Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli, la décision de la division générale portant sur la question de la défalcation est annulée et l’appel de l’intimé devant la division générale est rejeté.

Introduction

[2] Le 27 août 2014, la division générale du Tribunal a conclu que l'appelante n'avait pas exercé sa compétence d'une manière judiciaire lorsqu'elle a décidé de ne pas défalquer, en entier ou en partie, une somme due par l'intimé à la suite d’un versement excédentaire.

[3] L’appelante a demandé la permission d’en appeler à la division d’appel le 10 septembre 2014. La permission d’en appeler lui a été accordée le 26 mars 2015.

Mode d’audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience par téléphone pour les raisons suivantes :

  • La complexité de la question en litige portée en appel;
  • Le fait que l’on ne prévoit pas que la crédibilité des parties figure au nombre des questions principales;
  • Les renseignements figurant au dossier et le besoin de renseignements supplémentaires;
  • Le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[5] L’appelante était représentée à l’audience par Mathieu Joncas. L'intimé était présent à l'audience.

Questions en litige

[6] La division générale avait-elle la compétence nécessaire pour trancher la question de la défalcation du versement excédentaire?

Droit applicable

[7] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit que les seuls moyens d’appel se limitent aux suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Arguments

[8] L’appelante a fait valoir les arguments suivants à l’appui de son appel :

  • Il n'y a que l'appelante qui a la compétence pour rendre une décision en ce qui a trait à la défalcation de la dette de l'intimé;
  • La division générale n'a pas la compétence requise pour rendre une décision au sujet de la défalcation de la dette de l'intimé;
  • Aucune décision ne fut rendue par l'appelante en ce qui a trait à la demande de défalcation de l'intimé en raison de difficultés financières, selon l'alinéa 56(1)f) du Règlement sur l'assurance-emploi (Règlement);
  • La division générale a erré lorsqu'elle a pris en charge les pouvoirs de défalcation conférés exclusivement et uniquement à l'appelante.

[9] L’intimé soumet les arguments suivants à l’encontre de l’appel :

  • Il demande respectueusement à ce que le Tribunal communique avec l'appelante afin d'obtenir par le biais d'une entente, la défalcation complète de sa dette, à l'aide de la compétence de l'appelante qui lui est conféré en vertu de l'alinéa 56(1)f) du Règlement;
  • Il ne comprend pas pourquoi il est impliqué dans cet appel et pourquoi la décision de la division générale n'est pas mise en application par l'appelante;
  • Il ne croît pas que l'affaire Steel c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 153 a élucidé la question de compétence pour défalquer une dette.

Norme de contrôle

[10] L'appelante soumet que, en se fondant sur une analyse de norme de contrôle modifiée ainsi que sur de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada et de la Cour d'appel fédérale, la division générale ne devrait pas appliquer la norme de la décision correcte à des questions de droit et la norme de la décision raisonnable à des questions mixtes de fait et de droit – Chaulk c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 190.

[11] L’intimé n’a pas fait de représentation concernant la norme de contrôle applicable.

[12] Le Tribunal constate que la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242, indique au paragraphe 19 de sa décision que lorsque la division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, la division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure.

[13] La Cour d’appel fédérale indique également que non seulement la division d’appel a autant d’expertise que la division générale du Tribunal de la sécurité sociale et n’est donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale.

[14] La Cour d'appel fédérale a conclu que lorsque la division d'appel entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi.

[15] Le mandat de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale décrit dans l’affaire Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274.

[16] En me fondant sur les directives susmentionnées, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

Analyse

Les faits

[17] Dans sa demande de prestations régulières en vigueur le 1er juillet 2012, l'intimé a indiqué qu'il était employé jusqu'au 28 juin 2012. Le relevé d'emploi fourni par son employeur et daté du 1er juillet 2012, indique « le manque de travail » comme motif pour la cessation d'emploi. Le 10 août 2012, l'employeur a produit un relevé d'emploi modifié indiquant la rupture définitive de tout lien entre l'employé et l'employeur, ainsi que le paiement de la paie de vacances au montant de 1 089,22 $ et une indemnité de préavis de 1 461,54 $. Le 11 septembre 2012, l'appelante a informé l'intimé que les sommes de séparation étaient considérées comme un revenu devant être réparti et qu'il recevrait un avis de dette. Le 15 septembre 2012, l'appelante a communiqué à l'intimé un avis de dette d’une somme de 1 197,00 $.

Décision de la division générale

[18] La Division générale a conclu qu'elle avait la compétence pour défalquer une partie du versement excédentaire et que l'intimé avait les moyens de rembourser une somme de 436,80 $ sans subir de préjudice abusif. La division générale a donc défalqué 40 % de la somme due.

Est-ce que la division générale avait la compétence pour déterminer la question de la défalcation du versement excédentaire?

[19] L'appelante soutient que la division générale a excédé sa compétence en rendant une décision sur la question de la défalcation. L'appelante déclare que la division générale s'est faussement fondée sur les motifs concourants du juge Stratas dans l'arrêt Steel de la CAF, afin de se donner la compétence puisque l'opinion concourante du juge Stratas ne fait pas partie du jugement Steel, et contrairement à la jurisprudence constante portant sur la question de défalcation, elle ne fait pas figure d'autorité dans cette affaire.

[20] L'intimé fait valoir qu'il devrait en revenir au Tribunal et à l'appelante de régler cette question entre eux et de défalquer sa dette en entier. Il déclare toutefois que l'affaire Steel n'a pas réglé de question de compétence en ce qui a trait à la question de la défalcation.

[21] Dans l’affaire Steel, le prestataire était tenu de rembourser un versement excédentaire de prestations et il a soutenu avoir demandé à la Commission de défalquer cette dette en vertu du paragraphe 56(1) du Règlement en raison d’un « préjudice abusif ». La majorité de la Cour d'appel fédérale, sans décider de la question de compétence, a conclu ce qui suit :

« En l’absence d’une décision, le conseil et le juge-arbitre n’avaient aucune raison de trancher les questions que M. Steel souhaite soulever en ce qui concerne la défalcation de sa dette. Il n’est pas une « [personne] qui fait l’objet d’une décision de la Commission » qui peut interjeter appel de la décision devant le conseil. Il n’y a pas non plus de décision qui pourrait faire l’objet d’un contrôle judiciaire par la Cour fédérale. La question que M. Steel souhaite soulever ne se pose tout simplement pas dans le présent dossier. L’affaire ne soulève aucune question justiciable. »

[22] Malgré l'avis de la majorité, le juge Stratas s’est dit d’avis que la question de compétence ne pouvait être évitée et que la Cour avait le devoir au préalable de se prononcer sur cette question. Il mentionne ce qui suit :

« [54] Dans la présente affaire, M. Steel est tenu de rembourser un versement excédentaire de prestations. Il soutient qu’il a demandé à la Commission de défalquer cette dette en vertu du paragraphe 56(1) du Règlement sur l’assurance- emploi, DORS/96-332 en raison d’un « préjudice abusif ». M. Steel prétend que la Commission a rejeté sa demande de défalcation.

[55] Par conséquent, M. Steel a interjeté appel au conseil arbitral, puis au juge-arbitre en vertu des paragraphes 114(1) et de l’article 115 de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23. Ces dispositions, reproduites en annexe des motifs de ma collègue, permettent à « quiconque » (en anglais, claimant ou other person) d’interjeter appel devant le conseil arbitral ou le juge-arbitre. Une demande de contrôle judiciaire peut ensuite être présentée à la Cour en vertu de l’article 118 de la Loi.

[56] Selon la jurisprudence de notre Cour, M. Steel n’est pas un « prestataire » : Cornish-Hardy c. Canada (Conseil arbitral), [1979] 2 C.F. 437 (C.A.); conf. par 1980 CanLII 187 (CSC), [1980] 1 R.C.S. 1218 et Canada (Procureur général) c. Filiatrault (1998), 235 N.R. 274 (C.A.F.).

[57] Par conséquent, la question de la compétence se résume à savoir si M. Steel est une « autre personne » en vertu du paragraphe 114(1) et de l’article 115 de la Loi. Si M. Steel est une « autre personne », il peut alors interjeter appel devant le conseil arbitral et le juge‑arbitre, et il peut ensuite soumettre à la Cour une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 118 de la Loi. Si M. Steel n’est pas une « autre personne », il ne pourra alors procéder que par voie de de contrôle judiciaire du refus de la Commission devant la Cour fédérale en vertu des articles 18 et 18.1 de la Loi sur les cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7.

[58] Depuis déjà quelque temps, la Cour estime que les personnes lésées par des décisions en matière de défalcation rendues par la Commission doivent agir par voie de demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale : Cornish-Hardy et Filiatrault, précités. Il ne leur est pas possible d’emprunter la voie de l’appel et du contrôle judiciaire devant le conseil arbitral, le juge-arbitre, puis la Cour.

[59] Cependant, les arrêts Cornish-Hardy et Filiatrault ont été rendus sur le fondement de dispositions législatives différentes : avant la réforme législative de 1996, ces dispositions étaient le paragraphe 79(1) et l’article 80 de la Loi sur l’assurance-chômage, L.R.C. 1985, ch. U-1. Elles étaient plus limitées que ne le sont le paragraphe 114(1) et l’article 115 de la Loi actuelle. Le paragraphe 79(1) ne permettait qu’à un « prestataire » ou à « un employeur du prestataire » d’interjeter appel d’une décision de la Commission devant le conseil arbitral. L’article 80 permettait à « la Commission, un prestataire, un employeur ou une association dont le prestataire ou l’employeur est membre » d’interjeter appel d’une décision du conseil arbitral devant un juge-arbitre. Ni l’une ni l’autre disposition ne permettait à une « autre personne » d’interjeter appel.

[60] Bien que le paragraphe 114(1) et l’article 115 de la Loi actuelle aient une portée plus large en ce qu’ils permettent à « quiconque » (une autre personne) d’interjeter appel, la Cour a continué de suivre la position adoptée dans les arrêts Cornish-Hardy et Filiatrault : Buffone c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2001 CanLII 22143 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. Mosher, 2002 CAF 355; Canada (Procureur général) c. Villeneuve, 2005 CAF 440.

[61] Dans les arrêts Buffone, Mosher et Villeneuve, la Cour a considéré que la question de la compétence était réglée. Les motifs de chacune de ces décisions laissent entendre que la Cour n’avait reçu aucune observation sur les dispositions législatives applicables. Dans chaque cas, c’est un prestataire non représenté par avocat qui s’est présenté devant la Cour.

[…]

[74] Je suis d’avis que la décision du législateur d’ajouter les mots « quiconque » (en anglais other person) au paragraphe 114(1) et à l’article 115 de la Loi actuelle avait pour but de permettre à des personnes comme M. Steel d’interjeter appel de décisions relatives à des demandes de défalcation devant le conseil arbitral et le juge-arbitre, et ensuite de saisir la Cour. Sinon, il serait très difficile de déterminer ce que le législateur avait à l’esprit lorsqu’il a ajouté ces mots.

[75] À mon avis, il serait possible de vérifier la validité de cette interprétation en examinant l’intention générale du législateur qui sous-tend le régime administratif, comme le démontrent les dispositions législatives particulières qu’il a adoptées : Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, 002] 2 R.C.S. 559; Chrysler Canada Ltd. c. Canada (Tribunal de la concurrence), 2 R.C.S. 394. Ce régime administratif vise à détourner les questions relatives à l’assurance-emploi du système judiciaire pour les diriger vers les mécanismes d’arbitrage plus informels, plus spécialisés et plus efficaces mis en place par le législateur. L’interprétation que je donne du terme « quiconque » est compatible avec cet objectif et favorise sa réalisation.

[76] Une interprétation contraire signifierait que la défalcation d’une obligation de rembourser un versement excédentaire de prestations, question liée à l’admissibilité à des prestations d’assurance-emploi, serait détournée de ce régime informel, spécialisé et efficace et dirigée vers un système judiciaire plus lent, plus formel et plus exigeant sur le plan des ressources. Cette interprétation n’a aucun sens. Seul le plus clair des textes de loi, non-présent en l’espèce, pourrait nous conduire à un tel résultat.

[77] Les énoncés des arrêts Buffone, Mosher et Villeneuve qui proposent une réponse différente à la question de la compétence en l’espèce sont au mieux considérés comme ne reflétant pas l’opinion réfléchie des tribunaux qui ont tranché ces affaires. En outre, dans la mesure où les arrêts Cornish-Hardy et Filiatrault empêchent des personnes comme M. Steel d’interjeter appel au conseil arbitral et au juge-arbitre en vertu du paragraphe 114(1) et de l’article 115 de la Loi, ils ne devraient plus être appliqués. Ces décisions reposent sur l’ancienne Loi qui, contrairement à la Loi actuelle, ne permet pas à une « autre personne » d’interjeter appel.

[78] Par conséquent, j’estime que M. Steel était une « autre personne » en vertu du paragraphe 114(1) et de l’article 115 et pouvait interjeter appel devant le conseil arbitral et le juge-arbitre et, qu’en vertu de l’article 118, il pouvait déposer une demande de contrôle judiciaire à la Cour. La Cour a donc compétence. »

[23] La Cour fédérale a récemment eu l’occasion de se pencher sur la question de compétence en matière de défalcation dans l’affaire récente Bernatchez c. Canada (Procureur général), 2013 CF 111. La Cour mentionne ce qui suit :

« [23] Avant d’examiner le bien-fondé de la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur, il convient de se pencher sur le forum approprié pour entendre le présent litige. Lors de l’audition, j’ai soulevé d’office cette question et j’ai invité les parties à faire des représentations à ce sujet, à la lumière des motifs concourants rédigés par le juge Stratas, de la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Steel c Canada (Procureur général), 2011 CAF 153 (CanLII), 2011 CAF 153, 418 NR 327. Dans cette affaire, le juge Stratas s’est dit d’avis que depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur l’assurance-emploi, LC 1996, c 23 [LAE], « quiconque », et non plus simplement un « prestataire », comme c’était le cas auparavant, peut interjeter appel d’une décision de la Commission devant le conseil arbitral puis devant le juge-arbitre (voir le para et l’article de la LAE). Il s’ensuivrait que, même dans les cas de défalcation, une décision de la Commission peut être portée en appel devant le conseil arbitral, le juge-arbitre et puis la Cour d’appel fédérale, conformément à l’article 118 de la LAE.

[24] Le demandeur n’a pas fait de représentations additionnelles à ce sujet. En revanche, le Procureur général a soutenu que la Cour fédérale est toujours le forum approprié pour entendre une demande de contrôle judiciaire relative à une décision de défalcation de la Commission, dans la mesure où les motifs du juge Stratas ne liaient pas cette Cour.

[25] Il est vrai que les motifs du juge Stratas ne représentent qu’un obiter dictum auquel la majorité n’a pas souscrit. Il est également exact de soutenir que la défalcation ne fait pas partie de l’expertise du conseil arbitral puisque c’est en qualité de débiteur et non de prestataire qu’une personne fait une telle demande. Cela étant dit, le raisonnement du juge Stratas me paraît inattaquable. La jurisprudence antérieure reposait sur le fait que l’article 79 de la Loi sur l’assurance-chômage, LRC 1985, c U-1, ne conférait un droit d’appel qu’au prestataire, ce qui excluait la personne qui demandait une remise de dette, puisqu’elle agissait alors non pas en tant que prestataire mais plutôt en tant que débitrice. Or, le Parlement a modifié cette disposition en 1996 en introduisant le paragraphe 114(1) de la LAE, lequel prévoit que « quiconque fait l’objet d’une décision de la Commission » peut interjeter appel de cette décision devant le conseil arbitral et le juge-arbitre. Je serais donc porté à me ranger à cet argument et à rejeter la demande de contrôle judiciaire du demandeur pour ce seul motif. Deux raisons m’incitent cependant à examiner sa demande au fond.

[26] Tout d’abord, le défendeur a raison de soutenir que les propos du juge Stratas dans l’arrêt Steel ne lient pas formellement cette Cour tant et aussi longtemps que la Cour d’appel n’aura pas fait sienne l’opinion exprimée par le juge Stratas et n’aura pas explicitement écarté les nombreuses décisions qu’elle a rendues (avant et après la modification législative adoptée en 1996) à l’effet qu’une décision de la Commission refusant la défalcation d’une somme ne peut faire l’objet d’un appel au conseil arbitral : voir notamment Cornish-Hardy c Canada (Conseil arbitral) (1979), [1979] 2 CF 437 (disponible sur QL) (CA), conf par 1980 CanLII 187 (CSC), [1980] 1 RCS 1218; Canada (Procureur général) c Idemudia, 236 NR 359 au para 1, 86 ACWS (3d) 253; Buffone c Canada (ministre du Développement des Ressources humaines), [2001] ACF no 38 au para 3 (QL); Canada (Procureur général) c Mosher, 2002 CAF 355 (CanLII) au para 2, 117 ACWS (3d) 650; Canada (Procureur général) c Villeneuve, 2005 CAF 440 (CanLII) au para 16, 352 NR 60. »

[24] La division générale a adopté de façon compréhensible, les opinions et motifs du juge Stratas lorsqu'elle a rendu sa décision reliée à la présente affaire. Cependant, les motifs du juge Stratas ne représentent qu’un obiter dictum auquel la majorité de la Cour d’appel fédérale n’a pas souscrit. La division générale ne pouvait tout simplement pas ignorer les nombreuses autres décisions de la Cour d'appel fédérale rendues avant et après la modification législative adoptée en 1996 voulant qu'après une décision de la Commission refusant la défalcation d'une somme, un prestataire doit procéder au moyen d'une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale.

[25] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal n'a d'autre choix que d'intervenir et d'infirmer la décision de la division générale sur la question de défalcation.

[26] Pour conclure, il est intéressant de noter que le nouvel article 112.1 de la Loi sur l'assurance-emploi ne permet pas à un prestataire de présenter une demande de révision d'une décision concernant une défalcation à la Commission, et, par le fait même, d'interjeter appel auprès de la division générale. Avec ce changement législatif, il semble que le parlement fut satisfait de l'interprétation qu'il fût fait par les cours au cours des années sur la question de compétence.

Conclusion

[27] L’appel est accueilli, la décision de la division générale au sujet de la défalcation est infirmée et l’appel de l’intimé devant la division générale est rejeté.

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