Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

Le prestataire, Monsieur C. T., a assisté à l’audience par téléconférence.

Introduction

[1] Le 29 avril 2013, le prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi, et une demande a été établie et le prestataire a commencé à recevoir des prestations jusqu’au 8 mars 2014.

[2] Le 25 août 2015, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a imposé rétroactivement une exclusion du bénéfice des prestations après avoir déterminé que le prestataire n’avait pas prouvé qu’il a été en chômage pendant une semaine entière de travail parce que sa participation à son entreprise n’était pas mineure. La Commission l’a également informé que d’après son enquête, il a fait sciemment 15 fausses déclarations dans ses déclarations bimensuelles, ce qui fait qu’elle lui a infligé une pénalité.

[3] Le 25 septembre 2015, le prestataire a demandé à la Commission de réexaminer sa décision; le 27 octobre 2015, la Commission a maintenu sa décision, mais a diminué le montant de la pénalité.

[4] Le 18 décembre 2015, le prestataire a interjeté appel tardivement devant la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le Tribunal). Le 15 février 2016, le membre a prolongé le délai d’appel.

[5] L’audience a eu lieu par téléconférence compte tenu (a) que l’on ne prévoit pas que la crédibilité figure au nombre des questions principales (b) que le prestataire allait être la seule partie présente à l’audience (c) de l’information au dossier, dont la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires et (d) que le mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Questions en litige

[6] La membre doit décider si le prestataire a été en chômage pendant une semaine entière de travail au cours de la période du 11 août 2013 au 8 mars 2014 et si une période de prestations aurait dû être établie en vertu des articles 9 et 11 de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi) et de l’article 30 du Règlement sur l’assurance-emploi (le Règlement).

[7] La membre doit décider en vertu de l’article 38 de la Loi si une pénalité devrait être infligée parce que le prestataire a fait sciemment 15 fausses déclarations à la Commission.

Droit applicable

Semaine de chômage – Travailleur indépendant

[8] L’article 9 de la Loi prévoit que lorsqu’un assuré qui remplit les conditions requises aux termes de l’article 7 ou 7.1 formule une demande initiale de prestations, on doit établir à son profit une période de prestations et des prestations lui sont dès lors payables, en conformité avec la présente partie, pour chaque semaine de chômage comprise dans la période de prestations.

[9] Le paragraphe 11(1) de la Loi prévoit qu’une semaine de chômage, pour un prestataire, est une semaine pendant laquelle il n’effectue pas une semaine entière de travail.

[10] Le paragraphe 30(1) du Règlement prévoit que sous réserve des paragraphes (2) et (4), le prestataire est considéré comme ayant effectué une semaine entière de travail lorsque, durant la semaine, il exerce un emploi à titre de travailleur indépendant ou exploite une entreprise soit à son compte, soit à titre d’associé ou de cointéressé, ou lorsque, durant cette même semaine, il exerce un autre emploi dans lequel il détermine lui-même ses heures de travail.

[11] Le paragraphe 30(2) du Règlement prévoit que lorsque le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise selon le paragraphe (1) dans une mesure si limitée que cet emploi ou cette activité ne constituerait pas normalement le principal moyen de subsistance d’une personne, il n’est pas considéré, à l’égard de cet emploi ou de cette activité, comme ayant effectué une semaine entière de travail.

[12] Le paragraphe 30(3) du Règlement prévoit que les circonstances qui permettent de déterminer si le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise dans la mesure décrite au paragraphe (2) sont les suivantes :

  1. a) le temps qu'il y consacre;
  2. b) la nature et le montant du capital et des autres ressources investis;
  3. c) la réussite ou l'échec financiers de l'emploi ou de l'entreprise;
  4. d) le maintien de l'emploi ou de l'entreprise;
  5. e) la nature de l'emploi ou de l'entreprise;
  6. f) l’intention et la volonté du prestataire de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi.

[13] Le paragraphe 30(5) du Règlement prévoit que pour l’application du présent article, travailleur indépendant s’entend :

  1. a) de tout particulier qui exploite ou exploitait une entreprise;
  2. b) de tout employé qui n’exerce pas un emploi assurable par l’effet de l’alinéa 5(2)b) de la Loi.

Pénalité

[14] Le paragraphe 38(1) de la Loi prévoit que lorsqu’elle prend connaissance de faits qui, à son avis, démontrent que le prestataire ou une personne agissant pour son compte a perpétré l’un des actes délictueux suivants, la Commission peut lui infliger une pénalité pour chacun de ces actes :

  1. a) à l’occasion d’une demande de prestations, faire sciemment une déclaration fausse ou trompeuse;
  2. b) étant requis en vertu de la présente loi ou des règlements de fournir des renseignements, faire une déclaration ou fournir un renseignement qu’on sait être faux ou trompeurs;
  3. c) omettre sciemment de déclarer à la Commission tout ou partie de la rémunération reçue à l’égard de la période déterminée conformément aux règlements pour laquelle il a demandé des prestations; (l’alinéa 38(1)c) est devenu inopérant le 12 août 2001)
  4. d) faire une demande ou une déclaration que, en raison de la dissimulation de certains faits, l’on sait être fausse ou trompeuse;
  5. e) sciemment négocier ou tenter de négocier un mandat spécial établi à son nom pour des prestations au bénéfice desquelles on n’est pas admissible;
  6. f) omettre sciemment de renvoyer un mandat spécial ou d’en restituer le montant ou la partie excédentaire comme le requiert l’article 44;
  7. g) dans l’intention de léser ou de tromper la Commission, importer ou exporter, ou faire importer ou exporter, un document délivré par elle;
  8. h) participer, consentir ou acquiescer à la perpétration d’un acte délictueux visé à l’un ou l’autre des alinéas a) à g).

[15] Le paragraphe 38(2) de la Loi prévoit que la pénalité que la Commission peut infliger pour chaque acte délictueux ne dépasse pas :

  1. a) soit le triple du taux de prestations hebdomadaires du prestataire;
  2. b) soit, si cette pénalité est imposée au titre de l’alinéa (1)c), le triple :
    1. (i) du montant dont les prestations sont déduites au titre du paragraphe 19(3),
    2. (ii) du montant des prestations auxquelles le prestataire aurait eu droit pour la période en cause, n’eût été la déduction faite au titre du paragraphe 19(3) ou l’inadmissibilité ou l’exclusion dont il a fait l’objet;
  3. c) soit, lorsque la période de prestations du prestataire n’a pas été établie, le triple du taux de prestations hebdomadaires maximal en vigueur au moment de la perpétration de l’acte délictueux.

Preuve

[16] Le prestataire a demandé et obtenu des prestations d’assurance-emploi avec effet le 7 avril 2013, jusqu’au 8 mars 2014.

[17] La Commission a été informée par l’Agence du revenu du Canada (ARC) que le prestataire avait demandé un numéro d’enregistrement d’entreprise pour son entreprise « Our Spot Café Ltd. » le 25 août 2013. Le prestataire s’est fait demander de fournir de l’information complémentaire au sujet de son travail indépendant. Il a fourni les renseignements suivants (GD3-10 à GD3-38) :

[18] L’entreprise est un café en exploitation 7 jours par semaine de 8 h à 16 h. Le prestataire est le seul propriétaire. Les statuts constitutifs, l’enregistrement de l’entreprise et le permis d’entreprise municipale ont tous été obtenus le 19 août 2013; le bail a été signé le 26 août 2013 pour un montant de 3 660,00 $ par mois du 1er septembre 2013 au 31 août 2016; le prestataire a contracté un prêt personnel de 24 000,00 $; il a un compte bancaire d’entreprise; il travaille 20 heures par semaine et contrôle ses heures; il ouvre et ferme l’entreprise et travaille au cours de la journée; il a des employés; il accomplit toutes les tâches liées à l’entreprise sauf la paie; il estime que son entreprise est son moyen de subsistance principal quoiqu’il indique que son entreprise n’est pas fructueuse et rentable; le site Web affiche des évaluations de clients depuis octobre 2013. Le prestataire a confirmé à l’enquêteur que son entreprise a ouvert ses portes en octobre 2013. Il a indiqué qu’il n’a pas déclaré son statut de travailleur indépendant parce qu’il ne gagnait pas d’argent; il cherchait un autre emploi comme gestionnaire du service à la clientèle d’un centre d’appels.

[19] Le 25 août 2015, la Commission a imposé une inadmissibilité avec effet le 19 août 2013 parce qu’elle a déterminé que le prestataire était un travailleur indépendant. Cette décision a donné lieu à un trop-payé de 14 529,00 $. Il a également été informé que d’après l’enquête de la Commission, il a fait sciemment 15 fausses déclarations lorsqu’il a mentionné dans ses déclarations bimensuelles qu’il ne travaillait pas et qu’il ne recevait pas de salaire ou d’argent et par conséquent, il s’est fait infliger une pénalité. Comme c’était la première infraction du prestataire, la pénalité a été calculée à raison de 40 % du trop-payé, pour un maximum de 5 000,00 $ (GD3-39 à GD3-47).

[20] Le prestataire a présenté des déclarations bimensuelles en ligne. Des copies des déclarations présentées du 18 août 2013 au 8 mars 2014 indiquent que le prestataire a répondu « non » en 15 occasions aux questions « Êtes-vous un travailleur indépendant? » et « Avez-vous travaillé pendant la période visée par cette déclaration, y compris si vous n’avez pas encore été ou ne serez pas rémunéré pour ce travail ou si vous avez travaillé à votre compte? » (GD3-48 à GD3-126).

[21] Le 25 septembre 2015, le prestataire a demandé à la Commission de réexaminer ses décisions en indiquant qu’il ne touchait pas de revenu au cours de ladite période et qu’il ignorait qu’il avait quoi que ce soit à déclarer. D’ailleurs, il a obtenu son permis d’exploitation d’un commerce en août, mais n’a ouvert le commerce qu’en octobre 2013. Il cherchait du travail et s’il avait décroché un emploi, il n’aurait eu personne pour exploiter le commerce (GD3-42 à GD3-44 et GD3-127).

[22] Le 27 octobre 2015, la Commission a informé le prestataire qu’elle maintient sa décision de le déclarer inadmissible au bénéfice des prestations en date du 19 août 2013 parce qu’il exploitait un commerce et ne pouvait donc pas être considéré en chômage. Il a inscrit une entreprise le 19 août 2013, a signé un bail le 26 août 2013 et a pris possession du local le 1er septembre 2013 et par conséquent, il a consacré du temps à son commerce à ce moment-là. En ce qui a trait à la pénalité, la Commission a tenu compte des difficultés financières exprimées par le prestataire et a réduit le montant de la pénalité à 2 500,00 $ (GD3-127 à GD3-129).

[23] À l’audience, le prestataire a déclaré qu’il porte la décision en appel parce que bien qu’il comprenne qu’il doit rembourser le trop-payé, il est en désaccord avec le fait qu’il doit rembourser le montant complet parce qu’il n’a pas commencé à exploiter son commerce avant le 3 octobre 2013.

[24] Il a témoigné qu’il était impliqué dans son commerce pendant qu’il recevait des prestations et que c’était son moyen de subsistance principal. Il a confirmé qu’il est l’unique propriétaire et que le commerce est ouvert 7 jours par semaine, de 8 h à 15 h. Le prestataire a déclaré qu’il travaillait 50 heures par semaine; il était présent toute la journée, tous les jours, « en tout temps » (correction à sa réponse à la question 24, GD3-22). Sa femme et lui exploitent seuls le commerce et il (n’a pas) ni n’avait d’employés au moment de son inadmissibilité; il ne pouvait pas se le permettre (correction à sa réponse à la question 26, GD3-22). Il a témoigné que toutes les autres réponses de GD3-19 à GD3-24 sont correctes. Le prestataire a confirmé qu’il continue à exploiter son commerce.

[25] Le prestataire a déclaré que c’était une erreur de répondre « non » dans les déclarations bimensuelles aux questions visant à déterminer s’il était un travailleur indépendant et s’il travaillait (référence à GD3-24 et GD3-63). Il ne s’accordait pas de salaire, ce qui fait qu’il a répondu « non » à ces questions. Il comprend ce que signifie « travail indépendant » et a reconnu qu’il était un travailleur indépendant à ce moment-là; il n’aurait pas dû répondre « non », c’est une erreur humaine et il aurait dû appeler la Commission. Le prestataire a témoigné qu’il savait lorsqu’il remplissait les déclarations bimensuelles qu’il devait déclarer s’il travaillait et s’il était un travailleur indépendant. Il se confondait en excuses et a déclaré qu’il a commis une erreur de jugement.

[26] Le prestataire a témoigné qu’il est allé passer une entrevue dans une société de cartes de crédit après avoir ouvert son commerce (soit en novembre ou décembre) et qu’il a oublié de le dire à la Commission. Il cherche dans ses courriels pour trouver des preuves de ses démarches de recherche d’emploi. La membre a informé le prestataire de la façon de présenter des preuves au Tribunal; cependant, le Tribunal n’a rien reçu à ce jour.

Observations

[27] Le prestataire a soutenu qu’il avait l’impression que comme il ne se versait pas de rémunération, il n’avait pas à déclarer son travail indépendant. C’est une erreur humaine. Il a soutenu que l’inadmissibilité n’aurait pas dû débuter le 19 août 2013 parce qu’il a commencé à exploiter son commerce jusqu’au 3 octobre 2013. Le remboursement de cet argent et la pénalité lui occasionneront grandes difficultés financières.

[28] La Commission a soutenu que le prestataire était un travailleur indépendant et que l’examen de la participation du prestataire à son commerce dans le contexte des six critères du paragraphe 30(3) du Règlement indique que sa participation était mineure; le prestataire exploitait un commerce et est un travailleur indépendant, il ne peut donc pas être considéré en chômage pendant une semaine entière de travail du 19 août 2013 au 8 mars 2014. Une pénalité est justifiée parce que le prestataire savait qu’il était engagé dans l’exploitation d’un commerce tout en recevant des prestations; malgré des avertissements, il a déclaré qu’il n’était pas rémunéré, qu’il ne travaillait pas et qu’il n’était pas travailleur indépendant en 15 occasions; le prestataire avait été informé de son obligation de déclarer tout travail, notamment celui tiré d’un travail indépendant et de la façon de corriger des erreurs dans ses déclarations. Il a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’il a fixé le montant de la pénalité à 2 500,00 $ compte tenu du fait qu’il s’agissait de sa première infraction et des difficultés financières comme circonstances atténuantes.

Analyse

[29] En vertu de l’article 9 de la Loi, pour qu’une période de prestations soit établie et que le prestataire soit admissible à des prestations régulières d’assurance-emploi, il doit démontrer qu’il a été en chômage pendant une semaine au cours de cette période de prestations. En vertu du paragraphe 11(1) de la Loi, une semaine de chômage s’entend d’une semaine au cours de laquelle le prestataire ne travaille pas pendant une semaine entière. L’article 30 du Règlement comporte des directives sur la façon de déterminer si un travailleur indépendant a effectué une semaine entière de travail.

[30] En l’espèce, la Commission a déterminé que la participation du prestataire à son commerce dans le contexte des six critères énoncés au paragraphe 30(3) du Règlement n’était pas mineure et l’a rendu inadmissible au bénéfice des prestations en date du 19 août 2013. La Commission a établi que comme ce n’était pas une entreprise mineure pour le prestataire et que c’était plutôt son moyen de subsistance principal pendant la période d’inadmissibilité, il ne satisfaisait pas à l’exception du paragraphe 30(2) du Règlement. Elle prétend donc que le prestataire a travaillé une semaine entière et n’était pas en chômage du 19 août 2013 au 8 mars 2014 en vertu des articles 9 et 11 de la Loi. Par ailleurs, le prestataire a témoigné qu’il comprend et accepte qu’il était un travailleur indépendant, mais il ne convient pas qu’il devrait être considéré comme tel à compter du 19 août 2013.

[31] La membre a d’abord déterminé si le prestataire était considéré comme un travailleur indépendant en vertu du paragraphe 30(5) du Règlement et selon la date d’effet. La membre est d’accord avec la Commission qu’en date du 19 août 2013, le prestataire a pris part à de nombreuses activités commerciales, dont la constitution en société, l’inscription et l’obtention d’un permis pour son commerce le 19 août 2013, la découverte d’un local, la conclusion d’une entente et la signature d’un bail le 26 août 2013, la prise de possession le 1er septembre 2013, un prêt personnel de 24 000,00 $ qui a été contracté et l’ouverture d’un compte commercial. La membre ajoute qu’avant que le prestataire ouvre les portes de son commerce le 3 octobre 2013, il devait prendre part à d’autres activités liées à son commerce, dont l’achat et l’organisation d’équipement et de biens meubles et de fournitures, de denrées, de meubles, la préparation de menus, l’établissement d’un réseau de fournisseurs, etc. La membre a également noté qu’il incombe au prestataire de démontrer qu’il a été en chômage pendant une semaine au cours de sa période de prestations. Même si le prestataire a eu l’occasion de le faire, il n’a pas fourni de preuves à l’effet contraire. La membre conclut donc qu’aux fins de l’article 30 du Règlement, le prestataire exploitait une entreprise et est donc par définition un « travailleur indépendant » en vertu de l’alinéa 30(5)a) du Règlement. La membre conclut également que le prestataire exerçait son entreprise en date du 19 août 2013.

[32] De plus, en vertu du paragraphe 30(1) du Règlement, un prestataire qui est un travailleur indépendant au cours d’une semaine de travail est considéré comme ayant travaillé une semaine entière au cours de cette semaine jusqu’à ce qu’il réponde aux conditions de l’exception prévues au paragraphe 30(2) du Règlement. En d’autres termes, un prestataire est considéré comme ayant effectué une semaine entière de travail à moins qu’il puisse démontrer que son niveau d’implication dans cette entreprise est si limité qu’une personne ne pourrait normalement compter sur cette activité comme principal moyen de subsistance. Pour déterminer que le prestataire a eu une implication limitée dans une entreprise, six facteurs doivent être pris en compte en vertu paragraphe 30(3) du Règlement.

[33] En l’espèce, la membre a tenu compte des observations des deux parties au sujet de chacun des six facteurs et a déterminé que l’implication du prestataire dans l’exploitation de son entreprise n’était pas limitée et par conséquent, il est considéré comme ayant travaillé une semaine entière du 19 août 2013 au 8 mars 2014 pour les motifs qui suivent.

Le temps qu’il y consacre

[34] Il n’est pas contesté que le prestataire est le seul propriétaire de son entreprise qu’il exploite seulement avec sa femme. Il n’a pas d’autres employés. Il a témoigné que son commerce était ouvert 7 jours sur 7 de 8 h à 15 h. Le prestataire a témoigné qu’il travaillait environ 50 heures par semaine, qu’il était présent toute la journée, tous les jours, « en tout temps ». Le prestataire a également indiqué qu’il était chargé de toutes les tâches liées au commerce, sauf la paie (GD3-23). La membre conclut donc que le prestataire avait une implication active et quotidienne dans des activités liées à son entreprise pendant la période d’inadmissibilité.

La nature et le montant du capital et des autres ressources investis

[35] Il n’est pas contesté que le prestataire a contracté un prêt personnel/familial de 24 000,00 $ et a conclu un contrat de location de longue durée. La membre conclut donc que la famille du prestataire, soit sa femme et lui, étaient engagés financièrement dans la réussite de son commerce. Le prestataire a également apporté sa contribution en offrant ses connaissances et son temps à son entreprise sur une base quotidienne. La membre conclut donc que le prestataire était très engagé dans le succès de son entreprise du fait de son implication active (ressources personnelles) et de l’investissement (ressources financières) dans son entreprise.

La réussite ou l’échec financier de l’emploi ou de l’entreprise

[36] Le prestataire a indiqué qu’il ne faisait pas d’argent, c’est-à-dire qu’il ne se versait pas de salaire pendant qu’il exploitait son entreprise. Le prestataire a également témoigné qu’il avait comme objectif de faire de son commerce son moyen de subsistance principal. Le fait que le prestataire a investi tant d’argent et de temps et a pris un risque à cet égard montre le sérieux du prestataire dans son plan de rendre son commerce fructueux et rentable.

Le maintien de l’emploi ou de l’entreprise

[37] Le prestataire a confirmé qu’il continue à exploiter son entreprise et qu’il n’est pas employé ailleurs. La membre conclut que l’entreprise demeure le moyen de subsistance principal du prestataire.

La nature de l’emploi ou de l’entreprise

[38] La preuve documentaire montre que le prestataire possédait et exploitait un établissement de restauration (un café). Il est le propriétaire unique et même s’il comptait également sur sa femme pour obtenir de l’aide, il n’avait pas d’autres employés et participait donc à toutes les facettes de l’entreprise. La membre conclut donc que la nature de l’entreprise était telle qu’il était en mesure d’apporter une contribution précieuse par son investissement de temps et sa connaissance évidente de l’exploitation d’une telle entreprise.

L’intention et la volonté du prestataire de chercher et d’accepter immédiatement un autre emploi

[39] Le prestataire continue d’exprimer une volonté de chercher un autre emploi et a témoigné que dans les faits, au cours de la période d’inadmissibilité, il a posé sa candidature et obtenu une entrevue chez un employeur dans le domaine du service à la clientèle. La membre juge toutefois que même si le prestataire a obtenu de nombreuses occasions, il n’a pas fourni de preuves établissant qu’il a fait un effort concerté pour trouver du travail. La membre conclut qu’une entrevue en plusieurs mois ne montre pas qu’une personne est en chômage et n’a pas travaillé une semaine entière.

Application des facteurs

[40] La membre conclut qu’après avoir examiné et pris en compte les six facteurs, le prestataire participait activement à l’exploitation de son entreprise et son engagement dans des activités commerciales au cours de la période d’inadmissibilité n’était pas mineur. La membre convient avec la Commission qu’en l’espèce, c’est la portée de l’engagement du prestataire dans son entreprise qu’il faut examiner. En l’espèce, il s’agit de déterminer que le prestataire participait activement à l’exploitation de son entreprise à temps plein, chaque jour, sept jours par semaine. La membre accordait plus de valeur probante au temps consacré par le prestataire à son entreprise qu’à tout autre facteur.

[41] Bien que le prestataire a témoigné qu’il cherchait un autre emploi durant la même période, rien ne vient étayer cette affirmation, même pendant la période au cours de laquelle il était engagé dans des activités préalables à l’ouverture de ses portes (du 19 août 2013 au 3 octobre 2013). Aucun élément de preuve ne permet de confirmer qu’il était engagé sérieusement dans une recherche d’emploi adaptée à celle d’une personne en chômage désireuse de décrocher un emploi sur-le-champ. La membre a pris en compte ce dernier facteur, mais y a accordé moins de valeur probante qu’au temps consacré par le prestataire à son entreprise. La jurisprudence appuie les facteurs pris en compte par la membre.

[42] D’après la Cour d’appel fédérale, lorsque l’on examine si un prestataire effectue une semaine entière de travail, le facteur le plus important et pertinent à prendre en compte est le temps consacré à l’entreprise (Jouan, A-366-94, Fatt, A-496-94, Charbonneau, A-699-02).

[43] Dans une affaire plus récente, la Cour d’appel fédérale est d’accord sans réserve avec ces affaires précédentes et note que « [o]n ne peut tirer de conclusion uniquement à partir des autres facteurs, que ce soit le capital investi, le succès financier de l'entreprise ou l'exploitation continue du commerce dont il est question; tout dépend directement et obligatoirement du « temps consacré », puisqu'il est ici question de la notion de « semaine entière de travail ». La Cour a fait observer que pas très loin derrière le facteur « temps », en termes d’importance, se trouve celui de « l’intention et la volonté du prestataire de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi ». Elle a noté qu’« [u]n prestataire ne sera pas en état de chômage s’il se contente de se dire disponible et n’effectue pas, tout au long de sa période de prestations, des démarches sérieuses et réelles pour se trouver du travail. » (Charbonneau, A-699-02).

[44] L’application des six facteurs objectifs du paragraphe 30(3) du Règlement aux circonstances de l’espèce appuie la conclusion selon laquelle la participation du prestataire à son entreprise du 19 août 2013 au 8 mars 2014 n’était pas mineure. La membre conclut que le prestataire était un travailleur indépendant et que du 19 août 2013 au 8 mars 2014, il était considéré comme ayant effectué une semaine entière de travail en vertu du paragraphe 30(1) parce qu’il ne satisfaisait pas aux exigences de l’exception prévue au paragraphe 30(2) du Règlement.

[45] D’après la Cour fédérale, lorsqu’un prestataire est engagé dans l’exploitation d’une entreprise, il lui incombe de réfuter la présomption selon laquelle il effectue une semaine entière de travail (Lemay A-662-97 et Turcotte A-664-97). La membre conclut que le prestataire ne s’est pas acquitté du fardeau de prouver qu’il était sans emploi du 19 août 2013 au 8 mars 2014 en vertu paragraphe 11(1) de la Loi, ce qui fait que des prestations ne sont pas payables pour ladite période en vertu de l’article 9 de la Loi.

Pénalité et violation

[46] L’article 38 de la Loi prévoit que la Commission peut infliger une pénalité à un prestataire ou à toute autre personne qui agit pour lui pour chacun des gestes ou des omissions énoncés dans cet article.

[47] La Cour d’appel fédérale a établi que les termes ou expressions « sciemment » ou « connaissance de la fausseté [des déclarations] » ne comprennent pas nécessairement une « intention de tromper ». De plus, il s’agit d’un critère subjectif dans le cadre duquel le décideur doit déterminer, selon la prépondérance des probabilités et sur la base des circonstances et de la preuve dans chaque affaire, si le prestataire a fait sciemment une déclaration fausse ou trompeuse (Gates A-600-94).

[48] La Cour d’appel fédérale a également établi qu’il incombe initialement à la Commission de prouver qu’un prestataire a fait sciemment une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuse. Il y a ensuite renversement du fardeau de la preuve et il incombe désormais au prestataire de fournir une explication raisonnable pour prouver que la déclaration ou l’affirmation n’a pas été faite sciemment (Purcell A-694-94, Gates A-600-94).

[49] La membre a donc examiné d’abord l’observation de la Commission selon laquelle le prestataire a fait sciemment 15 fausses déclarations lorsqu’il a indiqué dans ses relevés des demandes de prestations qu’il ne travaillait pas ni ne gagnait de salaire, y compris dans le cadre d’un travail indépendant (GD3-48 à GD3-126). Pour étayer sa position, la Commission soutient qu’elle a fourni une preuve que le prestataire a été informé lorsqu’il a fait sa demande, et donc qu’il connaissait, son obligation de [traduction] « déclarer tout emploi, pour quelqu’un d’autre ou pour soi-même […] » et que des déclarations fausses ou trompeuses pourraient entraîner des pénalités ou une poursuite (GD3-5 à GD3-7). De plus, la Commission a fourni des éléments de preuve établissant qu’au début de chaque déclaration, le prestataire recevait comme instructions de revoir et de confirmer la véracité des réponses et était mis en garde à la fin de chaque déclaration que des pénalités peuvent être infligées en cas de déclarations trompeuses faites sciemment (GD3-48 - GD3-50 et GD3-55 - GD3-125). La Commission a donc soutenu que le prestataire connaissait son obligation de déclarer tout travail, notamment le travail indépendant, et la façon de corriger les erreurs faites dans ses déclarations, mais qu’il n’a pas agi conformément à ces obligations.

[50] Par ailleurs, la membre s’est demandée si le prestataire a fourni une explication raisonnable qui établirait qu’il n’a pas fait sciemment une fausse déclaration à la Commission. À l’audience, le prestataire a témoigné qu’il a fait une « erreur humaine » en répondant « non » dans les déclarations bimensuelles aux questions de savoir s’il était un travailleur indépendant et s’il travaillait. Même s’il comprend ce que signifie « travail indépendant » et s’il a reconnu qu’il était un travailleur indépendant à l’époque, il ne se versait pas de salaire et c’est pourquoi il a répondu « non » à ces questions. Il a reconnu qu’il n’aurait pas dû le faire et qu’il aurait dû appeler la Commission. Le prestataire a témoigné qu’il savait lorsqu’il remplissait les déclarations bimensuelles qu’il devait déclarer s’il travaillait et s’il était un travailleur indépendant. Il se confondait en excuses et a déclaré qu’il a commis une erreur de jugement.

[51] La membre estime que la preuve documentaire montre que le prestataire a répondu « non » en 15 occasions aux questions « Êtes-vous un travailleur indépendant? » et « Avez-vous travaillé pendant la période visée par cette déclaration, y compris si vous n’avez pas encore été ou ne serez pas rémunéré pour ce travail ou si vous avez travaillé à votre compte? » (GD3-48 à GD3-126). La preuve soumise dans le présent appel établit toutefois que le prestataire était impliqué dans l’exploitation d’une entreprise. La membre conclut donc que le prestataire a fait 15 fausses déclarations à la Commission.

[52] Le critère juridique en l’espèce consiste toutefois à déterminer si le prestataire a fait ces fausses déclarations « sciemment ». La membre conclut qu’en ce qui concerne l’explication du prestataire en vue d’indiquer qu’il n’était pas travailleur indépendant, la membre a pris en compte le témoignage du prestataire et le fait qu’il était propriétaire unique et qu’il s’agissait de son moyen de subsistance principal. Même si le prestataire croit qu’il ne gagnait pas d’argent parce qu’il ne se versait pas de salaire provenant de son entreprise, cela n’explique pas pourquoi il n’a pas indiqué qu’il était un travailleur indépendant ou qu’il travaillait. Son explication pour avoir répondu « non » à « Êtes-vous un travailleur indépendant? » et « Avez-vous travaillé […], y compris si vous n’avez pas encore été ou ne serez pas rémunéré pour ce travail ou si vous avez travaillé à votre compte? » n’est donc pas raisonnable. La membre tient également compte du fait que le prestataire a été mis en garde à plusieurs reprises dans la demande et chaque fois qu’il remplissait des déclarations bimensuelles que les fausses déclarations pouvaient mener à des pénalités ou à une poursuite. Il a répondu qu’il ne travaillait pas ni n’a réalisé de gains et qu’il n’était pas travailleur indépendant en 15 occasions, et ce même si il participait activement à son entreprise 7 jours par semaine. La membre conclut donc, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a fait sciemment 15 fausses affirmations à la Commission et qu’une pénalité doit lui être infligée en vertu de l’article 38 de la Loi.

[53] Enfin, la membre reconnaît que pour déterminer le montant de la pénalité et s’il convient ou non de délivrer un avis de violation, la Commission doit exercer son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. En d’autres termes, elle doit agir de bonne foi et avoir un but et un motif appropriés, elle doit tenir compte des facteurs pertinents, et elle doit ignorer les facteurs qui ne sont pas pertinents et agir de manière non discriminatoire (Dunham A-708-95, Purcell A-694-94).

[54] En l’espèce, la Commission a pris en compte qu’il s’agissait de la première infraction du prestataire et a donc réduit initialement la pénalité à 40 % du trop-payé. Comme le résultat est supérieur au maximum de 5 000,00 $, la pénalité a été fixée au maximum. Lors du réexamen de sa décision, la Commission a également tenu compte de l’observation du prestataire relativement à ses difficultés financières et a réduit de nouveau la pénalité à 2 500,00 $ (ou 17 % du trop-payé). À l’audience, aucune autre circonstance atténuante n’a été relevée. La membre conclut donc que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a infligé la pénalité et ne peut donc pas intervenir dans cette décision.

Conclusion

[55] L’appel est rejeté relativement aux deux questions.

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