Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

L'appelante, G. C., a assisté à l'audience par téléphone.

Introduction

[1] L'appelante était embauchée par la Bibliothèque publique de X (employeur) jusqu'au 17 septembre 2015.

[2] L'appelante a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi (prestations d’AE) le 22 septembre 2015.

[3] Le 15 octobre 2015, la Commission de l'assurance-emploi du Canada (intimée) a avisé l'appelante qu'elle n'était pas en mesure de lui verser des prestations d'AE parce qu'elle avait cessé de travailler en quittant volontairement et sans motif valable son employeur le 17 septembre 2015.

[4] Le 26 novembre 2015, l'appelante a soumis une demande de reconsidération de la décision de l'intimée du 15 octobre 2015, et cette demande a été rejetée le 14 janvier 2016.

[5] L’audience a été tenue par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. La complexité de la ou des questions faisant l’objet de l’appel.
  2. Le fait qu'on ne s'attende pas à ce que la crédibilité constitue un enjeu important.
  3. Le fait que l’appelante sera la seule partie présente.
  4. Les renseignements figurant au dossier, y compris le besoin d’en obtenir davantage.
  5. Le mode d’audience respecte les dispositions du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale voulant que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[6] Il s’agit de déterminer si l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l'assurance-emploi (Loi).

Droit applicable

[7] Article 29 de la Loi :

Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

[8] Paragraphe 30(1) de la Loi :

  1. (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
    2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[9] Paragraphe 30(2) de la Loi :

  1. (2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

[10] Paragraphe 30(3) de la Loi :

  1. (3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

Preuve

[11] L’appelante a été embauchée par l’employeur du 4 septembre 2014 au 17 septembre 2015.

[12] Le 22 septembre 2015, l’employeur a produit le relevé d’emploi (RE) de l’appelante et a indiqué comme motif de la cessation d’emploi le code N, congé autorisé.

[13] Le 22 septembre 2015, l'appelante a présenté une demande de prestations de l'AE.

[14] Le 14 octobre 2015, l’appelante a dit à l’intimée qu’elle avait demandé et reçu un congé autorisé de six mois de son emploi occasionnel afin de se rendre en Colombie-Britannique pour chercher du travail. L’appelante a affirmé qu’elle avait cherché un emploi à temps plein à X pendant plusieurs années, mais sans succès. L’employeur pour qui elle avait travaillé pendant quatre ans ne lui avait pas offert de poste permanent non plus. L’appelante a dit qu’elle avait quelques contacts dans la région qui essayaient de l’aider à trouver du travail, mais qu’aucun emploi ne l’attendait lorsqu’elle est partie. Elle a affirmé qu’elle ne savait pas combien de temps elle serait là. Elle a affirmé qu’elle cherchait du travail chaque jour, mais qu’elle retournerait à X si elle n’arrivait pas à en trouver.

[15] Le 15 octobre 2015, l'intimée a avisé l'appelante qu'elle n'était pas en mesure de lui verser des prestations d'AE parce qu'elle avait cessé de travailler en quittant volontairement et sans motif valable son employeur le 17 septembre 2015.

[16] Le 26 novembre 2015, l’appelante a présenté une demande de réexamen de la décision rendue par l'intimée le 15 octobre 2015.

[17] Le 14 janvier 2016, l'appelante a dit à l'intimée qu'elle avait été travailleuse occasionnelle pour l'employeur et qu'elle travaillait essentiellement à la demande et n'avait pas d'horaire de travail stable. L'appelante a affirmé qu'elle avait travaillé de cette manière pendant quatre ans et qu'elle souhaitait que sa situation change. Elle a affirmé qu'elle ne savait pas si elle devait complètement abandonner son travail et déménager en Colombie-Britannique pour chercher un travail ou prendre un congé autorisé. Elle croyait qu'il était plus sûr de prendre un congé autorisé afin de conserver un lien avec un employeur au cas où cette solution ne fonctionnerait pas. L'appelante a affirmé qu'elle avait déménagé en Colombie-Britannique et qu'elle y cherchait un travail depuis son arrivée.

[18] Le 14 janvier 2016, l'intimée a avisé l'appelante qu'elle maintenait sa décision du 15 octobre 2015.

[19] Le 23 juin 2016, l'appelante a présenté au Tribunal une lettre qui décrivait sa situation d'emploi actuelle.

Observations

[20] L’appelante a fait valoir les arguments suivants :

  1. Elle a quitté son emploi volontairement parce que l'employeur a refusé de l'embaucher après qu'elle ait été employée occasionnelle pendant cinq ans.
  2. L'employeur a plutôt embauché des employés qui étaient sur la même liste, mais qui avaient moins d'ancienneté qu'elle.
  3. Elle travaillait à la demande en tant que préposée occasionnelle au service dans une bibliothèque depuis janvier 2011.
  4. Elle était sous-employée depuis les dernières quatre années et demie.
  5. Elle avait postulé à plusieurs postes à l'interne et à l'externe au cours de cette période.
  6. Elle avait demandé et obtenu de son employeur un congé autorisé de six mois afin de déménager en Colombie-Britannique pour y chercher du travail.

[21] L’intimée soutient ce qui suit :

  1. L’appelante n’avait pas démontré qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi, et que par conséquent, elle lui a imposé une inadmissibilité de durée indéfinie à compter du 14 septembre 2015, conformément aux articles 29 et 32 de la Loi;

Analyse

[22] L’objectif de la Loi est l’indemnisation des personnes dont l’emploi s’est involontairement terminé et qui se retrouvent sans travail (Gagnon [1988] RCS 29).

[23] Le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit une exclusion indéfinie du bénéfice des prestations lorsqu’un prestataire quitte volontairement son emploi sans justification. Le critère à appliquer consiste à déterminer si la prestataire avait une autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait, compte tenu de toutes les circonstances.

[24] À l'audience, l'appelante a affirmé qu'elle avait travaillé auprès de l'employeur durant plusieurs années dans une situation de sous-emploi en tant qu'employée occasionnelle. L'an dernier, elle a décidé d'explorer d'autres possibilités d'emploi et a demandé à l'employeur un congé autorisé afin de se rendre en Colombie-Britannique pour y chercher un emploi. L'appelante a dit qu'elle croyait qu'elle demeurerait perpétuellement dans une situation de sous-emploi si elle ne quittait pas l'employeur.

[25] L'appelante a affirmé qu'elle avait discuté avec son syndicat de la frustration qu'elle ressentait par rapport à son emploi, mais qu'elle n'en avait pas parlé à son employeur. L'appelante a présenté une longue liste de ses activités de recherche d'emploi, mais elle n'avait pas réussi à trouver un emploi à temps plein plus convenable.

[26] À la fin de son congé autorisé le 19 mars 2016, l'appelante a avisé son employeur qu'elle avait décidé de demeurer en Colombie-Britannique et qu'elle ne retournerait pas à son emploi occasionnel.

[27] L'appelante a dit qu'elle était très frustrée de ne pas avoir trouvé d'emploi à temps plein. Elle a dit qu'elle avait pensé chercher du travail dans les villes voisines de X, mais qu'elle avait décidé d'aller en Colombie-Britannique parce qu'elle n'y était jamais allée et qu'elle avait remarqué qu'on y trouvait l'un des plus faibles taux de chômage au Canada.

[28] Le Tribunal estime que l'appelante était crédible à l’audience, car elle s’est montrée sincère et cohérente dans son témoignage et ses réponses aux questions lorsqu’elle était sous serment.

[29] Le Tribunal conclut que l'appelante a fait le choix personnel de quitter son emploi.

[30] Le Tribunal sympathise avec l’appelante, mais il conclut que cette dernière n’avait pas démontré qu’aucune autre solution raisonnable ne se présentait à elle lorsqu’elle a quitté son emploi. L'appelante aurait pu continuer à travailler pour l'employeur en tant qu'employée occasionnelle jusqu'à ce qu'elle trouve un poste à temps plein. Elle aurait pu discuter de sa frustration avec son employeur dans l’espoir de se faire offrir plus d’heures de travail. Elle aurait pu élargir ses recherches d'emploi aux villes voisines. Elle aurait pu suivre des formations pour améliorer ses compétences et accroître ses possibilités d'emploi.

[31] La Cour d’appel fédérale a réaffirmé le principe voulant que lorsqu’un prestataire quitte volontairement son emploi, il appartient au prestataire de prouver que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

Canada (PG) c. White, 2011 CAF 190

[32] Le Tribunal est d’avis que l'appelante pourrait avoir eu des raisons personnelles de quitter son emploi, mais ces raisons ne constituent pas une justification pour quitter volontairement son emploi en vertu des articles 29 et 30 de la Loi.

[33] La Cour d’appel fédérale a fait une distinction en établissant que, lorsqu’un prestataire démontre que le fait de quitter son emploi était raisonnable dans les circonstances et qu’il avait peut-être de bons motifs ou de bonnes raisons de quitter, cela n’est pas synonyme d’une justification.

CAF A-1458-84 Tanguay

Conclusion

[34] L’appel est rejeté.

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