Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparution

[1] L’appelante, madame C. A., n’était pas présente à l’audience. Elle n’a pas communiqué avec le Tribunal afin d’expliquer son absence.

[2] Le Tribunal a fait les vérifications requises pour déterminer les raisons de cette absence. Il appert que l’appelante a bien reçu son avis d’audience. L’appelante n’a pu être rejointe au téléphone et n’a pas non plus communiqué avec le Tribunal pour demander une remise.

[3] En vertu du paragraphe 12(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, le Tribunal peut procéder en l’absence d’une partie s’il est convaincu que celle-ci a été avisée de la tenue de l’audience.

[4] J’ai conclu que l’appelante n’avait pas démontré son désir de participer à l’audience.

[5] Outre le paragraphe 12(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, le paragraphe 3 du même règlement permet au Tribunal une certaine latitude afin de procéder différemment si des circonstances spéciales l’exigent.

3. (1) DÉROULEMENT DE L’INSTANCE

Conduite informelle Le Tribunal :

  1. a) veille à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent;
  2. b) peut, s’il existe des circonstances spéciales, modifier une disposition du présent règlement ou exempter une partie de son application.

Note marginale :Résolution par analogie

(2) Il résout par analogie avec le présent règlement toute question de nature procédurale qui, n’y étant pas réglée, est soulevée dans le cadre de l’instance.

[6] En m’appuyant sur les paragraphes 3 et 12(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, j’ai décidé de maintenir la date d’audience du 18 mai 2016 et d’instruire l’appel.

[7] Il s’agit là d’une décision qui respecte mon obligation de rendre une décision de la manière la plus juste et la plus équitable possible pour les parties en cause et en tenant compte des principes de justice naturelle.

Introduction

[8] Dans ce dossier, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a déterminé que l’appelante avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Conséquemment, une exclusion a été imposée à compter du 12 juillet 2015, conformément au paragraphe 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi du Canada (la Loi).

[9] L’appelante a contesté cette décision et présenté une demande de révision. Le 16 octobre 2015, la Commission a maintenu sa décision initiale.

[10] L’appelante a interjeté appel au Tribunal de la Sécurité sociale le 13 novembre 2015.

Question en litige

[11] Le Tribunal doit décider si l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi.

Droit applicable

[12] Voici le texte des paragraphes a) et b) de l’article 29 de la Loi :

Pour l'application des articles 30 à 33 :

  1. a) « emploi » s'entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d'emploi, mais n'est pas assimilée à la perte d'emploi la suspension ou la perte d'emploi résultant de l'affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l'exercice d'une activité licite s'y rattachant;

[13] Et voici celui de 30 (1) de la Loi

Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

Preuve

Preuve au dossier

[14] L’appelante occupait un poste d’adjointe administrative pour le CÉGEP du Vieux Montréal depuis 1997.

[15] La preuve révèle que l’appelante a été congédiée par son employeur le 9 juillet 2015(pages GD3-3 à 17).

[16] L’appelante était membre de l’exécutif syndical. Elle a utilisé la carte de crédit du syndicat à des fins personnelles pour une somme variant entre 70,000$ et 90,000$ sur une période de trois (3) ans.

[17] L’employeur mis au courant de la situation a estimé que les actions de l’appelante, soit de détourner des fonds provenant du syndicat, donc des cotisations de ses collègues de travail, avaient définitivement rompu le lien de confiance. L’appelante a été congédiée (page GD3-19, 22 et 31).

[18] L’appelante reconnaît les actes reprochés et déclare qu’elle a pris entente avec le syndicat pour le remboursement des sommes détournées. Cependant, elle estime qu’elle n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite au travail. Elle déclare que l’employeur n’a rien à lui reprocher sur les lieux de son travail et qu’elle n’a aucun dossier disciplinaire.

Arguments des parties

[19] L’appelante a fait valoir que :

  1. Elle a connu des problèmes financiers et se servait de la carte de crédit surtout pour payer l’épicerie ;
  2. elle a conclu une entente de remboursement avec son syndicat et ce détournement de fonds n’a pas été judiciarisé ;
  3. le syndicat n’est pas une entité du CÉGEP, mais une identité indépendante incorporée ;
  4. elle est adjointe administrative pour son employeur et n’a pas à manipuler de l’argent ;
  5. elle a contesté son congédiement par grief et son syndicat la soutient ;
  6. l’employeur lui aurait dit qu’il la congédiait car les autres employés étaient en colère et qu’il ne pouvait plus assurer sa sécurité.

[20] La Commission intimée a soutenu que

  1. même si la prestataire explique que le détournement de fonds n’est pas en lien avec son employeur, cela n’est pas tout à fait vrai. Elle a détourné des fonds provenant de son syndicat pour lequel elle a été élue pour des fonctions importantes. En agissant de la sorte, la prestataire a, dans les faits, volé ses collègues de travail;
  2. également, lorsqu’elle travaille pour le syndicat, la prestataire demeure toujours une employée du collègue. La prestataire a pu être élue au sein du syndicat puisqu’elle était une employée du Cégep du Vieux Montréal;
  3. l’employeur confirme que la prestataire a été congédiée en raison du bris du lien de confiance. Elle a détourné des fonds provenant du syndicat. L’employeur mentionne que la sécurité n’a jamais été évoquée comme raison de congédiement;
  4. la Commission a conclu que les gestes, soit le détournement des fonds provenant de son syndicat constituaient des gestes d’inconduite au sens de la Loi parce que ces agissements ont brisé définitivement le lien de confiance essentiel au maintien de l’emploi.
  5. la prestataire a agi de façon volontaire et délibérée, ce qui constitue de l’inconduite;
  6. la Commission soumet que sa décision est appuyée par la jurisprudence applicable, citée en page GD4-4 et 5.

Analyse

[21] En premier lieu, il importe de rappeler les principes assis par la Loi et mis en lumière par la jurisprudence.

[22] L’objectif de la Loi est l’indemnisation des personnes dont l’emploi s’est involontairement terminé et qui se retrouvent sans travail. La perte d’emploi contre laquelle la personne est assurée doit être involontaire (Gagnon [1988] 2 R.C.S. 29).

[23] La prestation de service est une condition essentielle du contrat de travail. Lorsqu’un prestataire, par ses propres gestes, fait en sorte qu’il n’est plus en mesure de s’acquitter des fonctions qui lui incombent en vertu du contrat d’emploi et que, de ce fait, il perd son emploi, il « ne peut faire assumer par d’autres le risque de son chômage, pas plus que celui qui quitte son emploi volontairement » (Wasylka 2004 CAF 219; Lavallée 2003 CAF 255; Brissette A-1342-92).

Principes jurisprudentiels en matière d’inconduite :

[24] L’interprétation du mot « inconduite » est une question de droit, mais la question de savoir si un acte ou une omission en particulier constitue de l’inconduite est une question de fait (Tucker A-381-85; Bedell A-1716-83).

[25] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, il n’est pas nécessaire que le comportement en cause résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’acte répréhensible ou l’omission reprochée à l’intéressée soit « volontaire », c’est-à-dire conscient, délibéré ou intentionnel (Caul 2006 CAF 251; Pearson 2006 CAF 199; Bellavance 2005 CAF 87; Johnson 2004 CAF 100; Secours A-352-94; Tucker A-381-85).

[26] Ces principes étant rappelés, le Tribunal passe à l’analyse au regard des faits mis en preuve et des moyens soulevés par l’appelante.

[27] J’ai examiné les éléments de preuve fournis par l’employeur. En l’espèce, la preuve recueillie est limpide et ne laisse pas place à l’interprétation.

[28] D’emblée, j’écarte la prétention de l’appelante voulant que l’employeur lui ait dit qu’elle pouvait être victime de représailles de la part d’autres employées et que son congédiement résulte du fait que sa sécurité ne pouvait être garantie. Rien de tel ne transparaît au dossier. Au contraire, l’employeur réfute cette affirmation. Je retiens la version de l’employeur (page GD3- 31).

[29] Je note que l'employeur a déterminé, à partir d'éléments réels et sérieux, à un manque d’honnêteté de la part de l’employée. Je remarque que la lettre de congédiement mentionne notamment : (pages GD3-19 par. 3 et 4)

  1. a) Par ailleurs, en aucun temps vous n'avez démontré de remords face à vos actions. Au contraire, vous semblez croire que l'entente de remboursement à convenir avec la CSN vous dégage de votre responsabilité face aux gestes posés et face à la communauté, aux membres de votre syndicat et à vos collègues de travail.
  2. b) A cela s'ajoute le fait que vous avez indiqué au Collège que le remboursement de votre dette dépendait de sa décision de vous maintenir ou non en lien d'emploi, transférant ainsi à votre employeur la responsabilité de la réparation pécuniaire de votre geste. Notre enquête ne nous permet pas de croire que vous pourrez dorénavant accomplir vos tâches dans un climat de travail où la confiance mutuelle doit être présente.

[30] La défense de l’appelante est fondamentalement articulée sur le fait qu’elle n’a pas posé de geste répréhensible à l’endroit de son employeur, ni commis de faute dans le cadre de son travail. Elle admet avoir détourné des fonds du syndicat, mais soutient qu’il s’agit d’une affaire qui ne concerne pas l’employeur.

[31] J’écarte cette prétention. Si l’appelante n’était pas employée du CEGEP du Vieux Montréal, elle n’aurait pas occupé le poste d’agente de grief au sein de son syndicat. Son lien d’emploi était donc un élément clé de ses fonctions syndicales. C’est ce que fait valoir la Commission et je retiens cet argument.

[32] L’employeur a procédé au congédiement en établissant que le lien de confiance était rompu.

[33] Rappelons que le lien de confiance découle du principe de loyauté, essentiel au maintien du lien d’emploi. L'obligation de loyauté fait partie intégrante du contrat de travail et un salarié doit éviter de se placer dans une situation ou cette notion peut être remise en question. Elle implique également une obligation de probité, de droiture, d'honnêteté, de bonne foi et de fidélité.

[34] L’appelante, qui occupait depuis des années le poste d’agente de bureau pour l’employeur, ne pouvait ignorer ces principes.

[35] La jurisprudence nous enseigne qu’il doit exister un lien de causalité entre l'inconduite reprochée au prestataire et son emploi; l’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail.

[36] Je constate que l’appelante a commis délibérément plusieurs fautes graves et ce, sur plusieurs années, alors qu’elle était employée du CEGEP du Vieux Montréal et qu’elle le demeurait, même en étant dégagée de ses tâches pour occuper la fonction d’agent de grief pour son syndicat

[37] La relation de causalité est vérifiable à la face même du dossier.

[38] Ceci correspond clairement à la définition de l’inconduite telle que définie par la jurisprudence dans son ensemble.

[39] Le Tribunal conclut que l’appelante a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi.

Conclusion

[40] L’appel est rejeté.

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