Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] En date du 9 octobre 2015, la division générale du Tribunal a conclu que l’appelante avait quitté volontairement son emploi sans motif valable aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

[3] L’appelante a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 6 novembre 2015. Permission d’en appeler a été accordée le 25 novembre 2015.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a déterminé que l’audience de cet appel procéderait par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • l’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires;
  • la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] Lors de l’audience, l’appelante était présente et représentée par Alexis Roy. L’intimée était représentée par Manon Richardson.

La loi

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit décider si la division générale a erré en fait et en droit en concluant que l’appelante avait quitté volontairement son emploi sans justification aux termes des articles 29 et 30 de la Loi.

Arguments

[8] L’appelante soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • La division générale a conclu, dans son analyse de l'alinéa 29 (b.1) (i) de la Loi, que l’appelante a fait défaut d'accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire de celle-ci a eu lieu au moment où son emploi prenait fin;
  • La division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a omis de considérer qu'il devait y avoir une perte prévisible de son emploi réelle et légitime et que l'emploi offert devait être valide et légitime;
  • L'interprétation par la division générale des mots « emploi offert » et « perte prévisible de son emploi » a causé l'erreur de droit;
  • Pour conclure à une perte prévisible de son emploi, il faut qu'il y ait une réelle perte d'emploi qui soit valide et légitime. S'il est prouvé qu'un employé perd illégitimement son emploi, il ne peut y avoir, de façon rétroactive, de perte prévisible d'emploi car il sera considéré avoir toujours été à l'emploi;
  • Pour conclure à une offre d'emploi admissible, il faut que l'offre d'emploi soit valide et légitime, c'est-à-dire que l'emploi existe et puisse être offert à celui qui désire l'accepter;
  • L'employeur ne pouvait faire perdre l'emploi de l'appelante en vertu de la convention collective car elle effectuait un remplacement et elle devait continuer d'effectuer son remplacement jusqu'au retour du titulaire du poste;
  • Or, dans les faits, l'employée en maladie était toujours en maladie et n'avait pas repris son poste. C'est une autre employée qui est venue prendre le poste de l'appelante, le tout en contravention du paragraphe 12.05 b) de la convention collective;
  • En vertu de la convention collective, l’appelante était justifiée de s'attendre à terminer son remplacement jusqu'au retour du titulaire du poste et personne ne pouvait venir la déloger. La perte d'emploi subie était donc illégitime;
  • Au surplus, les procédures de supplantation prévues à l'article 14 de la convention collective s'appliquent uniquement à des postes et non à des remplacements;
  • Depuis le début des évènements en octobre 2014, l’intimée a justifié le « départ volontaire » de l'appelante par le fait qu'elle aurait refusé l'offre d'un poste de 27.5/heures faite par l'employeur. Or, pour qu'une offre soit valide, il faut qu'elle soit légitime;
  • Un élément de preuve important a été présenté à la division générale, à savoir, une lettre du directeur du personnel de l'employeur (DERKO), M. Richard Alain, écrite le 18 août 2015 et de façon rétroactive aux évènements d'octobre et novembre 2014. II énonce clairement que, non seulement l'appelante n'aurait jamais dû perdre son emploi mais qu'en plus, l'emploi offert à l'appelante n'était pas valide et légitime;
  • La conclusion de fait erronée qui a été faite par la division générale a été de considérer dans la présente cause que seuls les faits connus par les parties (et non les faits réels) au moment des évènements devaient être considérés afin d'interpréter l'alinéa 29 (b.l) (i) de la Loi;
  • Pourtant, la division générale cite elle-même la décision Canada (PG) c. Lamonde, 2006 CAF 44, au paragraphe 38 de sa décision, dans lequel « la Cour indique que seuls les faits qui existaient au moment où le prestataire a quitté son emploi doivent être pris en considération ... »;
  • Que les faits réels d'une situation soient connus 1 jour, 1 mois ou 1 an plus tard ne change rien au fait qu'il faut considérer les faits présents au moment de l'évènement. Or, dans toute son analyse de la situation, la division générale base l'entièreté de sa décision sur les seuls faits connus par les parties et non sur les faits réels présents au moment de l'évènement;
  • Dans les faits réels, l'employeur a avoué le 17 août 2015 que l’appelante n'aurait jamais dû perdre son emploi et que l'emploi qui lui a été offert en octobre 2014 était illégitime en vertu de la convention collective.

[9] L’intimée soumet les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’appelante:

  • La division générale n’a pas erré ni en droit ni en fait et elle a correctement exercé sa compétence;
  • L’appelante était présente et a pu donner sa version des faits. La division générale a rendu une décision relevant de sa compétence et la décision n’est manifestement pas déraisonnable à la lumière des éléments pertinents de la preuve;
  • Pour savoir si un prestataire est fondé à quitter son emploi, il faut se demander si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait, selon la prépondérance des probabilités, la seule solution raisonnable dans son cas;
  • Le Tribunal n’est pas habilité à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui de la division générale. Les compétences du Tribunal sont limitées par le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.
  • À moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance et que cette décision est déraisonnable, le Tribunal doit rejeter l'appel.

Normes de contrôle

[10] L’appelante n’a fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable au présent dossier.

[11] L’intimée soumet que la norme de contrôle applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte et que la norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle de la décision raisonnable - Pathmanathan c. Bureau du juge- arbitre, 2015 CAF 50.

[12] Le Tribunal constate que la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (PG) c. Jean, 2015 CAF 242, mentionne au paragraphe 19 de sa décision que lorsque la division d’appel « agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale, la Division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure ».

[13] La Cour d’appel fédérale poursuit en soulignant que « non seulement la division d’appel a-t-elle autant d’expertise que la division générale du Tribunal de la sécurité sociale et qu’elle n’est donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus, un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale ».

[14] La Cour d’appel fédérale termine en soulignant que « lorsque la division d’appel entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l'Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi ».

[15] Le mandat de la division d’appel du Tribunal décrit dans l’arrêt Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder v. Canada (AG), 2015 FCA 274.

[16] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

Analyse

[17] Lorsqu’elle a rejeté l’appel de l’appelante, la division générale a conclu ce qui suit :

« [38] Dans Lamonde, la Cour indique que seuls les faits qui existaient au moment où le prestataire a quitté son emploi doivent être pris en considération lorsqu’il s’agit de déterminer si l’une des exceptions s’applique (Canada (Procureur général) c. Lamonde, 2006 CAF 44).

[39] Ainsi, ce n’est pas le fait que son employeur ait contrevenu à la convention collective en supplantant la prestataire dans son poste de remplacement ni le fait qu’il lui ait offert un poste qu’elle n’aurait éventuellement pas pu occuper qui ont menés au refus de la prestataire d’accepter le nouvel emploi puisque ces éléments lui étaient inconnus au moment de son refus.

[40] En regard de la Loi sur l’assurance-emploi, la prestataire doit démontrer qu’il s’agissait de la seule solution raisonnable.

[41] Ainsi, tel que mentionné à l’audience, la prestataire ne conteste pas avoir refusé le poste offert mais soutient qu’elle ne pouvait accepter un poste qui ne pouvait légitimement lui être offert pas son employeur.

[42] Or, tel que mentionné, la prestataire ne pouvait savoir, au moment de son refus, que le poste ne lui pouvait lui revenir. De plus, la prestataire a indiqué avoir refusé le poste, car elle ne voulait pas travailler les samedis. Le Tribunal est d’avis que le refus de la prestataire d’accepter le poste de 23.5 heures qui demandait à travailler le samedi est à l’origine de sa fin d’emploi et c’est la prestataire qui a créé sa situation de chômage en refusant ce poste. Ainsi, malgré le fait que la prestataire aurait pu se voir retirer cette offre de poste par son employeur, elle ne connaissait pas ces faits au moment de son refus. Elle aurait pu accepter d’occuper cet emploi et une nouvelle situation de chômage aurait pu être créée si l’employeur lui avait retiré l’offre d’occuper ce poste puisqu’il contrevenait à la convention collective. Néanmoins, le fait d’accepter ce poste aurait été une solution raisonnable au sens de la Loi sur l’assurance-emploi puisqu’elle ne pouvait se douter que ce poste ne pouvait lui revenir comme elle ignorait que l’employeur ne pouvait la retirer du poste qu’elle occupait précédemment.

[43] Ainsi, malgré le fait que l’employeur ait contrevenu à la convention collective en retirant la prestataire de son poste et en lui offrant un poste qu’elle n’aurait pu occuper, il ignorait que la prestataire refuserait ce nouveau poste au moment où il lui a offert et la prestataire ignorait qu’elle ne pouvait l’occuper.

[44] Par conséquent, en prenant en considération la preuve et les arguments présentés par les parties, le Tribunal est d’avis que, sur une balance des probabilités, le refus de la prestataire d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, qui est associé à un départ volontaire en vertu de l’alinéa 29 (b.1) (i) de la Loi, n’était pas la seule solution raisonnable. »

[18] L’appelante reproche vigoureusement à la division générale d’avoir considéré seulement les faits connus par les parties au moment des évènements du 27 octobre 2014 plutôt que les faits réels présents au moment des évènements. Elle soutient que les faits réels et ignorés par la division générale sont que l'employeur a avoué le 17 août 2015 que l’appelante n'aurait jamais dû perdre son emploi et que l'emploi qu'il lui avait été offert en octobre 2014 était illégitime en vertu de la convention collective.

[19] Le Tribunal est d’avis que les circonstances auxquelles réfère l’article 29 sont celles qui existaient au moment où l’appelante a refusé son emploi (Canada (PG) c. Furey, [1996] C.F. No. 971; Canada (PG) c. Lamonde, 2006 CAF 44.

[20] Ainsi, la division générale a déterminé à bon droit que l’appelante n’était pas justifié de fonder sa décision de quitter son emploi sur des événements connus postérieurement à la demande de prestations. Le fait que l’employeur ait admis son erreur plus tard est non pertinent pour déterminer si l’appelante avait une justification de quitter son emploi au moment où elle l’a fait.

[21] Il ressort clairement de la preuve devant la division générale que l’appelante a indiqué avoir refusé le poste car elle ne voulait pas travailler les samedis. La division générale n’a point erré en concluant que c’est le refus de l’appelante d’accepter le poste de 23.5 heures qui demandait à travailler le samedi qui est à l’origine de sa fin d’emploi et que c’est l’appelante qui a créé sa situation de chômage en refusant ce poste.

[22] Il est bien établi dans la jurisprudence qu’une personne qui refuse une offre d’emploi quand elle est en chômage ou sur le point de l’être, même si les conditions du poste offert ne correspondent pas à ce qu’elle aurait aimé obtenir, est considérée avoir quitté volontairement son emploi sans justification.

[23] Le Tribunal en vient à la conclusion que la décision de la division générale repose sur les éléments de preuve portés à sa connaissance et qu’il s’agit d’une décision conforme aux dispositions législatives et à la jurisprudence.

[24] Rien ne justifie l’intervention du Tribunal.

Conclusion

[25] L’appel est rejeté.

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