Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

Madame S. P., prestataire, a pris part à l’audience par téléconférence. Elle était accompagnée de Me Élise Joyal-Pilon du Centre communautaire juridique de l’Outaouais, Gatineau qui agissait à titre de représentante.

Introduction

[1] L’appelante a déposé une demande d’assurance-emploi débutant le 19 septembre 2014. Le 10 décembre 2014, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») avise la prestataire que suite à la réception de nouveau(x) relevé(s) d’emploi de Jardin horticole CA-RA, S.A., le taux hebdomadaire de prestations est maintenant établi à 0.00$ au lieu de 251.00$ et le nombre maximum de semaines établi est de 0 au lieu de 17 semaines. La Commission avise aussi la prestataire qu’elle n’a pas droit aux prestations régulières de l’assurance-emploi comme elle a accumulé 651 heures d’emploi assurable entre le 10 novembre 2013 et le 13 septembre 2014, mais que compte tenu du taux de chômage de sa région, il lui fallait 665 heures d’emploi assurable pour avoir droit aux prestations.

[2] Le 29 janvier 2015, suite à sa demande de révision, la Commission informe la prestataire que la décision transmise en lien avec la période de prestations non établie a été maintenue. La Commission ajoute que le trop-payé engendré par l’invalidation de la demande de prestations débutant le 4 septembre 2014 demeure entier et ne subira malheureusement aucune modification. Le nouveau calcul effectué a permis de conclure que votre demande de prestations ne pouvait être établie faute du nombre d’heures assurables requis.

[3] La prestataire a porté appel de cette décision auprès du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal ») le 23 décembre 2015. Le 7 avril 2016, le Tribunal a prorogé le délai pour interjeter appel devant la Division générale du Tribunal.

[4] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience Téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. La complexité de la ou des questions en litige.
  2. L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires.
  3. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[5] La prestataire interjette appel en ce qui a trait à la défalcation du trop-payé en vertu de l’article 56 du Règlement sur l’assurance-emploi (le « Règlement »).

Droit applicable

[6] L’article 43 de la Loi indique que :

La personne qui a touché des prestations en vertu de la présente loi au titre d’une période pour laquelle elle était exclue du bénéfice des prestations ou des prestations auxquelles elle n’est pas admissible est tenue de rembourser la somme versée par la Commission à cet égard.

[7] L’article 56 du Règlement indique :

  1. (1) La Commission peut défalquer une pénalité à payer en application des articles 38, 39 ou 65.1 de la Loi ou une somme due aux termes des articles 43, 45, 46, 46.1 ou 65 de la Loi ou les intérêts courus sur cette pénalité ou cette somme si, selon le cas :
    1. a) le total des pénalités et des sommes, y compris les intérêts courus, que le débiteur doit à Sa Majesté en vertu de tout programme administré par le ministère de l’Emploi et du Développement social ne dépasse pas cent dollars, aucune période de prestations n’est en cours pour le débiteur et ce dernier ne verse pas de paiements réguliers en vertu d’un plan de remboursement;
    2. b) le débiteur est décédé;
    3. c) le débiteur est un failli libéré;
    4. d) le débiteur est un failli non libéré à l’égard duquel le dernier dividende a été payé et le syndic a été libéré;
    5. e) le versement excédentaire ne résulte pas d’une erreur du débiteur ni d’une déclaration fausse ou trompeuse de celui-ci, qu’il ait ou non su que la déclaration était fausse ou trompeuse, mais découle :
      1. (i) soit d’une décision rétrospective rendue en vertu de la partie IV de la Loi,
      2. (ii) soit d’une décision rétrospective rendue en vertu des parties I ou IV de la Loi à l’égard des prestations versées selon l’article 25 de la Loi;
    6. f) elle estime, compte tenu des circonstances, que :
      1. (i) soit la pénalité ou la somme, y compris les intérêts courus, est irrécouvrable,
      2. (ii) soit le remboursement de la pénalité ou de la somme, y compris les intérêts courus, imposerait au débiteur un préjudice abusif,
      3. (iii) soit les frais administratifs de recouvrement de la pénalité ou de la somme, ou les intérêts, seraient vraisemblablement égaux ou supérieurs à la pénalité, à la somme ou aux intérêts à recouvrer.
  2. (2) La Commission peut défalquer la partie de toute somme due aux termes des articles 47 ou 65 de la Loi qui se rapporte à des prestations reçues plus de douze mois avant qu’elle avise le débiteur du versement excédentaire, y compris les intérêts courus, si les conditions suivantes sont réunies :
    1. a) le versement excédentaire ne résulte pas d’une erreur du débiteur ni d’une déclaration fausse ou trompeuse de celui-ci, qu’il ait ou non su que la déclaration était fausse ou trompeuse;
    2. b) le versement excédentaire est attribuable à l’un des facteurs suivants :
      1. (i) un retard ou une erreur de la part de la Commission dans le traitement d’une demande de prestations,
      2. (ii) des mesures de contrôle rétrospectives ou un examen rétrospectif entrepris par la Commission,
      3. (iii) une erreur dans le relevé d’emploi établi par l’employeur,
      4. (iv) une erreur dans le calcul, par l’employeur, de la rémunération assurable ou du nombre d’heures d’emploi assurable du débiteur,
      5. (v) le fait d’avoir assuré par erreur l’emploi ou une autre activité du débiteur.

Preuve

[8] Les éléments de preuve contenus au dossier indiquent que :

  1. Demande de prestations d’assurance-emploi déposée le 19 septembre 2014 (GD3-3 à GD3-10).
  2. Relevé d’emploi de Jardin horticole CA-RA indiquant un dernier jour payé le 12 septembre 2014. Le relevé indique 770 heures d’emploi assurables (GD3-11).
  3. Relevé d’emploi de Jardin horticole CA-RA modifiant le relevé précédent et indiquant un dernier jour payé le 12 septembre 2014. Le relevé indique 618 heures d’emploi assurables (GD3-11). L’employeur indique une correction du relevé K01221149 sur la dernière paye puisqu’il a inscrit 163.36 en heures au lieu d’en argent pour sa paye de vacances (GD3-14).
  4. Relevé d’emploi de Jardin horticole CA-RA indiquant un dernier jour de travail le 15 novembre 2015 et 33 heures d’emploi assurables (GD3-11). Ce relevé modifie le relevé de la page GD3-13 (GD3-12).
  5. Le 29 janvier 2015, la prestataire indique à la Commission qu'elle ne conteste pas le fait qu'on lui dise qu'elle n'a pas suffisamment d'heures pour se qualifier, elle conteste le trop-payé et affirme que c'est à l'employeur de le rembourser dans la mesure où c'est lui qui est responsable de l'erreur. Affirme que s'il avait donné la bonne information dès le départ, elle n'aurait pas eu droit au chômage et n'aurait pas eu à rembourser le montant qui lui est réclamé (GD3-24).
  6. Taux de chômage par région économique de l’assurance-emploi (GD3-21).
  7. Preuve de revenu provenant d’Emploi Québec, daté du 6 juin 2016 (GD11-3).
  8. Carnet de réclamation (GD11-4).
  9. Frais de garde d’enfants (GD11-7).
  10. Carte de l’Association québécoise des transports (GD11-9).
  11. Rapport de décision daté du 29 janvier 2015 (GD11-12).
  12. Budget moyen mensuel (GD11-14).
  13. Confirmation de séjour pour désintoxication du 2 avril 2016 au 11 avril 2016 (GD11- 16).
  14. Bail (GD11-18/19).
  15. Relevés bancaires (GD11-21 à GD11-26).
  16. Dossier patient (relevé de médication) et dossier pharmacologique (GD11-28 à GD11-32).

[9] La preuve soumise à l’audience par le témoignage de l’appelante révèle que :

  1. La prestataire était à l’emploi de Jardin horticole CA-RA. Des prestations d’assurance-emploi lui ont été accordées, mais suite à une erreur de la part de l’employeur, elle doit rembourser des prestations.
  2. Elle indique qu’elle a des douleurs au dos et a une médication pour le stress. Depuis janvier 2015, elle a reçu un diagnostic de dépression et de consommation d’alcool (P1/P2). Elle est inapte à travailler depuis juin 2015, pour une période d’un an. Elle est donc inapte au travail jusqu’au 29 juin 2015 et n’a pas retravaillé depuis son dernier emploi. Sur recommandation de son médecin, elle a suivi une thérapie (P2).
  3. Elle indique que la dette liée au trop-payé lui crée un stress financier, ce qui a été souligné dans le rapport médical (P2).
  4. Ses revenus sont basés sur l’aide de dernier recours, l’allocation familiale et l’aide alimentaire, une allocation pour le logement et une pension alimentaire. Ses dépenses s’élèvent à 1186$ mensuellement, sans inclure de nourriture. Elle doit avoir un véhicule afin d’assurer le transport scolaire de son enfant à l’école puisqu’aucun autobus n’est disponible.
  5. Elle est monoparentale et a un enfant de 8 ans. Elle possède un DEC en aménagement paysager. Elle a effectué des démarches afin de se trouver un emploi. Elle a suivi une formation à titre de signaleur de chantiers (P10). Elle ne peut retourner travailler dans l’aménagement paysager en raison de ses douleurs au dos.
  6. Le fait de défalquer le trop-payé lui enlèverait beaucoup de stress et lui permettrait d’aller de l’avant.
  7. Elle avait demandé l’assurance-emploi en même temps que l’aide de dernier recours. Comme elle touchait de l’assurance-emploi, elle n’a reçu de l’aide de dernier recours qu’à partir de décembre 2014.

Arguments des parties

[10] L’Appelante a fait valoir que :

  1. La décision est mal fondée en faits et en droit.
  2. Elle ne conteste pas la question des heures assurables, mais ne pensait pas devoir rembourser les prestations reçues en raison d’une erreur causée par son employeur. La prestataire demande la défalcation de la dette en totalité.
  3. Elle estime que le Tribunal a le pouvoir d’intervenir et comme la Commission a statué sur la défalcation (P11) le Tribunal peut rendre une décision à ce sujet.
  4. Une personne peut demander la révision de toute décision de la Commission.
  5. La représentante réfère à la décision D.E.A.du Tribunal, plus particulièrement aux paragraphes 87 à 94 qui analysent la compétence du Tribunal en matière de défalcation.
  6. La Commission a indiqué que la dette ne pouvait être défalquée en vertu de l’alinéa 56 (1) i) sans considérer l’alinéa 56 (1) ii) et n’a pas considéré le préjudice abusif que la prestataire pouvait subir.
  7. Il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire de la Commission et la Commission n’a pas tenu compte des difficultés de la prestataire. La Commission indique que la prestataire doit se référer à l’ARC, mais n’a pas agi de façon équitable puisqu’elle ignore l’alinéa 56 (1) ii) lorsqu’elle a rendu sa décision. La Commission ne se penche pas sur la situation familiale et financière de la prestataire.
  8. De plus, la représentante indique reprendre les arguments soumis aux paragraphes 117 et suivants de la décision D.E.A. en lien avec la compétence du Tribunal sur les décisions de défalcation (D.E.A. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2014 TSSGDAE 86) (GD11-33 à GD11-62).
  9. L’alinéa 56 (1) f) (ii) devrait s’appliquer et il s’agit d’une erreur de droit flagrante. Il n’y a pas de condition préalable à l’alinéa 56 (1) f) qui fait référence à des difficultés excessives. La prestataire a démontré être dans une situation précaire où elle a de la difficulté à joindre les deux bouts. Ses dépenses sont raisonnables et nécessaires et la dette la fragilise sur le plan financier et psychologique. Elle s’est prise en main, a suivi une thérapie et a suivi une formation afin de pouvoir se réorienter. Elle fait des recherches d’emploi et continue de payer un REEE pour son fils.
  10. Les 2400$ à rembourser constitue un préjudice abusif qui contribue à son anxiété. Il faut prendre en compte les éléments existants au moment de la décision. Rien n’indique que son futur s’améliorera à court, moyen ou long terme.
  11. En plus d’avoir à rembourser un trop-payé, elle n’a pas pu recevoir d’aide de dernier recours pendant cette période puisqu’elle avait été jugée admissible aux prestations d’assurance-emploi.
  12. Elle soutient que la Commission a bien statué sur la question de la défalcation.

[11] L’intimée a soutenu que:

  1. La Commission aimerait porter à l’attention du Tribunal que l’avis de dette comporte une erreur d’écriture. Ce document précise que le trop-payé a été causé parce que les rémunérations n’ont pas été déduites, alors qu’il devrait se lire comme suit : une modification au calcul a occasionné un trop-payé.
  2. Le paragraphe 7(2) de la Loi stipule que l’assurée remplit les conditions requises pour recevoir les prestations d’assurance-emploi si, à la fois il y a arrêt de la rémunération provenant de son emploi; et si elle a, au cours de sa période de référence, exercé un emploi assurable pendant au moins le nombre d’heures indiquées au tableau de ce paragraphe, en fonction du taux de chômage régional qui lui est applicable.
  3. En l’espèce, la période de référence de la prestataire a été établie du 10 novembre 2013 au 13 septembre 2014 aux termes de l’alinéa 8(1) (b) de la Loi parce qu’une période de prestations antérieure ayant pris effet le 10 novembre 2013 a été établie pour la prestataire (GD3-17 à GD3-18).
  4. D’après les faits au dossier, la Commission a déterminé que la prestataire n’était pas une personne qui devient ou redevient membre de la population active aux termes du paragraphe 7(4) de la Loi puisqu’elle avait accumulé au moins 490 heures d’activités sur le marché du travail au cours des 52 semaines précédant sa période de référence (GD3-20 à GD3-21). Par conséquent, la prestataire avait besoin du nombre d’heures d’emploi assurable spécifié à l’alinéa 7(2)b) de la Loi (GD3-27 à GD3-28).
  5. D’après le tableau du paragraphe 7(2) de la Loi et basé sur le taux de chômage de 7% dans la région où demeurait la prestataire, le minimum requis pour être admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi était de 665 heures.
  6. Suite à une correction effectuée par l’employeur après que des prestations aient été versées, malheureusement, les preuves montrent que la prestataire n’a accumulé que 651 heures d’emploi assurable au cours de sa période de référence.
  7. Par conséquent, la Commission maintient que la prestataire n’a pas réussi à démontrer qu’elle était admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi conformément au paragraphe 7(2) de la Loi.
  8. L’article 43 de la Loi stipule qu’une personne qui a touché des prestations auxquelles elle n’était pas admissible est tenue de rembourser la somme versée par la Commission.
  9. La prestataire conteste l’obligation de rembourser le montant versé en trop puisque le trop-payé a été établi suite à la correction d’une erreur de l’employeur.
  10. La Commission rappelle au Tribunal que l’obligation d’effectuer un remboursement des prestations n’est pas une décision de la Commission. Si la prestataire veut faire appel de cette décision, elle devra se tourner vers l’Agence du revenu du Canada (ARC).
  11. La Commission soutient que la jurisprudence appuie sa décision. La Cour d’appel fédérale a confirmé le principe que les exigences prévues au paragraphe 7(2) de la Loi ne permettent aucun écart et ne donnent aucune discrétion (Canada (PG) c. Lévesque, 2001 CAF 304).
  12. Dans le cas présent, la prestataire a accumulé 651 heures d’emploi assurable au cours de sa période de référence, alors qu’elle devait en avoir accumulé 665 pour se qualifier.
  13. La Cour d’appel fédérale a confirmé le principe selon lequel le paragraphe 8(1) de la Loi prévoit deux possibilités en ce qui concerne la période de référence, et il énonce expressément que la plus courte des deux périodes possibles doit être retenue (Long c. Canada (PG), 2011 CAF 99).
  14. La prestataire avait précédemment fait établir une période de prestations au 10 novembre 2013. La période de référence pour établir la période de prestations débutant le 14 septembre 2014 débute donc en même temps que la période de prestations précédente, soit le 10 novembre 2013 puisqu’il s’agit de la période la plus courte.
  15. La Cour a aussi confirmé le principe selon lequel les heures accumulées à l’extérieur de la période de référence ne peuvent être utilisées pour rendre un prestataire admissible aux prestations (Haile c. Canada (PG), 2008 CAF 193).
  16. Dans ce cas, la Commission a utilisé toutes les heures d’emploi assurable accumulées pendant la période de référence, soit du 10 novembre 2013 au 13 septembre 2014.
  17. L’argumentation supplémentaire de la Commission (GD14) indique Le 5 décembre 2014, suite à la réception d’un relevé d’emploi modifié (GD3-12), la Commission a effectué un nouveau calcul et a avisé la prestataire, le 10 décembre 2014, qu’elle n’avait pas droit aux prestations à partir du 14 septembre 2014 parce qu’elle n’avait pas accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour se qualifier (GD3-17 à GD3-18). La prestataire a été avisée qu’elle devait rembourser un montant de 2 483 $ pour les prestations versées en trop (GD3-19).
  18. Selon les dispositions du paragraphe 56(2) du Règlement, la Commission peut défalquer un trop-payé qui se rapporte à des prestations reçues plus de douze mois avant qu’elle avise le débiteur du versement excédentaire.
  19. Dans le présent cas, malgré le fait que le trop-payé ne résulte pas d’une erreur de la prestataire ni d’une déclaration fausse ou trompeuse et que le versement excédentaire est attribuable à une erreur de l’employeur sur le nombre d’heures d’emploi assurable, la Commission ne peut défalquer le trop-payé parce que la prestataire a été avisée du versement excédentaire moins de douze mois après le versement.
  20. Selon les faits au dossier, la prestataire a été avisée du trop-payé le 10 décembre 2014, pour des prestations reçues entre le 28 septembre 2014 et le 29 novembre 2014.

Analyse

[12] La prestataire indique ne pas contester la question des heures assurables qui a mené au non-établissement de la période de prestations. Par contre, elle ne pensait pas devoir rembourser les prestations reçues en raison d’une erreur causée par son employeur. La prestataire demande la défalcation de la dette en totalité.

[13] Le paragraphe 112 (1) de la Loi indique que :

Quiconque fait l’objet d’une décision de la Commission, de même que tout employeur d’un prestataire faisant l’objet d’une telle décision, peut, dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder, et selon les modalités prévues par règlement, demander à la Commission de réviser sa décision.

[14] L’article 113 de la Loi indique que :

Quiconque se croit lésé par une décision de la Commission rendue en application de l’article 112, notamment une décision relative au délai supplémentaire, peut interjeter appel de la décision devant le Tribunal de la sécurité sociale constitué par l’article 44 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

[15] Ainsi, tel que mentionné par l’article 113 de la Loi, le Tribunal peut se pencher sur les décisions de révision émise par la Commission.

[16] La question est donc de savoir si la Commission a rendu une décision de révision au sujet de la défalcation.

[17] Le Tribunal et d’avis qu’il est clair que la prestataire contestait le fait de devoir rembourser le trop-payé puisqu’elle n’en était pas responsable et que celui-ci avait été causé par une erreur de son employeur sur son relevé d’emploi. C’est ce que fait mention sa demande de révision présentée à la Commission le 23 décembre 2015 (GD3-24). Il s’agissait de sa première communication avec la Commission suite à la décision suivant la modification du relevé d’emploi qui a fait en sorte que la prestataire n’avait plus suffisamment d’heures d’emploi assurables afin de pouvoir être admissible aux prestations d’assurance-emploi. Cette décision avait entraîné l’établissement d’un trop-payé (GD3-17 à GD3-19).

[18] Le 29 janvier 2015, la Commission a communiqué avec la prestataire concernant sa demande de révision. La Commission a colligé les informations obtenues de la prestataire (GD3-24) et a rédigé un rapport de décision (GD11-12) dans lequel elle affirme qu’aucune défalcation n’est possible.

[19] Puis, la Commission a rendu une décision de révision en lien avec la période de prestations non établie qui précise que « le trop-payé engendré par l’invalidation de votre demande de prestations débutant le 4 septembre 2014 demeure entier et ne subira malheureusement aucune modification » (GD3-25).

[20] Ainsi, le Tribunal constate qu’au moment de rendre la décision initiale, le 10 décembre 2014, la question de la défalcation n’a pas été adressée par la Commission (GD3-15).

[21] Le rapport de décision (GD11-12) et les renseignements supplémentaires (GD3-24) rédigés par la Commission ont été faits le même jour et par le même agent. Il serait surprenant qu’un même agent révise sa propre décision, et ce dans l’espace de quelques heures. Ainsi, le Tribunal ne peut considérer que le rapport de décision daté du 29 janvier 2015 constitue une décision de révision sur la défalcation. Il s’agit plutôt d’une décision initiale sur ce sujet.

[22] De plus, même si la Commission a été invitée à apporter des précisions sur ce rapport de décision qu’elle n’avait pas inclus au dossier, le Tribunal constate que la Commission s’est contentée de répéter l’historique des événements (GD14). Néanmoins, cet historique ne démontre pas que la Commission ait rendu initialement une décision sur la défalcation. Le fait de créer un trop-payé et d’émettre un avis de dette ne démontre pas que la Commission s’est penchée sur la question de défalcation. Le Tribunal est d’avis que la Commission a rendu une décision initiale sur la défalcation le 29 janvier 2015, mais qu’il ne s’agit pas d’une décision de révision.

[23] De plus, suite à une modification apportée à la Loi le 16 décembre 2014, l’article 112.1 de la Loi précise, en lien avec les décisions sur la défalcation que :

Les décisions de la Commission rendues en vertu du Règlement sur l’assurance-emploi qui concernent la défalcation de pénalités à payer, de sommes dues ou d’intérêts courus sur ces pénalités ou sommes ne peuvent faire l’objet de la révision prévue à l’article 112.

[24] Le Tribunal note lorsque la prestataire a présenté sa demande de révision à la Commission, cet article de Loi était en vigueur. Ainsi, même si la Commission avait rendu une décision de révision en lien avec la défalcation, elle l’aurait rendue à l’encontre de la Loi en vigueur.

[25] Pour ces raisons, le Tribunal est d’avis qu’il ne peut rendre de décision sur la question de la défalcation, tel que demandé par la prestataire.

[26] Le Tribunal a pris en considération la décision D.E.A. (D. E. A. c. Commission de l'assurance-emploi du Canada, 2014 TSSDGAE 86) rendue par un membre du Tribunal le 11 août 2014. Le Tribunal est d’avis qu’il n’est pas lié par la décision d’un autre membre, même s’il prend cette décision en considération.

[27] Ainsi, le Tribunal prend en considération que la jurisprudence en lien avec le pouvoir de défalcation de la Commission est en changement et que la Cour Fédérale a traité de cette juridiction et a indiqué dans Bernatchez que :

« Lors de l’audition, j’ai soulevé d’office cette question et j’ai invité les parties à faire des représentations à ce sujet, à la lumière des motifs concourants rédigés par le juge Stratas, de la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Steel c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 153, 418 NR 327. Dans cette affaire, le juge Stratas s’est dit d’avis que depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur l’assurance-emploi LC 1996, c 23 [LAE] , « quiconque », et non plus simplement un « prestataire », comme c’était le cas auparavant, peut interjeter appel d’une décision de la Commission … Il s’ensuivrait que, même dans les cas de défalcation, une décision de la Commission peut être portée en appel devant le conseil arbitral, le juge-arbitre et puis la Cour d’appel fédérale, conformément à l’article 118 de la LAE ». « Cela étant dit, le raisonnement du juge Stratas me paraît inattaquable ». Puis, il ajoute que : « […] les propos du juge Stratas dans l’arrêt Steel ne lient pas formellement cette Cour tant et aussi longtemps que la Cour d’appel n’aura pas fait sienne l’opinion exprimée par le juge Stratas et n’aura pas explicitement écarté les nombreuses décisions qu’elle a rendues (avant et après la modification législative adoptée en 1996) à l’effet qu’une décision de la Commission refusant la défalcation d’une somme ne peut faire l’objet d’un appel au conseil arbitral » (Bernatchez c. Canada (Procureur Général), 2013 CF 111).

[28] Néanmoins, le Tribunal est d’avis que la jurisprudence en vigueur est celle de la Cour d’appel fédérale et non de la Cour Fédérale ou de l’opinion dissidente de la Cour d’appel fédérale. Ainsi, tant que la Cour d’appel n’aura pas exprimé cette opinion, la défalcation ne pourra faire l’objet d’un appel auprès du Tribunal. Par conséquent, en se basant sur la jurisprudence actuelle et tel que mentionné précédemment, le Tribunal est d’avis qu’il n’a généralement pas compétence pour statuer sur la question de défalcation, mais que c’est plutôt à la Cour fédérale que revient le privilège de se pencher sur la question de la défalcation.

[29] Néanmoins, le Tribunal tient à préciser que l’interprétation du paragraphe 56 (1) du Règlement est indépendante de celle du paragraphe 56 (2) du Règlement. Le Tribunal est d’avis que la Commission ne doit pas limiter sa décision de défalcation au fait que moins de 12 mois se sont écoulés avant que la prestataire ne soit avisée de la modification de la décision, surtout lorsque cette erreur relève de son employeur.

[30] Les alinéas e) et f) du paragraphe 56 (1) du Règlement indiquent :

  1. (1) La Commission peut défalquer une pénalité à payer en application des articles 38, 39 ou 65.1 de la Loi ou une somme due aux termes des articles 43, 45, 46, 46.1 ou 65 de la Loi ou les intérêts courus sur cette pénalité ou cette somme si, selon le cas :
    1. e) le versement excédentaire ne résulte pas d’une erreur du débiteur ni d’une déclaration fausse ou trompeuse de celui-ci, qu’il ait ou non su que la déclaration était fausse ou trompeuse, mais découle :
      1. (i) soit d’une décision rétrospective rendue en vertu de la partie IV de la Loi,
      2. (ii) soit d’une décision rétrospective rendue en vertu des parties I ou IV de la Loi à l’égard des prestations versées selon l’article 25 de la Loi;
    2. f) elle estime, compte tenu des circonstances, que :
      1. (i) soit la pénalité ou la somme, y compris les intérêts courus, est irrécouvrable,
      2. (ii) soit le remboursement de la pénalité ou de la somme, y compris les intérêts courus, imposerait au débiteur un préjudice abusif,
      3. (iii) soit les frais administratifs de recouvrement de la pénalité ou de la somme, ou les intérêts, seraient vraisemblablement égaux ou supérieurs à la pénalité, à la somme ou aux intérêts à recouvrer.

[31] Le paragraphe 56 (2) du Règlement indique :

  1. (2) La Commission peut défalquer la partie de toute somme due aux termes des articles 47 ou 65 de la Loi qui se rapporte à des prestations reçues plus de douze mois avant qu’elle avise le débiteur du versement excédentaire, y compris les intérêts courus, si les conditions suivantes sont réunies :
    1. a) le versement excédentaire ne résulte pas d’une erreur du débiteur ni d’une déclaration fausse ou trompeuse de celui-ci, qu’il ait ou non su que la déclaration était fausse ou trompeuse;
    2. b) le versement excédentaire est attribuable à l’un des facteurs suivants :
      1. (iii) une erreur dans le relevé d’emploi établi par l’employeur,
      2. (iv) une erreur dans le calcul, par l’employeur, de la rémunération assurable ou du nombre d’heures d’emploi assurable du débiteur,

[32] Le Tribunal est d’avis que la Commission peut rendre une décision de défalcation en vertu de l’article 56 (1) du Règlement afin de défalquer le trop-payé réclamé à la prestataire, tout en prenant en compte le fait que la prestataire n’était aucunement responsable de la situation dans laquelle elle se trouve et que c’est en raison d’une erreur de son employeur qu’elle est affectée par un trop-payé.

[33] De plus, le Tribunal tient à indiquer à la Commission que le libellé de l’article 56 (1) du Règlement ne contient pas l’expression « sous réserve du paragraphe (2)» et que par conséquent, l’article 56 (1) du Règlement peut être appliqué indépendamment de l’article 56 (2) qui traite de sommes excédentaires reçues moins de douze mois avant que la Commission avise de ce paiement excédentaire.

[34] Ainsi, le Tribunal est d’avis que la Commission n’est pas justifiée d’ignorer l’existence de l’article 56 (1) du Règlement et ne doit pas limiter sa décision au fait que le paiement excédentaire a été effectué moins de douze moins avant la date où elle en a avisé la prestataire.

[35] Le Tribunal est d’avis que la prestataire a démontré les difficultés financières auxquelles elle est confrontée et que celles-ci doivent être prises en compte lorsque la Commission rend une décision en regard de la défalcation d’un trop-payé et cela, en vertu du paragraphe 56 (1) du Règlement.

[36] En conclusion, le Tribunal est que la décision de défalcation n’a pas fait l’objet d’une révision et que le Tribunal n’a pas le pouvoir de rendre une décision sur cette question en vertu de l’article 113 de la Loi. De plus, le Tribunal est d’avis qu’il n’a pas compétence pour rendre une décision au sujet de la défalcation et que c’est à la Cour fédérale qu’appartient cette juridiction. Néanmoins, le Tribunal croit que la Commission ne peut ignorer l’existence du paragraphe 56 (1) du Règlement lorsqu’elle rend une décision en lien avec la défalcation en tenant compte du fait que la prestataire n’était aucunement responsable de la situation dans laquelle elle se trouve.

Conclusion

[37] Ainsi, le Tribunal est d’avis que c’est à la Cour fédérale qu’appartient la juridiction de rendre une décision au sujet de la défalcation et qu’il ne peut se rendre de décision à ce sujet puisqu’aucune décision de révision n’a été rendue en vertu des articles 112 et 113 de la Loi.

[38] L’appel est rejeté.

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