Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions en personne

T. D., l’appelant (le prestataire) ainsi que D. L. Construction, l’employeur, ont assisté à l’audience.

Introduction

[1] Le 18 octobre 2015, l’appelant a présenté une demande de renouvellement de prestations d’assurance-emploi (AE). Le 16 novembre 2015, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») a refusé à l’appelant le bénéfice des prestations au motif qu’il a volontairement quitté son emploi sans y être fondé (sans justification). Le 30 novembre 2015, l’appelant a déposé une demande de révision. Le 26 janvier 2016, la Commission a maintenu sa décision initiale et l’appelant a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal »).

[2] L’audience a été tenue par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. la complexité de la ou des questions faisant l’objet de l’appel;
  2. le fait qu’on ne prévoit pas que la crédibilité figure au nombre des questions principales;
  3. le fait que plus d’une partie assistera à l’audience;
  4. les renseignements au dossier, y compris le besoin de renseignements supplémentaires;
  5. le mode d’audience respecte l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale voulant que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que le permettent les circonstances, l’équité et la justice naturelle.

Question en litige

[3] Le Tribunal doit déterminer si l’appelant devrait être exclu du bénéfice des prestations pour une période d’une durée indéterminée au motif qu’il n’a pas prouvé qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

Droit applicable

[4] L’article 29 de la Loi se lit comme suit :

Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

[5] Le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit ceci :

  1. (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
  2. (a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  3. (b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[6] Le paragraphe 30(2) de la Loi stipule ceci :

2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

Preuve

[7] Dans sa demande de prestations, l’appelant a indiqué qu’il a quitté son emploi pour suivre une formation d’apprenti qu’il ne retournerait pas travailler pour son employeur (pièces GD3-5 et 6).

[8] Un relevé d’emploi indique que l’appelant a travaillé pour D. L. Construction du 30 mars au 23 octobre 2015 et qu’il a été congédié de son emploi (pièce GD3-14).

[9] Le 3 novembre 2015, la Commission a communiqué avec l’employeur, qui a déclaré que l’appelant a été congédié à la suite d’un important désaccord entre les deux au sujet de la date à laquelle l’appelant devait retourner à l’école. Il a déclaré que l’appelant aurait pu retourner à l’école en janvier ou avril 2016, mais pas maintenant, alors que c’était une période chargée pour l’entreprise (pièce GD3-15).

[10] Le 17 novembre 2015, l’appelant a déclaré à la Commission que, lorsqu’il s’est inscrit à l’école en juin, l’employeur savait qu’il retournerait en formation en octobre. Il a déclaré que l’employeur a changé d’avis une semaine avant, lui disant que c’était la période la plus achalandée de l’année et qu’il avait besoin de lui. L’appelant a déclaré qu’il aurait pu reprendre sa formation plus tard, mais que le coordonnateur du programme d’apprentissage lui avait dit qu’il ferait mieux de s’inscrire au programme le plus tôt possible. L’appelant a déclaré qu’il ne s’est pas fait dire par un agent d’aiguillage de quitter son emploi pour suivre la formation (pièce GD3-16).

[11] Le 18 novembre 2015, la Commission a avisé l’appelant qu’elle ne lui verserait pas de prestations au motif qu’il a volontairement quitté son emploi (pièces GD3-18 et 19).

[12] Le 30 novembre 2015, l’appelant a présenté une demande de révision dans laquelle il réitérait qu’il avait été congédié pour être retourné à l’école (pièces GD3-19 et 20).

[13] Le 21 janvier 2016, l’employeur a déclaré à la Commission que, en mai, l’appelant avait pris la matinée de congé pour aller s’inscrire à l’école. Il a déclaré avoir alors rappelé à l’appelant de ne pas s’inscrire à l’automne, car c’était une période occupée pour l’entreprise. Il a déclaré que l’appelant avait travaillé pour lui quatre ans et que, par le passé, l’appelant s’était toujours inscrit à l’école en janvier ou en avril. Il a déclaré que lorsque l’appelant est revenu, il lui a dit qu’il s’était inscrit pour octobre, et l’employeur lui a dit qu’il devrait probablement annuler cette inscription. L’employeur a déclaré que, lorsque le mois d’octobre est arrivé, il a dit à l’appelant de changer la date et que, s’il ne le faisait pas, il ne retrouverait pas un emploi chez lui à son retour, car la période était très achalandée. Il a déclaré que l’appelant a refusé de changer la date (pièce GD3-23).

[14] Le 21 janvier 2016, l’appelant a confirmé à la Commission que l’employeur lui a dit que, au moment où s’est inscrit à l’école, il espérait que la période d’activité de l’entreprise ne serait pas chargée en octobre, car il aurait alors besoin de ses services. L’appelant a déclaré qu’il voulait obtenir son certificat de compétence du Sceau rouge et qu’il voulait en finir avec cette formation. Il a confirmé qu’il aurait pu s’inscrire plus tard, mais que, selon lui, le plus tôt serait le mieux. Il a ajouté qu’il avait envoyé un courriel au coordonnateur du programme d’apprentissage deux semaines avant, mais que ce dernier lui a dit qu’il n’y avait pas de place disponible avant janvier ou avril. La Commission a demandé à l’appelant pourquoi, dans une précédente déclaration, il avait dit que ce n’était qu’une semaine avant la formation que son employeur lui a dit de changer sa date d’inscription. L’appelant a déclaré que l’employeur avait évoqué le changement de la date d’inscription avant cela, mais qu’il n’était pas revenu sur ce point, puis qu’il lui a dit qu’il fallait absolument qu’il change sa date d’inscription parce qu’il avait besoin de ses services. Il a déclaré que l’employeur a appelé et lui a dit qu’il y avait des places de libres en avril, alors que lorsque l’appelant a appelé, on lui a dit qu’il n’y en avait pas (pièces GD3-24 et 25).

[15] Dans un courriel daté du 30 juillet 2015 que l’appelant a envoyé au coordonnateur de l’apprentissage, il est indiqué que toutes les classes de niveau 4 sont pleines (pièce GD3-26).

[16] Le 26 janvier 2016, la Commission a questionné l’appelant au sujet du courriel (pièce GD3-26), étant donné que ce courriel est daté du 30 juillet 2015 et que l’appelant avait dit auparavant qu’il n’avait envoyé de courriel que deux semaines avant la date du début des classes, en octobre. L’appelant a confirmé que, en dehors de ce courriel, il n’avait pas essayé de contacter l’école (pièce GD3-27).

[17] Le 26 janvier 2016, la Commission a informé l’appelant qu’elle ne serait pas en mesure de lui verser des prestations du fait qu’elle avait déterminé qu’il a volontairement quitté son emploi sans y être fondé (pièce GD3-28 et 29)

[18] Le 23 février 2016, l’appelant a déposé un avis d’appel indiquant qu’il contestait la décision voulant qu’il ait volontairement quitté son emploi, mais que c’est plutôt son employeur qui l’avait congédié. Il a déclaré que l’employeur n’avait aucune bonne raison de le congédier du fait qu’il allait suivre une formation technique pour son emploi. Il a indiqué que le programme d’apprentissage exige de suivre les classes, que l’employeur était au courant de cela et qu’il l’acceptait. L’appelant a produit la documentation relative à son cours pour étayer son appel (pièces (GD2-1 à 7).

[19] Le 16 mai 2016, l’appelant a présenté des renseignements additionnels à l’appui de son appel. Les documents relatifs à l’apprentissage et à la formation indiquaient les responsabilités de l’employeur afférentes au contrat qui avait été signé en 2010 (pièces GD6-1 à 11).

Preuve à l’audience

[20] L’appelant a confirmé qu’il a fait une demande d’inscription à l’école au mois de mai pour suivre son cours de niveau 4 qui commençait le 26 octobre 2015 et qui prenait fin le 18 décembre 2015. Il a déclaré que lorsqu’il a informé son employeur de sa date d’inscription, celui-ci lui a dit que c’était bon, mais qu’il espérait que cela ne serait pas occupé au travail. L’appelant a déclaré que beaucoup de commandes arrivaient à l’entreprise, de sorte que son employeur lui a demandé de modifier sa date d’inscription à l’école. L’appelant a alors envoyé un courriel au coordonnateur du programme d’apprentissage, qui lui a dit qu’il lui serait impossible de changer la date parce que toutes les classes étaient pleines. La semaine précédant la date de début de son cours, l’appelant et son employeur ont eu une petite rencontre et ce dernier lui a demandé de changer la date. Lui et l’employeur ont été toute la semaine au téléphone pour essayer de changer la date, puis est arrivé vendredi, et l’employeur est venu lui dire que s’il faisait cela ce n’était pas la peine de revenir, si bien que l’appelant a conclu qu’il l’avait renvoyé. Par conséquent, du fait qu’il a été congédié, il devrait toucher des prestations d’AE. L’appelant a déclaré qu’il avait tout à fait l’intention de retourner travailler.

[21] L’employeur a déclaré que, au mois de mai, l’appelant lui a demandé de prendre la matinée de congé pour aller s’inscrire à son cours de niveau 4 et qu’il a alors dit à l’appelant de se souvenir qu’ils ont une période chargée à l’automne et que janvier serait un meilleur moment pour son inscription. L’employeur a déclaré qu’à son retour l’appelant lui a dit qu’il s’était inscrit pour octobre. L’employeur a dit qu’il a demandé à l’appelant, au mois de juillet, de changer sa date d’inscription, mais que l’appelant lui a répondu qu’il avait envoyé un courriel au coordonnateur, lequel lui a dit que les autres classes étaient pleines. L’employeur a déclaré qu’à l’approche du mois d’octobre, il avait beaucoup de travaux de commandés, si bien qu’il a demandé à nouveau à l’appelant de changer sa date d’inscription et que l’appelant lui a dit qu’il a appelé l’école mais qu’on lui a dit qu’il n’y avait toujours pas de place de libre pour janvier. L’employeur a déclaré qu’il a appelé le coordonnateur et discuté avec lui de la situation, et on lui a dit qu’il y avait 12 places disponibles en avril. L’employeur a dit avoir discuté de cela avec l’appelant, que ce dernier lui a dit que cela ne marcherait pas parce qu’il allait aider ses parents avec les semailles. L’employeur a alors trouvé que son entreprise arrivait en deuxième place aux yeux de l’appelant; or, il a besoin d’employés fiables sur qui il peut compter pour que ses affaires marchent. Il a déclaré avoir dit à l’appelant que s’il voulait suivre sa formation en avril ce serait parfait, mais que s’il le faisait au mois d’octobre, il lui faudrait se départir de ses services. Ils ont discuté de cela et l’appelant a plus ou moins convenu qu’ils se sépareraient et que si l’employeur avait besoin de lui il reviendrait comme travailleur occasionnel. L’employeur a déclaré qu’il a appelé Service Canada et qu’on lui a dit que, du fait que l’appelant ne retourne pas travailler pour lui, il devait mettre « congédié » sur le relevé d’emploi.

[22] L’appelant a confirmé au Tribunal qu’il avait suivi sa précédente formation en janvier ou mars et, lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait décidé de s’inscrire en octobre, il a déclaré qu’il pensait de reprendre sa formation en octobre, car c’était une situation différente. Il a déclaré, au sujet des dires de son employeur selon lesquels lorsqu’il s’inscrivait au mois de mai l’employeur ne lui a pas dit de ne pas s’inscrire à l’automne, il n’y avait pas d’entente définitive entre eux quant à la date à laquelle il retournerait aux études.

[23] L’appelant a déclaré que le courriel envoyé le 30 juillet au coordonnateur confirmait que les classes étaient pleines. Questionné par le Tribunal sur ce qu’il avait demandé, puisque le courriel indique uniquement une réponse, l’appelant a déclaré qu’il avait dû demander s’il y avait une possibilité qu’il puisse changer de classe.

[24] L’employeur dit avoir communiqué avec le coordonnateur la semaine d’avant, que le coordonnateur lui a dit que l’appelant pourrait s’inscrire en avril et qu’il en coûterait 200 $ pour changer la date d’inscription. L’employeur a déclaré que le coût ne lui posait pas de problème, mais qu’il en parlerait à l’appelant et qu’il prendrait une décision finale.

[25] Lorsque le Tribunal a demandé à l’appelant s’il préférerait aller à l’école plutôt que de demeurer employé, si on lui donnait le choix, l’appelant a déclaré que, selon lui, la meilleure chose serait d’aller à l’école. Il a déclaré que le coordonnateur lui a dit que s’il n’obtenait pas son prochain niveau le plus tôt possible, il lui faudrait peut-être attendre quatre ans, car il y avait beaucoup d’élèves de niveau 4. L’appelant a confirmé avoir eu cette conversation alors qu’il suivait sa formation de niveau 3.

[26] L’employeur a déclaré que l’appelant et lui ont mutuellement convenu d’une bonne date à laquelle l’appelant retournerait à l’école. Il a déclaré que dans le cas d’une petite entreprise comme la sienne, puisqu’il n’a que deux employés, c’est particulièrement important, car il perd la moitié de son personnel lorsqu’un employé retourne aux études. L’employeur a déclaré que le coordonnateur lui a dit que, si c’était lui l’employeur, il annulerait de lui-même la formation de l’appelant prévue pour octobre, inscrirait l’appelant à la session d’avril et lui dirait que c’est à cette date-là qu’il suivrait sa formation. L’employeur a déclaré qu’il ne voulait pas agir ainsi et qu’il donnerait le choix à l’appelant.

[27] L’appelant a confirmé qu’on lui a donné le choix de demeurer employé et d’aller à l’école en avril ou de s’inscrire en octobre en sachant qu’il n’aurait pas de travail à son retour des études. L’appelant a déclaré que, bien qu’il n’ait pas d’emploi auquel retourner, il a bel et bien démarré sa propre entreprise lorsqu’il a terminé l’école, de sorte qu’il devrait être admissible au bénéfice des prestations.

[28] L’appelant a déclaré que l’employeur lui a dit qu’il pourrait s’inscrire en avril, mais il a appelé les responsables du programme d’apprentissage, tout comme l’a fait sa mère, et on leur a dit à tous les deux qu’il n’y avait pas de places disponibles. Il a déclaré qu’il n’avait pas été en mesure de parler au coordonnateur lui-même. Le membre du Tribunal a demandé à l’appelant pourquoi il n’a pas essayé de communiquer par courriel avec le coordonnateur, comme il l’a fait auparavant, et il a répondu qu’il n’avait pas de raisons pour lesquelles il n’aurait pas pu faire cela.

[29] L’appelant a déclaré que les pages qu’il a envoyées sont très claires et qu’elles font état des responsabilités de l’employeur. Il a déclaré que le coordonnateur lui a dit que l’employeur doit le laisser s’inscrire à l’école et que l’employeur ne peut pas annuler son cours.

[30] L’employeur a dit n’avoir jamais découragé l’appelant d’aller à l’école à toute autre date, mais que cette fois-là, ils ont eu un profond désaccord à ce sujet.

Observations

[31] L’appelant a plaidé ceci :

  1. il a été congédié de son emploi et il devrait être admissible à des prestations d’assurance-emploi;
  2. son employeur avait l’obligation de lui permettre de suivre une formation.

[32] L’employeur a plaidé ceci :

  1. il a donné à l’appelant la possibilité de changer sa date d’inscription d’octobre à avril, mais l’appelant a refusé de faire cela;
  2. il faut qu’il y ait un commun accord entre l’employeur et l’employé au sujet des cours auxquels s’inscrit l’employé et, par le passé, l’appelant a suivi sa formation pendant les périodes moins achalandées; or, dans ce cas, l’entreprise était trop occupée pour lui permettre de retourner à l’école en octobre.

[33] L’intimée a plaidé ceci :

  1. La Cour d’appel fédérale, dans Easson (A-1598-92), a statué que, lorsque deux notions distinctes sont traitées ensemble dans une même disposition de la Loi ou du Règlement, on pourrait faire valoir que la question n’est pas de savoir laquelle est comprise dans l’une ou l’autre, mais bien de s’en tenir à l’objectif général de la disposition.
  2. En l’espèce, puisque le prestataire a pris la décision personnelle de suivre une formation d’apprenti à compter du 26 octobre 2015 plutôt que de la reporter à une date ultérieure, comme le lui demandait l’employeur, c’est ce qui a causé la cessation d’emploi. La Commission considère cela comme un départ volontaire puisque le prestataire s’est lui-même mis dans une situation de chômage sans avoir épuisé auparavant toutes les solutions de rechange raisonnables. Les tribunaux ont statué qu’en l’absence de préjudice les affaires de départ volontaire et d’inconduite peuvent être tranchées sur le fondement de l’un ou l’autre de ces moyens, puisque les deux notions sont visées par la même disposition législative et commandent la même décision.
  3. Le prestataire a volontairement quitté son emploi et n’était pas fondé à le faire le 23 octobre 2015 parce qu’il n’avait pas exploré toutes les solutions raisonnables avant de quitter son emploi.
  4. Une solution raisonnable dans son cas aurait été d’annuler son inscription d’octobre 2015 au programme d’apprentissage et de se réinscrire à une autre session, pour tenir compte du calendrier de l’employeur, ou encore aurait-il pu obtenir une approbation pour quitter son emploi et suivre la formation d’apprenti. Il est considéré que le prestataire avait le choix, en mai 2015, de s’inscrire à la session d’octobre 2015 ou à celle de janvier 2016, mais qu’il a choisi la classe d’octobre pour en finir avec le cours qui déboucherait sur l’obtention de son Sceau rouge, dans l’espoir que l’employeur ne serait pas occupé; mais il s’est avéré que la période a été achalandée pour l’employeur, que l’employeur avait besoin qu’il continue de travailler, qu’il lui a demandé de modifier sa date d’inscription, mais que le prestataire ne l’a pas fait et qu’il a décidé de retourner quand même à l’école.
  5. Le prestataire n’a pas prouvé qu’il était fondé à quitter son emploi au sens de la Loi.

Analyse

[34] Le Tribunal doit déterminer si l’appelant devrait être exclu du bénéfice des prestations en application des articles 29 et 30 de la Loi au motif qu’il a volontairement quitté son emploi sans y être fondé (sans justification). L’alinéa 29c) de la Loi énonce qu’un employé est fondé à quitter volontairement son emploi si son départ constitue la seule solution raisonnable, compte tenu d’une liste de circonstances énumérées. Le critère à appliquer, en tenant compte de toutes les circonstances, est de déterminer si de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait constituait, pour l’appelant, une solution raisonnable. Aux termes du paragraphe 30(1) de la Loi, un employé est inadmissible aux prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justification.

[35] L’appelant invoque l’argument qu’il n’a pas volontairement quitté son emploi, mais qu’il a plutôt été congédié par son employeur parce qu’il s’est inscrit à un cours de formation.

[36] La Cour suprême du Canada a statué que le principe fondamental de l’article 28 (aujourd’hui article 29) est que la perte d’emploi contre laquelle la personne est assurée doit être involontaire. Ainsi, un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il a perdu un emploi en raison de sa propre inconduite ou s’il a volontairement quitté son emploi sans y être fondé. Les conséquences d’une exclusion du bénéfice des prestations en application du paragraphe 30(1), qu’il ait été conclu que le prestataire ait perdu son emploi en raison d’une inconduite ou qu’on ait conclu qu’il a volontairement quitté son emploi au sens de la Loi, sont les mêmes. Le Législateur a lié le départ volontaire et l’inconduite du fait que des éléments de preuve contradictoires peuvent rendre floue la cause du chômage du prestataire (Canada A.G. c. Easson, (A-1598-92).

[37] Le Tribunal estime que c’est l’appelant qui a déclenché la cessation de la relation employé-employeur lorsqu’il a décidé de s’inscrire et de participer à une formation à l’encontre de la demande de l’employeur de modifier la date de cette formation. Il ressort de la preuve que l’appelant a eu le choix de demeurer employé et de suivre sa formation en avril 2016, mais qu’il a pris la décision de quitter son emploi, si bien que le Tribunal est convaincu que l’appelant a volontairement quitté son emploi.

[38] La Cour d’appel fédérale a confirmé le principe selon lequel lorsqu’un prestataire quitte volontairement son emploi, il lui incombe de démontrer que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas (Canada (PG) c. White, 2011 CAF 190).

[39] Le Tribunal cite la cause Rena-Astronomo c. Canada (A-141-97), qui a confirmé les principes établis dans l’affaire Tanguay c. Canada (PG) (A-1458-84) voulant qu’il incombe au prestataire ayant quitté volontairement son emploi de prouver qu’il n’existait aucune autre solution raisonnable au départ à ce moment-là. Le juge MacDonald de la Cour d’appel fédérale a rappelé que : « Compte tenu de toutes les circonstances, le critère à appliquer se rapporte à la question de savoir si, selon la prépondérance des probabilités, le départ du prestataire constitue la seule solution raisonnable. »

[40] Dans la détermination de la justification, on considérera en priorité si l’appelant avait une solution de rechange à celle de se placer en situation de chômage et de faire porter ce fardeau par d’autres. La justification existe si, au moment de quitter son emploi, sans avoir trouvé un autre emploi, il existait des circonstances qui l’excusaient de prendre le risque de faire porter le fardeau de son chômage par d’autres. Le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas prouvé que de quitter son emploi était sa seule solution et qu’il n’y avait pas de solutions raisonnables qui s’offraient à lui ou qu’il existait des circonstances qui l’obligeaient au départ lorsqu’il a quitté son emploi.

[41] L’appelant plaide que son employeur avait l’obligation de lui permettre de suivre un cours de formation. L’appelant a produit une preuve documentaire (pièces GD6-1 à 11) à l’appui de son appel qui fait état des dispositions relatives à la responsabilité de l’employeur et au fait que l’employeur a l’obligation de permettre à l’apprenti de suivre la formation technique requise et de passer les examens requis.

[42] En témoignage oral, l’employeur a déclaré qu’il faut qu’il y ait une entente réciproque entre l’employé et l’employeur sur le moment auquel l’employé va suivre des cours et, par le passé, l’appelant recevait sa formation pendant les creux d’activités pour l’entreprise; or, dans ce cas, la compagnie traversait une période trop achalandée pour permettre à l’appelant de fréquenter l’école en octobre.

[43] Le Tribunal constate que, bien que la preuve documentaire produite par l’appelant indique qu’un employeur doit permettre à l’apprenti de suivre la formation technique requise et de passer les examens qui s’y rapportent, elle ne dit pas que l’employeur doit assumer cette obligation au moment décidé par l’employé.

[44] Le Tribunal estime, d’après la preuve orale de l’employeur, qu’il fallait que cela se fasse d’un commun accord, mais conclut aussi que les employés sont censés aller à l’école pendant les périodes de ralentissement d’une entreprise et que cela reflète plus précisément la façon dont le programme est conçu.

[45] Le Tribunal ne croit pas que l’employeur a été déraisonnable en demandant à l’appelant de changer sa date de formation pour ne pas qu’elle coïncide avec une période d’intense activité de l’entreprise, d’autant plus que l’employeur est une petite entreprise comptant deux employés et qu’en permettant à l’appelant de suivre une formation, il perdrait la moitié de son personnel.

[46] Le Tribunal conclut, à la lumière de la preuve au dossier émanant tant de l’employeur que de l’appelant, que lorsqu’il s’est inscrit à sa formation, au mois de mai, l’appelant était conscient que le moment n’était pas bien choisi et que l’employeur pouvait avoir besoin de ses services en octobre (pièces GD3-24 et 25). Le Tribunal constate que l’appelant, dans son témoignage oral, a fait des déclarations qui contredisaient ses déclarations initiales et juge que les déclarations initiales de l’appelant sont plus crédibles. Le Tribunal constate qu’il ressort clairement de la preuve que l’employeur a demandé la modification de la date d’inscription au cours dès le mois de juillet, faisant valoir à l’appelant qu’il lui fallait changer cette date parce que la date d’octobre n’était pas satisfaisante.

[47] Le Tribunal constate, d’après la preuve orale de l’appelant, que ce dernier avait l’habitude de passer ses niveaux de formation durant les mois d’hiver ou de printemps, mais que son témoignage voulant qu’il ait choisi de suivre la formation à l’automne car il s’agissait de quelque chose de différent ne saurait étayer la thèse qu’il n’avait pas d’autres solutions raisonnables que de suivre le cours à cette date-là.

[48] Le Tribunal constate que la preuve documentaire produite par l’appelant (pièce GD6-7) vient étayer les déclarations de l’employeur selon lesquelles l’appelant avait suivi ses formations en janvier ou en mars au cours des trois précédentes années.

[49] L’appelant plaide qu’en juillet il a essayé de changer sa date de cours et que, là encore, une semaine avant le début des cours, on lui a dit que toutes les classes de niveau 4 étaient pleines.

[50] Le Tribunal constate que l’appelant a produit une copie d’un courriel envoyé à son coordonnateur de formation, mais que le contenu de ce courriel ne permet pas de déterminer quelle question l’appelant a posée puisqu’il ne renferme qu’une réponse.

[51] Le Tribunal conclut que la preuve ne permet pas de croire que l’appelant a fait un effort concerté pour changer sa date de formation et qu’il voulait accommoder son employeur.

[52] Le Tribunal trouve que la crédibilité de l’appelant est mise en doute par son témoignage oral. Le Tribunal constate que la réponse par courriel indique que toutes les classes de niveau 4 étaient pleines, que l’appelant n’a pas été en mesure de fournir une explication raisonnable de la raison pour laquelle le courriel ne renfermait pas la question qu’il avait posée ou qu’il avait précisément demandé s’il pouvait changer sa date pour janvier, puisque sa réponse au Tribunal a été qu’il avait dû demander s’il avait une possibilité qu’il puisse changer de classe.

[53] Le Tribunal estime que le témoignage oral de l’appelant selon lequel lui et sa mère ont tous les deux appelé le programme d’apprentissage et qu’on leur a dit qu’il n’y avait pas de places disponibles, après la conversation qu’il avait eue avec son employeur et où il a été indiqué qu’il y avait des places disponibles en avril, là encore ne constitue pas une réponse raisonnable. Le Tribunal remarque que, dans le passé, l’appelant a toujours été en contact avec son coordonnateur, mais que cette fois il n’a fait qu’appeler l’administration générale du programme. L’appelant n’a pas été en mesure d’expliquer pourquoi il n’a pas personnellement communiqué par téléphone ou par courriel avec son coordonnateur, comme il l’a fait par le passé, ni d’indiquer s’il n’avait pas été en mesure de le joindre ou de lui laisser un message qui lui aurait permis d’obtenir confirmation qu’il y avait des places libres en avril et qu’on aurait accepté qu’il s’inscrive à cette classe.

[54] L’employeur a déclaré qu’il a appelé le coordonnateur de l’apprentissage une semaine avant le début du cours pour lui exposer la situation et que le coordonnateur lui a dit qu’il y avait des places de libres à la session d’avril. L’employeur a déclaré qu’il a proposé cette date à l’appelant, mais que celui-ci a encore refusé de changer la date.

[55] La preuve de l’employeur selon laquelle l’appelant ne voulait pas aller suivre sa formation en avril parce qu’il serait occupé à la ferme de ses parents pour les semailles confirme la thèse voulant que l’appelant ait pris une décision personnelle en mai 2015, selon laquelle il entrait dans son intention de suivre sa formation de niveau 4 en octobre 2015.

[56] Le Tribunal estime que le témoignage de l’employeur, lorsqu’il a relaté la conversation qu’il a eue avec le coordonnateur, lequel lui a dit qu’il pourrait changer la date à avril et qu’il en coûterait 200 $, frais que l’employeur était prêt à acquitter, est un compte rendu exact de la situation et du fait que l’appelant aurait facilement pu modifier sa date d’inscription.

[57] Le Tribunal estime que l’appelant avait à sa disposition des solutions raisonnables qu’il a manqué d’explorer avant de quitter son emploi.

[58] Le Tribunal estime que l’appelant aurait pu changer la date de son cours pour recevoir la formation en avril 2016 et demeurer employé. Le Tribunal constate que, même si l’appelant a soutenu que le coordonnateur lui a dit qu’il lui fallait suivre sa formation le plus rapidement possible, il n’y a rien dans la preuve qui porterait à croire que d’attendre quelques mois de plus aurait mis en péril l’obtention de son certificat de compétences.

[59] Le Tribunal cite l’arrêt Canada (PG) c. Macleod, (A-96-10), qui confirme qu’il est de jurisprudence constante que le départ volontaire d’un emploi pour entreprendre des études ne constitue pas une « justification » selon la Loi : Canada (PG.) c. Mancheron, 2001 CFA 174, (CanLII)), 109 A.C.W.S. (3rd) 538 au paragraphe 2. Par conséquent, ni le juge-arbitre ni le conseil arbitral ne pouvaient raisonnablement conclure, au vu du dossier, que le prestataire était fondé à quitter son emploi.

[60] Il ressort clairement des faits que l’appelant a pris la décision personnelle de suivre son cours sans l’approbation de son employeur ou sans solliciter l’approbation de la Commission avant de quitter son emploi afin de s’assurer de rester admissible à des prestations pendant qu’il suit la formation. L’appelant a jugé nécessaire de terminer ses études et il a estimé que c’était la bonne décision à prendre.

[61] Le Tribunal compatit à la situation de l’appelant, mais il n’a pas le pouvoir de modifier les exigences de la Loi et doit respecter la législation quelles que soient les circonstances personnelles de l’appelant Canada (PG) c. Levesque, 2001 CAF 304).

[62] Le Tribunal cite l’arrêt Canada (PG) c. Knee 2011 CAF 301, où il est dit ceci :

« […] Toutefois, aussi tentant que cela puisse être dans certains cas (et il peut bien s’agir en l’espèce de l’un de ces cas), il n’est pas permis aux arbitres de réécrire la loi ou de l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaire. »

[63] Le Tribunal conclut que l’appelant doit être exclu du bénéfice des prestations d’AE pour une période indéfinie au motif qu’il a volontairement quitté son emploi sans y être fondé (sans justification) aux termes des articles 29 et 30 de la Loi.

Conclusion

[64] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.