Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 20 juin 2016, la division d’appel (DA) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a accordé la permission d’en appeler aux motifs d’une erreur de droit et de conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division générale (DG). La décision de la DG faisant l’objet de l’appel porte sur le refus d’accorder à l’appelant une prorogation du délai pour interjeter appel devant la DG.

[2] Le Tribunal a demandé aux parties de présenter des observations sur le mode d’audience, sur un éventuel mode à privilégier, de même que sur le bien-fondé de l’appel.

[3] L’intimée a déposé des observations, dans lesquelles elle recommande, dans l’intérêt de l’équité procédurale et de la justice naturelle, que l’affaire soit renvoyée à la DG pour être instruite sur la question de fond, à savoir la répartition de la rémunération en vertu des articles 35 et 36 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement).

[4] À la lumière des observations de l’intimée, l’appelant n’a pas eu besoin de présenter des observations.

[5] Cet appel a été instruit sur la foi du dossier pour les raisons suivantes :

  1. l’absence de complexité de la question soulevée en appel;
  2. le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[6] Dans les circonstances, la tenue d’une audience devant la DA n’est pas nécessaire.

Questions en litige

[7] Déterminer si la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ou si elle a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

[8] Il faudra également déterminer s’il convient, pour la DA, de rejeter l’appel, de rendre la décision que la DG aurait dû rendre, de renvoyer l’affaire à la DG pour réexamen, ou encore de confirmer, d’infirmer ou de modifier la décision de la DG.

Droit applicable et analyse

[9] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] La permission d’en appeler a été accordée pour la raison que l’appelant avait exposé des motifs correspondant aux moyens d’appel énumérés et qu’au moins l’un de ces motifs, en l’occurrence ceux ayant trait aux moyens d’appel prévus par les alinéas 58(1)b) et c) de la Loi sur le MEDS, conférait à l’appel une chance raisonnable de succès.

[11] En particulier, la décision accordant la permission d’en appeler mentionnait :

[16] Bien que la division générale ait fait référence à l’affaire Larkman, elle ne semble pas avoir examiné si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice. La division générale semble plutôt avoir appliqué de façon machinale les facteurs établis dans l’affaire Gattellaro, ce qui constituerait une erreur de droit le cas échéant.

[17] Qui plus est, je suis préoccupée par le fait que la division générale ait conclu que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès sur le seul fondement que le demandeur n’avait pas « relevé aucune erreur de droit déraisonnable à la lumière de l’information au dossier » et que la seule information manquante au dossier de l’appel soit une copie de la décision de réexamen, dont la DG possédait déjà une copie dans son dossier. En effet, un appel à l’endroit de la DG pourrait avoir une chance raisonnable de succès si elle était fondée sur des erreurs autres que des erreurs de droit. Cette information manquante était un document que la DG possédait déjà dans le dossier et qui aurait dû faire l’objet d’une analyse pour déterminer si les intérêts de la justice seraient servis en accordant une prorogation du délai.

[18] Relativement aux moyens d’appel invoquant la possibilité d’un manquement à la justice naturelle de la part de la division générale, ainsi que des erreurs de droit et des conclusions de faits erronées tirées de façon abusive ou arbitraire et sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[12] La DG a conclu que l’appel était incomplet parce qu’une copie de la décision de révision était manquante. La DG a aussi conclu que l’appelant ne démontrait pas une intention continue de poursuivre l’appel et ne démontrait pas avoir une cause défendable. La DG n’a pas considéré si l’accord d’une prorogation du délai servirait l’intérêt de la justice.

[13] La DG a refusé cette demande de prorogation du délai en se basant sur une application mécanique des facteurs de l’arrêt Gattallero (Canada (ministre du Développement des Ressources humaines) c. Gattellaro, (2005) CF 883). Il s’agit d’une erreur de droit.

[14] De plus, l’analyse de la DG sur la question d’une cause défendable était insuffisante. Elle affirmait que l’appelant n’avait pas [traduction] « remis en question une erreur de droit... » et donc, qu’il n’avait pas de cause défendable. Je soulève qu’une erreur de droit peut apparaître sur la foi du dossier sans qu’un appelant n’ait identifié l’erreur. Je soulève aussi que des erreurs susceptibles de révision peuvent inclure des erreurs autres que des erreurs de droit.

[15] Sur la question d’intention de poursuivre l’appel, la DG a conclu que l’appelant avait présenté son appel le 28 septembre 2015. Il s’agit d’une conclusion de fait erronée tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Il y a deux estampes de dates sur l’avis d’appel de l’appelant présenté à la DG : l’une du 27 janvier 2015 (Service Canada Cornwall, Ont.) et l’autre du 3 février 2015 (Tribunal). La date du 28 septembre 2015 représente le dépôt d’une copie de la décision de révision par l’appelant, le seul élément requis pour compléter l’appel. Je soulève aussi qu’au moment où la DG a refusé une prorogation du délai le 11 décembre 2015, elle possédait deux copies du document manquant au dossier.

[16] Par conséquent, la décision de la DG était fondée sur une conclusion de fait erronée que la DG aurait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance et constituait une erreur de droit. De plus, la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle, nommément l’équité procédurale.

[17] L’intimée a affirmé que dans l’intérêt de l’équité procédurale et de la justice naturelle, l’affaire devrait être renvoyée à la DG pour être instruite sur la question de fond. À l’examen du dossier, je suis d’accord.

[18] Le paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS prescrit les pouvoirs de la DA :

La division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[19] À la lumière des observations des parties, de mon examen de la décision de la DG et du dossier d’appel, j’accueille l’appel. Puisque cette affaire n’a pas été instruite sur le fond et que les parties pourraient devoir présenter des éléments de preuve, il convient qu’une audience soit tenue devant la DG.

Conclusion

[20] L’appel est accueilli. L’affaire sera renvoyée à la division générale du Tribunal pour un nouvel examen.

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