Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

L’appelante (l’employeur), A. S. Inc. exerçant sous la raison sociale Gilmore Partners, était représentée à l’audience par Me Maria Triggiani de BeardWinter LLP et par Me A. S., associé directeur qui a également été entendu à titre de témoin.

La personne mise en cause, Monsieur B. S. (le prestataire) était représentée à l’audience par Monsieur Olanyi Parsons de OP Law. Monsieur B. S. a également été entendu comme témoin.

L’intimée (la Commission) n’était pas représentée à l’audience, mais a présenté des observations additionnelles le jour de l’audience (GD12).

Au début de l’audience, la représentante de l’employeur, Me Triggiani, a présenté Mme V. C. de Full Circle Consulting et Monsieur K. D., associé, comme témoins. Le membre a demandé que ces témoins attendent à l’extérieur de la salle d’audience jusqu’au moment prévu de leur témoignage.

Mme V. C. a témoigné à l’audience (voir ci-après), mais à mi-chemin de celle-ci, Me Triggiani a excusé Monsieur K. D. et a informé les parties qu’il ne témoignerait pas. Le prestataire, Monsieur B. S., et l’employeur, Monsieur A. S., sont demeurés dans la salle d’audience pendant l’instance et ont tous deux témoigné.

Introduction

[1] Le 24 août 2015, le prestataire a présenté une demande initiale de prestations régulières indiquant qu’il a été congédié (de façon déguisée) de son emploi le 22 juillet 2015, tandis que l’employeur a mentionné que le prestataire a quitté son emploi de son plein gré. Le 28 septembre 2015, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a rejeté la demande de prestations régulières du prestataire parce qu’il n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi.

[2] Le 20 octobre 2015, le prestataire a demandé que la Commission réexamine sa décision et le 13 novembre 2015, la Commission a tranché en faveur du prestataire et a accueilli la demande sans imposer d’exclusion.

[3] Le 2 décembre 2015, le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal).

[4] L’audience a eu lieu en personne compte tenu de la complexité de la question portée en appel, des renseignements contenus dans le dossier, dont la nécessité d’obtenir des renseignements additionnels et de la représentation ou non de l’appelante ou des autres parties.

Question en litige

[5] Le membre doit décider si le prestataire a démontré qu’il était fondé à quitter son emploi le 22 juillet 2015 et s’il devrait être exclu du bénéfice des prestations en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi), respectivement.

Droit applicable

[6] L’article 29 de la Loi se lit comme suit : Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

[7] Le paragraphe 30(1) de la Loi stipule qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[8] Aux termes du paragraphe 30(2) de la Loi, l’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

Preuve

[9] Le prestataire a été employé comme associé et consultant principal en recherche/ gestionnaire de carrières de cadres chez l’employeur pendant près de 10 ans jusqu’à son dernier jour de travail le 22 juillet 2015. Dans sa demande, le prestataire a mentionné qu’il a été congédié de façon déguisée. Il dit avoir été informé par la consultante de l’employeur, Mme V. C., que l’employeur a accepté sa lettre du 20 juillet 2015 provenant de son conseiller juridique (GD3-3 to GD3-15).

[10] Le relevé d’emploi présenté par l’employeur indique que le prestataire a quitté son emploi le 22 juillet 2015 (GD3-16).

[11] Le prestataire a informé la Commission qu’il est en désaccord avec la date de recrutement et avec le motif de séparation indiqués dans le relevé d’emploi. Le prestataire a donné un compte rendu des événements ayant mené à son dernier jour de travail (GD3-20 et GD3-21) et ses notes des deux dernières réunions tenues le 22 juillet 2015 (GD3-43 à GD3-45). Le prestataire a présenté les arguments et les documents suivants (GD3-19 à GD3-33) :

  • Afin de montrer qu’il entendait continuer à travailler jusqu’à ce que les questions mentionnées dans sa lettre à l’employeur soient réglées, il a soumis une copie de cette lettre datée du 20 juillet 2015 de son conseiller juridique informant les intéressés de sa demande à l’encontre de l’employeur. Le représentant du prestataire faisait valoir dans cette lettre que le prestataire a été victime de harcèlement, de rupture de contrat et de violation de ses droits de la personne. Il a fourni un compte rendu des événements qui ont mené à la demande de traitements médicaux par le prestataire. Dans la lettre, il a déclaré que compte tenu de la violence et du harcèlement dont le prestataire a été victime, le milieu de travail était devenu toxique et intolérable, ce qui fait que le prestataire ne pouvait plus continuer à travailler chez l’employeur. Il s’agissait selon lui de circonstances atténuantes. Le prestataire était prêt à terminer ses dossiers courants en bénéficiant des mêmes mesures d’adaptation déjà en place et désirait obtenir une indemnité de préavis de cessation d’emploi (GD3-29 à GD3-33).
  • Le prestataire a soutenu qu’il croyait être un employé et qu’il a continué à exercer ses fonctions jusqu’à sa cessation d’emploi le 22 juillet 2015. Il a fourni des copies de deux nouveaux clients obtenus le 20 juillet 2015 et de courriels entre collègues datés du 16, du 21 et du 22 juillet 2015 indiquant des rendez-vous avec des clients prévus les 24 et 27 juillet 2015; en outre, le prestataire a pris part à une réunion de tout le personnel de la compagnie au cours de la matinée du 22 juillet 2015 pendant laquelle il dit avoir discuté de 10 de ses engagements en cours (GD3-38 à GD3-42).
  • Le prestataire a fait valoir que l’employeur a informé le personnel qu’il était mis à pied et qu’il devait quitter les lieux le 22 juillet 2015. Il a fourni une copie d’un courriel qu’un autre employé lui a envoyé le 22 juillet 2015 (à 14 h 31) l’informant que l’employeur et Mme V. C. ont avisé le personnel qu’il n’était plus au service de la compagnie; que le prestataire avait poursuivi l’employeur et quet Monsieur
  •  A. S. devait faire ce qu’il y avait de mieux pour la compagnie, même s’il s’agissait d’un choix difficile pour lui, mais qui devait être fait (GD3-46). Le courriel d’un autre employé envoyé au prestataire en date du 1er septembre 2015 mentionne que le prestataire s’est fait intimer de partir le 22 juillet 2015. Monsieur A. S. a dit au personnel qu’il s’agissait d’une situation malheureuse, mais que cela devait être fait et qu’il devait protéger la compagnie et les autres personnes de torts éventuels. L’employeur n’a jamais mentionné que le prestataire a quitté son emploi et toutes les communications révélaient que le prestataire a été congédié (GD3-47). Le courriel d’un autre employé envoyé au prestataire remettait en question la version des événements présentés (GD3-48).
  • Pour démontrer qu’il avait besoin de mesures d’adaptation médicales d’une durée de 12 semaines qui prenaient fin le 22 juillet 2015, le prestataire a présenté un billet de son médecin daté du 29 avril 2015. Il indiquait que le prestataire doit travailler (à temps plein) de la maison au cours des 12 prochaines semaines et que son dossier doit alors être réévalué (GD3-50). Il a également fait valoir un billet de médecin daté du 2 juin 2015 qui recommandait que le prestataire continue à travailler à domicile à temps plein et qu’il puisse assister aux réunions externes et aux rendez-vous à l’extérieur de son domicile au besoin pour exercer ses fonctions (GD3-49).
  • Pour démontrer qu’il ne quitterait pas volontairement l’emploi qu’il occupait depuis 10 ans sans avoir trouvé un autre emploi ou sans avoir terminé ses dossiers courants pour lesquels il obtiendrait des commissions, le prestataire a présenté ses relevés T4 des années d’imposition 2012, 2013 et 2014 indiquant qu’il était entièrement rémunéré à commission (GD3-51 à GD3-54).

[12] L’employeur a retenu les services d’une tierce partie consultante, Mme V. C.  Dans son rapport en date du 19 juillet 2015, Mme V. C. mentionne qu’elle a été mandatée pour faire enquête et pour établir la véracité des prétentions du prestataire en examinant la preuve, en tirant des conclusions au sujet du soi-disant incident et en formulant des recommandations sur la façon de répondre. Mme V. C. a mené une enquête du 11 au 25 juin 2015 en interviewant le prestataire, Monsieur K. D. et 3 autres employés (seule Mme A. L. a été témoin de l’événement). Mme V. C. a jugé dignes de foi toutes les parties interviewées. Mme V. C. a conclu que le prestataire et Monsieur K. D. se sont rencontrés à la réception en présence de Mme A. L.. Mme V. C. a conclu que Monsieur K. D. a touché légèrement le prestataire à la partie supérieure du bras et à l’épaule, mais qu’il ne s’agissait pas d’un contact agressif; le prestataire était cependant mécontent d’avoir été touché par Monsieur K. D.. Il y avait déjà de la tension entre Monsieur K. D. et le prestataire. Mme V. C. a conclu que le toucher à l’épaule ne pourrait être considéré comme une agression parce que (a) leur relation n’était pas positive (b) le prestataire n’a pas demandé à Monsieur K. D. de cesser de le toucher ni n’a informé son employeur en temps opportun et (c) n’a pas demandé de soins médicaux ou d’intervention de la police. Mme V. C. a recommandé de la formation et du mentorat pour Monsieur K. D. et le prestataire, de la formation sur la sensibilité individuelle et les compétences en gestion pour Monsieur K. D., l’élaboration de politiques sur le respect et l’intimidation et de la formation pour tous les employés. De plus, elle a fait des suggestions au sujet de la communication en milieu de travail (GD3-34 à GD3-45).

[13] À la Commission, le prestataire a dit que depuis que Monsieur K. D. s’est joint à la compagnie en 2011, il y a un problème de maintien en poste des employés, car il se livre à du harcèlement et à de l’intimidation. Ces employés se sont adressés à lui (il faisait du recrutement et du mentorat), puis Monsieur K. D. a commencé à s’en prendre à lui personnellement. Le prestataire a déclaré que Monsieur K. D. l’a menacé directement en 2014 et a eu recours à la force physique en juin. En raison de la tension subie, il a demandé un traitement médical et la possibilité de travailler à la maison. Par la suite, il n’a pas été bien traité par l’employeur, qui a aussi recruté un consultant qui a commencé à l’appeler et demandé de parler directement à son médecin, ce qu’il a refusé. Le 20 juillet 2015, son avocat a envoyé une lettre à l’employeur faisant état de violations des droits de la personne, d’un congédiement déguisé et d’une violation de leur accord de dédommagement. Il devait continuer à travailler jusqu’à ce qu’il voit son médecin la semaine suivante. Le 22 juillet 2015, on lui a dit que l’employeur accepte sa démission. On lui a demandé de retourner les biens et les dossiers de la compagnie, et on lui a dit que son compte de courriels a été éliminé, qu’il était licencié et que la sécurité a été avisée (GD3-55 et GD3-56).

[14] L’employeur a informé la Commission que le prestataire lui a remis sa démission de vive voix et devant la consultante (V. C.) le 22 juillet 2015. Il a déclaré que le prestataire a quitté son emploi verbalement lors de son dernier jour et par écrit le 20 juillet 2015. Il a ajouté que le prestataire avait des problèmes avec Monsieur K. D. et que c’était réciproque. Monsieur A. S. a dit à la Commission de parler au prestataire au sujet des motifs de son départ (GD3-57 et GD3-81). Il a présenté une copie de la réponse de la compagnie à l’avocat du prestataire en date du 24 août 2015 indiquant que la démission du prestataire était acceptée. L’employeur rejette les allégations de harcèlement, d’intimidation, de détresse psychologique ou les allégations selon lesquelles le prestataire était victime de violence en milieu de travail. L’avocat de l’employeur soutient que la compagnie a fait tout ce qu’elle pouvait pour aider le prestataire et pour faire enquête sur ses allégations (GD3-58 et GD3-59).

[15] Le 28 septembre 2015, la Commission a rejeté la demande de prestations régulières du prestataire parce qu’il n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi étant donné que ce n’était pas sa seule solution de rechange raisonnable (GD3-60).

[16] Le 20 octobre 2015, le prestataire a demandé que la Commission réexamine sa décision et fournisse d’autres preuves documentaires qu’il a déposé récemment (le 9 octobre 2015) une demande à l’encontre de l’employeur pour congédiement injustifié et déguisé (de GD3-62 à GD3-78). Le prestataire a réitéré les événements qui sont survenus depuis le recrutement de Monsieur K. D. en 2013 ainsi que les problèmes qui ont eu lieu avec d’autres employés en raison du milieu hostile qu’il a créé. Le prestataire a ajouté qu’il a soumis leurs plaintes à l’employeur, Monsieur A. S., mais que ce dernier semblait s’en désintéresser et n’a rien fait pour corriger la situation. En 2014, Monsieur K. D. a commencé à l’attaquer personnellement et il a de nouveau informé l’employeur de la situation, mais rien n’a été fait pour la régler (GD3-80).

[17] Le 13 novembre 2015, la Commission a statué en faveur du prestataire, a annulé sa décision initiale du 28 septembre 2015 et a accueilli la demande exempte d’exclusion (GD3-83 à GD3-86).

[18] Dans l’avis d’appel au Tribunal, l’employeur a fourni des copies des observations des deux parties présentées à la Cour supérieure de justice de l’Ontario (GD2-7 à GD2-32).

[19] Le prestataire a soumis d’autres documents à l’appui de sa demande, dont des courriels  échangés entre un autre employé et l’employeur au sujet de plaintes sur le comportement négatif de Monsieur K. D. à son égard et de ses refus de travailler avec Monsieur K. D. à compter de 2013 (GD10-5 à GD10-6), de deux démissions causées par la tension et l’angoisse en 2013 et 2014 (GD10-9 et GD10-12), de l’échange de courriels entre les parties le 1er janvier 2014 au sujet de la demande du prestataire que Monsieur K. D. ne soit pas assis à proximité du prestataire (GD10-10 et GD10-11), des courriels et des lettres entre les parties concernant son dédommagement du 23 avril 2015 au 11 juin 2015 (GD10-16 à GD10-21), des échanges de courriels concernant une lettre de nature disciplinaire de l’employeur au prestataire et leur réunion du 29 mai 2015 (GD10-22 à GD10-35 et GD10-62), un échange de courriels entre les parties en date du 10 juin 2015 au sujet du recrutement de la consultante et de la participation du prestataire (GD10-36 à GD10-41), un échange de courriels entre les parties les 11 et 12 juin 2015 au sujet de l’entrée de calendrier du prestataire et de l’affichage de poste (GD10-42 à GD10-52), quatre courriels de déclarations au prestataire provenant de quatre anciens employés de l’employeur sur leurs expériences de violence verbale, de harcèlement, et d’intimidation par Monsieur K. D. et sur les effets sur leur bien-être, leur rôle de témoin de la violence verbale et de l’intimidation auxquelles il s’est livré à l’égard d’autres employés et ces démissions, l’absence de réaction de l’employeur, le rôle de témoin d’événements survenus en 2015 et le dernier jour de travail du prestataire (GD10-53 à GD10-60); la lettre de l’employeur datée du 14 juillet 2015 sur le malaise éprouvé par le prestataire à leur donner un accès direct à son médecin de famille – qui mentionne qu’ils n’ont pas d’invalidité de courte ou de longue durée (GD10-63), et la réponse du prestataire et la défense à la demande reconventionnelle de l’employeur dans d’autres instances (GD10-64 à GD70).

[20] Mme A. L. a fourni une déclaration écrite signée de ce dont elle a été témoin entre le prestataire et Monsieur K. D. à la réception le 21 mai 2015.  Mme A. L. a dit qu’elle a démissionné pour des raisons de santé, mais l’une des raisons secondaires était de quitter la culture toxique empreinte de harcèlement verbal, d’intimidation et d’isolement dont elle a été témoin. Le 21 mai 2105, elle a vu Monsieur K. D. avoir un « contact physique » avec le prestataire, mais elle ne se rappelle pas des mots échangés entre les parties parce qu’elle faisait son travail. Elle a dit à Mme V. C. ce qu’elle a vu et Mme V. C. l’a documenté. Elle a également informé Mme V. C. des plaintes que d’autres employés lui ont transmis au sujet de Monsieur K. D. et elle lui a dit qu’elle l’a vu (expressions faciales) et entendu (ton et manière) parler négativement à d’autres personnes. Elle a dit avoir été témoin au sein de la compagnie de moqueries et d’insultes au sujet de la stature, de harcèlement verbal et d’une conduite inadéquate au travail. Mme A. L. a constaté une amélioration dans le comportement de Monsieur K. D. depuis qu’il bénéficie d’un encadrement. Elle croit que l’employeur était au courant du harcèlement verbal avant 2015 (GD11).

Témoignages à l’audience

Mme V. C., full circle consulting

[21] Mme V. C. a déclaré que l’employeur a retenu ses services en juin 2015. Son enquête lui a permis de conclure que Monsieur K. D. s’est présenté derrière le prestataire et a placé ses mains sur les épaules du prestataire, ce qui se voulait une façon de l’accueillir exempte de malice ou d’intention malveillante. Mme V. C. a confirmé que le prestataire a déclaré qu’il se sentait [traduction] « effrayé et dégoûté » et que selon lui, le contact n’était pas un contact de bienvenue. Elle a déclaré qu’il y avait des allégations de harcèlement en milieu de travail mais qu’elle n’a pas constaté un tel harcèlement (elle faisait enquête au sujet de l’incident). Elle a déclaré qu’elle a recommandé et débuté de l’encadrement pour Monsieur K. D. parce qu’il avait une forte personnalité et devait adoucir son approche. La formation en matière de sensibilisation a également été proposée pour améliorer l’encadrement. Mme V. C. a confirmé que les membres du personnel souhaitaient pouvoir discuter avec quelqu’un au sujet des problèmes en milieu de travail; elle a présumé que ce serait quelqu’un d’autre que Monsieur A. S.. Elle a déclaré que son nom a été proposé aux membres du personnel au cas où ils souhaiteraient exprimer leurs préoccupations. En ce qui concerne les solutions de rechange offertes au prestataire, MmeV. C. a déclaré qu’elle a recommandé de la formation pour Monsieur K. D. et pour le prestataire. Elle a ajouté qu’une tierce partie devrait être disponible en cas de plaintes, qu’une politique devrait être élaborée et qu’il devrait y avoir des examens annuels.

[22] Elle a déclaré que pour le prestataire, il n’était aucunement urgent de partir et que l’employeur lui a offert des mesures d’adaptation, notamment la possibilité d’envoyer un spécialiste de l’informatique chez le prestataire et de lui offrir de travailler de son domicile et de se présenter au bureau à son gré.

[23] Mme V. C. a déclaré qu’elle a assisté à deux réunions avec le prestataire le 22 juillet 2016. La première était une rencontre avec Monsieur A. S., Monsieur K. D. et le prestataire pour discuter du résultat de son enquête et pour mettre de l’avant des éléments visant à rétablir le plus possible les relations. Mme V. C. a déclaré qu’à la réunion, elle a demandé au prestataire s’ils pouvaient aller de l’avant à l’égard de cette situation et le prestataire a répondu [traduction] « absolument pas ». Elle a déclaré que le prestataire ne voulait pas poursuivre mais qu’il était prêt à continuer selon les termes du billet de son médecin.

[24] Mme V. C. a déclaré qu’elle a eu ultérieurement un entretien individuel avec le prestataire pour accepter sa démission pour le compte de l’employeur. Monsieur A. S. lui a donné instruction de procéder de cette façon. Mme V. C. a déclaré que le prestataire a dit [traduction] « Je ne démissionne pas. » et qu’il voulait continuer à travailler. Mme V. C. a dit que le prestataire avait déjà déclaré qu’il n’avait pas l’intention de travailler avec Monsieur K. D. ou d’accepter de l’encadrement. Elle a dit qu’ils acceptaient sa démission sur la base de la lettre de son avocat.

Monsieur A. S., président (employeur)

[25] Monsieur A. S. a déclaré que le prestataire lui a parlé pour la première fois des problèmes et de l’incident avec Monsieur K. D. en mai 2015 et qu’il a alors recruté une consultante (Mme V. C.) afin qu’elle fasse enquête sur ce qui se passe vraiment. Conformément au billet du médecin du prestataire, il a accédé aux demandes de ce dernier, qui désirait travailler à domicile, pouvoir compter sur un bureau fermé et avoir une connexion internet à la maison. Monsieur A. S. a déclaré qu’une rencontre était prévue le 22 juillet 2015 pour discuter des conclusions de Mme V. C. et de ses suggestions pour aller de l’avant et du fait qu’il entendait donner suite aux recommandations du médecin et de Mme V. C. et qu’il était prêt à fournir du travail après le 22 juillet 2015. Cependant, une lettre de l’avocat du prestataire datée du 20 juillet 2015 a modifié la perspective de la réunion, car il a considéré celle-ci comme une démission. Monsieur A. S. a déclaré que Mme V. C. a demandé au prestataire lors de la rencontre [traduction] « Souhaitez-vous être ici? » et le prestataire a répondu « non ». Monsieur A. S. a déclaré que le prestataire a donc d’abord démissionné par écrit (lettre du 20 juillet 2015), puis de vive voix à la réunion du 22 juillet 2015 en présence de Monsieur K. D. et de Mme V. C., quoique le prestataire n’ait pas donné de date d’effet. Monsieur A. S. a déclaré qu’il n’a pas donné au prestataire l’occasion de travailler à des dossiers courants après le 22 juillet 2015 parce que le prestataire n’était pas prêt à le faire et parce qu’il a accepté la démission du prestataire ce jour-là.

[26] Monsieur A. S. a déclaré que le prestataire l’avait avisé du comportement inapproprié de Monsieur K. D. dans ses rapports avec d’autres membres du personnel. Monsieur A. S. a été renvoyé aux pièces GD10 et GD11. Il a déclaré que I. A., Monsieur J. J., Mme M. M. et Monsieur J. L. étaient tous d’anciens consultants en recherche de cadres qui ont travaillé avec Monsieur K. D. et avec le prestataire; ils relevaient de l’un ou de l’autre selon le client ou le dossier (GD3-53 à GD3-60). Mme A. L., auparavant coordonnatrice et responsable de la réception, travaillait avec le prestataire et Monsieur K. D. et recevait des directives de ces deux personnes (GD11).

[27] Monsieur A. S. a déclaré que si le prestataire n’avait pas démissionné, il aurait continué à travailler en bénéficiant de mesures d’encadrement et d’adaptation. Il a déclaré qu’il aurait pu se prévaloir d’un congé médical prévu par leur régime d’avantages sociaux ou d’un congé plutôt que de quitter son emploi.

Monsieur B. S., ancien associé (prestataire)

[28] Le prestataire a déclaré qu’il est devenu gestionnaire de carrières en 2005 et associé en 2010, alors qu’il a commencé à assumer les activités opérationnelles en matière de formation du personnel. Il possédait le plus d’ancienneté, ce qui fait que tous les employés s’adressaient d’abord à lui, puis à Monsieur A. S.. Les problèmes avec Monsieur K. D. ont débuté en 2013. D’autres membres du personnel se sont alors plaints de la façon dont Monsieur K. D. les traitait. En octobre 2013, ils ont changé de bureau et Monsieur K. D. a demandé d’être placé à côté du prestataire. Comme le prestataire s’est dit mécontent de cet arrangement, Monsieur K. D. l’a menacé. Il l’a dit à Monsieur A. S.. En septembre 2014, il a informé Monsieur A. S. qu’un autre employé (B. R.) a démissionné à cause de Monsieur K. D.. Le 15 avril 2015, Monsieur A. S. l’a convoqué à une rencontre avec Monsieur K. D. Lors de cette réunion, Monsieur K. D. criait; il était debout au-dessus du prestataire et lui a dit qu’il était [traduction] « dérangeant » et qu’il [traduction] « ne l’aimait » pas. Tous les employés pouvaient voir la rencontre et après celle-ci, d’autres employés lui ont envoyé des messages texte pour lui demander si ça allait. Le prestataire a déclaré qu’il a informé Monsieur A. S. du « harcèlement » avant la rencontre et après celle-ci et qu’il suivait des traitements médicaux hebdomadaires en raison du milieu de travail.

[29] Le 7 mai 2015, il a remis à l’employeur un billet du médecin demandant qu’il puisse travailler à la maison et se présenter au bureau de 2 à 3 jours par semaine. Le prestataire a déclaré qu’il n’a pas reçu de plan d’aide.

[30] Le 21 mai 2015, il discutait avec Mme A. L. à la réception quand Monsieur K. D. s’est présenté derrière lui, l’a attrapé par les épaules et a posé un geste s’apparentant à un massage. Le prestataire a déclaré qu’il était sous le choc; il a regardé Mme A. L. avec dégoût. Il est ensuite allé dans une salle de réunion et a dit à des collègues qu’il se sentait « effrayé » et qu’il éprouvait une douleur mineure. Le prestataire a déclaré qu’il se sentait ainsi parce que Monsieur K. D. lui avait dit qu’il était dérangeant, l’avait menacé auparavant, ce qui fait que tout contact avec lui s’apparentant à un massage d’épaules agressif lui semblait bizarre et dégoûtant. Il était soupçonneux, notamment après l’incident des cris du 15 avril 2015. Le prestataire a déclaré que Mme A. L. était le seul témoin de cet événement que Monsieur K. D. a d’abord nié. Elle a déclaré qu’il l’a [traduction] « touché physiquement », mais que c’est lui qui a été touché et qu’il est donc le seul à pouvoir dire comment il se sentait. Elle a également été témoin (à travers la vitre) de sa rencontre avec Mme V. C. le dernier jour et du fait qu’il a été escorté à l’extérieur du bureau.

[31] Le prestataire a déclaré qu’il a rencontré Monsieur A. S. le 29 mai 2015 au sujet d’une autre mesure d’adaptation et que son courriel (GD10-22) constitue une réponse à cette réunion. On lui a dit qu’il ne pouvait entrer dans le bureau (interdiction) en raison de médicaments insuffisants et de son rendement négatif. Le prestataire a déclaré qu’en conséquence, il a eu une petite attaque de panique. On lui a dit qu’il n’était pas congédié et qu’il devait s’asseoir, alors il a fermé la porte (sans la claquer) et est resté. On lui a remis une lettre d’avertissement pour la première fois en 10 ans (GD10-24).

[32] Le prestataire a déclaré que le 14 juillet 2015 (pièce GD10-63), il a reçu une lettre sous forme de courriel lui indiquant que l’employeur n’a pas de régime d’invalidité de courte ou de longue durée et qu’ils voulaient qu’il revienne de son congé pour raisons médicales. Il a déclaré qu’il avait encore des difficultés sur le plan de l’adaptation et qu’il était harcelé par Monsieur A. S. qui désirait s’attarder à ses problèmes de rendement. Monsieur A. S. examinait son calendrier et remettait en question un rendez-vous et l’identité de la personne qui a publié ses chiffres dans toute la compagnie (sans lui en faire de copie ni le lui dire). Mme V. C. et Monsieur A. S. demandaient aussi un accès direct à son médecin sans présenter de documents à cet effet, ce qu’il a refusé. Le prestataire a déclaré qu’il se trouvait dans un environnement de harcèlement continu et de tentatives de l’embarrasser. Le prestataire a déclaré qu’il était toujours prêt à envisager un retour anticipé après avoir vu son médecin le 28 juillet 2015. Le prestataire a déclaré qu’il n’a pas refusé de reprendre ses fonctions ou de continuer à travailler.

[33] Le prestataire a déclaré que l’envoi de la lettre datée du 20 juillet 2015 avait pour but de répondre aux demandes de l’employeur et de Mme V. C. relativement à son retour anticipé de congé pour raisons médicales et à la lettre de l’employeur du 14 juillet 2015. Le prestataire a déclaré que la lettre visait à amener Monsieur A. S. à discuter de la situation. Il n’y avait rien d’urgent à partir le 22 juillet 2015. Le prestataire a déclaré qu’il avait mentionné ne pas pouvoir continuer à moins qu’on lui fournisse de l’aide et que l’on cesse de s’immiscer dans ses antécédents médicaux. Il a déclaré qu’il était prêt à se consacrer à ses dossiers courants pendant 2 ou 3 mois pour terminer ce qu’il avait commencé. Au-delà de cette période, il a déclaré qu’il ne voyait pas de quelle façon la situation s’améliorerait et qu’aucun des problèmes soulevés ne serait réglé. Le prestataire a déclaré qu’il n’a pas dit [traduction] « absolument pas » à la réunion du 22 juillet 2015.

[34] Le prestataire a déclaré que le 22 juillet 2015, il a eu deux réunions. Il a d’abord rencontré l’employeur et Mme V. C. (à 11 h 45) pour discuter de ce qu’il croyait être ses mesures d’adaptation, puis il a rencontré seulement Mme V. C. (à 13 h 30) qui s’est présentée à son bureau pour l’informer que c’était son dernier jour de travail. Par la suite, il y a eu une réunion de tous les employés de la compagnie pour les informer que l’entreprise retenait les services de Mm eV. C.. Le prestataire a déclaré qu’il prévoyait continuer à travailler ce jour-là comme d’habitude : il avait une réunion et des appels téléphoniques à faire au cours de l’après-midi, et il avait 10 dossiers courants, dont la moitié était constituée de nouveaux engagements obtenus après son congé pour raisons médicales. Il s’est reporté aux pièces GD3-38 à GD3-40 que sont deux nouveaux bons de travail en date du 20 juillet 2015 et GD3-41 (capture d’écran) du 22 juillet 2015 qui dresse la liste de 10 engagements dans la semaine du 17 juillet 2015.

[35] Le prestataire a confirmé qu’il n’a pas demandé de congé ni qu’un tel congé lui a été offert. Il a déclaré que d’après la pièce GD3-68, on ne lui a pas fourni la liste des mesures d’adaptation qui comprenaient l’accès à un local pour tenir des réunions avec des clients, la connectivité sans fil pour l’extérieur de son domicile et son bureau en vue de tenir des réunions, que la voix hors champ n’était pas branchée, et ainsi de suite. Il a confirmé qu’il souhaitait avoir accès au bureau mais qu’il s’est fait dire de ne pas s’y présenter. Le prestataire a déclaré qu’il voulait assister aux réunions du personnel/aux réunions publiques pour discuter de ses mandats (engagements). Il savait que Monsieur K. D. serait présent à ces réunions. Le prestataire a convenu que le billet du médecin était flou, mais il avait besoin des mesures d’adaptation pour travailler à l’extérieur du bureau. Le (premier) billet ne mentionnait pas qu’il ne pouvait pas entrer au bureau. Il a déclaré que l’employeur savait grâce à son calendrier à quel moment il devait être au bureau quoiqu’il ne l’en ait pas informé personnellement chaque fois.

[36] Les déclarations d’anciens employés (GD10-2 à GD10-52, GD11) avaient pour but de démontrer un historique de harcèlement et d’intimidation de la part de Monsieur K. D. lorsque le prestataire travaillait à cet endroit et après son départ, que d’autres personnes sont parties pour ce motif et que Monsieur A. S. était au courant mais que rien n’a changé.

Observations

[37] L’employeur a soutenu que la lettre du prestataire datée du 20 juillet 2016 (GD3-31) est une lettre de démission. De plus, il a démissionné de vive voix à la réunion du 22 juillet 2016. L’employeur a nié les allégations du prestataire selon lesquelles il faisait l’objet d’intimidation, de harcèlement ou de représailles de quelque façon que ce soit pendant son emploi (GD3-58 et GD3-59). L’employeur a soutenu qu’on ne lui a pas parlé et qu’il n’a pas été témoin de harcèlement, de violence ou d’intimidation avant mai 2015. Il a tout de suite cherché à régler la situation en retenant les services d’une tierce partie consultante chargée de faire enquête sur l’incident. La consultante, Mme V. C., a déclaré que le prestataire n’a pas été agressé par Monsieur K. D., qu’il n’était pas ouvert à recevoir des mesures d’adaptation et qu’il n’a pas examiné les solutions de rechange qu’elle proposait. L’employeur a soutenu que le prestataire n’était nullement pressé de partir quand il l’a fait parce qu’il bénéficiait de toutes les mesures d’adaptation pour son invalidité. Il avait d’autres options, comme poursuivre son travail avec de l’encadrement et des mesures d’adaptation, prendre un congé pour raisons médicales prévu au régime des avantages sociaux ou prendre un autre type de congé, et il aurait pu envisager un autre emploi avant de s’en aller. L’employeur a soutenu qu’il incombe au prestataire de régler le conflit en milieu de travail.

[38] La Commission a soutenu que le prestataire n’a pas démontré qu’il n’avait d’autre possibilité que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait le 22 juillet 2015. Elle a par conséquent accepté le versement de prestations à compter du 23 août 2015. La Commission a soutenu que la preuve démontre que depuis 2013, de nombreux employés, dont le prestataire, se sont plaints du comportement peu professionnel de Monsieur K. D. et ont quitté leur emploi en raison de problèmes de santé mentale et émotionnelle et de tension. La Commission a fait valoir que l’employeur était au courant du comportement de Monsieur K. D., mais n’a rien fait pour régler la situation tant que ce comportement ne s’est pas transformé en agression physique. L’enquête de la tierce partie s’est limitée à un incident sans en faire l’historique. La Commission a donc soutenu que le milieu de travail « toxique » existait depuis plusieurs années et ne se limitait pas au « contact physique » entre le prestataire et Monsieur K. D.. Cette situation, doublée de l’inaction de l’employeur dans un délai raisonnable, du sentiment du prestataire selon lequel il y a eu violation d’un accord de dédommagement et de l’absence de volonté de prendre en compte l’état de santé du prestataire, équivaut à un congédiement déguisé. L’emploi du prestataire était devenu tellement intolérable qu’il n’avait pas d’autre option raisonnable que de partir (GD12).

[39] Le prestataire a soutenu qu’il a fait l’objet d’un congédiement déguisé ou d’un simple congédiement le 22 juillet 2015 lorsqu’on l’a invité à quitter les locaux de l’employeur. Il a envoyé la lettre du 20 juillet 2016 à l’employeur parce que les mesures d’adaptation n’avaient pas été obtenues et parce que le milieu de travail était si intolérable qu’il était incapable d’endurer le harcèlement continu en milieu de travail malgré le fait qu’il ait demandé des traitements médicaux, en particulier après le dernier incident de contact/d’agression physique par Monsieur K. D.. Le prestataire était prêt à demeurer au travail le 22 juillet 2016 jusqu’à son prochain rendez-vous chez son médecin la semaine suivante, et à terminer ses dossiers courants. Toutefois, l’employeur l’a congédié en l’invitant à quitter les lieux. L’employeur n’a pas cherché à régler adéquatement et immédiatement le comportement de harcèlement et d’intimidation de Monsieur K. D..  L’employeur savait que d’autres employés ont remis leur démission en raison du harcèlement et de la violence de Monsieur K. D., mais n’a rien fait pour remédier à la situation ou pour la corriger. Le prestataire a soutenu qu’il a plutôt fait l’objet d’une évaluation de rendement subite, non fondée et injustifiée et qu’il a été contraint de quitter le 22 juillet 2015.

Analyse

[40] Les articles 29 et 30 de la Loi stipulent qu’un prestataire qui quitte volontairement son emploi est exclu du bénéfice de toute prestation à moins qu’il puisse établir qu’il était « fondé » (article 29) à quitter son emploi, c’est-à-dire qu’il avait une « justification » (article 30) pour le faire. En l’espèce, la Commission a décidé que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi et a accueilli sa demande exempte d’exclusions en vertu des articles 29 et 30 de la Loi, respectivement.

[41] Le membre a tenu compte de la position du prestataire selon laquelle l’employeur a congédié le prestataire en l’escortant pour l’amener à quitter les lieux inopinément le 22 juillet 2015. Le prestataire a fourni des preuves pour étayer sa position (GD3-46 à GD3-48). Le membre a donc pris en compte l’article 30 de la Loi et la jurisprudence portant sur des situations similaires. L’article 30 prévoit une exclusion pour une durée indéterminée des prestations lorsque le prestataire est congédié par son employeur en raison de sa propre inconduite ou parce qu’il n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi. Dans ce cas,

comme l’indique la jurisprudence, il s’agit de déterminer si une exclusion en vertu du paragraphe 30(1) de la Loi est justifiée, pour l’un ou l’autre des deux motifs d’exclusion énoncé dans cette disposition, dans la mesure où c’est étayé par la preuve (Easson A-1598-92, Eppel A-3-95). Le membre a également tenu compte du fait que la Commission a décidé en vertu de l’article 112 de la Loi que le prestataire a quitté volontairement son emploi et n’a pas jugé qu’il s’agissait d’un cas dans lequel le prestataire a été congédié en raison de sa propre inconduite. Par conséquent, c’est la seule décision que le membre pouvait prendre conformément à l’article 113 de la Loi. Le membre analysera donc les faits de façon à pouvoir décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi volontairement.

[42] En outre, le membre reconnaît toutefois que le prestataire et la Commission prétendent qu’il a fait l’objet d’un congédiement déguisé (GD3-30 et GD12); la notion de common law de congédiement déguisé ne figure pas dans la Loi.  Le membre constate que même si les facteurs qui peuvent constituer une justification en vertu de l’article 29 de la Loi ressemblent à ceux qui peuvent résulter en une conclusion de congédiement déguisé en common law, cela ne modifie pas le critère juridique de la Loi sur le départ volontaire d’un emploi. La Loi crée un régime d’assurance pour les employés qui ont été congédiés ou licenciés ou qui ont quitté leur poste parce qu’ils n’avaient pas d’autre option raisonnable. La question de savoir si un prestataire a quitté volontairement son emploi et n’a pas droit à des prestations en vertu de la Loi et la question de savoir si un prestataire a fait l’objet d’un congédiement déguisé et a le droit de poursuivre son employeur sont deux questions différentes (décisions Sulaiman A-737-93; Peace 2004 FCA 56).

[43] Le membre mentionne donc le principe bien établi voulant qu’il y ait justification lorsque, compte tenu de toutes les circonstances, le prestataire n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi, aux termes de l’alinéa 29c) de la Loi (décisions Patel A-274-09, Bell A-450-95, Landry A-1210-92, Astronomo A-141-97, Tanguay A-1458-84).

[44] Le membre a d’abord tenu compte du fait qu’il incombe à l’employeur et à la Commission de démontrer que le prestataire a quitté volontairement son emploi. L’employeur a constamment soutenu que le prestataire a quitté son emploi (GD3-16), tandis que le prestataire prétend qu’il n’a pas démissionné. Monsieur A. S. a déclaré que le prestataire s’est fait demander à la réunion du 22 juillet 2015 [traduction] « Souhaitez-vous être ici? » et que le prestataire a répondu « non ». Monsieur A. S. a déclaré que le prestataire a d’abord remis sa démission par écrit dans sa lettre du 20 juillet 2015 (GD3-31), puis a démissionné verbalement à la réunion du 22 juillet 2015; il a également déclaré que le prestataire n’a pas donné de date d’effet. Mme V. C. a dit que lors de cette même réunion, elle a demandé au prestataire s’ils pouvaient mettre cette situation de côté et aller de l’avant et le prestataire a répondu [traduction] « absolument pas ». Ce que le prestataire a nié. Par ailleurs, elle a également déclaré que le prestataire a dit [traduction] « Je ne démissionne pas » et qu’il voulait continuer à travailler. Mme V. C. a déclaré qu’elle a reçu de Monsieur A. S. la directive d’accepter la démission du prestataire en leur nom sur la base de la lettre de l’avocat du prestataire datée du 20 juillet 2015. Le membre mentionne que dans sa lettre, le prestataire a notamment fait part de son intention de partir, a dit qu’il était prêt à terminer ses dossiers courants avec les mesures d’adaptation déjà en place et a affirmé vouloir recevoir une indemnité de préavis de cessation d’emploi (GD3-31). De plus, le prestataire a déclaré qu’il était prêt à se consacrer à ses dossiers courants pendant deux à trois mois, et il a ajouté qu’au-delà de cette période, il ne voyait pas de quelle façon la situation pouvait s’améliorer. Son témoignage repose sur la preuve documentaire établissant que le prestataire travaillait et entendait continuer à travailler le 22 juillet 2015 (GD3-31, GD3-38 à GD3-41 et GD3-55) et qu’il consultait son médecin la semaine suivante (GD3-50). L’employeur l’a plutôt expulsé inopinément des locaux le 22 juillet 2015 (GD3-56, GD3-80 et GD10-54).

[45] Le membre est donc d’accord avec l’employeur et conclut que le 20 juillet 2015, le prestataire a indiqué son intention de démissionner une fois que ses dossiers courants seraient terminés, mais il n’a pas fourni de date d’effet. Le membre conclut toutefois que c’est l’employeur qui a établi et imposé que la date d’effet de cette démission serait le 22 juillet 2015 sans l’accord du prestataire et sans lui permettre de terminer ses dossiers courants. Le membre conclut donc que bien que l’employeur a établi que le prestataire a quitté son emploi ou entendait le faire volontairement, il a imposé la date d’effet du 22 juillet 2015.

[46] Le fardeau de la preuve se déplace alors vers le prestataire à qui il incombe de démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi (décisions White, A-381-10 et Patel, A-274-09). En l’espèce, le membre convient avec la Commission que le prestataire s’est acquitté de ce fardeau pour les motifs qui suivent. Il a démontré que les conditions de travail étaient tellement intolérables qu’il n’avait d’autre option que de quitter son emploi conformément à l’alinéa 29c) de la Loi.

[47] Le membre s’est d’abord penché sur les circonstances mentionnées à l’alinéa 29c) de la Loi et sur la question de savoir si elles existaient quand le prestataire a pris congé de son emploi le 22 juillet 2015. D’après la jurisprudence, ces circonstances doivent être évaluées à ce moment-là (Lamonde A-566-04). En l’espèce, le prestataire a soutenu qu’il a été harcelé et menacé par Monsieur K. D. par le passé et le 21 mai 2015; que celui-ci l’a touché et agressé physiquement, ce qui lui a fait peur et l’a dégoûté. Il a fait valoir que le milieu de travail était tellement intolérable qu’il n’a pu endurer le harcèlement continu en milieu de travail malgré les traitements médicaux qu’il a demandé. Le membre a donc tenu compte du sous-alinéa 29c)(i) de la Loi qui stipule que le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment le harcèlement, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas.

[48] Le membre a pris en compte les observations de l’employeur selon lesquelles il n’était pas urgent pour le prestataire de quitter (et (ou) de présenter sa démission) lorsqu’il l’a fait parce qu’il y avait des mesures d’adaptation complètes et d’autres options raisonnables que son départ. Le membre reconnaît que l’employeur s’est occupé immédiatement de l’incident du 21 mai 2015 en recrutant une consultante tierce pour faire enquête et formuler des recommandations. Le membre convient toutefois avec la Commission que la preuve révèle que le milieu de travail était devenu si intolérable que le prestataire n’avait d’autre option raisonnable que de quitter son emploi au moment où il l’a fait.

[49] Premièrement, le membre convient que la preuve révèle que depuis 2013, le prestataire et d’autres membres du personnel ont fait l’objet de harcèlement verbal, d’intimidation et de comportements inappropriés et agressifs de Monsieur K. D., et que nombre d’entre eux ont quitté leur emploi en invoquant la tension et des préoccupations pour leur bien-être (GD10-5 à GD10-15, GD10-53 à GD10-60 et GD11).

[50] Deuxièmement, le membre s’est penché sur les dénégations de l’employeur des allégations selon lesquelles le prestataire a fait l’objet d’intimidation, de harcèlement ou de représailles de quelque façon que ce soit au cours de son emploi et selon lesquelles l’employeur ignorait tout cela jusqu’en mai 2015 (GD3-58 et GD3-59). Le membre convient toutefois avec la Commission que selon la preuve, l’employeur connaissait le comportement inapproprié de Monsieur K. D., en a été témoin, mais n’a rien tenté pour le corriger jusqu’à ce que le prestataire demande des mesures d’adaptation de nature médicale et tant que Monsieur K. D. n’a pas eu de « contact physique » avec le prestataire en mai 2015 (GD3-80, GD10-5, GD10-53 et GD10-59). De plus, à l’audience, Monsieur A. S. a déclaré que le prestataire lui avait parlé des problèmes des autres employés avec Monsieur K. D.. Le prestataire a également déclaré qu’il a informé Monsieur A. S. des problèmes des autres employés en 2013; il savait que Monsieur K. D. avait menacé le prestataire en octobre 2013 (GD10-10) et il a vu Monsieur K. D. vociférer à l’endroit du prestataire lors de leur réunion du 15 avril 2015. Le membre reconnaît que le 9 juin 2015, l’employeur a recruté Mme V. C. pour faire enquête sur la véracité de l’incident du 21 mai 2015 et pour formuler des recommandations. Le membre convient toutefois avec la Commission, et Mme V. C. a confirmé à l’audience et dans son rapport (GD2-33 à GD2-36), qu’elle a fait enquête sur l’incident du 21 mai 2015, et que ses conclusions ne s’inscrivaient pas dans le contexte de toutes les autres preuves sur le comportement de Monsieur K. D. et des incidents avec les autres membres du personnel et avec le prestataire. Le membre conclut donc que le milieu de travail était devenu « toxique » depuis plusieurs années (ce dont l’employeur ne s’était pas occupé) et que cela ne se limitait pas à l’incident final du 21 mai 2015 entre le prestataire et Monsieur K. D..

[51] Enfin, le membre a pris en considération la position du prestataire selon laquelle il devait envoyer la lettre du 20 juillet 2015 à l’employeur parce que les mesures d’adaptation n’avaient pas été obtenues et parce que le milieu de travail était si intolérable qu’il était incapable d’endurer le harcèlement continu en milieu de travail. La preuve révèle que l’environnement tel qu’il était juste avant cette situation était devenu de plus en plus stressant et insupportable pour le prestataire pour plusieurs raisons. Par exemple, il a fait l’objet d’un examen de rendement pour la première fois en 10 ans (GD3-55) et d’une lettre de nature disciplinaire le 27 mai 2015 (GD10-22); des problèmes sont survenus concernant sa rémunération du 23 avril 2015 au 11 juin 2015 (GD10-16 à GD10-21), ses statistiques ont été communiquées publiquement à tout le personnel sans qu’il soit mis au courant; le 11 juin 2015, l’employeur a remis en question l’affichage d’un poste et un rendez-vous inscrit dans son calendrier (GD10-42 à GD10-52) et le 14 juillet 2015, l’employeur désirait obtenir un accès direct à son médecin de famille, ce que le prestataire a refusé (GD10-63). Le membre conclut donc que compte tenu des circonstances des derniers mois, le prestataire n’avait d’autre option raisonnable que de présenter sa démission le 20 juillet 2015.

[52] Si le prestataire n’a pas établi que son environnement était tellement intolérable qu’il a dû présenter sa démission, le membre conclut qu’en acceptant la lettre de démission du prestataire datée du 20 juillet 2015 sans permettre au prestataire de terminer ses dossiers courants ou, au moins, de consulter son médecin la semaine suivante, l’employeur a empêché le prestataire de prendre en compte ce qu’il aurait pu faire d’autre que de quitter son emploi. En ce faisant, le prestataire s’est fait refuser l’occasion d’examiner les autres solutions qui, au dire de l’employeur, étaient raisonnables, comme continuer à travailler en bénéficiant d’un encadrement et de mesures d’adaptation, prendre un congé de nature médicale prévu au régime des avantages sociaux ou un autre congé, et il aurait pu envisager d’occuper d’autres emplois avant de quitter son emploi. De plus, le membre a constaté que bien que l’employeur a déclaré qu’un congé pour raisons médicales était prévu par son régime d’avantages sociaux, il avait déjà dit au prestataire le 14 juillet 2015 qu’ils n’avaient pas de régime de congé d’invalidité de courte ou de longue durée (GD3-63). On peut donc se demander s’il s’agissait effectivement d’une option.

[53] Enfin, le membre a pris en considération et convient avec l’employeur qu’il incombe au prestataire de tenter de régler un conflit en milieu de travail ou de déployer des efforts pour chercher un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter un emploi (décisions White 2011 CAF 190; Murugaiah 2008 CAF 10; Hernandez 2007 CAF 320; Campeau 2006 CAF 376). Dans le cas qui nous occupe, le membre conclut que le prestataire n’a pas tenté de régler le conflit pendant plusieurs années en conservant son emploi et même en s’occupant des plaintes d’autres employés, en informant l’employeur de façon répétée du harcèlement fait par Monsieur K. D., et en demandant un traitement médical et des mesures d’adaptation pour éviter le conflit et les effets d’un milieu de travail stressant. De plus, si le prestataire était resté jusqu’à ce qu’il termine ses dossiers, il aurait pu chercher un autre emploi. Le prestataire a soumis des preuves établissant qu’il était rémunéré à commission et qu’il n’aurait pas quitté son emploi sans en avoir trouvé un autre et sans avoir terminé ses dossiers courants (GD3-51 à GD3-54).

[54] Pour tous ces motifs, le membre conclut que compte tenu de l’ensemble des circonstances au moment de la séparation, le prestataire s’est acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’il n’avait pas d’autre option raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait.

[55] Le membre conclut donc que le prestataire a démontré qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi le 22 juillet 2015 sans être exclu du bénéfice des prestations en vertu des articles 29 etd 30 de la Loi.

Conclusion

[56] L’appel est rejeté.

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