Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 8 février 2016, la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a accueilli l’appel de l’intimée. La DG avait déterminé que :

  1. L’intimée admet avoir commis une erreur de jugement;
  2. Le témoignage de l’intimée a été crédible;
  3. Les prétentions de la Commission (la demanderesse) quant à certains faits reprochés n’ont jamais été prouvés;
  4. Une valeur prépondérante a été accordée au témoignage direct de l’intimée;
  5. Il y a eu faute professionnelle de la part de l’intimée, mais pas de l’inconduite;
  6. L’intimée n’avait pas pris conscience que le manquement était d’une portée telle qu’elle pouvait normalement prévoir être congédiée;
  7. Elle n’a pas agi de façon délibérée et volontaire ou démontré une telle insouciance ou négligence qu’elle a elle-même provoqué son congédiement; et
  8. Elle n’a pas perdu son emploi par l’inconduite aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

Historique du dossier

[2] L’intimée a fait une demande de prestations régulières en mars 2014. Elle a été suspendue de son emploi le 4 mars 2014 et congédiée le 8 juillet 2014.

[3] La demanderesse a déterminé que l’intimée avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite et lui a refusé le bénéfice des prestations. Elle a aussi rejeté la demande de reconsidération.

[4] L’intimée a interjeté appel à la DG du Tribunal.

[5] L’ancien employeur de l’intimée, les Services correctionnels du Canada (employeur), avait déclaré à la Commission que l’intimée était congédiée en raison du bris de confiance entre l’employeur et l’employée. Il a été une partie ajoutée devant la DG mais a demandé un désistement du dossier en Septembre 2015. Il ne voulait plus « poursuivre dans un dossier ou une audience ».

[6] Le 14 octobre 2015, la DG a tenu une audience en personne. L’intimée était présente en compagnie de son conjoint. La demanderesse n’a pas été présente mais a déposé des observations écrites.

[7] La DG a rendu sa décision le 8 février 2016. La demanderesse a demandé permission d’en appeler (Demande) le 26 février 2016, dans les délais prescrits.

[8] L’intimée et l’employeur ont été invités à présenter leurs observations sur la question de savoir si l’autorisation d’en appeler devrait être acceptée ou refusée. La demanderesse a été invitée de supplémenter ses motifs d’appel à son choix.

[9] L’intimée a déposé des observations écrites le 11 mai 2016. L’employeur n’a pas répondu et n’est pas une partie ajoutée devant la division d’appel du Tribunal (DA). La demanderesse n’a pas supplémenté sa Demande.

Questions en litige

[10] Est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès?

La loi et l'analyse

[11] Tel qu’il est stipulé aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission» et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[12] Le paragraphe 58(2) de la Loi prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[13] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[14] Le Tribunal accorde la permission d’en appeler s'il est satisfait que la demanderesse a démontré qu’il y a au moins un des moyens d’appel mentionnés ci-dessus et si le Tribunal est satisfait qu’un des moyens a une chance raisonnable de succès.

[15] Pour ce faire, le Tribunal doit être en mesure de déterminer, conformément au paragraphe 58(1) de la Loi, s’il existe une question de droit, de fait ou de compétence ou relative à un principe de justice naturelle dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision attaquée.

[16] La demanderesse a fait référence aux alinéas 58(1) b) et c) de la Loi pour spécifier ses moyens d’appel. Selon ses raisons d’appel, elle soutient que la DG a erré en droit dans son interprétation du paragraphe 30(1) de la Loi sur l’AE et a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. La conclusion de fait erronée, selon la demanderesse, est la conclusion que le geste reproché de l’intimée ne constituait pas l’inconduite. La demanderesse soumet que la décision de la DG ne tient pas compte des faits au dossier.

[17] L’intimée soutient qu’elle a commis une erreur de jugement dans le cadre de son travail, mais son employeur a reconnu par écrit des facteurs atténuants et s’est engagé de ne pas faire de représentations dans le dossier du Tribunal. De plus, la DG a conclu, après l’avoir entendu en personne, « qu’on ne doit pas conclure à une inconduite de [sa] part ». Elle souligne qu’à la lumière du témoignage, le désistement de son employeur, et l’étude du dossier par la DG, la Demande devrait être rejetée.

Erreurs de faits alléguées

[18] Il n’appartient pas au Membre de la DA, qui doit déterminer s’il y a lieu de permettre l’appel, d’apprécier et d’évaluer à nouveau la preuve qui a été soumise devant la DG. Selon ma lecture du dossier et de la décision de la DG, les raisons que la demanderesse a soulevées dans sa Demande - que l’intimée a délibérément choisi de ne pas tenir compte de la politique de l’employeur et que ce geste est un manquement grave à son contrat de travail - ont déjà été avancées devant la DG.

[19] Il n’est pas mon rôle, en tant que membre de la DA sur une demande de permission d’en appeler, d'examiner et d'évaluer les éléments de preuve qui était devant la DG en vue de remplacer les conclusions de fait de la DG avec les miennes. Il est mon rôle de déterminer si l'appel a une chance raisonnable de succès sur la base des motifs et des raisons précisés de la demanderesse: une conclusion erronée de fait sur la base des éléments de preuve qui est devant la DG, en vertu de l’alinéa 58(1) c) de la Loi, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, et une erreur de droit en vertu de l’alinéa 58(1) b) de la Loi.

[20] La DG a déterminé que l’intimée n’a pas perdu son emploi par l’inconduite aux termes de la Loi sur l’AE. Elle est arrivée à cette conclusion parce qu’elle a été satisfaite que l’intimée n’a pas agi de façon délibérée et volontaire ou démontré une telle insouciance ou négligence qu’elle a elle-même provoqué son congédiement. Cette conclusion a été fondée sur la preuve au dossier et le témoignage crédible et prépondérant de l’intimée lors de l’audience en personne.

[21] De plus, l’employeur a fait une déclaration à la Commission lors de son étude de la demande, mais a désisté du dossier et ne s’est pas présenté à l’audience. Entre temps, l’employeur a reconnu la bonne foi de la demanderesse « comme le prouve le protocole d’entente déposé » (paragraphes 34 et 53 de la décision de la DG). La DG a noté que « les facteurs atténuants concordent en tous points avec la version des faits présentée » par l’intimée.

[22] La demanderesse a été invitée à mais n'a pas assisté à l'audience devant la DG. Ses observations écrites et le dossier d'appel étaient devant la DG. Par son absence, la demanderesse a perdu la capacité de contre-interroger l’intimée en personne. Si la demanderesse choisit de ne pas assister à une audience devant la DG, il ne faut pas croire qu'elle peut tout simplement interjeter appel d'une décision de la DG si elle n’est pas à sa satisfaction.

[23] Les arguments de la demanderesse sur les erreurs factuelles alléguées sont affectés par son choix de ne pas assister à l'audience. Présenter un argument convaincant qu'une conclusion de fait a été « tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance » est difficile lorsque la demanderesse a choisi de ne pas être présente quand tous les éléments de la preuve étaient devant la DG, y compris les témoignages et les observations présentés à l'audience. La demanderesse ne semble pas avoir consulté l'enregistrement de l'audience pour confirmer tous les faits portés à la connaissance de la DG. La Demande ne réfère pas aux points spécifiques du témoignage de la demanderesse.

[24] J'ai lu et examiné attentivement la décision de la DG et le dossier. Les conclusions de fait de la DG ne sont pas prises sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. La décision réfère spécifiquement à la preuve testimoniale et documentaire sur laquelle la DG est arrivée à ses conclusions de fait. En outre, les conclusions de fait identifiées par la demanderesse comme erronées ne sont pas tirées de façon abusive ou arbitraire.

[25] Je conclus que la DG n’a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Erreur de droit alléguée

[26] En ce qui concerne l’argument de la demanderesse que la DG a erre dans son interprétation du paragraphe 30(1) de la Loi sur l’AE, ce paragraphe dit :

Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s'il perd un emploi en raison de son inconduite ou s'il quitte volontairement un emploi sans justification.

[27] La décision de la DG a fait référence aux articles de la Loi sur l’AE et à la jurisprudence pertinente.

[28] La DG a conclu qu’aucune volonté « de ne pas tenir compte des répercussions de ses actions sur son travail » ne s’est manifestée, que la demanderesse « n’avait pris conscience que le manquement était d’une portée telle qu’elle pouvait normalement prévoir être congédiée » et qu’elle « n’a pas agi de façon délibérée et volontaire ou démontré une telle insouciance ou négligence qu’elle a elle-même provoqué son congédiement ».

[29] La DG a appliqué les principes énoncés dans les arrêts A.G. of Canada c. Tucker, A-381- 85 et Locke c. Canada (A.G.), 2003 FCA 262, entre autres, à la situation de la demanderesse. La décision rendue n’a pas été entachée d’une erreur de droit.

[30] Puisque la demanderesse ne soulève aucun des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi, l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[31] La demande de permission d’en appeler est refusée.

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