Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Décision et motifs

Comparutions

D. C., le prestataire, a participé à l’audience par téléconférence.

Introduction

[1] Le prestataire s’est retrouvé sans emploi le 23 septembre 2015. Il a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi (AE) le 30 septembre 2015. Une demande initiale de prestations d’AE a été établie le 27 septembre 2015. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a rejeté sa demande après avoir déterminé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification. Le prestataire a demandé une révision de la décision de la Commission, laquelle décision a été maintenue aux termes de la lettre de la Commission datée du 7 décembre 2015. Le prestataire a interjeté appel devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[2] L’audience a été tenue par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. la complexité de la question en litige;
  2. le fait que le prestataire serait la seule partie à assister à l’audience;
  3. les renseignements figurant au dossier, y compris le besoin d’en obtenir davantage.

[3] Le prestataire a participé à l’audience prévue pour le 17 août 2016, toutefois il est rapidement devenu clair que le prestataire n’avait pas reçu le dossier d’appel. Le Tribunal a déterminé que l’appelant était incapable de savoir quelle preuve pesait contre lui et a amorcé un ajournement. L’audience a été remise au 31 août 2016.

Question en litige

[4] La question, dans le cadre de cet appel, est de savoir si le prestataire était justifié de quitter volontairement son emploi conformément aux articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

Droit applicable

[5] Le paragraphe 30(1) de la Loi sur l’AE prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage ou
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[6] Aux termes du paragraphe 30(5) de la Loi sur l’AE, dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi suivantes peuvent ne pas être admissibles conformément aux articles 7 ou 7.1 :

  1. a) les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire;
  2. b) les heures d’emploi assurable de tout emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1).

[7] L’article 29(c) de la Loi sur l’AE prévoit qu’il y a justification à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas.

Preuve

Information au dossier

[8] Le prestataire a demandé la réactivation d’une demande de prestations régulières d’AE le 30 septembre 2015 en déclarant qu’il ne travaillait plus en raison d’un congé pour visiter sa famille en Europe (pièce GD3-3 à 14).

[9] Un employeur a soumis un relevé d’emploi (RE) daté du 13 juillet 2015, spécifiant que le prestataire avait commencé à travailler le 10 février 2015 et qu’il avait arrêté de travailler le 27 juin 2015, ayant accumulé 932 heures d’emploi assurable (pièce GD3-16).

[10] Un employeur subséquent a soumis un relevé d’emploi (RE) daté du 30 septembre 2015, dans lequel il était écrit que le prestataire avait commencé à travailler comme électricien le 10 septembre 2015 et qu’il avait cessé de travailler le 23 septembre 2015 en raison d’un manque de travail, ayant accumulé 124 heures d’emploi assurable (pièce GD3-15).

[11] L’employeur a été contacté par la Commission et a confirmé que le congé du prestataire n’avait pas été approuvé. L’employeur a ensuite déclaré que le prestataire avait appelé de la maison une journée et avait dit qu’il démissionnait; aucune explication précise n’avait été donnée pour la démission (pièce GD3-17).

[12] Le prestataire a été contacté par la Commission et il a confirmé qu’il avait quitté son travail pour aller visiter sa famille en Europe. Il a fait valoir qu’il devrait être capable de partir et d’aller voir sa famille ajoutant qu’il avait demandé un congé, mais qu’ils ne voulaient pas lui en donner un et qu’il avait déjà son billet (pièce GD3-18).

[13] Dans une lettre envoyée le 23 octobre 2015, la Commission a informé le prestataire que des prestations d’AE ne pouvaient lui être versées puisqu’il avait quitté volontairement son emploi, le 23 juin 2015, sans justification au sens de la Loi sur l’AE. Il a été ensuite informé qu’il n’avait pas travaillé suffisamment longtemps pour recevoir des prestations depuis qu’il avait quitté son emploi sans justification. Il avait 124 heures d’emploi assurable, mais avait besoin de 700 heures (pièce GD3-19).

[14] Le prestataire a présenté sa demande de révision mentionnant qu’il voulait passer du temps avec sa famille qui vit à l’étranger. Il a ajouté qu’il le faisait chaque année depuis 2011, mais que cette fois-ci il avait fait une demande de prestations d’AE, car le marché du travail n’était pas aussi bon qu’à l’habitude. Il a expliqué que c’était sa routine annuelle : travailler quelques mois et ensuite aller passer l’été en Europe, car ses deux filles étaient en vacances de l’école et de la maternelle. Il a déclaré que ses billets étaient achetés à l’avance. Il aimerait qu’on lui explique comment il devrait se comporter pour garder sa famille unie tout en travaillant (pièce GD3-22).

[15] Le prestataire a été contacté par la Commission et il a nié avoir appelé de la maison pour démissionner. Il a expliqué que lorsqu’il avait initialement été embauché, il avait discuté avec son contremaître du fait qu’il devait prendre un certain temps durant l’été et qu’on lui avait dit que ça ne causerait pas de problème. Il croyait que c’était à un certain moment en avril 2015 et qu’on lui avait dit qu’il pouvait quitter son emploi et qu’il serait vraisemblablement réengagé à son retour. Il a déclaré qu’il a ensuite dû changer d’équipe et qu’il a discuté de la situation avec son nouveau contremaître; le nouveau contremaître avait discuté de cette situation avec son patron et il lui avait dit qu’il ne pouvait pas lui donner de congé et qu’il ne pouvait pas le mettre à pied parce que la compagnie embauchait encore du personnel. Le prestataire a ajouté qu’il avait acheté ses billets d’avion à l’avance lorsque les prix étaient réduits et que c’était le seul temps durant lequel il était capable de voir sa famille qui vit en Europe (pièce GD3-24).

Information provenant de l’audience

[16] Le prestataire a déclaré durant son témoignage qu’il avait reçu la permission de retourner en Roumanie pour visiter sa famille, car lorsqu’il était venu au Canada, il avait acheté un billet de retour et il était impossible de le changer; il aurait dû acheter un autre billet. Il a déclaré qu’il avait reçu la permission de son contremaître de quitter son emploi et qu’ils l’auraient mis à pied, mais il avait été transféré à une autre équipe dont les employés sont dans un autre syndicat. Il a déclaré que ce contremaître avait dit qu’il s’informerait et après il avait avisé le prestataire qu’il ne pouvait le mettre à pied, car il embauchait toujours. Il a affirmé qu’ils n’étaient pas au courant de son histoire et qu’ils ne s’en préoccupaient pas, toutefois il a continué d’en parler avec son employeur lui expliquant qu’il devait retourner, car sa famille comptait sur lui. Il a déclaré qu’à sa dernière journée, il avait dit à son employeur qu’il devait partir et que plus tard il avait découvert qu’ils ne l’avaient pas mis à pied. Il a affirmé qu’il n’avait pas appelé de la maison et n’avait pas démissionné.

[17] Le prestataire a affirmé qu’il n’avait pas reçu la garantie d’un emploi permanent et qu’il pouvait recevoir un avis de mise à pied n’importe quand, mais cette fois-ci il n’avait pas été mis à pied. Il a déclaré qu’il était surpris de ne pas avoir été mis à pied, car il avait parlé de son problème avec tout le monde et il ne pouvait pas changer son billet, car ça aurait coûté une fortune. Il a affirmé qu’il ne voulait qu’un mois pour passer du temps avec sa famille et qu’il serait revenu. Il a déclaré que son contremaître comprenait et qu’il était prêt à voir ce qu’il pouvait faire, mais parfois la décision de l’administration est différente.

[18] Le prestataire a affirmé que l’employeur était nouveau et qu’ils n’étaient pas habitués à la culture. Il a déclaré que des gens doivent partir en vacances, mais ils n’obtiennent pas de congé. Il a ajouté que lorsqu’il était payé, il recevait une indemnité de congé à chaque chèque de paie, car il n’avait pas de congé. Il a déclaré que son employeur s’attendait à ce qu’en septembre 2015 ils auraient quitté le chantier et, par conséquent, il espérait partir chez lui seulement pendant le mois de juillet et ensuite retourner au travail pour finir le chantier.

[19] Le prestataire a déclaré que ce n’était pas la première fois qu’il faisait ceci, il a affirmé qu’il l’avait fait les trois ou quatre dernières années. Il a ajouté que durant les années précédentes il avait été mis à pied, car lorsqu’il revenait, s’il n’avait pas d’emploi, il était capable de recevoir des prestations d’AE, car il avait payé pour ça. Il a affirmé qu’il ne démissionnait pas; il achète toujours des billets aller-retour et il a besoin d’un ou deux mois de congé durant l’été. Il a déclaré que c’était ce qu’il faisait depuis 2011 et que c’était la première fois qu’il avait eu ce problème parce qu’ils avaient mis démissionné sur son RE. Il a affirmé qu’il avait fait une demande de prestations d’AE avant, car il devait cesser de travailler parce que sa belle-mère était décédée et qu’il devait être à la maison pour ça; c’était connu qu’il était à l’étranger pour des motifs de compassion.

[20] Le prestataire a déclaré qu’il était retourné en Roumanie vers le 29 juin 2015 et qu’il en était revenu au début de septembre 2015. Il a affirmé qu’il avait commencé à travailler le 10 septembre 2105, mais que la compagnie avait commis une erreur et qu’ils avaient dû quitter le chantier le 23 septembre 2015. Le prestataire a ajouté qu’il savait qu’il ne pouvait pas recevoir d’AE lorsqu’il était à l’étranger, mais lorsqu’il était revenu il s’était trouvé un emploi et avait ensuite été mis à pied une autre fois.

[21] Le prestataire a déclaré qu’il avait alors obtenu un autre emploi, mais qu’il avait dû le quitter en raison des feux à X et qu’il avait entendu que le gouvernement avait dit que les personnes touchées par les feux seraient admissibles aux prestations d’AE.

Observations

[22] Le prestataire a fait valoir ce qui suit :

  1. Il a cotisé à l’AE (pièce GD3-18).
  2. Sa famille entière, son épouse et trois enfants sont en Roumanie. Il a acheté ses billets d’avion à l’avance et il a demandé un congé pour lequel on lui avait initialement dit qu’il serait approuvé. Il a été transféré à une autre équipe et les nouveaux patrons ne connaissaient pas son histoire (pièce GD3-20).
  3. Son congé avait été accepté initialement, mais après qu’il ait été transféré à une autre équipe, sa demande a été rejetée, car ils pensaient qu’il n’y aurait pas de travail à faire à son retour. Le travail tirait à sa fin, mais il ne pouvait pas attendre après sa mise à pied, car il avait acheté ses billets d’avion d’une agence de voyages roumaine et les changer aurait été plus difficile que d’en acheter des nouveaux. Il n’avait pas dit à son employeur qu’il démissionnait, car il pensait encore qu’il était mis à pied (pièce GD2-6).
  4. L’employeur n’accorde aucune considération aux questions familiales, pour eux il n’est qu’un numéro. Est-ce qu’on s’attend à ce qu’il reste continuellement et qu’il parte seulement lorsqu’aucun travail n’est disponible? Il a cotisé pour ses prestations d’AE, beaucoup d’argent, et il mérite aussi certaines prestations (GD3-22).
  5. Il a le droit de voir sa famille à l’étranger, et dans un milieu syndiqué, ils n’ont pas de vacances planifiées. Il choisit quand il part et pendant combien de temps (GD2-6).
  6. Il n’avait aucunement l’intention de démissionner. Lorsqu’il a démissionné, il a obtenu un autre emploi et il n’a fait ça qu’une fois avant.

[23] La Commission a fait valoir ce qui suit :

  1. Le prestataire n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi le 27 juin 2015, parce qu’il n’avait pas épuisé toutes les autres solutions raisonnables avant de quitter son emploi. Compte tenu de tous les éléments de preuve, une alternative raisonnable à quitter son travail aurait été de s’assurer que sa demande de congé soit en effet approuvée par son employeur avant l’achat de ses billets d’avion, car l’employeur a confirmé que le prestataire n’avait pas un congé approuvé, il aurait pu demeurer au travail et avoir pris un congé pour visiter sa famille à un moment pour lequel il aurait eu une approbation de son employeur ou il aurait pu demeurer au travail jusqu’à ce qu’il soit mis à pied en raison de manquement de travail et ensuite aller en Roumanie pour visiter sa famille (pièce GD4-2).
  2. Même si le prestataire a déclaré qu’il visitait sa famille tous les étés lorsque les enfants étaient en congé scolaire, c’est une préférence personnelle, car il pourrait visiter sa famille à d’autres moments de l’année et ceci pourrait être lorsqu’un congé pourrait être approuvé par l’employeur ou lorsqu’il est actuellement mis à pied. De plus, le prestataire a confirmé qu’on lui avait dit qu’il serait probablement réembauché à son retour au Canada et ceci confirme également qu’il n’avait pas reçu une approbation pour son congé, car il n’aurait pas eu à être réembauché si le congé avait effectivement été approuvé (pièce GD4-3).
  3. Les motifs pour lesquels le prestataire a volontairement quitté son emploi sont compréhensibles et pourraient certainement être valables, toutefois la jurisprudence fait une distinction entre un « motif valable » et une « justification », et quitter son emploi pour des motifs purement personnels sans s’être préalablement penché sur les choix raisonnables ne constitue pas une justification. Par conséquent, le prestataire n’a pas démontré qu’il avait été fondé à quitter son emploi au sens de la Loi sur l’AE (pièce GD4-3).

Analyse

[24] La question de savoir si une personne était fondée à quitter volontairement son emploi nécessite un examen visant à établir si, compte tenu de toutes les circonstances et selon la prépondérance des probabilités, son départ constituait la seule solution raisonnable (MacNeil c Canada (Commission de l’assurance-emploi du Canada), 2009 CAF 306; Canada (Procureur général) c Imran, 2008 CAF 17).

[25] Dans la décision de l’affaire Tanguay c Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada), A-1458-84, la Cour d’appel fédérale (CAF) a établi une distinction entre « motif valable » et « justification » quand il est question de quitter volontairement un emploi.

[26] Conformément à la décision de la CAF, Canada (Procureur général) c Laughland, 2003 CAF 129, le problème n’est pas de déterminer s’il était raisonnable pour le prestataire de quitter son emploi, mais plutôt si la seule solution raisonnable pour le prestataire était de quitter son emploi, compte tenu de toutes les circonstances. Agir de façon raisonnable peut constituer un « motif valable », mais pas nécessairement une « justification ».

[27] Il revient au prestataire de prouver qu’il était justifié (Canada (Procureur général) c Patel, 2010 CAF 95).

[28] En l’espèce, le Tribunal accepte la preuve du prestataire de savoir qu’il a volontairement quitté son emploi pour pouvoir visiter sa famille en Europe. Il a déclaré qu’il le faisait chaque année, mais que cette fois-ci il avait fait une demande de prestations d’AE, car le marché du travail n’était pas aussi bon qu’à l’habitude. Il a ajouté qu’initialement son congé avait été approuvé, mais qu’après avoir changé d’équipe, on lui avait refusé ce congé; toutefois, il avait déjà acheté ses billets alors il avait choisi d’aller de l’avant avec ses plans de voyage. Le prestataire a déclaré qu’il croyait encore qu’il avait été mis à pied et qu’il n’avait pas eu l’intention de démissionner. Le Tribunal reconnaît que lorsque le prestataire a fait une demande de prestations d’AE, il a déclaré qu’il ne travaillait plus en raison d’un congé, son employeur a déclaré qu’il avait démissionné de son emploi et le prestataire a confirmé qu’il avait en fait quitté son emploi, car il n’avait pas reçu une approbation pour le congé. De ces éléments, le Tribunal est convaincu que le prestataire est responsable de sa cessation d’emploi, car il a volontairement quitté son emploi pour aller visiter sa famille en Europe et il l’a fait sans avoir reçu l’approbation pour un congé ou une mise à pied de son employeur.

[29] Dans l’arrêt de la CAF dans l’affaire Canada (Procureur général) c Graham, 2011 CAF 311, la juge Layden-Stevenson explique ce qui suit :

Pour savoir si un prestataire est « fondé » à quitter son emploi, il faut se demander « si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ […] constitue [selon la prépondérance des probabilités] la seule solution raisonnable dans son cas » : MacNeil c Canada (Commission de l’assurance-emploi du Canada), 2009 CAF 306; Canada (Procureur général) c. Imran, 2008 CAF 17).

... La Commission a reconnu le critère juridique relatif à la « justification ». Cependant, elle n’a pas examiné la situation [du prestataire] en fonction des principes de droit susmentionnés. Au lieu d’appliquer le critère selon lequel il n’y a aucune autre solution raisonnable, la Commission s’est demandé si la conduite [du prestataire] était raisonnable dans les circonstances et a conclu que son choix était un comportement raisonnable. De ce fait, elle a décidé qu’il était fondé à quitter son emploi...

...la Commission a commis une erreur en n’évaluant pas les faits conformément à la Loi.

[30] Le Tribunal a cherché des pistes de solution dans la décision CUB 69892, où le juge Goulard affirme ce qui suit :

Il est de jurisprudence constante que le fait de laisser un emploi pour des raisons d’ordre purement personnel tel le désir de se rapprocher des membres de sa famille ne constitue pas une justification au sens du paragraphe 29(c) de la Loi (CUBs 17643, 58461 et 58277). Dans la décision CUB 17643, le juge Dubé avait écrit :

« Au point de vue humain, il est facile de comprendre qu’une personne doive parfois changer de milieu pour des raisons personnelles : il est tout à fait normal de sympathiser avec elle. Par contre, un tel motif ne constitue pas une justification au sens de la Loi et de la jurisprudence, dans le sens qu’un tel motif n’est pas relié à l’emploi abandonné, mais à d’autres raisons purement personnelles (voir l’affaire Tanguay, A-1458-84, une décision de la Cour d’appel fédérale). »

[31] De plus, le Tribunal a cherché des précisions supplémentaires de la décision CUB 66811 qui est une affaire semblable à celle-ci. Le juge-arbitre a déclaré :

J’ai examiné cette affaire et je suis convaincu que le conseil arbitral a commis une erreur de droit. Une solution raisonnable qui se présentait à la prestataire était d’annuler ses vacances ou de les reporter. De cette façon, elle aurait pu conserver son emploi. Il me semble que la prestataire a fait un choix personnel en prenant ses vacances telles qu’elle les avait organisées. Elle se trouvait dans une situation fâcheuse; elle aurait probablement perdu de l’argent si elle avait tenté d’apporter des modifications, car elle s’était engagée financièrement. Elle avait dû choisir. Toutefois, selon la Loi, un prestataire doit être fondé à quitter son emploi. En l’espèce, la prestataire a refusé l’offre de prolongation de son contrat. Elle s’attendait à recevoir des prestations d’assurance-emploi par la suite. Cependant, les prestations d’assurance-emploi sont destinées aux personnes qui se retrouvent en chômage malgré elles. Dans le cas qui nous occupe, la prestataire a pris la dure décision de ne pas accepter la prolongation de contrat qui lui avait été offerte. Elle n’était donc pas fondée à quitter son emploi. Aucune disposition de l’article 29 de la Loi ne prévoit qu’une personne peut quitter son emploi et demander des prestations d’assurance-emploi afin de pouvoir voyager. Cela ne fait pas partie des motifs énoncés. De plus, l’article 29 prévoit qu’un prestataire doit avoir exploré toutes les solutions raisonnables dans son cas avant de quitter son emploi. Dans le cas qui nous occupe, la prestataire ne l’a pas fait.

[32] Le Tribunal estime que le prestataire n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi. Bien que le Tribunal reconnaisse que le prestataire avait initialement reçu une approbation pour son congé de manière à visiter sa famille et qu’ensuite cette approbation a été retirée, le Tribunal estime que cette approbation et le refus subséquent d’accorder le congé ne sont pas pertinents. Le prestataire a déclaré qu’il n’était pas autorisé à prendre un congé et qu’ils n’étaient pas capables de le mettre à pied, car ils embauchaient encore du personnel; il a choisi d’aller de l’avant avec son voyage tel que planifié et le Tribunal considère ceci comme étant un choix personnel.

[33] Le critère juridique qui doit être appliqué consiste à déterminer si, au moment de quitter son emploi, le prestataire n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi. Le Tribunal est d’avis que le prestataire disposait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi. Le prestataire avait la solution raisonnable de demeurer au travail et de changer ses arrangements de voyage à un moment acceptable pour son employeur. Par ailleurs, il incombe au prestataire de protéger son emploi et par conséquent, le prestataire avait la solution raisonnable de retarder son voyage jusqu’au moment où il aurait été mis à pied. Bien que le Tribunal reconnaisse que ceci aurait engendré une perte financière pour le prestataire, c’était une situation malheureuse dans laquelle il était ainsi que la décision qu’il devait prendre.

[34] Le prestataire a fait valoir que l’employeur ne se préoccupe pas des questions familiales et pour eux, il n’était qu’un numéro. Le Tribunal respecte l’argument du prestataire, toutefois un employeur a le droit de déterminer quand il est permis à une personne de prendre un congé selon les besoins opérationnels de l’entreprise. De plus, une mise à pied comme motif de cessation d’emploi figurant sur le RE devrait seulement être sélectionné lorsqu’il y a réellement un manquement de travail et non parce qu’il pourrait ne plus y avoir de travail lorsque le prestataire revient de vacances.

[35] Le prestataire a également fait valoir qu’il avait le droit de voir sa famille à l’étranger, comme travailleur syndiqué il n’avait pas de vacances planifiées et il se demandait si on s’attendait qu’il reste continuellement et qu’il ne visite sa famille seulement lorsqu’aucun emploi n’est disponible. Le Tribunal ne conteste pas que le prestataire désire visiter sa jeune famille, toutefois celui-ci s’attend à recevoir des prestations d’AE après avoir quitté volontairement son emploi sans justification. Malheureusement, comme il est souvent mentionné, les prestations d’AE sont versées à ceux qui se retrouvent au chômage sans aucune faute de leur part et ces prestations ne sont pas versées à ceux qui créent leur propre situation de chômage lorsqu’ils auraient d’autres solutions pour continuer de travailler. En l’espèce, le prestataire a créé sa propre situation de chômage lorsqu’il a quitté son emploi en prenant un congé non autorisé pour visiter sa famille.

[36] Le prestataire a également fait valoir qu’il a cotisé à l’AE et qu’il a droit à ses prestations d’AE. Cependant, le simple fait de cotiser au programme d’AE ne garantit pas que des prestations d’AE soient payables. Un prestataire doit toujours remplir les conditions d’admissibilité nécessaires.

[37] Après le retour du prestataire au Canada, il a commencé à travailler avec un autre employeur et il a été éventuellement mis à pied en ayant accumulé 124 heures d’emploi assurable. Le Tribunal convient que le prestataire n’était pas un nouveau venu ou n’était pas nouvellement revenu au marché du travail, et par conséquent il devait avoir 700 heures d’un emploi assurable.

[38] Dans l’arrêt de la CAF, Canada (Procureur général) c. Trochimchuk, 2011 CAF 268, la CAF a expliqué que l’article 30(5) de la Loi sur l’AE lu avec l’article 30(1) de la même loi démontre clairement que dans des situations où une personne quitte volontairement son emploi sans justification, les heures d’emploi assurable accumulées dans tout emploi précédent la date à laquelle la personne a quitté son travail sont exclues du calcul relatif à l’admissibilité au bénéfice des prestations. Le Tribunal est convaincu que le prestataire, une fois inadmissible au bénéfice des prestations d’AE pour avoir volontairement quitté son emploi, n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’AE lorsqu’il a été mis à pied d’un emploi subséquent, car il n’avait seulement que124 heures d’emploi assurable de cet emploi quand 700 heures étaient requises.

[39] Le prestataire a ajouté qu’il avait été forcé de quitter son emploi en raison des feux à X et qu’il avait entendu que le gouvernement avait déclaré que les personnes affectées par les feux seraient admissibles au bénéfice des prestations d’AE. Le Tribunal est incapable de répondre à ceci, car les feux sont survenus après la période dont il est question dans cet appel.

[40] Pour ces motifs, le Tribunal conclut que le prestataire n’a pas prouvé qu’il était justifié de quitter volontairement son emploi le 27 juin 2015 conformément à l’article 29(c) de la Loi sur l’AE et qu’il n’avait pas accumulé suffisamment d’heures d’un emploi assurable depuis son départ volontaire pour être admissible au bénéfice des prestations d’AE conformément à l’article 30(1)(a) de la Loi sur l’AE.

Conclusion

[41] L’appel est rejeté.

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