Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions et mode d’audience

[1] Le Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal) a tenu une audience par téléconférence pour les motifs énoncés dans l’avis d’audience daté du 7 juin 2016, soit l’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires. Ce mode permet le mieux de répondre aux besoins d’adaptation des parties. De plus, il est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal à savoir que l’audience doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[2] L’appelante, Mme G. P., était accompagnée de Mme S. M. du Mouvement chômeurs et chômeuses de l’Estrie lors de l’audience tenue le 21 juillet 2016.

[3] Monsieur A.N., représentant de l’employeur était présent à l’audience.

[4] La Commission de l’assurance emploi du Canada (la Commission) ne s’est pas présentée.

Décision

[5] Le Tribunal conclut qu’une exclusion d’une durée indéterminée est fondée en vertu des articles 29 et 30 sur la Loi de l’assurance emploi (la Loi) parce que l’appelante a quitté volontairement son emploi sans justification. L’appel est rejeté.

Introduction – Exposé des faits et procédure

[6] L’appelante a travaillé chez Canadian Custom Parckging Compagny du 29 mai 2015 au 2 octobre 2015, date à laquelle elle a quitté volontairement son emploi (GD3-29).

[7] Le 25 novembre 2014, l’appelante a fait une demande renouvelée de prestations initiales débutant le 2 novembre 2014 (GD3-3 à GD3-12).

[8] Le 28 octobre 2015, dans son avis de décision, la Commission a avisé l’appelante qu’elle n’avait pas droit à des prestations renouvelées parce qu’elle avait quitté volontairement son emploi le 2 octobre 2015, sans motif valable au sens de la Loi. La Commission était d’avis que ce n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. L’appelante n’a pas droit à ses prestations à partir du 18 janvier 2015 (GD3-29 à GD3-30).

[9] Le 6 novembre 2015, l’appelante a fait une demande de révision de la décision de la Commission (GD3-31 à GD3-38).

[10] Le 1 décembre 2015, dans son avis de décision suite à la révision administrative, la Commission a informé l’appelante qu’elle n'a pas modifié sa décision concernant le litige (GD3- 47 à GD3-47).

[11] Le 23 décembre 2015, l’appelante a déposé un appel devant le Tribunal.

Question en litige

[12] Le Tribunal doit statuer concernant une exclusion d’une durée indéterminée qui a été imposée à l’appelante en vertu des articles 29 et 30 de la Loi parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification.

Droit applicable

[13] L’article 29 de la loi :

Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations. (…)
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d'emploi, mais n'est pas assimilée à la perte d'emploi la suspension ou la perte d'emploi résultant de l'affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l'exercice d'une activité licite s'y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d'accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d'exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d'une activité, d'une entreprise ou d'un secteur à un autre employeur, auquel
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre solution raisonnable dans son cas :
    2. ii) nécessité d'accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge dans autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d'un enfant ou d'un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d'un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d'heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l'employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l'emploi en raison de l'appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l'employeur à l'égard du prestataire à quitter son emploi
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

[14] Le paragraphe 30(1) de la Loi :

Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s'il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins que :

  1. a) depuis qu'il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d'heures requis, au titre de l'article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) il ne soit inadmissible, à l'égard de cet emploi, pour l'une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[15] Le paragraphe 30(2) de la Loi;

L'exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. La durée de cette exclusion n'est pas affectée par la perte subséquente d'un emploi au cours de la période de prestations.

[16] Paragraphe 30(3) de la Loi:

Dans les cas où l'événement à l'origine de l'exclusion survient au cours de sa période de prestations, l'exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l'événement.

[17] Article 51.1 du Règlement :

Pour l'application du sous-alinéa 29c) (xiv) de la Loi, sont notamment prévues les circonstances raisonnables suivantes :

  1. a) le prestataire est dans l'obligation d'accompagner vers un autre lieu de résidence une personne avec qui il vit dans une relation conjugale depuis moins d'un an, dans l'un ou l'autre des cas suivants:
    1. (i) l'un d'eux a eu ou a adopté un enfant pendant cette période,
    2. (ii) l'un d'eux est dans l'attente de la naissance d'un enfant,
    3. (iii) un enfant a été placé chez l'un d'eux pendant cette période en vue de son adoption;
  2. b) le prestataire est dans l'obligation de prendre soin d'un proche parent au sens du paragraphe 55(2).

[18] Lorsqu’une décision de la Commission a été portée en appel, cette décision n’est plus du ressort de la Commission et toute modification à une décision après que celle-ci ait été portée en appel est nulle. Canada (PG) c. Wakelin, A-748-98; Canada (PG) c. Poulin, A-516-91; et Canada (PG) c. Von Findenigg, A-737-82

[19] « Il revient à la Commission de prouver que le départ était volontaire. Une fois ce point établi, il incombe au prestataire de montrer qu’il était fondé à quitter son emploi. » (Patel 2010 CAF 95 ; Tanguay A-1458-84)

[20] « Pour savoir si un prestataire est « fondé » à quitter son emploi, il faut se demander « si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ […] constitue la seule solution raisonnable dans son cas. » (White, 2011 CAF 190)

[21] « La question à traiter ne consiste pas à savoir s’il était raisonnable pour le prestataire de quitter son emploi, mais bien à savoir si la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, était qu’il quitte son emploi. » Laughland (2003 CAF 129)

[22] « La part du décideur consiste à déterminer si le départ du prestataire «constituait la seule solution raisonnable dans son cas ». Astronomo (A-141-97).

[23] Il est généralement raisonnable de continuer de travailler jusqu’à ce que l’on trouve un nouvel emploi au lieu de prendre la décision unilatérale de quitter son emploi. (Graham (2011 CAF 311)

Preuve

Au dossier

[24] L’appelante a quitté son emploi volontairement parce qu'elle ne pouvait pas travailler les samedis (GD3-20).

[25] L’appelante a obtenu un jugement de la cour pour le garde de ses enfants les fins de semaine et elle ne veut pas mettre compromettre son droit de voir ses enfants en travaillant en temps supplémentaire les samedis (GD3-27).

[26] L’employeur connaissait la situation familiale de l’appelante et savait qu’elle ne pouvait pas travailler les samedis. Il n’a pas obligé l’appelante à faire du temps supplémentaire (GD3- 20).

[27] L’employeur avait demandé aux employés de faire du temps supplémentaire certains samedis sur une base volontaire et personne n'est obligé d'en faire. Le besoin de faire du temps supplémentaire arrive rarement (GD3-22).

[28] Selon l’appelante, sa superviseure aurait affirmé qu'elle devait absolument entrer au travail les samedis pour effectuer du temps supplémentaire si non elle recevrait des avis et elle pourrait être congédiée (GD3-27).

[29] L’appelante n'a jamais travaillé un samedi et s’il y avait eu une problématique elle aurait pu parler avec le directeur, monsieur A. N.

[30] L’employeur affirme que l’employée était compétente, et efficace, elle occupait un poste à la conception des produits (GD3-43).

[31] L’employeur confirme que l’ambiance de travail était difficile et qu’elle a dû rencontrer l’appelante à 2 reprises peu de temps avant qu’elle quitte.

[32] La superviseure n’était pas sur le point de congédier l’appelante. Un avis écrit était prévu pour son assiduité et son respect envers les collègues de travail, ce qui n'a pu se faire, car elle a quitté avant. GD3-45

[33] L’appelante n’a pas vérifié la possibilité de changer de département. Elle a fait de la recherche d’emploi avant de quitter, mais sans succès.

[34] La journée de sa démission, l’appelante aurait essayé de contacter monsieur A. N., mais il ne répondait pas. L’employeur affirme que l’appelante ne l’a jamais contacté pour lui faire part d’un mécontentement. Il n’a jamais reçu de message sur sa boite vocale de sa part. Le seul message qu’elle a laissé à son adjointe Nicole est la journée de sa démission (GD3-44).

À l’audience

[35] L’employeur a précisé que le temps supplémentaire n’a jamais été obligatoire et lorsqu’il y en avait, il se faisait du lundi au vendredi et la semaine en soirée. Le temps supplémentaire demandé était pour une période d’un mois, mais il n’a jamais été imposé.

[36] Monsieur A.N., l’employeur, a expliqué que dans des périodes très occupées, il est demandé aux employés de faire un effort pour faire du temps supplémentaire. Il a été demandé à l’appelante d’aider l’équipe, mais elle ne collaborait pas.

[37] L’employeur considère ce dossier comme un gros malentendu et jamais l’appelante n’est venue le rencontrer et il trouve cela dommage parce qu’il y aurait pu y avoir des solutions.

[38] L’appelante avait un caractère fort et il pouvait y avoir certains manquements, mais nous aurions pu trouver des arrangements. Il précise que l’appelante était une employée efficace.

[39] L’employeur n’a pu rencontrer l’appelante parce qu’elle a quitté rapidement sans avertissement.

[40] L’appelante réitère que sa superviseure exigeait qu’elle fasse du temps supplémentaire et qu’elle pouvait être congédiée. Elle a démissionné en laissant un message sur sa boite vocale de monsieur A. N.

[41] La représentante de l’appelante, Mme S. M. donne son appréciation de la situation en s’appuyant sur certain passage de la Loi. Elle cite l’alinéa 29 c)(v) « nécessité de prendre soin d'un enfant ou d'un proche parent » et l’alinéa 29 c) (ix) « modification importante des fonctions ». Elle considère aussi que le bénéfice du doute devrait être accordé à l’appelante.

[42] Mme S. M. précise qu’un certificat médical a été émis le 9 décembre 2015 par le médecin traitant de l’appelante conformant qu’elle n’était en cure fermée et qu’elle ne pouvait travailler à partir du 21 octobre 2015.

[43] L’employeur demande à l’appelante pourquoi elle n’est pas venue le rencontrer pour lui parler de la difficulté qu’elle rencontrait avec Mme C. H. afin de trouver un arrangement. Elle a répondu qu’elle a tenté à plusieurs reprises d’entrer en contact avec lui, mais sans succès et qu’elle n’avait rien d’autre à ajouter.

Arguments des parties

[44] L’Appelante a fait valoir que :

  1. Qu’elle conteste la décision de la Commission;
  2. Que le médecin confirme qu’elle devait quitter son emploi à partir du 2 octobre 2015 pour maladie;
  3. Qu’elle devait entrer en thérapie le 21 octobre 2015 pour alcoolisme et qu’elle y est encore;
  4. Qu’elle a parlé à l’agente de son problème de consommation, mais que celle-ci a rendu sa décision seulement sur le refus d’entrer au travail les samedis sans tenir compte de sa maladie;
  5. Qu’elle a fourni un certificat médical, daté du 9 décembre 2015, qui confirme qu’elle est sur un programme réhabilitation pour son problème d’alcoolisme;
  6. Qu’elle n’était pas apte à travailler depuis le 2 octobre 2015.

[45] L’employeur a fait valoir que :

  1. Que la situation est un gros malentendu ;
  2. Qu’il aurait aimé rencontrer l’appelante pour trouver une solution ;
  3. Que le temps supplémentaire n’est pas chose courante et qu’il n’a jamais été obligatoire;
  4. Que l’appelante était une employée efficace malgré quelques écarts au travail.

[46] L’intimée a soutenu que :

  1. Le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit une exclusion lorsque le prestataire quitte volontairement son emploi sans justification. Le critère juridique consiste à savoir si quitter son emploi constituait pour le prestataire la seule solution raisonnable dans son cas;
  2. Il est évident que la prestataire ne pouvait pas travailler les samedis en raison de ses obligations familiales stipulées dans le jugement de la Cour Supérieure. Cependant, rien au dossier ne vient démontrer que le temps supplémentaire du samedi était obligatoire;
  3. La prestataire confirme qu’elle n’a jamais travaillé le samedi. Elle ne démontre pas le caractère urgent ou une situation intolérable justifiant de quitter sur-le-champ. Elle aurait pu attendre d’avoir une rencontre avec le directeur afin de discuter de la situation. Elle aurait pu aussi s’assurer d’un autre emploi avant de quitter;
  4. La prestataire invoque aussi le fait qu’elle n’aimait pas l’ambiance, qu’une de ses collègues de travail cherchait continuellement à la prendre en défaut. Le fait qu'il y ait des frictions, une certaine animosité ou une situation conflictuelle n'est pas de nature certes à améliorer un climat de travail, mais ne justifie pas en soi une personne à quitter l'emploi;
  5. La prestataire n’a pas démontré que la situation était intolérable au point de quitter sans utiliser les solutions raisonnables qui s’offraient à elle. La prestataire invoque le fait qu’elle a reçu un avis verbal lorsqu’elle a refusé de travailler le samedi et que sa supérieure lui a dit qu’elle serait suspendue et, par la suite, congédiée. Cette façon de faire, soit de quitter afin d’éviter un congédiement possible, ne constitue pas un motif valable au sens de la loi;
  6. Dans sa demande d’appel au Tribunal, la prestataire allègue que l’agente de la Commission n’a pas pris en considération son problème de consommation lors de la décision. Elle affirme que le médecin, sur son certificat médical, confirme qu’elle devait quitter son emploi à partir du 2 octobre 2015 parce qu’elle était malade. Tous les certificats médicaux que la prestataire a fourni (GD3-19, GD3-53 et GD2-4) mentionnent une incapacité au travail, mais ne parlent aucunement que la prestataire devait quitter son emploi ou, qu’au moment de remettre sa démission, la prestataire était dans un état de confusion tel qu’elle n’avait pas conscience de la portée de sa décision;
  7. En l’espèce, la Commission a conclu que la prestataire n’était pas justifiée de quitter son emploi le 2 octobre 2015 parce qu’elle n’a pas réussi à épuiser toutes les solutions raisonnables avant de quitter son emploi. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, une solution raisonnable aurait été de discuter de la situation avec le directeur ou de demander un transfert ou de s’assurer d’un autre emploi avant de quitter ou de se prévaloir d’un congé de maladie;
  8. La prestataire n’a pas réussi à prouver qu’elle était justifiée de quitter son emploi au sens de la Loi. La jurisprudence appuie la décision de la Commission.

Analyse

[47] L’article 29 de la Loi établit qu’un prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas.

[48] Le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit qu’une exclusion du bénéfice des prestations s’applique au prestataire qui quitte volontairement son emploi sans justification.

[49] Lorsqu’une décision de la Commission a été portée en appel, cette décision n’est plus du ressort de la Commission et toute modification à une décision après que celle-ci ait été portée en appel est nulle. Wakelin, A-748-98; Poulin, A-516-91; Von Findenigg, A-737-82

[50] « Il revient à la Commission de prouver que le départ était volontaire. Une fois ce point établi, il incombe au prestataire de montrer qu’il était fondé à quitter son emploi. » (Patel 2010 CAF 95; (Tanguay A-1458-84)

[51] « La part du décideur consiste à déterminer si le départ du prestataire «constituait la seule solution raisonnable dans son cas ». Astronomo (A-141-97).

[52] « La question à traiter ne consiste pas à savoir s’il était raisonnable pour le prestataire de quitter son emploi, mais bien à savoir si la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, était qu’il quitte son emploi. » (Laughland 2003 CAF 129)

[53] Avant d’abandonner son emploi, il est de première importance de considérer les conséquences de ce geste. La jurisprudence est constante en la matière. Dans le cas en espèce, il est évident que l’appelante a quitté volontairement son emploi par choix personnel. Elle n’a démontré avoir fait des efforts constants pour régler la situation avec son employeur. Ce n’est pas suffisant de laisser un message sur la boite vocale de l’employeur sans plus. À noter qu’à l’audience, l’employeur a confirmé qu’il n’a pu parler avec l’appelante parce qu’elle avait quitté.

[54] « Dans la plupart des cas, le prestataire a l’obligation de tenter de résoudre les conflits de travail avec l’employeur ou de démontrer qu’il a fait des efforts pour trouver un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter son emploi. » (White 2011 FCA 190); (Murugaiah 2008 FCA 10); (Hernandez 2007 FCA 320); (Campeau 2006 FCA 376)

[55] Une solution raisonnable aurait été de discuter de la situation avec l'employeur pour voir si les dires de la superviseure reflétaient les directives de l’employeur. Il existe une abondante jurisprudence établissant que, même si un employé est mécontent de la nature de son travail ou des conditions de ce dernier, il n'est pas fondé à quitter hâtivement son emploi sans en avoir trouvé un autre, à moins que les conditions soient si intolérables qu'il lui est impossible de continuer.

[56] Dans l’arrêt Graham (2011 CAF 311) il est indiqué qu’il est généralement raisonnable de continuer de travailler jusqu’à ce que l’on trouve un nouvel emploi au lieu de prendre la décision unilatérale de quitter son emploi.

[57] L’appelante a quitté son emploi sur-le-champ. Voyant qu’elle n’avait pas de réponse de la part de son employeur, une solution raisonnable aurait été d’insister pour rencontrer son employeur à son bureau et de continuer à travailler.

[58] « La question à traiter ne consiste pas à savoir s’il était raisonnable pour le prestataire de quitter son emploi, mais bien à savoir si la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, était qu’il quitte son emploi. » Laughland (2003 CAF 129)

[59] La Cour d’appel fédérale (White, 2011 CAF 190) explique que « Pour savoir si un prestataire est « fondé » à quitter son emploi, il faut se demander « si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ […] constitue la seule solution raisonnable dans son cas. »

[60] L’arrêt Bois (A-31-00) fait partie d’une série de jurisprudences constantes qui expliquent que le terme justification n’est pas défini dans la Loi. Toutefois, le terme « raison valable » n’est pas synonyme de « justification ». Donc, bien qu’un prestataire puisse avoir une raison valable de quitter son emploi, cette raison ne constitue pas nécessairement une justification au sens de la Loi.

[61] La jurisprudence établit qu’en matière de départ volontaire, l’appelante doit être justifiée de quitter son emploi et elle doit démontrer que c’était la seule solution raisonnable dans son cas. Le fait de quitter son emploi immédiatement pouvait sembler être une raison valable, mais selon la jurisprudence cela ne constitue pas une justification. De plus, le départ volontaire n’était la seule solution compte tenu de toutes les circonstances puisque l’employeur a démontré qu’il voulait rencontrer l’appelante pour trouver d’autres solutions que de quitter l’entreprise.

[62] La représentante de l’appelante cite l’alinéa 29 c) (ix) « modification importante des fonctions ». Elle prétend que de demander à l’appelante de travailler les fins de semaine est une modification important des conditions de travail.

[63] Un employé est en droit de s'attendre à ce que l'employeur respecte les termes de son contrat de travail et qu'il ne procède pas unilatéralement à des modifications importantes de ses tâches. La Loi n’exige pas que ce soit une situation d’urgence qui mène à la rupture de l’emploi, mais il faut que ce soit une modification importante et que dans les circonstances, le départ constitue la seule raison raisonnable.

[64] Il s'agit de voir si les modifications apportées aux fonctions ne conduisent pas à des abus ou ne constituent une dérogation indue aux conditions lors de l'embauche. Un prestataire est fondé à quitter son emploi dans un contexte où un employeur impose unilatéralement des changements importants aux fonctions qui font que la nature du travail à accomplir est profondément modifiée.

[65] Une modification qui n'est pas abusive ne justifie pas le départ volontaire. Une solution raisonnable avant de quitter aurait été de faire le nécessaire pour rencontrer monsieur A. N. qui est le décideur dans les relations de travail de l’entreprise. Le Tribunal ne considérer que l’appelante a été placée dans une situation abusive ou déraisonnable qui pouvait justifier son départ volontaire.

[66] La représentante de l’appelante cite aussi l’alinéa 29 c)(v) « nécessité de prendre soin d'un enfant ou d'un proche parent. » Prendre soin d'un enfant est synonyme de s'occuper d'un enfant chaque jour de la vie d'un enfant même si les responsabilités sont partagées avec l’ex- conjoint. Les responsabilités d'une personne à cet égard peuvent en certaines circonstances s'harmoniser difficilement avec les exigences de l'emploi. Dans le cas présent, l’appelante n’a pas à prendre soin constamment de son enfant chaque jour ce qui l’empêcherait de travailler. L’argumentaire de la représentante de l’appelante ne coïncide pas avec l’esprit de l’alinéa 29 c) (v).

[67] Il ne faut pas confondre toutefois la nécessité avec le simple désir de prendre soin d'un enfant en bas âge, désir qui correspond à un choix personnel volontaire de la personne assurée. La personne qui quitterait volontairement son emploi par choix personnel pour s'occuper de son enfant et qui demanderait des prestations régulières pourrait difficilement remplir la condition prévue par la Loi pour justifier son départ.

[68] La représentante invoque le bénéfice du doute, le Tribunal n’appuie pas cette thèse. Pour adhérer à cette idée, il faut que les preuves présentées soient équivalentes et que le décideur ne puisse trancher. En espèce, la preuve est claire pour le Tribunal, l’appelante n’a pas tenu compte de toutes les circonstances pour prouver que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

[69] Mme S. M. rappelle qu’un certificat médical a été émis le 9 décembre 2015 par le médecin traitant de l’appelante confirmant qu’elle n’était en cure fermée et qu’elle ne pouvait travailler à partir du 21 octobre 2015. À la pièce GD3-21, nous voyons que la Commission a pris en considération ce fait. Le Tribunal considère cette preuve comme n’ayant pas d’effet sur la présente cause puisque c’est pour une raison personnelle que l’appelante a quitté volontairement son emploi.

Conclusion

[70] Le Tribunal s’appuie sur l’arrêt (Patel 2010 CAF 95) qui établit; « Cependant, c’est au prestataire qu’il incombe d’établir qu’il était fondé à quitter son emploi. » Le Tribunal est d’avis que la raison invoquée par l’appelante de quitter son emploi pour prendre soin d'un enfant ou d'un proche parent comme le stipule l’alinéa 29 C (v) n’était pas légitime et qu’elle n’a pas prouvé qu’elle n’était pas fondée de quitter son emploi.

[71] Aux yeux du Tribunal, l’appelant n’a pas prouvé que de quitter son emploi était « la seule solution raisonnable dans son cas ». L’appel est rejeté.

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