Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Introduction

[1] Le 30 juillet 2015, la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a rejeté l'appel de la demanderesse à l'encontre d'une décision de la Commission de l'assurance-emploi du Canada (Commission). La Commission a jugé la demanderesse inadmissible aux prestations à la suite d’une demande de prestations déposée en août 2014. La demanderesse a demandé que sa demande soit antidatée de septembre 2014 parce que la Commission avait déterminé que la demanderesse n'avait pas suffisamment d'heures pour demander des prestations. La demanderesse a interjeté appel devant la DG du Tribunal.

[2] La demanderesse et son représentant ont participé à l’audience devant la DG, laquelle a été tenue par téléconférence le 22 juillet 2015. La défenderesse, elle, n’y a pas participé.

[3] La DG a déterminé que :

  1. La demanderesse a présenté une demande de prestations de maladie, qu'elle a reçues, aux termes de la Loi sur l'assurance-emploi (Loi sur l'AE);
  2. Elle a été congédiée par son employeur alors qu'elle était en congé de maladie autorisé;
  3. Elle a immédiatement présenté une demande de prestations régulières en octobre 2013;
  4. Elle a demandé que sa demande présentée en août 2014 soit antidatée et que sa précédente demande de prestations de maladie soit transformée en demande de prestations régulières.
  5. Pour pouvoir présenter sa demande de prestations régulières le 29 octobre 2013, la demanderesse devait avoir accumulé 630 heures au cours de sa période de référence. Elle avait auparavant accumulé 1834 heures assurables, mais ces heures ont servi à établir son droit aux prestations de maladie. Puisqu'elle était incapable de travailler au cours de sa période de référence, elle n'a pas pu accumuler d'heures assurables pour établir son droit aux prestations régulières;
  6. Elle n'a pas accumulé le nombre d'heures assurables requis pour établir son droit à des prestations régulières;
  7. Pour ce qui est de sa requête afin que sa demande soit antidatée, la demanderesse avait un motif valable pour justifier son retard à présenter sa demande. Cependant, elle n'aurait pas été admissible aux prestations à une date antérieure parce qu'elle n'avait pas accumulé suffisamment d'heures assurables;
  8. En conséquence, la demanderesse n'a pas respecté les deux conditions figurant au paragraphe 10(4) de la Loi sur l'AE. La DG a rejeté l’appel en se basant sur ces conclusions.

[4] La demanderesse a déposé, le 13 août 2015, dans le délai prescrit de 30 jours, une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel (DA) du Tribunal.

[5] Le Tribunal a invité la demanderesse et l'intimé à présenter des observations. L'intimé a présenté des observations en juin 2016.

Question en litige

[6] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable et analyse

[7] Aux termes de l'article 57 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), la demande de permission d’en appeler doit être présentée à la DA dans les trente jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision qu’il entend contester.

[8] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et « la division d’appel accorde ou refuse cette permission ».

[9] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[10] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Permission d’en appeler

[11] La demanderesse avance comme moyens d'appel que la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée et sur une mauvaise interprétation des faits, et que la DG a excédé sa compétence ou a refusé de l'exercer. Les observations de la demanderesse peuvent se résumer ainsi :

[12] Conclusion de faits erronée

  1. Elle a fourni la preuve qu'elle avait présenté deux demandes d'assurance-emploi simultanément le 29 octobre 2013, une visant les prestations régulières et l'autre, les prestations de maladie. Elle a agi ainsi après avoir parlé à des agents de la Commission de sa situation inhabituelle (une personne en congé de maladie autorisé par l'employeur qui se fait congédier);
  2. La Commission a pris la décision unilatérale de ne pas tenir compte de la demande de prestations régulières et de donner suite à la demande de prestations de maladie;
  3. Elle a obtenu la preuve, au moyen d'une demande d'accès à l'information, que la Commission avait dans ses dossiers la demande de prestations régulières du 29 octobre 2013. Elle l'a soumise à la DG.
  4. Entre-temps, elle a présenté, en août 2014, une demande de prestations régulières. Cette demande a été refusée par la Commission au motif que la demanderesse n'avait pas accumulé suffisamment d'heures assurables;
  5. La Commission a « affecté » les heures assurables de la demanderesse à sa demande de prestations de maladie. La Commission avait affirmé, pour un temps, que la demande de prestations régulières déposée en octobre 2013 n'existait pas.
  6. La conclusion de la DG selon laquelle la demanderesse n'avait pas accumulé suffisamment d'heures assurables a amené la DG à conclure à propos de sa demande afin que la demande du mois d'août soit antidatée. Comme la demanderesse n'aurait pas été admissible à une date antérieure, elle ne pouvait être admissible à présenter sa demande du mois d'août 2014 à une date antérieure;
  7. La Commission n'a pas tenu compte de la chronologie des demandes d'assurance-emploi que la demanderesse a déposées.

[13] La DG a excédé ou refusé d’exercer sa compétence :

  1. La DG n'a pas tenu compte des circonstances inhabituelles et du fait que la demanderesse a présenté deux demandes d'assurance-emploi simultanées, dont une que la Commission n'a pris en considération et a nié avoir entre les mains;
  2. La DG a établi un ordre chronologique inverse pour ce qui est du dépôt des demandes d'assurance-emploi de la demanderesse. Elle aurait dû tenir compte du fait que c'est la Commission qui a décidé de donner suite à la demande de prestations de maladie et d'ignorer la demande de prestations régulières en octobre 2013.

[14] Les observations de l’intimée sont les suivantes :

  1. La demanderesse a travaillé jusqu'au 26 février 2013 et a accumulé 1834 heures d'emploi assurable. Ces heures ont été utilisées pour déterminer le droit aux prestations à partir du 24 février 2013;
  2. Selon les renseignements médicaux soumis par la demanderesse, les prestations de maladie étaient payables à partir du 24 février 2013. La demanderesse a reçu le maximum de quinze semaines de prestations de maladie.
  3. La demanderesse a présenté une nouvelle demande de prestations, ou demande ultérieure de prestations, et une demande afin que sa demande antérieure de prestations de maladie soit antidatée et soit transformée en une demande de prestations régulières;
  4. Elle n’avait accumulé aucune heure d'emploi assurable reliée avec la demande en question;
  5. Aux termes des paragraphes 7(2) et 8(1) de la Loi sur l'AE, la demanderesse n'a pas répondu aux conditions pour avoir droit aux prestations.
  6. Ni la division d'appel ni la division générale ne peuvent modifier les conditions prévues dans la Loi;
  7. La division générale a rendu une décision raisonnable conforme à la preuve présentée.

[15] À la suite d'un examen de la décision de la division générale et de l'enregistrement audio de l'audience devant la division générale, j'estime que la demande de prestations régulières présentée en octobre 2013 est reliée avec la demande du mois d'août 2014.

[16] L'audience devant la DG a débuté le 27 avril 2015 et le membre de la DG a ajourné l'audience pour permettre à la demanderesse de mettre la main sur des documents supplémentaires et de les présenter. Les documents supplémentaires, déposés le 19 juin 2015, étaient ceux qui ont fait l'objet de la demande aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels afin d'obtenir une copie de sa demande de prestations régulières et une copie de cette demande estampillée du « 29-10-2013 14h05 ».

[17] L'audience tenue par téléconférence s'est poursuivie le 22 juillet 2015.

[18] La demanderesse a présenté à la DG la preuve soumise dans sa demande de prestations régulières soumise en octobre 2013. La DG a conclu que :

  1. La demanderesse a présenté une demande de prestations régulières le 29 octobre 2013 : paragraphes [15] et [23];
  2. Elle a demandé que la demande de prestations de maladie (qu'elle avait déposé le même jour) soit transformée en une demande de prestations régulières : paragraphe [14];
  3. Pour pouvoir présenter sa demande de prestations régulières le 29 octobre 2013, la demanderesse devait avoir accumulé 630 heures au cours de sa période de référence. Elle avait auparavant accumulé 1834 heures assurables : paragraphes [23] à [25].

[19] Vers la fin de l'audience, le membre de la DG a suggéré à la demanderesse, maintenant qu'elle avait une copie du document démontrant qu'elle avait effectivement présenté une demande en octobre 2013 et que la question était résolue, puisque le congédiement résultait de la restructuration chez son employeur, la demanderesse devrait demander à la Commission « si elle peut donner suite au traitement de la demande de prestations régulières... » Le membre de la division générale poursuit en déclarant que la question en litige consiste à déterminer si la demanderesse a suffisamment d'heures pour demander des prestations parce qu'elle « n'a aucune heure ». Ainsi, le membre de la division générale se demande "comment [le fait que la demande de prestations régulières déposée en octobre 2013 soit admise en preuve] influence la demande..." Le membre de la division générale laisse entendre que : « Soit la Commission a égaré cette preuve, soit elle en a désavoué toute connaissance. Il pourrait s'agir d'une occasion de lui rafraîchir la mémoire. »

[20] Bien que le membre de la DG ait déclaré qu'il s'agissait d'une question pertinente à poser à la Commission, la DG ne tente pas de déterminer en quoi la demande de prestations régulières présentée en octobre 2013 a un effet sur la demande du mois d'août 2014

[21] Dans une requête en fate du 27 mai 2016, le Tribunal a demandé à l'intimée de présenter des observations. Elles se présentent comme suit :

[traduction] Avant d'accorder ou de refuser la demande de permission d'en appeler à la division d'appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada, le membre du Tribunal à qui est assigné ce dossier demande à l'intimée de déposer des observations  sur la question de savoir si une permission d’en appeler devrait être accordée ou refusée.

La demanderesse (J. V.) fait notamment valoir qu'elle a déposé simultanément deux demandes à la Commission de l'assurance-emploi du Canada (CAEC) et qu'une d'elles a été ignorée par la CAEC. Conséquemment, la CAEC a seulement donné suite à la demande de prestations de maladie. Aussi, la demanderesse fait valoir que la DG a déterminé qu'elle avait 1834 heures d'emploi assurables au moment de déposer ses demandes, qu'elle avait besoin de 630 heures pour demander des prestations, mais la DG a conclu qu'elle n'avait pas le nombre d'heures assurables requis pour demander des prestations régulières.

[22] Les observations du 13 juin 2016 de l'intimée sont reliées avec les prestations de maladie versées à la demanderesse (à compter de février 2013) et sa demande de prestations régulières déposée en août 2014. Cependant, elles ne traitent pas de la demande de prestations régulières présentée en octobre 2013 (en même temps que la demande de prestations de maladie à laquelle la Commission a donné suite).

[23] Compte tenu des circonstances, si la DG n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence, un examen plus approfondi s’impose.

Conclusion

[24] La demande est accueillie.

[25] La présente décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

[26] J’invite les parties à présenter des observations écrites sur la pertinence de tenir une audience et, si elles jugent qu’une audience est appropriée, sur le mode d’audience préférable, et à présenter également leurs observations sur le bien-fondé de l’appel.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.