire considère que la décision est injuste comme il n’a pas été informé de l’existence du projet-pilote et n’a pas été convoqué à une séance d’informations. Il souligne avoir été en mesure de faire sa demande et ses déclarations sans avoir été interpellés sur le fait qu’il pourrait recevoir des prestations s’il ne travaillait pas 35 heures par semaine ou ne recevait pas 90% de sa rémunération.
  6. Il indique que le projet-pilote vise à inciter les gens à accepter un emploi même si la rémunération est moindre, ce qu’il a fait puisqu’il y avait seulement une différence de 10$ entre sa rémunération provenant de son emploi et les prestations d’assurance- emploi qu’il recevait.
  7. Il n’a pas cherché de l’information sur le site Internet puisqu’il était en mesure de faire sa demande et ses déclarations.
  8. Il n’a pas continué à faire ses déclarations, car le système était fermé, mais parce qu’il ne connaissait pas l’existence du projet-pilote.
  9. Il précise que l’agent qu’il a consulté n’a pas parlé de son cas en lien avec l’ancienne demande, mais que c’est lui qui a fait le lien avec cette ancienne demande et le projet- pilote. Il indique contrairement à ce que la Commission mentionne que ce n’était pas « comme par hasard » puisqu’il est allé poser des questions pour sa nouvelle demande et a fait le lien avec sa situation dans son ancienne demande.

Arguments des parties

[10] L’Appelant a fait valoir que :

  1. Le prestataire indique ne pas avoir été informé ou invité à une séance d’information pour prendre connaissance de l’existence d’un projet pilote qui stipule qu’on garde le droit à des prestations d’assurance-emploi si l’on travaille moins que 35h/semaine avec un salaire moins que 90% de ce qu’on gagnait avant, à condition de se chercher un emploi.
  2. L’objectif et l’esprit de ce projet pilote est d’encourager, d’inciter les prestataires d’aller travailler même si les conditions de travail (salaire et nombre d’heures) sont moins avantageuses que celles du travail précédent. Dans sa situation et sans avoir connaissance de ce projet, il a répondu entièrement à l’objectif et à l’esprit de ce projet pilote.
  3. Il trouve la décision de la Commission incorrecte et injuste. Il se sent puni d’avoir accepté un travail moins payant que son ancien travail.
  4. À titre d’indication, le salaire était de 515.76$ net/semaine. Les prestations d’assurance- emploi qu’il avait dans le même période étaient de 506$ net/semaine. Il a quand même accepté les 5 jours de la semaine pour une différence de 10$/semaine que de rester sur l’assurance-emploi et la conséquence est qu’on lui refuse sa demande d’antidate.
  5. Il explique qu’il est tombé au chômage à la fin d'un contrat de travail avec la compagnie Alsthom Transport Canada à la fin du mois de mai 2014. Il a fait une demande d'assurance-emploi et a commencé à bénéficier des prestations d'AE après deux semaines d'attente. En parallèle, il faisait de la recherche d'emploi et est parvenu à signer un contrat de travail avec l'École polytechnique à partir du 25 août 2014. Or, ce contrat de travail était pour 29h et demi par semaine et un salaire par heure beaucoup moins que ce qu’il gagnait avant. Il était appelé à travailler les 5 jours ouvrables de la semaine, du lundi au vendredi. Lorsqu’il a trouvé ce travail, il a rempli la déclaration d'AE et a déclaré qu’il avait commencé à travailler à temps plein (du lundi au vendredi). Le système des déclarations en ligne ne lui demande pas le nombre d'heures. II était automatiquement fermé. Et il n’y est jamais retourné, car il ignorait qu’il avait encore droit à des prestations d'AE s’il travaillait moins que 35h/semaine.
  6. Le prestataire soutient avoir agi comme une personne raisonnable. Il a continué d’accepter tel que les choses étaient affichées devant lui. Il a fait une demande d’antidate dès qu’il a été avisé du projet-pilote. Il ne savait pas qu’il avait droit aux prestations en raison du projet-pilote.
  7. Il soutient que la Commission a fait 2 erreurs dans son dossier. La première étant liée aux agents qui ont rédigé le résumé de leur conversation en anglais alors que la conversation a eu lieu en français.
  8. La seconde erreur est en lien avec le manque d’information que la Commission lui a donné. Il n’a pas continué à faire ses déclarations non pas parce que système était fermé, mais parce que le système ne demande pas combien d’heures il travaille. Il n’y a pas d’élément pour « allumer » les prestataires.
  9. À l’audience, le prestataire soumet les CUB 36384A en indiquant que l’ignorance de la Loi ne peut être invoquée dans sa situation. Il n’a pas été informé du projet-pilote. Il respectait l’esprit de ce projet puisqu’il a accepté un emploi de 29 heures et demie et à moindre salaire. Il a continué à chercher un emploi. Il soumet aussi le CUB 56558 et indique qu’il s’agit d’un cas similaire où le prestataire ignorait l’existence de son droit aux prestations. Il indique qu’il faut tenir compte de la dimension sociale de la Loi sur l’assurance-emploi et ne pas l’utiliser pour éviter de verser des prestations. Il soutient que cela est en accord avec les valeurs promu par Service Canada.
  10. Suite à l’audience, le prestataire soumet le CUB 52237 qui réfère au CUB 11100 et le CUB 46079 qui réfère au CUB 36384A. Le prestataire soumet aussi le CUB 56558 auquel il a référé à l’audience (GD5).
  11. Le projet-pilote est une mesure temporaire dans le temps. Il est de la responsabilité de Service Canada d’informer les prestataires en lien avec les programmes et services offerts.
  12. Le prestataire indique que la question dans sa situation est de déterminer ce qui est attendu d’une « personne raisonnable ». S’il était capable de faire la demande initiale de prestation (GD3-3 à GD3-11), la certification de la demande (GD3-12 à GD3-15) et toutes les déclarations de prestations par la suite sans, à aucun moment, être interpellé par quelque énoncé que ce soit qui fait signe au projet pilote N: 18, au 35 heures, ou au 90 % de l’ancien salaire, en tant que personne raisonnable, il continuera d’accepter les choses telles que la demande initiale d’AE et les déclarations (à chaque 2 semaines) sont affichées devant lui. Il continuera naturellement à les accepter jusqu’à ce qu’on attire son attention sur une autre réalité ou sur le caractère erroné de l’information qu’il a. Le jour où, pour une toute autre question, il a appris l’existence de ce projet pilote par l’agent de l’AE, comme toute personne raisonnable, il a présenté immédiatement ma demande d’antidate.
  13. Il indique que la jurisprudence a été aussi favorable à des cas similaires au sien quand elle a soutenu dans CUB 36384A par le juge Rouleau quand il a fait droit d’appel du prestataire au motif que l’expression « L’ignorance de la loi n’est pas une excuse » ne peut plus être invoquée comme principe d’application générale pour rejeter les appels de cette nature.
  14. Il indique que dans son cas, la Commission doit accorder de l’importance au fait que :
    1. Il a répondu complètement à l’objectif et à l’esprit de PPT (N: 18) qui incitent les gens à accepter du travail même si les conditions sont moins avantageuses que celles du travail précédent et de continuer à chercher de l’emploi.
    2. L’effort qu’il a montré en acceptant de travailler les 5 jours de la semaine pour une différence minuscule de 10$/semaine, que de rester sur l’assurance-emploi.
    3. Il a continué à chercher de l’emploi pour pouvoir répondre à ses besoins et ceux de sa famille.

[11] L’intimée a soutenu que :

  1. Lorsqu’une demande de prestations, autre qu’une demande initiale de prestations est présentée quatre semaines ou plus après la semaine pour laquelle des prestations sont demandées comme prévu au paragraphe 26 du Règlement, elle sera considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu’il avait, pendant toute la période de retard, un motif valable. Autrement dit, le prestataire doit être capable de démontrer qu’il a fait ce que toute personne raisonnable placée dans sa situation aurait fait pour s’acquitter de ses obligations et faire valoir ses droits en vertu de la Loi.
  2. Dans le cas qui nous occupe, la Commission soutient que la demande débutant le 1er juin 2014 se terminait le 6 juin 2015. Le 27 septembre 2014, le prestataire a complété sa déclaration pour la période du 24 août 2014 au 6 septembre 2014, déclarant avoir trouvé un emploi à temps plein (GD3-19 à GD3-25). Dans ce cas, il n’était plus nécessaire de compléter d’autres déclarations. Le 19 août 2015, le prestataire a soumis une demande d’antidate au 26 septembre 2014. Le prestataire a attendu 46 semaines afin de présenter sa demande et il n’a pas agi comme une « personne raisonnable » l’aurait fait dans sa situation afin de s’enquérir de ses droits et obligations en vertu de la Loi.
  3. Certes, en déclarant travailler à plein temps, le système de déclaration de prestataire ne lui permettait plus de faire d’autres déclarations. Cependant, il était de la responsabilité du prestataire de demander, sans tarder, une modification de sa déclaration s’il la considérait inexacte. Par ailleurs, si la notion de travail à plein temps ne lui était pas claire, il aurait pu s’en informer auprès de la Commission et présenter sa situation en particulier. Sa situation poussait raisonnablement au questionnement.
  4. Le prestataire revient à quelques reprises sur le projet pilote No 18, qui était en vigueur du 5 août 2012 au 1er août 2015 (qui visait à inciter les prestataires à accepter du travail). Il soutient qu’il n’en était pas au courant, qu’il ignorait qu’il était payable pendant qu’il travaillait à temps partiel. Pourtant, rien dans le dossier n’indique que le prestataire a pris des mesures pour vérifier s’il avait droit à des prestations ou pour s’enquérir sur sa situation en particulier. C’est comme par hasard qu’un agent lui a dit qu’il aurait été payé pendant qu’il travaillait à temps partiel (GD3-26).
  5. La Cour d’appel fédérale a réaffirmé que l’ignorance de la loi, même combinée à la bonne foi, ne constitue pas un motif valable. Le critère juridique en matière d’antidate consiste à déterminer si le prestataire a agi comme une personne raisonnable l'aurait fait dans sa situation pour s'enquérir de ses droits et obligations en vertu de la Loi (Canada (PG) c. Kaler, 2011 CAF 266).
  6. Le prestataire soutient que si le système de déclaration par Internet lui avait demandé le nombre d’heures travaillées, il aurait indiqué 29,5 heures, donc un travail à temps partiel. Dans cette situation, l’inaction du prestataire n’est pas raisonnable, du moment que le système de déclaration par Internet ne tient pas compte des particularités personnelles.
  7. La Cour d’appel fédérale a confirmé que puisque le site Web n’est pas censé répondre à tous les cas particuliers, les prestataires ne peuvent pas raisonnablement considérer les renseignements qui y figurent comme des renseignements personnalisés offerts par un agent en réponse à leurs demandes d’information quant à leur admissibilité (Mauchel c. Canada (PG), 2012 CAF 202).

Analyse

Le paragraphe 10 (5) de la Loi indique que lorsque qu’un prestataire présente une demande de prestations, autre qu'une demande initiale, après le délai prévu par règlement pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si celui-ci démontre qu'il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

[12] Pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi, un prestataire doit répondre à des conditions d’admissibilité. L’article 48 de la Loi précise qu’une personne ne peut faire établir une période de prestations à son profit à moins qu’elle n’ait présenté une demande initiale de prestations conformément à l’article 50 et aux règlements et qu’elle n’ait prouvé qu’elle remplit les conditions requises pour recevoir des prestations.

[13] Le paragraphe 50 (4) de la Loi indique que toute demande de prestations pour une semaine de chômage comprise dans une période de prestations est présentée dans le délai prévu par règlement.

[14] Le prestataire a présenté une demande d’antidate le 19 août 2015. Il indique qu’il a déclaré qu’il travaillait à temps plein en remplissant ses déclarations, puisqu’il ignorait que selon le projet pilote 18, il pouvait recevoir des prestations d’assurance-emploi s’il travaillait moins de 35 heures par semaine et recevait moins de 90% de sa rémunération. Il ignorait l’existence de ce projet-pilote lorsqu’il a commencé à travailler. Il indique qu’il a mentionné qu’il travaillait à temps plein croyant que cela signifiait qu’il travaillait du lundi au vendredi. Néanmoins, comme il travaillait 29 heures et demie par semaine, il ne croyait pas que cela était considéré comme un travail à temps partiel. Il indique vouloir recevoir des prestations pour les semaines en cause, du 26 septembre 2014 au 5 juillet 2015, comme il travaillait à temps partiel et non à temps plein.

[15] La Commission soutient que la demande débutant le 1er juin 2014 se terminait le 6 juin 2015. Le 27 septembre 2014, le prestataire a complété sa déclaration pour la période du 24 août 2014 au 6 septembre 2014, déclarant avoir trouvé un emploi à temps plein (GD3-19 à GD3-25). Dans ce cas, il n’était plus nécessaire de compléter d’autres déclarations. Le 19 août 2015, le prestataire a soumis une demande d’antidate au 26 septembre 2014. Le prestataire a attendu 46 semaines afin de présenter sa demande et il n’a pas agi comme une « personne raisonnable » l’aurait fait dans sa situation afin de s’enquérir de ses droits et obligations en vertu de la Loi.

[16] La Commission indique qu’en déclarant travailler à plein temps, le système de déclaration de prestataire ne permettait plus au prestataire de faire d’autres déclarations. Cependant, il était de la responsabilité du prestataire de demander, sans tarder, une modification de sa déclaration s’il la considérait inexacte. Par ailleurs, si la notion de travail à plein temps ne lui était pas claire, il aurait pu s’en informer auprès de la Commission et présenter sa situation en particulier. Sa situation poussait raisonnablement au questionnement.

[17] Dans Albrecht et dans Persiiantsev, la Cour indique que :

« [...] lorsqu'un prestataire a omis de formuler sa demande dans le délai imparti et qu'en dernière analyse, l'ignorance de la loi est le motif de cette omission, on devrait considérer qu'il a prouvé l'existence d'un "motif valable" s'il réussit à démontrer qu'il a agi comme l'aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s'assurer des droits et obligations que lui impose la Loi [...] » (Canada (Procureur général) c. Albrecht, 1985 CAF 170; Canada (Procureur général) c. Persiiantsev, 2008 CAF 307).

[18] Le prestataire indique ne pas avoir été informé ou invité à une séance d’information pour prendre connaissance de l’existence d’un projet pilote qui stipule qu’on garde le droit à des prestations d’assurance-emploi si l’on travaille moins que 35h/semaine avec un salaire moins que 90% de ce qu’on gagnait avant, à condition de se chercher un emploi. Il indique que l’objectif et l’esprit du projet pilote est d’encourager et d’inciter les prestataires d’aller travailler même si les conditions de travail (salaire et nombre d’heures) sont moins avantageuses que celles du travail précédent. Dans sa situation et sans avoir connaissance de ce projet, il a répondu entièrement à l’objectif et à l’esprit de ce projet pilote. Le prestataire soutient avoir agi comme une personne raisonnable. Il a continué d’accepter tel que les choses étaient affichées devant lui. Il a fait une demande d’antidate dès qu’il a été avisé du projet-pilote. Il ne savait pas qu’il avait droit aux prestations en raison du projet-pilote.

[19] Le prestataire soumet les CUB 46079 et CUB 52237 indiquant que l’ignorance de la Loi n’est pas une excuse et ne peut être invoquée comme principe d’application générale. Le CUB 52237 indique :

« Dans le CUB 11100, le juge Muldoon, siégeant à titre de juge arbitre, présente l'orientation suivante pour déterminer si un prestataire respecte la description d'une personne raisonnable :

« La question est donc de déterminer ce qui est attendu d'une « personne raisonnable ». Maintenant, une personne raisonnable n'est pas une personne paranoïaque, en proie à l'anxiété, qui met en doute ou qui refuse de croire des conseils faisant apparemment autorité, au point de chercher à vérifier ces avis une deuxième et une troisième fois, chaque jour ou à intervalle régulier, de crainte que ces avis soient erronés. Une personne raisonnable, justifiée au premier abord d'accepter des avis qui font apparemment autorité, continue naturellement à les accepter jusqu'à ce qu'on attire son attention sur leur caractère erroné et peu digne de foi. Ce comportement décrit précisément la conduite qu'a adoptée le prestataire, laquelle était celle d'une personne raisonnable. Après tout, la justification initiale ne se détériore pas ou ne perd pas autrement sa valeur avec le temps, même après une longue période. »

[20] Or, le Tribunal est d’avis que la situation du prestataire se distingue de celle du CUB puisque le prestataire n’a pas cherché à obtenir de l’information en regard de la situation dans laquelle il se trouvait. Le prestataire a confirmé ne pas s’être informé auprès de la Commission au sujet de son travail à raison de 29 heures et demie par semaine. Le prestataire a indiqué avoir pris de l’information auprès de la Commission en juillet 2015 au sujet de prestations parentales. C’est suite à cette conversation qu’il a fait des liens avec sa situation précédente et demandé une antidate.

[21] Le prestataire a indiqué avoir regardé le site Internet mais qu’aucune information ne se trouvait à la première page. Il a indiqué que l’information était difficile à trouver. Le Tribunal constate qu’il n’a pas non plus cherché à en savoir plus.

[22] Dans Mauchel, la Cour d’appel fédérale a confirmé que puisque le site Web n’est pas censé répondre à tous les cas particuliers. Les prestataires ne peuvent pas raisonnablement considérer les renseignements qui y figurent comme des renseignements personnalisés offerts par un agent en réponse à leurs demandes d’information quant à leur admissibilité (Mauchel c. Canada (PG), 2012 CAF 202).

[23] Le prestataire indique aussi, en référant au CUB 56558 que la dimension sociale de la Loi doit être prise en compte et ne pas être utilisée afin de trouver un moyen de refuser des prestations d’assurance-emploi. Il indique que sa situation a répondu à l’objectif et l’esprit du projet-pilote 18 puisqu’il a accepté du travail même si les conditions sont moins avantageuses que celles du travail précédent et de continuer à chercher de l’emploi. Il a aussi fait un effort en acceptant de travailler les 5 jours de la semaine pour une différence minuscule de 10$/semaine plutôt que de rester sur l’assurance emploi. Enfin, il indique avoir continué à chercher de l’emploi pour pouvoir répondre à mes besoins et ceux de ma famille (GD5-13).

[24] Le CUB 56558 indique :

« En l'espèce, j'estime que le conseil n'a pas tenu compte de l'effet combiné des raisons invoquées par le prestataire pour avoir tardé à présenter sa demande. Un des points pertinents est le court délai qui s'est écoulé avant qu'il ne fasse sa demande et les bouleversements dans sa vie personnelle résultant du décès de sa soeur le jour précédant son congédiement. Le prestataire a indiqué qu'il n'a jamais demandé de prestations alors qu'il a travaillé pendant près de 26 ans, qu'il ne pensait pas être admissible aux prestations et qu'il croyait se trouver un autre emploi. Dès qu'il a réalisé qu'il était admissible, il a présenté une demande. Il ne l'a pas fait plusieurs mois après avoir perdu son emploi, mais à peine 5 semaines après cet événement. J'estime que le prestataire a expliqué les raisons de son retard et que celles-ci, prises ensemble, démontrent qu'il avait un motif valable pour le faire. Si l'on tient compte de la dimension sociale de la Loi sur l'assurance-emploi, on doit accorder le bénéfice du doute aux prestataires en pareilles circonstances plutôt que d'utiliser la Loi pour trouver un moyen pour refuser de leur verser des prestations. »

[25] Or, à nouveau, le Tribunal est d’avis que la situation du prestataire se distingue de celle du CUB. En effet, le prestataire n’a pas invoqué de conditions personnelles ayant pu l’empêcher de chercher de l’information auprès de la Commission ou ayant pu expliquer son délai à demander une antidate.

[26] De plus, bien que le prestataire soutienne qu’il ne s’agisse pas d’un hasard, le prestataire a compris qu’il aurait peut-être pu recevoir des prestations d’assurance-emploi comme il travaillait moins de 35 heures et recevait moins de 90% de la rémunération lorsqu’il s’est informé au sujet de ses prestations parentales. Le prestataire n’a pas tenté d’obtenir de l’information en lien avec sa situation particulière lorsque l’emploi de 29 heures et demie lui a été offert. Il n’a pas indiqué que sa situation personnelle l’a empêché de tenter d’obtenir une telle information, mais indique qu’il est de la responsabilité de la Commission de l’en informer. Il soutient que la Commission ne s’est pas déchargée de cette responsabilité puisqu’à aucun moment il n’a été avisé que son travail ne rencontrait pas la définition d’un travail à temps plein et n’a pas été convoqué à une séance d’information.

[27] Néanmoins, le Tribunal est d’avis que la décision de la Cour Albrecht à laquelle réfère aussi le CUB 56558 ne peut être ignorée :

« « Pour un prestataire de bonne foi, il ne suffit pas de démontrer qu'il ignorait les règles. Il doit démontrer qu'il a agi comme l'aurait fait une personne raisonnable à l'égard de tous les faits. Ce principe a été clairement énoncé par la Cour d'appel fédérale dans Procureur général du Canada c. Albrecht, [1985) 1 C.F. 710. La longueur du retard peut également être prise en compte. […] » » (CUB 56558)

[28] Le Tribunal est d’avis que le prestataire n’a pas agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans les mêmes circonstances. En effet, le Tribunal est d’avis que le prestataire ne peut se contenter d’invoquer qu’il ignorait la Loi, mais doit démontrer qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait. La jurisprudence est constante à l’égard du fait que l’ignorance de la Loi ne peut justifier le fait d’avoir présenté une demande de prestations en retard, mais que la personne doit démontrer qu’elle a agi de comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait. Le prestataire n’a entrepris aucune démarche à savoir si sa situation de travail à raison de 29 heures et demie par semaine constituait un travail à temps plein. Il n’a pas cherché à obtenir de l’information à ce sujet et lorsqu’il a contacté la Commission, il s’agissait de questionnements en lien avec son congé parental. Le prestataire ne cherchait pas à obtenir de l’information en lien avec sa demande de prestations qui était à ce moment terminée.

[29] Le Tribunal est d’avis que le prestataire n’a pas agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans les mêmes circonstances. Le prestataire a demandé une antidate 46 semaines après avoir indiqué qu’il avait repris le travail à temps plein. Il n’a effectué aucune démarche afin de s’enquérir de ses droits et obligations en regard de sa situation et n’a pas demandé ni cherché à comprendre ce que signifiait le travail à temps plein en regard de la Loi.

[30] Le projet-pilote auquel le prestataire réfère était en place depuis août 2012 et même si le prestataire n’a pas été convoqué à une séance d’information, il n’a pas non plus tenté d’obtenir de l’information sur sa situation personnelle. Le Tribunal est d’avis qu’une personne raisonnable et prudente aurait tenté d’obtenir des informations face à sa situation. La Commission peut avoir un rôle d’information, mais ne peut répondre à chaque situation personnelle d’un prestataire sans en avoir été mise au fait. Le Tribunal est d’avis que le prestataire ne peut se dégager de sa propre responsabilité de s’informer en indiquant que la Commission aurait dû l’aviser de sa situation ou qu’une « alerte » aurait dû l’informer que le fait de travailler moins de 35 heures par semaine ne constituait pas un travail à temps plein.

[31] Ainsi, en se basant sur la preuve et les arguments présentés par les parties, le Tribunal n’est pas satisfait que le prestataire ait agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans les mêmes circonstances.

Conclusion

[32] Le Tribunal est d’avis que le prestataire ne rencontre pas les critères établis au paragraphe 10 (5) de la Loi en lien avec l’antidate et que la demande du prestataire ne peut être antidatée au 26 septembre 2014.

[33] L’appel est rejeté.

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