Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli et la cause référée à la division générale (section de l’assurance-emploi) pour une nouvelle audience par un nouveau membre sur chacune des questions en litige.

Introduction

[2] En date du 11 novembre 2015, la division générale du Tribunal a conclu que :

  • L’intimée pouvait réexaminer les demandes de prestations de l’appelant en vertu de l’article 52(5) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »);
  • Le lieu de résidence de l’appelant était la ville de Québec au sens de l’article 17 du Règlement sur l’assurance-emploi (le « Règlement »), pour les périodes de prestations pertinentes;
  • Sous réserve des calculs qui doivent être effectués à nouveau dans le dossier GE-15-139, le taux régional de chômage applicable, le taux de prestations et le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations pouvaient être versées ont été déterminés conformément aux dispositions législatives en vigueur au moment de l’établissement des périodes de prestations de l’appelant.

[3] L’appelant a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 8 décembre 2015. La demande pour permission d’en appeler a été accordée le 12 janvier 2016.

Questions en litige

[4] Le Tribunal doit décider si la division générale a erré en en concluant que :

  • l’intimée pouvait réexaminer les demandes de prestations de l’appelant en vertu du paragraphe 52(5) de la Loi;
  • le lieu de résidence de l’appelant était la ville de Québec au sens de l’article 17 du Règlement;
  • sous réserve des calculs qui devaient être effectués à nouveau dans le dossier GE-15-139, le taux régional de chômage applicable, le taux de prestations et le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations pouvaient être versées avaient été déterminés conformément aux dispositions législatives en vigueur au moment de l’établissement des périodes de prestations de l’appelant.

La loi

[5] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Normes de contrôle

[6] L’appelant soumet que les pouvoirs de la division d’appel sont limités par ce qui est prévu au paragraphe 58(1) de la Loi le ministère de l’Emploi et du Développement social, tel que décidé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (PG) c. Jean, 2015 CAF 242.

[7] L’intimée soumet que la norme de contrôle applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte et la norme de contrôle aux questions mixte de fait et de droit est celle de la décision raisonnable - Pathmanathan c. Bureau du juge-arbitre, 2015 CAF 50.

[8] Le Tribunal constate que la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Jean, mentionne au paragraphe 19 de sa décision que lorsque la division d’appel « agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, la Division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure. »

[9] La Cour d’appel fédérale poursuit en soulignant que :

[N]on seulement la Division d’appel a-t-elle autant d’expertise que la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale et [qu’elle] n’est […] donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale .

[10] La Cour d’appel fédérale termine en soulignant que « lorsqu’elle entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l'Emploi et du Développement social, la Division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi. »

[11] Le mandat de la division d’appel du Tribunal décrit dans l’arrêt Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder v. Canada (AG), 2015 FCA 274.

[12] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

Analyse

[13] La présente décision concerne les dossiers AD-15-1319, AD-15-1320, AD-15- 1321, AD-15-1322, AD-15-1323, AD-15-1324 et AD-15-1325.

[14] L’appelant soutient que la division générale a commis une grave entrave au principe de justice naturelle en n’entendant pas le témoignage d’un témoin favorable à sa thèse, entrave d’autant plus grave que la division générale a porté un jugement négatif sur sa crédibilité.

[15] À la lecture de la décision de la division générale, le Tribunal constate que celle- ci a conclu que le témoignage de l’appelant n’avait pas « toute la crédibilité voulue pour contredire la preuve documentaire » quant à son lieu de résidence habituel au sens de l’article 17 du Règlement. Cette conclusion de la division générale démontre encore plus comment il était important pour la division générale d’entendre le témoin de l’appelant qui était présent à l’extérieur de la salle d’audience. La procureure de l’appelant a cru de bonne foi que ce témoignage n’était pas requis puisque la division générale lui a indiqué qu’il n’était pas nécessaire de l’entendre.

[16] La division générale fonde également en partie sa décision sur l’absence d’accent de l’appelant en comparaison avec les gens qui habite la région gaspésienne. Ceci tendrait, selon la division générale, « à faire croire qu’il séjourne depuis suffisamment longtemps hors de cette région pour en avoir perdu l’accent ». Or, l’appelant n’a jamais eu l’opportunité de répondre à cette conclusion de la division générale.

[17] Le concept de «justice naturelle» englobe le droit du prestataire à une audience équitable. Ce droit est si fondamental qu'il ne doit même pas sembler y avoir eu entrave au droit du prestataire de présenter intégralement son point de vue devant la division générale dénuée de préjugés. La loi exige non seulement que la justice soit rendue, mais aussi qu'elle le soit de façon claire et manifeste. Si l'on soupçonne simplement qu'un prestataire s'est vu nier ce droit, il faut ordonner que la question soit renvoyée à la division générale.

[18] Une audition équitable présuppose un préavis adéquat de l’audience, la possibilité d’être entendu, le droit de savoir ce qui est allégué contre la partie et la possibilité de répondre à ces allégations.

[19] De toute évidence, l’appelant n’a pu démontrer qu’il avait toute la crédibilité voulue en étant collaboré par un témoin avant que la division générale ne rende sa décision. Il n’a également pu répondre à la division générale sur la question de l’absence d’accent. Il s’est manifestement vu nié son droit à une audience équitable.

[20] La jurisprudence nous enseigne que s’il existe le moindre doute qu’un principe de justice naturelle n’a pas été respecté, le Tribunal est justifié de retourner un dossier pour une nouvelle audience.

[21] Au surplus, la division générale a ignoré dans sa décision la preuve de l’appelant à l’effet que sa résidence habituel était en Gaspésie car il était propriétaire d’une maison situé au X X en Gaspésie et ce, depuis 15 ans et que ces meubles s’y trouvait. L’appelant a produit au soutien de sa position un avis d’évaluation indiquant l’adresse et son nom en tant que propriétaire avec photos à l’appui. La division générale semble avoir été confondue par la présence d’une roulotte de loisirs située sur le même terrain.

[22] Lorsqu’elle est confrontée à des éléments de preuve contradictoires, la division générale ne peut les ignorer. Elle doit les considérer. Si elle décide qu’il y a lieu de les écarter ou de ne leur attribuer que peu de poids ou pas de poids du tout, elle doit en expliquer les raisons – Bellefleur c. Canada (PG), 2008 CAF 13, Parks c. Canada (PG), A-321-97.

[23] En l’espèce, la division générale a omis d’agir ainsi et il s’agit d’une erreur de droit.

[24] Puisque la division générale est maître des faits et plus en mesure de décider de la question de crédibilité, le Tribunal retourne le dossier devant la division générale (section de l’assurance-emploi) afin qu’un nouveau membre procède à une nouvelle audience sur chacune des questions en litige.

Conclusion

[25] L’appel est accueilli et la cause référée à la division générale (section de l’assurance-emploi) pour une nouvelle audience par un nouveau membre sur chacune des questions en litige.

[26] Le Tribunal ordonne que la décision de la division générale en date du 11 novembre 2015 soit retirée du dossier.

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