Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli, la décision de la division générale est infirmée et l'appel de l'intimé devant la division générale est rejeté.

Introduction

[2] Le 1er février 2016, la division générale du Tribunal a déterminé que l'intimé ne devait pas être jugé inadmissible en vertu de l'alinéa 18(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi (Loi).

[3] L’appelant a demandé la permission d’en appeler à la division d’appel le 11 février 2016. La permission d’en appeler lui a été accordée le 26 février 2016.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la question faisant l'objet de l'appel;
  • le fait que la crédibilité des parties ne figure pas au nombre des questions principales;
  • les renseignements figurant au dossier et le besoin de renseignements supplémentaires;
  • l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

Droit applicable

[5] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) prévoit que les seuls moyens d’appel se limitent aux suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[6] Le Tribunal doit déterminer si la division générale a erré lorsqu'elle a conclu qu'une inadmissibilité ne devait pas être imposée à l'intimé en vertu de l'alinéa 18(1)a) de la Loi.

Arguments

[7] L’appelant a fait valoir les arguments suivants à l’appui de son appel :

  • La division générale a commis une erreur de droit selon l'alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS puisqu'elle n'a pas appliqué le critère juridique pertinent à la disponibilité aux faits de cette affaire;
  • L'alinéa 18(1)a) de la Loi mentionne que le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là, capable de travailler, disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable.
  • La Cour d'appel fédérale a déterminé que le critère juridique à appliquer pour prouver la disponibilité au sens de la Loi doit être déterminé en analysant trois facteurs : le désir de retourner sur le marché du travail dès qu'un emploi convenable est offert, l'expression de ce désir par des efforts envers la recherche d'un emploi convenable, et ne pas définir des conditions personnelles qui pourraient indûment réduire les chances de retourner sur le marché du travail;
  • De plus, la disponibilité est une question de fait qui doit être considérée en se fondant sur toutes les circonstances de chacun des cas individuels. En vertu du paragraphe 50(8) de la Loi et de la jurisprudence, pour démontrer la disponibilité il faut faire des efforts raisonnables et courants pour obtenir un emploi convenable;
  • Que, après avoir quitté son emploi le 24 avril jusqu'au 3 avril 2015, l'intimé n'a pas effectué de recherche d'emploi et n'a donc pas répondu au critère juridique de disponibilité à cette date;
  • La division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, au sens de l'alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS;
  • La division générale s'est fondée sur le fait que le relevé d'emploi (RE) n'était pas au dossier et que l'intimé est retourné au travail dans un délai de deux mois pour conclure que l'intimé aurait dû se voir accorder une période de temps raisonnable pour trouver un emploi convenable près de sa résidence;
  • L'information qui figure au RE n'est pas contestée et n'est pas pertinente à la question de disponibilité de l'intimé. Par ailleurs, la raison pour avoir quitté l'emploi fut accueillie, et l'intimé a confirmé avant et pendant l'audience que sa dernière journée travaillée était le 24 février 2015;
  • L'exigence de disponibilité ne peut être abandonnée, peu importe si la raison de cessation d’emploi est déterminée comme étant justifiée;
  • Les éléments de preuve dans cette affaire ne sont pas contestés; nonobstant ses problèmes de transport, après avoir temporairement quitté son emploi, l'intimé n'avait pas cherché de travail jusqu'à la semaine du 5 avril 2015 (GD3- 10, GD3-11, GD3-19). Ces renseignements ne furent pas contredits lors de l'audience de l’appel;
  • La Cour d'appel fédérale a également déterminé que l'obligation légale d'un prestataire de prouver sa disponibilité en vertu de l'alinéa 18(1)a) de la Loi ne peut être ignorée, peu importe les circonstances atténuantes. De plus, le versement des prestations est assujetti à la disponibilité d’une personne, non à la justification de son indisponibilité.
  • Que la juste application des faits de cette affaire au critère juridique approprié pour la disponibilité mène à la conclusion raisonnable que l’intimé n’a pas prouvé sa disponibilité à travailler dans les limites prescrites par la Loi et la jurisprudence. Conséquemment, il devrait être assujetti à une inadmissibilité jusqu'au 3 avril 2015, en vertu de l'alinéa 18(1)a) de la Loi.

[8] L’intimé soumet les arguments suivants à l’encontre de l’appel :

  • En raison de la température et de la distance le séparant de son ancien employeur, et avant de parler à l'appelante le 2 avril 2015, il n'était pas préparé à et en mesure de se déplacer à son ancien travail et même s'il y avait eu des emplois disponibles plus près de sa résidence, il y avait toujours des problèmes reliés à la température et aux tempêtes de neige graves pour tout le mois de mars.

Norme de contrôle

[9] L'appelante soutient que la norme de contrôle applicable aux questions de droit est celle du caractère raisonnable et la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable – Pathmanathan c. Bureau du juge-arbitre, 2015 CAF 50.

[10] L’intimé n’a pas présenté d’observations concernant la norme de contrôle applicable.

[11] Le Tribunal constate que dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242, a indiqué au paragraphe 19 de sa décision que « [l]orsqu'elle agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, la division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure ».

[12] La Cour d’appel fédérale indique également que :

« [N]on seulement la division d’appel a-t-elle autant d’expertise que la division générale du Tribunal de la sécurité sociale et n’est-elle donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale ».

[13] La Cour conclut que « lorsqu’elle entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi. »

[14] Le mandat de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale décrit dans la décision Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274.

[15] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Analyse

[16] L'appelante argumente que les éléments de preuve devant la division générale sont incontestés en ce qui a trait au fait que, nonobstant ses problèmes de transport, l'intimé n'avait pas cherché d'autre emploi après avoir quitté son emploi de façon temporaire, et ce jusqu'au 5 avril 2015. L'appelante plaide que ces éléments de preuve n'ont pas été contredits à l'audience.

[17] À l'audience de l'appel, l'intimé a déclaré qu'il n'avait pas témoigné devant la division générale qu'il était à la recherche d'un emploi pendant la période du 24 février au 3 avril 2015.

[18] L'alinéa 18(1)a) de la Loi prévoit que le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable.

[19] Contrairement aux conclusions de la division générale, l'intimé n'a pas prouvé qu'il était disponible pour travailler pour la période indiquée conformément aux exigences de la Loi - Faucher c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration), 1997 CanLII 4856 (CAF).

[20] La division générale a également accueilli l'appel de l'intimé sur le fondement que l'appelante n'a pas fourni d'avis convenable à l'intimé en ce qui a trait à sa disponibilité. La division générale a rédigé ce qui suit :

[traduction]

« Le membre du Tribunal conclut qu'il s'agit d'une erreur de droit de ne pas considérer la jurisprudence reliée à fournir un avis et une période de temps raisonnable avant de rendre le prestataire inadmissible en raison d'une restriction déraisonnable et le fait que le membre n'a pas considéré la responsabilité de la Commission de fournir un avis constitue également une erreur de droit. »

[21] Le Tribunal n'est pas en désaccord avec la division générale pour ce qui est du fait qu'un avis pourrait être requis lorsqu'un prestataire a convenablement démontré que ses efforts pour obtenir un emploi convenable étaient raisonnables. Lorsque l'avis est inutile, comme dans la présente affaire, il n'est certainement pas nécessaire puisque l'intimé a admis qu'il ne cherchait pas d'emploi ou qu'il n'avait pas fait d'efforts pour trouver un emploi avant le 4 avril 2015.

[22] La Cour d'appel fédérale a clairement adopté la position selon laquelle elle ne pouvait accepter que dans un cas flagrant de non-disponibilité, un prestataire aurait droit au bénéfice des prestations en vertu de la Loi, simplement parce que l'appelant aurait omis de donner un avis à l'avance, peu importe le niveau regrettable de cette omission - Canada (Procureur général) c. Stolniuk, A-687-93.

[23] Les des éléments de preuve dans cette affaire ne sont pas contestés et l'intimé n'avait pas cherché du travail après avoir quitté temporairement son emploi, et ce jusqu'au 5 avril 2015. Conséquemment, il est assujetti à une inadmissibilité jusqu'au 3 avril 2015, en vertu de l'alinéa 18(1)a) de la Loi.

Conclusion

[24] L’appel est accueilli, la décision de la division générale est infirmée et l'appel de l'intimé devant la division générale est rejeté.

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