Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] Le Tribunal rejette l’appel.

Introduction

[2] En date du 9 juin 2015, la division générale du Tribunal a conclu qu’il y avait lieu de refuser à l’appelante une prorogation du délai d’appel devant la division générale.

[3] L’appelante a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 13 juillet 2015 après réception de la décision en date du 22 juin 2015. La permission d’en appeler a été accordée le 12 septembre 2015.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a déterminé que l’audience de cet appel procéderait par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • l’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires;
  • la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] Lors de l’audience, l’appelante était présente et se représentait seule. Le Tribunal a permis à l’appelante de produire des observations écrites supplémentaires après l’audience par l’intermédiaire d’un procureur. L’intimée était représentée par Manon Richardson.

La loi

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit décider si la division générale a erré en refusant à l’appelante une prorogation du délai d’appel.

Arguments

[8] L’appelante soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • la division générale semble s’être méprise sur la date de la décision refusant la défalcation sans égard à la date de la prise de connaissance;
  • La division générale a commis une erreur de droit en limitant les motifs pouvant justifier d’accorder une extension du délai d’appel à des démarches exclusives auprès du Tribunal;
  • La division générale a commis une erreur de droit en concluant que l’intimée n’avait pas juridiction pour défalquer une dette;
  • La division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que l’appel n’avait aucune chance de succès alors que la question de défalcation est présentement pendante devant la Cour d’appel fédérale et d’actualités judiciaires suite au motif du juge Stratas dans Steel c. Canada (PG), 2011 CAF 153;
  • La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en procédant par des représentations écrites dans les circonstances difficiles invoquées par l’intimée.

[9] L’intimée soumet les motifs suivants à l’encontre de l’appel :

  • La division générale n’a pas erré ni en droit ni en fait et elle a correctement exercé sa compétence;
  • La Cour d’appel fédérale a établi les critères qui doivent être considérés lorsqu’il est question d’autoriser une extension du délai pour déposer un appel. Les quatre critères sont : l’intention constante de poursuivre l’appel, qu’il s’agit d’une cause défendable (chance raisonnable de succès), l’existence d’une explication raisonnable justifiant le délai et le préjudice possible aux autres parties intéressées;
  • La division générale a revu les quatre facteurs en donnant des explications pour chacun d’eux (AD1-12 à AD1-14);
  • Malgré l’avis du 11 juillet 2014 et l’appel téléphonique de l’intimée du 13 août 2014, ce n’est que le 31 octobre 2014 (selon l’estampille du TSS) que la division générale du Tribunal a reçu une demande d’appel (GD2-1);
  • Il n’y a rien au dossier démontrant que l’appelante a pris contact avec qui que ce soit durant l’intervalle. Au contraire, c’est l’Agence du Revenu du Canada qui a communiqué avec l’appelante par écrit le 21 octobre 2014 l’informant qu’elle devait rembourser totalement sa dette ou prendre des arrangements (GD2-6);
  • En ce qui concerne la défalcation, ni le conseil arbitral, ni le Tribunal n'ont la compétence pour se prononcer en matière de défalcation. Par conséquent, l'appel de l'appelante sur le fond du litige n'a aucune chance raisonnable de succès.

Normes de contrôle

[10] L’appelante n’a fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable. L’intimée soumet au Tribunal que la norme de contrôle applicable à la décision d’un conseil arbitral (maintenant la division générale) et d’un juge-arbitre (maintenant la division d’appel) relativement à des questions de droit est la norme de décision correcte - Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240, et que la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle du caractère raisonnable.
Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159.

[11] Le Tribunal constate que la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Canada (PG) c. Jean, 2015 CAF 242, mentionne au paragraphe 19 de sa décision que lorsque la division d’appel « agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale du Tribunal de la sociale, la division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure ».

[12] La Cour d’appel fédérale poursuit en soulignant que :

« [N]on seulement la Division d’appel a-t-elle autant d’expertise que la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale et [qu’elle] n’est […] donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale ».

[13] La Cour d’appel fédérale termine en soulignant que « lorsqu’elle entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la Division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi.»

[14] Le mandat de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale décrit dans l’arrêt Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder v. Canada (PG), 2015 FCA 274.

[15] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

Analyse

[16] L’appelante interjette appel de la décision du Tribunal de la sécurité sociale, division générale, qui lui a refusé une prorogation du délai d’appel devant la division générale.

[17] La division générale a conclu de la preuve au dossier que l’appelante n’avait pas démontré une intention constante de poursuivre son appel, donné une explication raisonnable de son retard et qu’elle n’avait pas de cause défendable.

[18] Plus particulièrement, la division générale a conclu ce qui suit sur le critère de la cause défendable :

« [17] La Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si l’intimée a une cause défendable en droit revient à se demander si l’intimée a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Ministre du Développement social), 2010 CAF 63. En vertu de l’article 56 du Règlement sur l’assurance-emploi, il n’est pas de la juridiction du Tribunal de se prononcer sur la défalcation d’une dette. Or, la cause n’a pas une chance raisonnable de succès sur le plan juridique ».

[19] L’appelante reproche essentiellement à l’intimée de ne pas s’être prononcée sur la recommandation du conseil arbitral de défalquer sa dette. Tel que mentionné par la division générale, en vertu de l’article 56 du Règlement sur l’assurance-emploi, il n’est pas de la juridiction du Tribunal de se prononcer sur la défalcation d’une dette.

[20] Au surplus, même si le Tribunal devait considérer qu’il y a eu refus de l’intimée sur la question de défalcation (GD5-20), une telle décision ne peut faire l’objet d’un appel devant le Tribunal - Steel c Canada (PG), 2011 CAF 153, Bernatchez c. Canada (PG), 2013 CF 111. Seule la Cour fédérale du Canada a compétence pour recevoir un recours à l’encontre de ce litige.

[21] Il est intéressant de noter que le nouvel article 112.1 de la Loi sur l’assurance- emploi prévoit qu’il n’est pas possible pour un prestataire de demander la révision d’une décision de l’intimée sur une question de défalcation et en conséquence, de porter en appel une telle décision devant la division générale. Il semble que le Parlement se soit ainsi montré satisfait de l’interprétation donnée par la Cour d’appel fédérale dans ses nombreuses décisions sur cette question de juridiction.

[22] Il ressort donc de la décision de la division générale qu’il n’était pas dans l’intérêt de la justice d’accorder à l’appelante la prorogation du délai d’appel- X (Re), 2014 CAF 249, Grewal c. Ministre de l'Emploi et l'Immigration, [1985] 2 C.F. 263 (C.A.F.).

[23] Rien ne justifie l’intervention du Tribunal.

[24] Le Tribunal suggère cependant à l’intimée de considérer la recommandation de défalcation du conseil arbitral qui a eu l’occasion de constater la situation très précaire de l’appelante.

Conclusion

[25] Le Tribunal rejette l’appel.

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