Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

L’appelante a assisté à l’audition de son appel par téléconférence.

Introduction

[1] Le 21 juillet 2015, l’appelante a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.  Dans sa demande, l’appelante a indiqué qu’elle a été congédiée de son poste de caissière parce qu’elle avait personnellement recueilli des points de récompense à même les achats de clients, ce qu’elle se croyait autorisée à faire. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission), a fait enquête sur le motif de la cessation d’emploi et a décidé que l’appelante avait perdu son emploi parce qu’elle avait recueilli des points de récompense pour son usage personnel, ce qu’interdisait le programme de récompense. Le 5 août 2015, la Commission a informé l’appelante qu’elle était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

[2] Le 11 septembre 2015, l’appelante a demandé à la Commission de réexaminer sa décision, en affirmant qu’elle était autorisée par son superviseur à utiliser sa propre carte de récompense personnelle avec les achats de clients. La Commission a maintenu sa décision et le 11 décembre 2015, l’appelante a interjeté appel de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le Tribunal).

[3] L’audience a eu lieu par téléconférence parce que le mode d’audience respecte le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[4] Il s’agit de déterminer si la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi au motif qu’elle a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

Droit applicable

[5] Le paragraphe 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi ») stipule que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage ou
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[6] Aux termes du paragraphe 30(2) de la Loi, l’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

[7] Les termes « emploi » et « perte d’emploi » sont définis à l’article 29 de la Loi. L’alinéa 29a) de la Loi stipule que, pour l’application des articles 30 à 33, « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de la période de référence ou de sa période de prestations.

[8] L’alinéa 29b) de la Loi stipule que la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais que n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant.

Preuve

[9] L’appelante a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi le 21 juillet 2015 (GD3-3 à GD3-15) et a déclaré que son dernier jour de travail a eu lieu le 15 juillet 2015, date à laquelle elle a été congédiée de son poste de caissière par son employeur, l’Italian Centre Shop Ltd. (Italian Centre). Dans le « questionnaire: congédiement » rempli avec sa demande (GD3-7 à GD3-9), l’appelante a longuement décrit l’inconduite qui a donné lieu à son congédiement, a exposé comment l’employeur a décidé de participer au programme de récompense de l’Alberta Motor Association (AMA), comment les caissiers et caissières se faisaient dire par leur superviseur qu’ils pouvaient utiliser leurs cartes personnelles de l’AMA pour amasser des points de récompense sur des achats de clients si le client ne disposait pas d’une carte de l’AMA et accordait son autorisation, comment l’appelante a accumulé un grand nombre de points de récompense de l’AMA en ce faisant, comment l’employeur faisait pression sur le personnel pour augmenter les pourcentages de ventes de l’AMA, comment l’appelante croyait qu’elle pouvait aider le magasin en utilisant sa carte pour augmenter les ventes de l’AMA, de quelle façon la haute direction a congédié l’appelante sur-le-champ lorsqu’elle a appris ce qu’elle faisait, et ses qualités d’employée de longue date, honnête, qui ignorait alors que le magasin payait pour chaque point de récompense.

[10] Un relevé d’emploi a été fourni par l’employeur pour indiquer que l’appelante a travaillé à l’Italian Centre à titre de caissière, a été rémunérée jusqu’au 15 juillet 2015 et avait accumulé 2 404 heures d’emploi assurable. Le motif de l’émission d’un relevé d’emploi était « M » pour « Congédiement » (GD3-16).

[11] Le 30 juillet 2015, un agent de la Commission a parlé à un représentant de l’employeur et de l’appelante au sujet du motif pour lequel l’appelante ne travaillait plus à l’Italian Centre et a documenté ces conversations dans le formulaire Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations (GD3-18 à GD3-19). L’agent a noté qu’ils ont donné les versions suivantes des événements :

  1. (a) L’administratrice de la paie de l’Italian Centre a déclaré, au nom de l’employeur, que l’appelante a été congédiée parce qu’elle amassait des points AMA pour son usage personnel (GD3-18). La gestionnaire de la paie a déclaré que l’employeur a payé le programme de récompense et les employés ont été informés lors d’une réunion qu’ils n’étaient pas autorisés à utiliser le programme pour leur usage personnel. Selon la gestionnaire de la paie, il existait une déclaration écrite sur le programme AMA à chaque caisse enregistreuse. La gestionnaire de la paie a également dit que le 9 novembre 2014, les employés ont été informés du nouveau programme lors d’une réunion du personnel et de l’interdiction d’amasser des points à partir des achats en magasin faits par des clients. Le programme a été mis en place à la fin de février 2015 et cette politique n’a jamais été modifiée. La gestionnaire de la paie a déclaré que l’employeur a été partiellement remboursé pour les points recueillis par l’appelante, mais des points avaient déjà été utilisés par l’appelante à titre personnel.
  2. (b) L’appelante a déclaré qu’en octobre 2014, les employés se sont fait dire qu’ils pouvaient utiliser leurs propres cartes de l’AMA pour recueillir des points, et elle a même reçu des points d’un autre tiroir-caisse de sa superviseure immédiate. Toutefois, le programme a été modifié en mars 2015 et les clients n’étaient plus en mesure de donner leurs points à autrui. L’appelante a dit qu’elle a été informée par sa superviseure qu’elle ne pouvait plus se servir de sa carte de l’AMA pour recueillir des points à des fins personnelles à la fin de 2014, mais qu’on ne lui a jamais dit que l’employeur payait les points AMA, et elle n’a jamais reçu d’avertissements qu’elle pourrait faire face à des conséquences si elle continuait d’utiliser sa carte. L’appelante a également affirmé qu’il n’y avait pas de politique écrite sur le programme de l’AMA. Selon l’appelante, l’AMA a signalé sa carte parce qu’elle avait accumulé environ 800 points, un total jugé très élevé. L’AMA a fait parvenir un rapport à l’employeur, et le chef des services financiers a convoqué l’appelante à son bureau le 15 juillet 2015 pour l’interroger à ce sujet. Il l’a congédiée sur place. L’appelante a déclaré qu’elle a reçu ultérieurement un relevé indiquant que ses points avaient été annulés et que l’Italian Centre s’était fait rembourser l’argent correspondant aux points amassés. L’agent a relevé la citation suivante du client :
    [Traduction]

    « Compte tenu de toute la pression qui nous est imposée pour rehausser les pourcentages, je pouvais faire très peu, même en m’efforçant de promouvoir les avantages de l’utilisation de l’AMA et des cartes au magasin. Je suis à l’Italian Centre depuis 8 ans et j’étais l’une de leurs meilleures caissières. La plupart de nos clients sont des clients réguliers, me connaissent et m’aiment. Quand j’accueillais un client ayant fait de gros achats, je me disais [traduction] « quel gaspillage » en pensant à l’effet que sa commande aurait pu avoir sur l’augmentation des pourcentages de vente. Quand je leur ai expliqué cette situation, ils m’ont offert d’utiliser leurs points sur ma carte. La pression de faire augmenter les ventes prévalait sur la politique à ce moment-là et j’ai utilisé ma carte. Je ne le faisais pas pour les points, je croyais que ça aiderait les pourcentages dans les magasins. Je ne croyais pas que l’identité de la personne qui réclamait les points importait vraiment dans la mesure où la vente était réalisée. Je l’ai fait à quelques reprises. »

[12] Le 31 juillet 2015, la gestionnaire de la paie a fait parvenir une télécopie de ce qu’elle appelait [traduction] « le formulaire de l’AMA qui est accessible à l’ensemble des caissiers et caissières de tous les emplacements de l’Italian Centre Shop Ltd. » (GD3-22). Sous la rubrique « Comment inscrire des récompenses rattachées aux ventes », l’énoncé qui suit figure au bas de la liste des instructions :

[Traduction]

« Les caissiers et les caissières ne sont pas autorisés à utiliser des cartes de l’AMA autres que celles des clients au moment de leur transaction ou quand les clients qui reviennent avec leur reçu et leurs cartes de l’AMA peuvent réclamer leurs points dans les 30 jours. »

[13] Dans une lettre datée du 5 août 2015, l’appelante a été informée qu’elle ne recevrait pas de prestations d’assurance-emploi parce que la Commission a établi qu’elle a perdu son emploi à l’Italian Centre le 15 juillet 2015 en raison de sa propre inconduite (GD3-24 à GD3-25).

[14] L’appelante a présenté une demande de réexamen de la décision (GD3-26 à GD3-27), en soulignant que la direction ne semblait pas comprendre que la superviseure de l’appelante qui avait dit qu’elle pouvait utiliser sa carte de l’AMA au cours de la période d’essai du programme avant le lancement officiel de février 2015 – et qu’elle avait même donné à l’appelante des points provenant des transactions du tiroir-caisse de la superviseure. L’appelante a fourni ultérieurement des documents additionnels pour examen par la Commission (GD3-28 à GD3-37), dont des copies de divers courriels entre l’appelante et d’autres employés au sujet de l’utilisation des cartes de l’AMA, ainsi qu’une analyse des points de récompense recueillis et des retraits. Les énoncés de l’appelante qui suivent sont pertinents :

  1. (a) L’appelante a confronté sa superviseure M. E. le jour de son congédiement et lui a dit : [traduction] « Tu m’as dit que je pouvais utiliser ma carte […] et tu m’as même donné des transactions. », ce à quoi M. E. a répondu : [traduction] « Ouais, mais c’était avant que j’apprenne que nous ne pouvions pas le faire. »(GD3-32)
  2. (b) L’appelante a des messages texte de M. E. dans lesquels M. E. reconnaît qu’elle lui a donné des transactions, mais soutenait qu’aucune d’entre elles n’excédait 300 $. (GD3-32)
  3. (c) M. E. a dit à l’appelante qu’elle ne croyait pas que celle-ci serait congédiée pour cela, mais qu’elle recevrait plutôt un avertissement et devrait remettre les points. Après le congédiement, M. E. a dit à l’appelante d’attendre une journée pour voir si la propriétaire la réintégrerait (GD3-32).
  4. (d) M. E. n’a pas admis à la propriétaire ou au chef du service des finances qu’elle a dit à l’appelante qu’elle pouvait utiliser sa carte au début ou qu’elle lui a donné des transactions provenant d’autres tiroirs-caisses.
  5. (e) Les points de l’AMA utilisés par l’appelante l’ont été sous forme de retrait automatique par l’AMA pour le paiement de ses droits annuels d’adhésion (ce qu’elle ignorait) et de ses droits annuels d’enregistrement de véhicule (GD3-33 à GD3-34). Sur les 826,45 points recueillis par l’appelante, 288,60 ont été réservés à un usage personnel et 537,85 ont été crédités à l’Italian Centre.
  6. (f) L’appelante a présumé que M. E. avait l’autorisation de la direction lorsqu’elle a dit aux caissiers et aux caissières qu’ils pouvaient utiliser leurs cartes de l’AMA. Il n’y a jamais eu de séance d’orientation sur la façon dont l’AMA travaillait ou sur la nature des règles et des restrictions – les employés s’en remettaient à la superviseure (M. E.) pour tous ces renseignements (GD3-35).

[15] Le 1er décembre 2015, un agent de la Commission a communiqué avec l’Italian Centre au sujet de la demande de réexamen faite par l’appelante et a documenté le tout dans un formulaire Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations (GD3-38). L’agent a parlé à M. E., qui a déclaré que l’ensemble des caissiers et des caissières se sont fait dire qu’ils ne pouvaient pas utiliser leur propre carte de l’AMA pour des achats de clients. Toutefois, quand l’agent a demandé à M. E. si les caissiers et caissières étaient autorisés à le faire au départ, M. E. a déclaré qu’elle préférerait que l’agent s’adresse au département des ressources humaines. L’administratrice de la paie est alors intervenue et a parlé à l’agent. L’agente responsable de la paie a déclaré qu’elle avait été elle-même caissière quand le programme de l’AMA a été lancé, et que les employés de l’AMA se présentaient au magasin et informaient le personnel aux caisses, dont l’appelante, qu’ils ne pouvaient pas utiliser leurs cartes pour réaliser des gains personnels ou pour leur usage personnel. L’administratrice de la paie a déclaré qu’ils se sont également fait dire lors des réunions du personnel qu’ils n’étaient pas autorisés à utiliser leurs cartes personnelles de l’AMA pour amasser des points de récompense.

[16] L’agent a alors contacté l’appelante et documenté leur conversation dans un formulaire Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations (GD3-39). L’agent a relevé les déclarations de l’appelante selon lesquelles elle avait l’autorisation de M. E. d’utiliser sa carte de l’AMA à la condition qu’elle ait obtenu l’approbation du client, et que M. E. lui a donné des points de ses propres clients parce que M. E. n’avait pas de carte de l’AMA elle-même. L’agent a alors lu le formulaire de l’AMA qui, au dire de l’administratrice de la paie, se trouvait à toutes les caisses enregistreuses (GD3-22) et a noté la réponse de l’appelante selon laquelle elle n’avait jamais reçu de renseignements ou de brochures sur le programme de points, mais avait seulement appris manuellement comment entrer des transactions. L’appelante a également déclaré que personne ne lui a dit quoi que ce soit lorsqu’elle amassé 550 points à l’automne 2014 alors qu’elle était sous la supervision de M. E..

[17] L’agent a alors demandé à l’appelante : [traduction] « Une fois que votre superviseure vous a dit que vous ne pouvez plus utiliser les points – avez-vous employé quand même votre carte de l’AMA pour amasser des points? » L’appelante a répondu : [traduction] « Oui, je les ai utilisés quand même quelques fois pour faire augmenter les pourcentages. »Selon l’appelante, l’employeur exerçait de la pression sur les employés pour hausser les pourcentages de gens utilisant leur carte de l’AMA et elle s’est servie de sa carte pour obtenir ce résultat, car c’était la seule façon de le faire. L’appelante a déclaré qu’elle ignorait que l’employeur payait pour les points et que l’AMA s’était servie des points dans son compte pour le renouvellement de son adhésion jusqu’à ce qu’elle reçoive son relevé des mois plus tard.

[18] À la demande de l’appelante, l’agent a contacté la propriétaire de l’Italian Centre et a documenté leur conversation dans un formulaire Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations (GD3-41). L’agent a relevé les déclarations de la propriétaire selon lesquelles ni la propriétaire ni le chef du service des finances n’ont participé à des réunions au cours desquelles les caissiers et caissières se sont fait dire de ne pas utiliser leurs cartes personnelles de l’AMA. L’agent a également relevé que la propriétaire a déclaré qu’elle n’était « pas certaine » si M. E. avait dit initialement à l’appelante qu’elle pouvait utiliser sa carte, mais que la propriétaire estime qu’ils n’ont pas bien expliqué le programme de l’AMA au personnel.

[19]    Par lettre datée du 3 décembre 2015, la Commission a informé l’appelante qu’elle maintenait sa décision du 4 août 2015 selon laquelle l’appelante n’avait pas droit à des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite (GD3-42).

[20] Après avoir déposé ses documents d’appel (GD2), l’appelante a déposé des documents additionnels (GD6), y compris les suivants :

  1. Une note de service qui commente les mauvais renseignements dans le dossier de réexamen de la Commission (GD6-1 à GD6-2).
  2. Des copies des fiches du programme de récompense de l’AMA collées aux caisses enregistreuses à l’Italian Centre (GD6-4 et GD6-5). Elles diffèrent du document fourni par l’administratrice de la paie à GD3-22 en ce sens qu’il n’y a pas d’énoncé selon lequel les caissiers et les caissières ne sont pas autorisés à utiliser leurs propres cartes de l’AMA pour amasser des points.
  3. Des copies de compte-rendu des réunions des caissiers et caissières (GD6-6 à GD6-11), qui documentent les discussions au sujet de l’instauration du programme de récompense de l’AMA à l’Italian Centre et ne traitent pas de l’interdiction faite aux caissiers et aux caissières d’utiliser leurs propres cartes de l’AMA pour recueillir des points.

À l’audience

[21] L’appelante a témoigné de ce qui suit :

  1. En octobre 2014, l’Italian Centre instaurait le programme de récompense de l’AMA dans le magasin. L’appelante avait une carte de l’AMA, mais elle ignorait que l’AMA avait un programme de récompense. Le programme était nouveau pour l’ensemble des caissiers et des caissières. M. E. leur a remis un feuillet de trucs sur la façon d’utiliser la carte de l’AMA au point de vente et si les caissiers et les caissières les avaient placés à proximité de leurs tiroirs-caisses, ils auraient pu suivre les étapes de traitement. Il n’y avait pas de mention dans la fiche de conseils selon laquelle les caissiers et les caissières ne pouvaient pas utiliser leurs cartes personnelles de l’AMA pour amasser des points ou selon laquelle ils devaient veiller à utiliser seulement la carte du client. De fait, au début du programme, les clients faisaient circuler les cartes en ligne et les gens utilisaient également des cartes qui appartenaient à des membres de la famille.
  2. Quand l’appelante a reçu le dossier d’appel en l’espèce, elle a vu le document que l’employeur a fourni à GD3-22 pour la première fois et elle s’est rendue compte que ce n’était pas le même document que la fiche de conseils aux tiroirs-caisses. Plus précisément, le document à GD3-22 renferme un énoncé spécifique selon lequel les caissiers et les caissières ne peuvent utiliser de cartes de l’AMA sauf celles des clients. Ainsi, en février 2016, l’appelante s’est rendue au magasin de l’Italian Centre et a fait des copies des fiches de conseils qui étaient collées aux tiroirs- caisses des caissiers et des caissières. Ces copies se trouvent dans ses documents à GD6-4 et GD6-5 – et ne renferment pas l’énoncé indiquant que les caissiers et les caissières ne sont pas autorisés à utiliser des cartes de l’AMA sauf celles des clients.
  3. Des représentants de l’AMA se sont rendus au magasin pour renseigner la direction au sujet du programme. M. E. et le chef du service des finances étaient présents à cette séance de formation, tout comme l’administratrice de la paie (qui était caissière pour les articles de ménage, mais en formation aux ressources humaines). Il n’y avait pas de caissiers ni de caissières à cette réunion. L’appelante n’y était pas non plus. Après cette séance de formation, M. E. a préparé les fiches de conseils (GD6-4 et GD6-5) et elles ont été collées aux tiroirs-caisses des caissiers et des caissières. Les caissiers et les caissières n’ont pas reçu d’autres formations ou renseignements sur le programme de récompenses de l’AMA.
  4. Le premier jour du programme (au début d’octobre 2014), M. E. a dit : « D. L., tu peux utiliser ta carte si tu veux. » Ce à quoi l’appelante a répondu « Vraiment? » M. E. a alors répondu « Oui, mais seulement si tu obtiens la permission du client. » L’appelante fonctionnait sur cette base et elle a accumulé 315 points de récompense de l’AMA au cours des 11 premiers jours. Après un mois, l’appelante avait 543 points. À la fin de la réunion du personnel, la seule chose qui a été mentionnée au sujet du programme de l’AMA était la nécessité d’augmenter le pourcentage de ventes de l’AMA.
  5. L’appelante a présumé que M. E. a dit à l’ensemble des caissiers et des caissières qu’ils pourraient utiliser leurs propres cartes de l’AMA, mais elle a découvert ultérieurement que M. E. ne l’a dit qu’à l’appelante et à une autre caissière, Carmella. Carmella n’avait même pas sa propre carte, mais elle a apporté celle de son fils au magasin et a amassé des points de récompense sur la carte de son fils.
  6. M. E. savait que l’appelante utilisait sa carte de l’AMA pour des achats de clients. M. E. n’avait pas de carte de l’AMA, mais elle transférait des transactions des autres tiroirs-caisses à celui de l’appelante pour que l’appelante puisse amasser des points de l’AMA sur ces transactions.
  7. À un moment donné à la fin de novembre 2014, M. E. a dit au passage : [traduction] « Je crois qu’E. K. (le chef des services financiers) n’aime pas vraiment que nous utilisions nos cartes de l’AMA. » M. E. l’a dit comme s’il s’agissait d’une blague et a fait en sorte que ça semble être l’opinion d’E. K., et non la règle. M. E. n’a jamais dit à l’appelante qu’elle n’était pas autorisée à utiliser sa carte de l’AMA. Toutefois, la nouveautés s’était émoussée à cette époque et comme il s’agissait d’une étape supplémentaire du traitement d’une vente, l’appelante utilisait seulement sa carte quand un client faisait un gros achat.  De fait, l’appelante a accumulé moins de points entre novembre 2014 et juillet 2015 qu’au cours des 11 premiers jours du programme.
  8. En janvier, février et mars 2015, la direction a exercé beaucoup de pression sur les caissiers et les caissières pour augmenter le pourcentage des ventes de l’AMA, parce qu’elle voulait réaliser beaucoup de ventes en dollars. L’appelante s’est servie de sa propre carte pour tenter de réaliser ces ventes pour la compagnie. Elle ignorait que la compagnie avait payé les points ou qu’elle faisait quelque chose de mal. Elle a poursuivi ainsi jusqu’en juillet 2015, alors qu’elle a été congédiée.
  9. L’appelante a conservé tous les comptes-rendus des réunions des caissiers et des caissières. Les comptes-rendus qu’elle a inclus dans GD6 sont les seuls dans lesquels l’AMA a été mentionnée :
    8 février 2015 : [Traduction] « Rappelez-vous à quel point l’AMA est importante pour nous. Faites la promotion de ce que l’AMA a à offrir par l’intermédiaire de notre compagnie. Rappelez-vous de demander à chaque client s’il est membre de l’AMA. » (GD6-7)
    22 mars 2015 : [Traduction] « Programme de récompense de l’AMA : L’objectif est de 30 %, nous en sommes maintenant à 23 % » (GD6-8)
    19 avril 2015 : [Traduction] « Programme de récompenses de l’AMA : L’objectif est de 30 %, nous sommes encore à 23 % avec des transactions moyennes par membre de l’AMA de 51,64 $. » (GD6-9)
    14 juin 2015 : [Traduction] « Programme de récompenses de l’AMA : L’objectif est de 30 %, nous sommes passés d’une moyenne de 23 % à 22 %. Les transactions moyennes par membre de l’AMA sont passées de 51,64 $ en mars à 40,00 $ en avril et à 50,25 $ en mai. » (GD6-10)
  10. L’appelante a également fourni une note de service non datée sur les « problèmes de fonctionnement quotidien du service des caisses » (GD6-11), dont la seule référence au programme de l’AMA est la suivante :
    [Traduction]

    « 5. Transaction de l’AMA – Toujours se souvenir d’appuyer sur le bouton AMA dans le cas des membres. La compagnie a besoin du pourcentage exact des clients de l’AMA que nous traitons. »
  11. Rien n’a été dit à la réunion des caissiers et des caissières sur l’interdiction faite aux caissiers et aux caissières d’utiliser leurs propres cartes de l’AMA pour amasser des points de récompense lors des achats. Cependant, M. E. a dit aux caissiers et aux caissières qu’ils devaient faire augmenter les ventes de l’AMA et s’efforcer d’atteindre cet objectif. L’appelante s’est attaquées à cet objectif en plaçant les gros achats sur sa propre carte de l’AMA, et M. E. savait qu’elle le faisait.
  12. L’appelante ne s’est jamais fait dire que l’utilisation de sa carte de l’AMA allait à l’encontre de la politique du programme de récompense. L’appelante ignorait l’existence d’une telle politique. Les renseignements que les caissiers et les caissières recevaient au sujet du programme changeaient constamment. Par exemple, les membres de la famille étaient initialement autorisés à utiliser la carte d’un autre membre de la famille, mais le personnel s’est fait dire par la suite que ce n’était plus permis; et les clients avaient le droit de prêter leurs cartes à d’autres clients en ligne, mais le personnel a fini par se faire dire que ce n’était plus permis non plus.
  13. Après le congédiement de l’appelante en juillet 2015, elle a découvert que le chef du service des finances ne savait rien au sujet de l’utilisation de la carte d’employé et l’a découvert seulement lorsque l’AMA a identifié la carte de l’AMA de l’appelante et a contacté l’Italian Centre. L’appelante croit que M. E. a inventé l’affirmation [traduction] « Je crois qu’E. K. (le chef du service des finances) n’aime pas vraiment que nous utilisions nos cartes de l’AMA » pour couvrir le fait que M. E. nous a dit (l’appelante et Carmella) que nous pouvions utiliser  nos cartes puis a découvert d’une façon ou d’une autre que ce n’était pas permis. Au lieu de reconnaître qu’elle avait commis une erreur, M. E. a fait une blague sur le fait qu’E. K. n’aimait pas ça et, dans les faits, n’a jamais dit à l’appelante qu’elle n’était pas autorisée à utiliser sa propre carte de l’AMA pour amasser des points sur les transactions des clients.
  14. L’appelante ignorait l’existence d’une politique ou de règles contre l’utilisation de sa propre carte. L’appelante croyait que la déclaration subséquente de M. E. au sujet d’E. K. « qui n’aimait pas que nous utilisions nos cartes de l’AMA » était une observation ou au mieux une suggestion – notamment parce que M. E. savait que l’appelante a continué à le faire à l’occasion pour de gros achats et a même encouragé l’appelante à cet égard afin que les caissiers et les caissières puissent faire augmenter les pourcentages des ventes de l’AMA.
  15. L’appelante était autorisée par M. E. à utiliser sa carte de l’AMA dès le début et M. E. était au courant de son utilisation continue. Son congédiement pour utilisation de sa carte de l’AMA l’a complètement prise au dépourvu. L’appelante ignorait complètement qu’il existait ne serait-ce qu’une infime possibilité qu’elle perde son emploi parce qu’elle le faisait.

Observations

[22] L’appelante a soutenu qu’elle n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle soutient plutôt qu’elle ignorait l’existence d’une politique interdisant l’utilisation par les employés des cartes de l’AMA pour amasser des points de récompense et qu’elle a été congédiée parce que la haute direction a découvert qu’elle utilisait sa carte et que sa superviseure n’a pas reconnu qu’elle (la superviseure) avait autorisé l’appelante à le faire.

[23] La Commission a soutenu que l’appelante a enfreint la politique de la compagnie en continuant à amasser des points de récompense de l’AMA des clients qui n’avaient pas de carte de l’AMA à utiliser avec leurs achats. La Commission donne à l’appelante le bénéfice du doute en ce qui concerne la question de savoir si sa superviseure l’avait autorisée à utiliser sa carte au début du programme de récompense. Cependant, au début de 2015, l’employeur a précisé la politique au moyen d’avis, de réunions et de directives, mais l’appelante a continué à utiliser sa carte de l’AMA pour amasser des points. L’appelante a donc enfreint la politique de l’employeur interdisant aux employés d’utiliser leur carte et a réalisé des gains personnels aux dépens de l’employeur. Ce comportement constitue une inconduite au sens de la Loi.

Analyse

[24] Aux termes de l’article 30 de la Loi, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd son emploi en raison de son inconduite.

[25] La Commission a le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite (Larivee A-473-06, Falardeau A-396-85).

[26] Pour prouver qu’il y a eu inconduite, il faut démontrer que l’employée s’est comportée autrement que de la façon dont elle aurait dû se comporter et qu’elle a fait cela de manière volontaire ou délibérée ou avec une insouciance telle qu’elle frôlait le caractère délibéré (Eden A-402-96). Pour qu’un acte soit qualifié d’inconduite, il doit être démontré que l’employée savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiée : Lassonde A-213-09, Mishibinijima A-85-06, Hastings A-592-06, Lock 2003 FCA 262; et que cette conduite nuirait au rendement professionnel de l’employée ou nuirait aux intérêts de l’employeur ou nuirait de façon irréparable à la relation employeur-employée : CUB 73528.

Quelle est la conduite qui a entraîné le congédiement?

[27] L’employeur a déclaré que l’appelante a été congédiée parce qu’elle amassait des points de récompense de l’AMA pour son usage personnel malgré le fait qu’elle avait été avisée qu’elle n’était pas autorisée à le faire (GD3-18). L’appelante savait qu’il s’agissait d’une violation de la politique de l’employeur, et elle a donc été congédiée. L’employeur a nié avoir déjà autorisé l’appelante à utiliser sa carte personnelle de l’AMA pour amasser des points sur les achats de clients.

[28] L’appelante a reconnu qu’elle utilisait sa carte personnelle de l’AMA pour amasser des points de récompense sur les achats de clients, mais a maintenu avec ténacité qu’elle avait été autorisée à le faire par sa superviseure, M. E.. L’appelante a nié que l’employeur disposait d’une politique lui interdisant d’utiliser sa propre carte de l’AMA pour amasser des points, et a aussi nié qu’elle avait été informée explicitement par sa superviseure ou par une autre personne qu’elle n’était pas autorisée à le faire ou qu’elle pourrait perdre son emploi si elle le faisait.

[29] Le Tribunal a d’abord jugé la question de savoir si l’appelante était autorisée à amasser des points de l’AMA sur des achats de clients. L’appelante a présenté des preuves détaillées, cohérentes et crédibles sur ce point, et sa version des événements est la plus logique dans les circonstances. L’utilisation par l’appelante de sa carte de l’AMA a commencé lors de la mise en place du programme de récompense de l’AMA à l’Italian Centre, et l’appelante a tout de suite profité de chaque occasion pour amasser des points si un client n’avait pas carte de l’AMA, ce qui lui a permis d’accumuler une quantité exceptionnelle de points en très peu de temps. Elle n’aurait pas pu le faire sans que sa superviseure, M. E., et d’autres employés le sachent. Le Tribunal accepte le témoignage de l’appelante selon laquelle dans les faits, elle avait été autorisée par M. E. à utiliser sa propre carte de l’AMA pour amasser des points sur les achats de clients. Le Tribunal constate que lorsque M. E. se faisait demander directement si les employés avaient d’abord été autorisés à utiliser leurs cartes pour amasser des points, elle a refusé de répondre à la question (GD3- 38). Le Tribunal fait également observer qu’en sa qualité de superviseure, M. E. a tout intérêt à nier qu’elle avait autorisé l’appelante à utiliser sa carte pour amasser des points si, dans les faits, les employés n’étaient pas autorisés à le faire aux termes du programme de récompense de l’AMA.

[30] De même, le Tribunal accorde peu de valeur probante au témoignage de l’administratrice de la paie qui affirme qu’elle était caissière lors des débuts du programme de récompense (GD3-38), mais qu’elle n’a pas remarqué que l’appelante amassait avec ferveur des points sur les achats de clients ou qu’elle rapportait cette activité à la direction alors que dans les faits, elle n’était pas autorisée. L’administratrice de la paie n’est pas non plus crédible lorsqu’elle déclare que les caissiers et les caissières avaient été informés d’entrée de jeu par des représentants de l’AMA qui sont venus au magasin pour présenter le programme qu’ils ne pouvaient s’en servir pour réaliser des gains personnels (GD3-38) parce qu’elle avait dit auparavant à la Commission que la propriétaire et le chef du service des finances de la compagnie avaient été expressément informés par des représentants de l’AMA que le programme ne pouvait être utilisé par les employés (GD3-18). La propriétaire a elle-même affirmé plus tard qu’elle n’a assisté à aucune réunion au cours desquelles les caissiers et les caissières ont été informés qu’ils ne pouvaient pas utiliser leurs cartes personnelles de l’AMA si les clients n’avaient pas leurs propres cartes (GD3-41). Le Tribunal fait également observer que l’administratrice de la paie a déclaré que les employés ont été informés au sujet du programme de l’AMA lors d’une réunion du personnel tenue le 11 novembre 2014 et qu’ils se sont fait dire qu’ils n’étaient pas censés amasser des points à même les achats en magasin effectués par d’autres personnes (GD3- 18), mais la déclaration de l’AMA établit clairement que l’accumulation de points par l’appelante a débuté le 12 octobre 2014 (GD3-33 à GD3-34).

[31] Le Tribunal privilégie fortement la preuve présentée par l’appelante sur ce point et conclut que l’appelante était autorisée par sa superviseure, M. E., à utiliser sa carte de l’AMA pour amasser des points.

[32] Le Tribunal a ensuite tenu compte de la question de savoir si l’appelante s’est fait dire, à un moment donné, qu’elle n’était plus autorisée à utiliser sa carte pour amasser des points.

[33] L’employeur déclare en effet qu’en de nombreuses occasions, l’appelante s’est fait dire qu’elle ne pouvait pas utiliser sa carte de l’AMA pour amasser des points de récompense. Toutefois, la preuve de l’employeur sur ce point est mince et peu convaincante. À la lumière des conclusions des paragraphes 29 et 30 qui précèdent, le Tribunal accorde peu de valeur probante aux déclarations de l’administratrice de la paie selon lesquelles les employés ont été informés au début du programme qu’ils n’étaient pas autorisés à se servir du programme de l’AMA pour leur usage personnel (GD3-18). L’administratrice de la paie a également déclaré que le personnel avait été informé de cette interdiction lors des réunions du personnel (GD3-38), mais que les comptes-rendus de ces réunions ne renferment pas de renseignements à cet effet (GD6-7 à GD6-10). Compte tenu de la gravité des conséquences éventuelles pour l’appelante de l’utilisation de sa carte (congédiement immédiat), il semble peu probable que cette règle n’ait pas été incluse dans les comptes-rendus diffusés aux caissiers et caissières. Il semble tout aussi improbable que cette règle ait été exclue du feuillet sur les problèmes opérationnels quotidiens remis aux caissiers et aux caissières (GD6-11), qui comporte une rubrique sur les transactions de l’AMA et sur les directives afférentes, mais ne dit mot de l’interdiction faite aux caissiers et aux caissières d’utiliser leur propre carte.

[34] L’administratrice de la paie a aussi déclaré que le feuillet d’instructions collé à chaque caisse enregistreuse indique que les caissiers et les caissières n’étaient pas autorisés à utiliser leurs cartes, mais que la copie du feuillet qu’elle a fourni à la Commission (GD3-22) est passablement différente des copies obtenues par l’appelante directement aux caisses enregistreuses de l’Italian Centre (GD6-4 et GD6-5). L’étude des deux versions permet de conclure que le document fourni par l’administratrice de la paie est une version modifiée de l’une de celles que l’appelante avait obtenue aux caisses enregistreuses du magasin, car elle renferme une puce additionnelle sur la règle interdisent aux caissiers et aux caissières d’utiliser leurs cartes, tandis que les versions du magasin ne laissent pas de place à cette puce additionnelle, car le texte passe directement à la phrase suivante sur les clients détaillants ou les clients ayant un compte à facturer qui ne sont pas compris.

[35] Le Tribunal constate que le témoignage de l’appelante sur ce point n’est pas non plus cohérent. En effet, il est mentionné dans sa demande de prestations d’assurance-emploi (GD3-7 à GD3-8) et dans les documents déposés avec sa demande de réexamen (GD3-29 à GD3-36) qu’elle s’est fait dire qu’elle pouvait utiliser sa carte au cours d’une « période d’essai » et qu’il lui a été mentionné plusieurs semaines plus tard qu’elle ne pouvait plus amasser de points; et qu’il importait de faire augmenter les ventes, en contravention de la politique interdisent l’utilisation de sa carte. L’appelante a déclaré à la Commission que sa superviseure s’est adressée à elle à la fin de 2014 pour l’informer qu’elle ne pouvait plus utiliser sa carte de l’AMA pour son usage personnel, mais elle a continué à le faire en raison des pressions exercées pour augmenter les pourcentages de ventes de l’AMA (GD3-19).

[36] Toutefois, dans son témoignage à l’audience, l’appelante a répété exactement ce que M. E. lui a dit à la fin de 2014, soit :

[Traduction]

« Je crois qu’E. K. (le chef du service des finances) n’aime pas vraiment que nous utilisions nos cartes de l’AMA. »

L’appelante a témoigné que M. E. l’a dit sous forme de blague et a donné l’impression que ce n’était que l’avis d’E. K., et non une véritable règle. D’après l’appelante, M. E. ne lui a jamais dit qu’elle n’était pas autorisée à utiliser sa carte de l’AMA. Toutefois, la nouveauté s’était émoussée et à ce moment-là, l’appelante utilisait seulement sa carte lorsqu’un client faisait un gros achat. De fait, l’appelante a accumulé moins de points entre novembre 2014 et juillet 2015 qu’au cours des 11 premiers jours du programme. L’appelante a également souligné qu’E. K., le chef du service des finances, n’était pas au courant que des employés utilisaient leurs cartes jusqu’à ce qu’il en soit avisé par l’AMA, et c’est alors que l’appelante a été congédiée sur-le-champ. Le Tribunal accepte le témoignage de l’appelante selon lequel le chef du service des finances ignorait tout de l’utilisation des cartes par les employés jusqu’en juillet 2015 et constate qu’il serait par conséquent peu vraisemblable qu’il ait été mécontent de l’utilisation des cartes ou qu’il ait dit à qui que ce soit de cesser d’utiliser leurs cartes à la fin de 2014, ce qui vient appuyer l’affirmation de l’appelante selon laquelle M. E. tentait seulement de camoufler ses pistes.

[37] Il est troublant que l’appelante a déclaré qu’elle a continué à utiliser sa carte de l’AMA pour amasser des points après s’être fait dire qu’elle ne pouvait plus le faire (GD3-39), et qu’elle a écrit dans son avis d’appel (à GD2-4) que M. E. a dit [traduction] « E. K. (le chef du service des finances) ne veut plus que nous utilisions nos cartes », ce qui est plus définitif que la déclaration contenue dans son témoignage. Toutefois, le Tribunal accepte le témoignage de l’appelante selon lequel elle n’a jamais compris que la déclaration de M. E. sur les commentaires d’E. K. (peu importe la façon dont ils lui ont été présentés) constituait une interdiction rigoureuse et définitive aux caissiers et aux caissières d’utiliser leurs cartes pour amasser des points. Comme l’appelante a livré un témoignage détaillé et digne de foi selon lequel M. E. savait que l’appelante avait continué à utiliser à l’occasion sa carte lors de gros achats pour faire augmenter les pourcentages de ventes, il semble très peu probable que si M. E. avait effectivement dit à l’appelante qu’elle ne pouvait plus utiliser sa carte, M. E. n’aurait rien fait pour mettre fin aux gestes de l’appelante ou au moins pour les signaler. L’appelante a plutôt continué de la même façon pendant des mois, jusqu’à ce que l’AMA alerte l’employeur en juillet 2015. De fait, l’utilisation sporadique par l’appelante de sa carte lors de gros achats correspond bien davantage au fait que le chef du service des finances n’aime pas l’utilisation de la carte qu’au fait qu’elle se soit fait dire que ladite utilisation était effectivement interdite.

[38] Pour ces motifs, le Tribunal préfère le témoignage de l’appelante à l’audience et conclut que l’appelante ne s’est jamais fait dire de façon définitive qu’elle ne pouvait plus utiliser sa carte de l’AMA pour amasser des points sur les achats de clients.

[39] Le Tribunal a ensuite pris en compte l’allégation selon laquelle l’appelante a enfreint la politique de l’employeur sur le programme de récompenses de l’AMA.

[40] Le Tribunal accorde beaucoup de valeur probante à la déclaration de la propriétaire de l’Italian Centre qui estime que l’employeur a mal communiqué le programme de l’AMA au personnel (GD3-41). De fait, il existe très peu de preuve d’une politique claire sur le programme de récompense de l’AMA, à plus forte raison de la collecte de points de récompense de l’AMA par les employés pour leur usage personnel. Quand elle a été interrogée au sujet de la politique de l’employeur, l’administratrice de la paie a fait des déclarations générales (à GD3-19) comme :

[Traduction]

Les employés ont été informés lors d’une réunion qu’ils ne sont pas autorisés à utiliser le programme pour leur usage personnel.

La propriétaire de la compagnie, T. S., et E. K., chef des services financiers, ont été informés par le représentant de l’AMA que le programme ne peut être utilisé par les employés.

Lorsqu’elle s’est fait demander si les employés savaient que la violation de la politique de la compagnie sur le programme de l’AMA entraînerait un congédiement ou une perte d’emploi, elle a répondu :

[Traduction]

Les employés ont été informés que l’utilisation de leur carte personnelle de l’AMA équivalait essentiellement à voler la compagnie.

Quand elle s’est fait demander si un document écrit prévoit que les employés ne sont pas censés utiliser le programme de l’AMA pour leur usage personnel, elle a répondu :

[Traduction]

Il existe un énoncé écrit sur le programme de l’AMA juxtapose à chaque caisse enregistreuse.

[41] L’administratrice de la paie a fourni à la Commission une copie de l’énoncé qu’elle a mentionné (à GD3-21), mais pour les motifs indiqués au paragraphe 34 qui précède, le Tribunal accorde peu de valeur probante à ce document.

[42] Par ailleurs, l’appelante s’est montrée cohérente dans ses déclarations à la Commission selon lesquelles l’employeur n’avait pas de politique officielle interdisent aux caissiers et aux caissières d’utiliser leurs cartes de l’AMA pour amasser des points.

Quand l’appelante s’est fait demander s’il existait une politique écrite sur le programme de l’AMA, elle a répondu NON. (GD3-19).

Quand elle s’est fait demander si elle avait été informée des conséquences de l’utilisation de sa carte pour amasser des points, elle a répondu :

[Traduction]

Elle n’a pas été informée des conséquences. Elle ignorait que la compagnie payait les points de l’AMA jusqu’à ce qu’elle soit congédiée. (GD3-19)

Quand elle s’est fait demander si elle avait reçu des avertissements au sujet de l’utilisation des cartes personnelles, elle a répondu NON. (GD3-19).

[43] Le Tribunal constate que les déclarations de l’appelante sont étayées par les documents qu’elle a fournis à GD6, dont les compte-rendus de réunions du personnel et d’autres renseignements sur le suivi des achats AMA, ainsi que son témoignage à l’audience.

[44] Le Tribunal accorde également une valeur probante à la déclaration suivante de l’appelante dans son courriel envoyé à la propriétaire de l’Italian Centre le 2 octobre 2015 :

[Traduction]

« Nous n’avons jamais eu de séance d’orientation sur la façon dont l’AMA travaillait ou sur les règles et les restrictions existantes. Ni même sur les conséquences éventuelles de la violation de ces règles. Nous n’avons pas été informés des lignes directrices auxquelles nous devions nous conformer ou de ce qui était autorisé ou non. Nous comptions sur notre superviseure pour nous donner ces renseignements. » (GD3-35).

[45] L’employeur n’a pas produit de preuves crédibles d’une politique écrite interdisant à l’appelante d’utiliser sa carte. Il est donc beaucoup plus logique que les caissiers et les caissières aient reçu une formation sur le programme de l’AMA de la part de leur superviseure, M. E., et qu’ils bénéficient de ses directives. Le Tribunal conclut qu’il n’y a pas assez de preuves pour appuyer les observations de la Commission selon lesquelles au début de 2015, l’employeur a clarifié la politique interdisent l’utilisation des cartes des employés au moyen d’avis, de réunions et de directives. Le Tribunal privilégie la preuve de l’appelante et conclut que l’employeur ne disposait pas d’une politique interdisant aux employés d’amasser des points de l’AMA pour leur usage personnel ayant déjà été communiquée à l’appelante. Le Tribunal conclut par conséquent que si une telle politique existait, l’appelante ne l’a pas enfreinte sciemment.

[46] Pour les motifs énoncés aux paragraphes 29 à 45 qui précèdent, le Tribunal conclut que l’appelante ne s’est pas livrée au comportement qui, au dire de l’employeur, a mené à son congédiement.

La conduite constitue-t-elle une « inconduite » au sens de la Loi?

[47] La Cour d’appel fédérale a statué que le Tribunal n’a pas à déterminer si le congédiement effectué par l’employeur était justifié ou si la sanction était appropriée (Caul 2006 CAF 251), mais plutôt à déterminer si la conduite de l’employé a constitué une inconduite au sens de la Loi (Marion 2002 CAF 185).

[48] La Cour d’appel fédérale a statué qu’une conclusion à l’inconduite, avec les graves conséquences que cela entraîne, ne peut être tirée qu’à la lumière d’une preuve claire et pas simplement sur la base de spéculations ou de suppositions, et qu’il appartient à la Commission de prouver la présence de cette preuve sans égard à l’opinion de l’employeur : Crichlow A-562-97; et que l’opinion ou l’appréciation subjective qu’un employeur se fait du type d’inconduite justifiant un congédiement ne satisfait pas au fardeau de la preuve (Fakhari A-732-95).

[49] Ayant conclu que l’appelante ne s’était pas livrée à la conduite dont l’employeur allègue qu’elle a entraîné son congédiement, le tribunal n’est pas non plus convaincu que le comportement de l’appelante ait constitué de l’« inconduite » au sens de la Loi. À l’issue d’une évaluation objective de tous les éléments de preuve déposés et des témoignages livrés à l’audience, le Tribunal estime que rien ne permet de conclure que le comportement délibéré ou imprudent de l’appelante ait été tel qu’elle savait ou aurait dû savoir que son comportement se caractérisant par l’utilisation de sa carte AMA pour amasser des points de récompense pouvait entraîner son congédiement. Le témoignage de l’appelante selon lequel elle agissait avec l’autorisation de sa superviseure est cohérent et crédible et, comme elle agissait avec cette autorisation, la dimension « délibérée » qui est requise pour que l’on conclut que son comportement constituait de l’« inconduite » au sens de la Loi n’est pas là. Il n’est pas davantage possible de conclure que l’appelante savait ou aurait dû savoir qu’elle pouvait être congédiée pour avoir fait quelque chose que sa superviseure l’avait autorisée à faire.

[50] Dans son analyse, le Tribunal obtient le soutien de la Cour d’appel fédérale dans sa décision Procureur général du Canada c. Phillipe Gagne et al 2010 CAF 237, décision dans laquelle la cour a statué que l’on ne conclura pas à l’inconduite si les prestataires n’étaient pas en mesure de soupçonner que leur comportement mettrait en péril leur emploi, si leur comportement a été toléré par la direction, et si les gestes en question ont été « posés à la vue et la connaissance de contremaîtres sans jamais qu’il y ait sanction, du moins à la connaissance des prestataires visés. » Tel qu’il a déjà été mentionné dans le détail précédemment, la preuve dans le dossier de l’appelante, prise dans son intégralité, fait en sorte que sa conduite s’inscrit dans les circonstances de l’affaire Gagne, précitée.

[51] Pour ces motifs, le Tribunal conclut que la preuve sur laquelle la Commission s’est basée dans cet appel n’est pas suffisante pour prouver qu’il y a eu inconduite. Le Tribunal conclut qu’il subsiste un doute quant à l’inconduite alléguée de l’appelante et, par conséquent, selon les décisions de la Cour d’appel fédérale dans Joseph c. C.E.I.C. A-636-85 et M.E.I. c. Bartone A-369-88, la Commission n’a pas prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Conclusion

[52] Le Tribunal conclut que la Commission n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante a perdu son emploi à l’Italian Centre en raison de sa propre inconduite. Le Tribunal conclut donc que l’appelante n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour une durée indéterminée en vertu de l’article 30 de la Loi.

[53] L’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.