Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 6 novembre 2014, la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a déterminé que des prestations n'étaient pas payables, conformément à la Loi sur l'assurance-emploi (Loi sur l'AE). La DG a conclu que l'appelant n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi en application des articles 29 et 30 de la Loi sur l'AE.

[2] Une demande de permission d’en appeler de la décision de la DG a été présentée à la division d’appel (DA) du Tribunal le 4 février 2015, et elle a été accordée le 15 septembre 2015.

[3] Un avis d'audience fut envoyé aux parties en précisant que l'audience serait tenue par téléconférence et aurait lieu à 9 h 30, heure normale des Rocheuses, le 12 janvier 2016. L'intimée y a participé, mais l'appelant était absent.

[4] Le membre de la DA a attendu que l'appelant se joigne à la téléconférence. À 10 h 12 le 12 janvier 2016, le membre de la DA a ajourné l'audience pour être en mesure de déterminer pourquoi l'appelant ne s'y ai pas présenté et pour donner à l'intimée l'occasion de soumettre des observations additionnelles.

[5] Dans une lettre datée du 13 janvier 2016, le Tribunal a noté :

[traduction]

L'appelant n'a pas reçu d'avis précisant la date et l'heure de l'audience, par le biais d'un appel téléphonique avec le Tribunal le 4 janvier 2016. Il ne croyait pas qu'il devait assister à l'audience du 12 janvier 2016.

La Commission fournira des observations écrites d'ici le 15 janvier 2016, sur la question de la norme de contrôle que la division d'appel devrait appliquer à la décision de la division générale interjetée en appel, à la lumière de décisions récentes de la Cour d'appel fédérale.

Pour ces motifs, une fois que les observations de la Commission seront examinées, la division d'appel décidera d’instruire l’appel sur la foi du dossier ou à l'aide d'une nouvelle audience.

[6] Le Tribunal a communiqué avec l'appelant le 25 janvier 2016, afin de vérifier son adresse et ses coordonnées.

[7] L’audience a été remise au 19 avril 2016. Un nouvel avis d'audience fut envoyé aux parties. Il fut envoyé à l'appelant par la poste ordinaire, par courriel et par messagerie. L'appelant a appelé le Tribunal le 1er avril 2016, pour informer le Tribunal qu'il n'avait pas l'intention de participer à l'audience. Il n'a pas voulu que l'audience ait lieu à une date ultérieure et n'a pas voulu annuler son appel. Il a été avisé du fait qu'il était dans son intérêt de participer à l'audience, mais il a répété qu'il n'y assisterait pas.

[8] Le 7 avril 2016, le membre de la DA a annulé l'audience et a déclaré qu'une décision serait rendue par écrit.

[9] Le présent appel fut instruit sur la foi du dossier pour les raisons suivantes :

  1. le refus de l'appelant d'assister à une audience;
  2. le membre a déterminé qu’il n’est pas nécessaire de tenir une nouvelle audience;
  3. l’exigence, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[10] La question est de savoir si la division générale était arrivée à des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[11] Il faudra également déterminer s’il convient, pour la DA de rejeter l’appel, de rendre la décision que la DG aurait dû rendre, de renvoyer l’affaire à la DG pour réexamen, ou encore de confirmer, d’infirmer ou de modifier la décision de la DG.

Droit applicable

[12] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[13] La permission d’en appeler a été accordée puisque l’appelant avait exposé des motifs correspondant aux moyens d’appel énumérés et que l’un de ces motifs au moins conférait à l’appel une chance raisonnable de succès, en l’occurrence, celui ayant trait aux moyens d’appel prévus aux alinéas 58(1)c) de la Loi sur le MEDS.

[14] Le paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS prescrit les pouvoirs de la division d’appel.

Observations

[15] L'appelant n'a présenté aucune observation une fois la demande de permission d'en appeler accordée, ni en ce qui a trait à l'audience. Dans sa demande de permission d'en appeler, il a indiqué qu'il y avait des erreurs dans la décision de la DG, erreurs reliées au fait de ne pas avoir réussi à résoudre les problèmes du lieu de travail, aux heures supplémentaires excessives et heures de travail intolérables, aux changements de ses tâches et à son refus en raison de risques pour la santé, et aux heures déclarées dans son relevé d'emploi.

[16] L’intimée a fait valoir que :

  1. la DG a considéré les circonstances et a examiné à la fois les versions de l'appelant et de l'employeur de la situation, en fournissant des raisons pour lesquelles elle a accordé plus de crédibilité à l'employeur;
  2. la DG a conclu que l'appelant avait volontairement quitté son emploi, et a appliqué le critère juridique approprié aux faits de l'affaire;
  3. la décision de la DG est cohérente avec la législation et la jurisprudence;
  4. la DG a fourni des motifs pour sa décision selon laquelle le motif valable n'avait pas été prouvé conformément à l'alinéa 29(c) de la Loi sur l'AE, entre autres, que l'appelant n'était pas retourné au travail après son rendez-vous chez le dentiste et qu'il n'avait pas téléphoné. Lorsqu'il a tenté de retourner au travail, il fut avisé du fait que l'employeur considérait qu'il avait démissionné, ce qui est confirmé par le fait que l'appelant n'a pas formulé de grief auprès de son union pour cette perte d'emploi;
  5. La décision de la DG fait partie des conclusions raisonnables, compte tenu de l’ensemble des faits présentés;
  6. Aucun élément de preuve ne montre que la DG a agi de façon impartiale, a commis une erreur de droit ou a tiré une conclusion de fait erronée, de façon abusive ou arbitraire.

Norme de contrôle

[17] L'intimée a fait valoir que la DA doit faire preuve de déférence envers la DG sur les questions factuelles ou les questions mixtes de fait et de droit et que le degré de déférence que la DA accorde aux décisions de la DG devrait être cohérent avec la déférence accordée aux anciens conseils arbitraux, par les juges-arbitres en assurance-emploi. Puisque cet appel implique des questions mixtes de fait et de droit, la DA devrait faire preuve de déférence envers la décision de la DG.

[18] Comme l’a déterminé la Cour d’appel fédérale dans les affaires Canada (Procureur général) c. Jewett, (2013) CAF 243, Chaulk c. Canada (Procureur général), (2012) CAF 190 et d’autres décisions, la norme de contrôle applicable aux questions de droit et de compétence dans les appels relatifs à l’assurance-emploi auprès du conseil arbitral est celle de la décision correcte, tandis que la norme de contrôle applicable aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit est celle du critère raisonnable.

[19] Jusqu’à tout récemment, la DA considérait que les décisions de la DG pouvaient être révisées selon les mêmes normes applicables aux décisions du conseil arbitral.

[20] Cependant, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Paradis; Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242, la Cour d’appel fédérale a suggéré que cette approche ne convient pas lorsque la DA du Tribunal révise les décisions en matière d’assurance-emploi rendues par la DG.

[21] La Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Maunder, 2015 CAF 274, s'est référée à Jean, supra, et a affirmé qu'il n'était pas nécessaire pour la Cour de considérer la question de la norme de contrôle que la DA doit appliquer aux décisions de la DG. L'affaire Maunder était reliée à une demande de prestations d'invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada.

[22] Dans la récente affaire Hurtubise c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 147, la Cour d'appel fédérale a considéré une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue par la DA qui avait rejeté un appel d'une décision de la DG. La DA avait appliqué la norme de contrôle suivante : la décision correcte pour les questions de droit et la décision raisonnable pour les questions mixtes de fait et de droit. La DA a conclu que la décision de la DG était « cohérente avec les éléments de preuve portés à sa connaissance et qu'elle en était une raisonnable... » La DA a mis en application l'approche que la Cour d'appel fédérale dans Jean, supra, avait jugée comme inappropriée, mais la décision de la DA fut rendue avant la décision Jean. Dans l'arrêt Hurtubise, la Cour d'appel fédérale n'a pas commenté la norme de contrôle et a conclu qu'elle était « incapable de déterminer que la décision de la division d'appel était irraisonnable. »

[23] Il semble y avoir divergence en ce qui a trait à l'approche que la DA du Tribunal devrait prendre lors de la révision de décisions d'appels en matière d'assurance-emploi rendues par la DG, et particulièrement, à savoir si la norme de contrôle pour les questions de droit et de compétence pour les appels en matière d'assurance-emploi de la DG diffère se la norme de contrôle pour les questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit.

[24] Je ne sais pas trop comment concilier ces divergences apparentes. Par conséquent, je vais considérer cet appel en me référant aux dispositions d'appel de la Loi sur le MEDS et sans me référer aux critères de la décision « raisonnable » et « correcte », puisqu'ils sont reliés à la norme de contrôle.

Analyse

Contexte

[25] L'appelant a travaillé pour cet employeur de mai 2013 à octobre 2013. Son dernier jour travaillé fut le 8 octobre 2013. Il a demandé un congé pour recevoir des traitements dentaires. On s'attendait à ce qu'il revienne au travail le 10 octobre 2013. Il n'est pas revenu et l'employeur a considéré cela comme un abandon d'emploi.

[26] L’appelant a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi en novembre 2013. La Commission refusa la demande, car il avait été déterminé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification. L'appelant a demandé à ce que la décision soit révisée par la Commission, mais cette dernière a maintenu sa décision le 3 mars 2014.

[27] L’appelant a interjeté appel devant le Tribunal. La DG a rejeté l'appel de l'appelant en concluant qu'il n'avait pas prouvé avoir une justification pour avoir quitté volontairement son emploi, conformément à la Loi sur l'AE.

Permission d'en appeler

[28] La décision accordant la demande de permission d'en appeler mentionnait les erreurs de fait possibles suivantes dans la décision de la DG :

  1. défaut de tenter de résoudre des problèmes au travail;
  2. heures supplémentaires excessives et heures de travail intolérables;
  3. modifications de ses tâches et son refus d’exécuter les tâches en raison de risques pour la santé;
  4. les heures consignées sur son relevé d’emploi.

[29] La demande précise que les paragraphes [13] à [15] et [19] de la décision de la DG, sont ceux qui contiennent des conclusions de fait erronées.

[30] Je note que l'appelant n'a rien ajouté aux observations jointes à la demande, puisqu'il avait décliné d'assister à l'audience devant la DA.

Décision de la DG

[31] Pour être susceptible de contrôle, une conclusion de fait doit être erronée et tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance : alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS.

Paragraphe [13]

[32] L'erreur présumée par l'appelant est que les problèmes au travail n'étaient pas de nature à pouvoir être réglés.

[33] La DG a noté que « c'est la responsabilité du prestataire de tenter de résoudre les conflits du milieu de travail et s'il n'y arrive pas, le prestataire doit démontrer qu'il n'avait pas d'autres alternatives raisonnables que de quitter son emploi. » Cette déclaration n'est pas une conclusion de fait erronée.

[34] Dans son analyse aux paragraphes [14] à [21] la DG a conclu que l'appelant n'a pas démontré qu'il n'avait pas d'autres alternatives.

Paragraphe [14]

[35] L'erreur présumée par l'appelant est reliée à la phrase [traduction] « Il a expliqué que ceci s'est passé au moment où l'employeur diminuait les heures parce que tout le monde était à bout. ». La position de l'appelant déclarant « tout le monde » est trompeuse puisqu'il s'agissait uniquement des receveurs : ils étaient deux, lui et un autre individu. The Appellant’s position is that “everyone” is misleading because it was only the receivers and that was two people, him and one other individual.

[36] La conclusion de la DG n'a pas été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance. Cette phrase réfère aux éléments de preuve verbaux de l'appelant.

Paragraphe [15]

[37] L'appelant soutient qu'il n'a pas profité de l'occasion de travailler à l'intérieur en raison de risques à sa santé.

[38] La conclusion de la DG selon laquelle [traduction] « il n'a tenté d'occuper le nouvel emploi et par conséquent, il ne peut être affirmé que ce nouvel emploi n'était pas adéquat » et « la modification apportée aux tâches du prestataire ne démontre pas de justification pour avoir volontairement quitté l'emploi ».

[39] Ces conclusions sont correctes. L'appelant n'a pas profité de l'occasion de travail à l'intérieur. Il n'a pas modifié ses tâches aux tâches du poste à l'intérieur et par conséquent [traduction] « modification des tâches » ne peut pas être le motif de son départ volontaire.

Paragraphe [19]

[40] L'appelant prétend que l'emploi à l'intérieur ne lui permettait pas de poursuivre son apprentissage et qu'il travaillait un nombre d'heures intolérables.

[41] La conclusion de la DG était que l'appelant n'avait [traduction] « pas prouvé que ses conditions de travail étaient à ce point intolérables qu'il n'avait pas eu d'autre choix que de quitter l’emploi au moment où il l'a fait » et [traduction] « il a décidé de ne pas retourner au travail et l'a fait avant même de remplir son devoir de trouver un nouvel emploi avant de quitter ».

[42] L'appelant a argumenté devant la DG qu'il avait travaillé pendant de trop longues heures et heures supplémentaires et que la DG a noté ces arguments dans sa décision.

[43] La DG a conclu que la question des heures supplémentaires a été résolue au moment où l'appelant est devenu chômeur. La décision de la division générale n’a pas tiré cette conclusion de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Elle fut fondée sur les éléments de preuve de l'appelant.

Aucune erreur susceptible de contrôle

[44] Les observations de l'appelant à l’appui de cet appel reprennent en bonne partie les faits et les arguments qu’il avait présentés devant la DG.

[45] Le rôle de la DG en tant que juge des faits consiste à soupeser la preuve et à tirer des conclusions en s'appuyant sur une appréciation de cette preuve.  La DA ne juge pas des faits.

[46] À titre de membre de la DA du Tribunal, dans le cadre de cet appel, il ne m’appartient pas d’examiner et d’évaluer les éléments de preuve dont disposait la DG dans l’optique de remplacer les conclusions de fait qu’elle a tirées par mes propres conclusions. Le rôle de la DA consiste à déterminer si la DG a commis une erreur susceptible de contrôle prévue au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et, si c’est le cas, de prévoir une réparation pour cette erreur. En l’absence d’une telle erreur, la loi ne permet pas à la DA d’intervenir. La DA n’a pas comme rôle d’instruire l’affaire de nouveau.

[47] L'appelant n’a relevé aucune erreur de droit ou conclusion de fait erronée que la DG aurait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle est parvenue à sa décision.

Conclusion

[48] En considérant les observations des parties, mon examen de la décision de la DG et le dossier d'appel, je juge qu'aucune erreur susceptible de contrôle n'a été commise par la DG.

[49] L’appel est rejeté.

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