Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

Le 19 janvier 2016, R. C. (prestataire) a participé à une audience par vidéoconférence. Au cours de cette audience, elle a soulevé des questions constitutionnelles verbalement et dans ses observations écrites (RGD6). L’audience a été ajournée afin que la prestataire puisse faire valoir ses questions relatives à la Charte (RGD7).

Le 24 mars 2016, la prestataire a assisté à une conférence préparatoire au cours de laquelle on lui a expliqué le processus de contestation fondée sur la Charte (RGD8). La prestataire s’est vue accorder jusqu’au 24 juin 2016 pour indiquer si elle allait engager sa contestation fondée sur la Charte.

Le 5 juillet 2016, la prestataire a confirmé au Tribunal qu’elle ne souhaitait pas soulever de question constitutionnelle dans le cadre du présent appel (RGD9).

Le 25 juillet 2016, les parties ont été informées que le présent appel interjeté par la prestataire serait instruit dans le cadre d’une audience tenue au moyen de questions et de réponses jusqu’au 29 août 2016 (RGD1A). La question suivante a été posée aux parties : [traduction] « Avez-vous d’autres observations ou éléments de preuve à présenter que vous n’avez pas déjà présentés au Tribunal concernant la question du départ volontaire de la prestataire? » La Commission de l’assurance-emploi du Canada a indiqué qu’elle n’avait pas d’autres observations (RGD10). Le 17 août 2016, la prestataire a répondu au Tribunal en présentant d’autres observations examinées ci-dessous (RGD11). L’audience a pris fin le 29 août 2016.

Introduction

[1] Le 26 février 2009, la prestataire a présenté une demande initiale de prestations régulières.

[2] Le 14 février 2013, la Commission a exclu rétroactivement la prestataire du bénéfice des prestations régulières parce qu’elle n’avait pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi le 20 juin 2009. Cette décision a entraîné un trop-payé de 19 221,00 $. Le même jour, la prestataire a été informée qu’une rémunération non déclarée avait été répartie sur sa période de prestations et, parce qu’elle avait fait sciemment des fausses déclarations à la Commission, une lettre d’avertissement lui a été envoyée.

[3] Le 22 février 2014, la prestataire a demandé à la Commission de réviser ses décisions. Toutefois, le 7 mai 2014, la Commission a maintenu ses décisions initiales.

[4] Le 7 mai 2014, la prestataire a interjeté appel auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Le 2 septembre 2014, la division générale a rendu une décision sur les questions de la répartition de la rémunération et de l’imposition d’une lettre d’avertissement; elle ne s’est toutefois pas prononcée sur la question du départ volontaire. Le 7 octobre 2014, la prestataire a interjeté appel auprès de la division d’appel du Tribunal.

[5] Le 30 mars 2015, la division d’appel a initialement rejeté la demande de permission d’en appeler de la prestataire. Toutefois, le 24 juin 2015, la division d’appel a modifié sa décision relative à la demande de permission d’en appeler de la prestataire de manière à accueillir son appel portant sur la question du départ volontaire uniquement parce que cette question n’avait pas été examinée par la division générale la première fois (AD-15-337).

[6] Le 19 janvier 2016, une audience a été tenue par téléconférence en raison de la complexité de la question portée en appel, du fait que la prestataire serait la seule partie à participer à l’audience et du fait que le mode d’audience respectait l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la façon la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[7] Le 29 août 2016, une audience a été tenue au moyen de questions et de réponses afin de s’assurer que les parties avaient présenté l’ensemble de leurs observations et de leurs éléments de preuve avant qu’une décision ne soit rendue, étant donné qu’une audience par vidéoconférence avait déjà eu lieu le 19 janvier 2016. De plus, ce mode d’audience respecte l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[8] La membre doit décider si la prestataire doit être exclue du bénéfice des prestations en date du 14 juin 2009 pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

Droit applicable

[9] Voici ce que prescrit l’article 29 de la Loi sur l’AE pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

[10] Le paragraphe 30(1) de la Loi sur l’AE prévoit que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

[11] Le paragraphe 30(2) de la Loi sur l’AE précise que l’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

Preuve

[12] Le 26 février 2009, la prestataire a présenté une demande initiale de prestations régulières (RGD4-3 à RGD4-10).

[13] Le relevé d’emploi (RE) montre que la prestataire a travaillé pour X du 13 décembre 2008 jusqu’à son départ le 20 juin 2009 (RGD4-11). L’employeuse a déclaré une rémunération pendant la période du 9 mars 2009 à la semaine du 14 juin 2009 (RGD4-12).

[14] Le 10 septembre 2011, la prestataire a écrit à la Commission et lui a indiqué que sa « décision de quitter son emploi » était due au fait que son emploi était sur appel et qu’elle travaillait si peu d’heures à la fin de sa période de travail qu’elle ne pouvait pas subvenir à ses besoins. De plus, il s’agissait d’heures de travail tardives (quarts de travail de nuit), ce qui n’était pas propice à sa recherche d’emploi et aux entrevues pendant la journée. Par ailleurs, elle ne se sentait pas en sécurité seule à l’entrée principale et n’avait pas les connaissances ni la formation (médicale) nécessaires pour répondre aux besoins des personnes âgées, leur venir en aide et les déplacer. Elle a démissionné pour toutes ces raisons, écrivant ce qui suit : [traduction] « J’ai donc démissionné pour toutes ces raisons, que je croyais avoir indiquées à l’AE à l’époque […] » (RGD4‑21).

[15] La prestataire a confirmé à l’enquêteuse de la Commission qu’elle avait été engagée pour travailler sur appel; elle n’était pas employée à temps plein ni une infirmière autorisée et n’aurait pas dû soulever des personnes âgées. Elle en avait informé son employeuse. Elle a refusé de fournir des renseignements supplémentaires (RGD4-26).

[16] L’employeuse a informé l’enquêteuse de la Commission que la prestataire n’avait jamais exprimé de préoccupations quant à sa sécurité, affirmé qu’elle se sentait mal à l’aise ou signalé d’incidents. Elle a indiqué que le bâtiment était sécurisé de 16 heures à minuit, qu’un aide de maintien à domicile partait à 21 heures et qu’un autre arrivait à 4 heures du matin, et que le directeur général était toujours sur appel. On avait dit à la prestataire de ne jamais soulever une personne âgée et s’il n’y avait personne, d’appeler le 911 au besoin. La prestataire a démissionné par courriel (RGD4-28).

[17] En réponse, la prestataire a écrit qu’elle avait effectivement informé l’employeuse des fois où elle avait été appelée par une personne âgée qui avait besoin d’aide lorsqu’un gestionnaire et une infirmière n’étaient pas de service (lorsqu’elle était la seule personne de service). On lui a confié des tâches qu’elle ne connaissait pas et auxquelles elle ne s’attendait pas lorsqu’elle a été engagée comme réceptionniste sur appel à temps partiel. Elle a [traduction] « […] démissionné en raison des heures de travail tardives, de préoccupations relatives à la sécurité et du fait qu’en tant que femme célibataire seule, je devais rentrer tard le soir à pied […] Je vous expose tous les faits, c’est le mieux que je puisse faire ». Elle a cessé de produire les renseignements et ses demandes de prestations après avoir démissionné parce qu’elle avait trouvé du travail (RGD4-34 à RGD4-35).

[18] Le 14 février 2013, la Commission a exclu rétroactivement la prestataire du bénéfice des prestations régulières à compter du 14 juin 2009 parce qu’elle n’avait pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi le 20 juin 2009 (RGD4-36). Cette décision a entraîné un trop-payé de 19 221,00 $ (RGD4-38 et RGD4-40).

[19] La prestataire a demandé à la Commission de réviser ses décisions en indiquant qu’elle n’avait pas reçu les renseignements dont elle avait besoin pour régler la question des sommes qu’elle devait (ou non). Elle a demandé à la Commission de régler ses problèmes concernant les trop-payés et a fourni des copies de son avis de cotisation de l’ARC de 2013 (RGD4-45 à RGD4‑55). La prestataire a fait savoir à la Commission qu’elle était en profond désaccord avec les décisions rendues concernant sa demande. Elle estime qu’elle était fondée à quitter son emploi et qu’elle ne devrait pas être exclue du bénéfice des prestations. La prestataire a déclaré qu’elle avait tout à fait le droit de quitter son emploi sur appel; elle n’était pas une infirmière autorisée et n’aurait pu dû pas être obligée de soulever des patients. La prestataire était en colère, a interrompu l’agent de la Commission et lui a raccroché au nez (RGD4-56 à RGD4-57).

[20] Le 7 mai 2014, la Commission a informé la prestataire qu’elle maintenait sa décision du 14 février 2013 (RGD4-58).

[21] Le 2 septembre 2015, le membre a demandé à la prestataire et à la Commission de présenter [traduction] « toutes leurs observations concernant la question du départ volontaire » (RGD2-1). Le même jour, le Tribunal a envoyé à l’employeuse une lettre lui demandant si elle voulait être ajoutée comme partie mise en cause dans cet appel, mais il n’a reçu aucune réponse (RGD3).

Témoignage

[22] Le 19 janvier 2016, lors de l’audience par vidéoconférence, la prestataire a déclaré qu’elle était fondée à quitter son emploi en raison de sa situation. Elle a confirmé qu’elle était réceptionniste sur appel, qu’elle devait être disponible à tout moment (quarts de jour et de nuit) et qu’elle était chargée de répondre aux appels d’urgence des personnes âgées au moyen d’une radio portative (talkie-walkie). Pendant le quart de nuit (de 21 heures à 4 heures du matin) alors qu’il n’y avait pas de professionnel de la santé disponible, elle avait dû aider une personne âgée à se déplacer d’une chaise à un sofa et une autre lui avait demandé d’être déplacée dans son lit.

[23] La prestataire a déclaré qu’elle avait quitté son emploi en raison a) de difficultés financières dues au fait qu’elle ne gagnait pas assez d’argent; on ne lui offrait qu’un ou deux quarts de travail par semaine; elle vivait du stress à la suite d’une faillite (2011) à l’époque; b) de la nature de l’emploi; son employeuse ne pouvait pas accéder à sa demande de ne pas devoir aider les personnes âgées; elle n’avait pas été engagée pour fournir des soins aux personnes âgées et c) de raisons de santé; elle ne pouvait pas travailler par quarts de travail ni rien soulever; sa santé émotionnelle était instable, car elle avait vécu un événement traumatisant antérieur (sa mère s’était suicidée) et elle était toujours aux prises avec des problèmes de santé liés à cette anxiété. Elle ne pouvait pas s’occuper de personnes âgées pour cette raison. Lorsqu’on lui a demandé si son médecin lui avait conseillé de démissionner, la prestataire a répondu [traduction] « pas du tout », bien que son médecin ait déclaré que cet emploi n’était pas idéal pour elle s’il l’empêchait de bien dormir. Le médecin connaissait son état de santé et son besoin de trouver un emploi à temps plein qui lui permettrait de gagner sa vie et d’assurer sa santé et son bien-être.

[24] En que qui concerne les autres solutions que celle de quitter son emploi, la prestataire a déclaré qu’elle avait essayé de chercher un emploi à temps plein comportant uniquement des tâches de bureau dans un autre secteur industriel. Elle a dit que contrairement aux déclarations de l’employeuse à la Commission (RGD4-13), elle avait consigné deux rapports d’incident dans un journal de bord, soit un incident d’alarme incendie lors duquel elle avait dû déplacer une personne âgée et une autre situation où elle avait dû déplacer une personne âgée dans son lit. La prestataire a déclaré qu’elle n’était pas formée pour effectuer ce type de travail et que l’employeuse n’avait pas répondu à sa plainte selon laquelle on l’avait mise dans une position dangereuse. Elle en avait informé son gestionnaire, son superviseur et un autre employé qui était présent lors de l’incident de l’alarme incendie.

[25] On a demandé à la prestataire pourquoi elle ne s’était pas trouvé un autre emploi avant de quitter le sien. La prestataire a répondu qu’elle n’avait pas quitté son emploi et qu’on avait tout simplement cessé de lui offrir des heures de travail. Elle était restée sur la liste d’appel et était disponible pour travailler. Comme l’employeuse n’était pas tenue de lui offrir des heures, la prestataire a continué à chercher un autre emploi. Le 20 juin 2009, elle a dit à son employeuse [traduction] « Je ne répondrais pas à ces conditions d’emploi » et qu’elle ne déplacerait pas une personne âgée si nécessaire; elle ne mettrait pas en danger sa santé ni celle des personnes âgées. La prestataire a déclaré que la cessation d’emploi est survenue lorsqu’elle a obtenu un autre emploi à temps partiel à l’automne 2009; l’employeuse l’avait probablement alors retirée de la liste.

Documentation écrite

[26] Après l’audience, le 20 janvier 2016, la prestataire a écrit au Tribunal pour lui signaler qu’elle avait accepté un emploi sur appel sans garantie d’heures ou d’horaire de travail hebdomadaire régulier. Avant d’accepter cet emploi, elle avait souffert d’un syndrome de stress post‑traumatique et d’anxiété qui lui avaient occasionné des problèmes de santé. Elle ne s’était pas rendu compte que ce travail exigeait d’offrir un certain niveau de soins compatissants aux personnes âgées au besoin pendant ses heures de travail de 21 heures à minuit. Un incident d’alarme incendie et l’obligation de déplacer une personne âgée dans son lit l’ont rendue anxieuse et elle n’a pas été en mesure de réagir à ces situations. [traduction] « Cela représentait un risque pour sa sécurité et celle des autres à l’époque et la direction de la résidence pour personnes âgées a été informée que les raisons pour lesquelles elle avait démissionné étaient son incapacité de gérer ces aspects du travail et le manque de travail en tant qu’employée sur appel ». La prestataire a fourni une liste de 39 employeurs avec qui elle a communiqué pour trouver un emploi. Son employeuse a clairement indiqué qu’elle ne pouvait pas répondre à ses préoccupations. [traduction] « Le manque de travail, la nature de l’emploi, l’environnement et les problèmes de santé en découlant ne laissaient aucune possibilité à R. C. de trouver un autre emploi. » (RGD6).

[27] Le 19 février 2016, la prestataire a présenté des observations écrites au Tribunal indiquant ce qui suit :

[Traduction]

« […] Dans mes conversations avec les agents de l’AE, je me suis mal exprimée, car en réalité je n’ai jamais quitté mon emploi sur appel à [X] le 7. Je cherchais un travail à temps plein pendant que je travaillais sur appel. On ne m’a pas donné d’heures pendant cette période où je cherchais un emploi et je passais des entrevues avec des employeurs potentiels. Je ne pouvais pas non plus dire à mes employeurs potentiels que je travaillais sur appel, sinon ils m’auraient répondu que je ne serais pas disponible pour travailler à temps plein. Pourquoi aurais-je quitté mon emploi en n’ayant pas d’autre emploi, cela aurait été illogique. En même temps, je voulais trouver un emploi à temps plein et je voulais éviter de réduire mes chances d’y parvenir. On ne m’offrait pas d’heures de travail à la résidence, car je n’étais pas à l’horaire, je remplaçais plutôt d’autres personnes lorsqu’elles étaient en vacances ou malades… J’ai informé uniquement des employeurs que j’ai rencontrés en entrevue que je ne travaillais pas, pas l’AE ou [X] le 7. J’ai peut‑être décrit ma situation de travail d’une manière qui a amené les agents de l’AE à croire erronément que j’avais quitté mon emploi sur appel pour toucher des prestations d’AE. Pourquoi aurais-je fait cela alors que j’avais continuellement besoin d’un revenu pour subvenir à mes besoins... Il n’existe aucun document écrit portant ma signature ni de conversation confirmant que j’ai démissionné, car selon mon interprétation de la situation, j’étais toujours sur appel après avoir informé le bureau de l’AE de mon emploi et de ma rémunération pendant ma période d’admissibilité. J’ai ensuite occupé des emplois à temps partiel et permanents en 2010, comme le montre ma déclaration d’impôts » (AD1B-1).

[28] Seule la prestataire a présenté des observations au Tribunal pour l’audience tenue au moyen de questions et de réponses (RGD11 notée ci-dessous).

Observations

[29] La prestataire a fait valoir qu’elle n’a pas quitté son emploi; elle est restée sur la liste d’appel, mais on lui offrait très peu d’heures. La prestataire a soutenu qu’elle a continué à chercher un emploi à temps plein, car son poste ne lui permettait pas d’assurer sa subsistance. La prestataire a affirmé qu’elle avait informé son employeuse de ses préoccupations relatives à la sécurité pendant le quart de nuit, mais que son employeuse n’avait pas répondu à celles-ci. En raison du manque d’heures et de travail, de la nature de l’emploi et des problèmes de santé en découlant, elle n’avait pas d’autre solution que de démissionner et de trouver un autre emploi.

[30] La prestataire a fait valoir qu’elle n’avait pas accès à son dossier au moment où la décision initiale a été prise et que la Commission n’a pas divulgué ni présenté d’éléments de preuve à l’appui de sa position. Elle s’est conformée à toutes les exigences nécessaires afin d’être disponible pour travailler pendant sa période d’admissibilité. L’employeuse n’a pas tenté de prendre des mesures pour répondre à ses préoccupations quant à sa sécurité et à celle des autres pendant qu’elle était de service comme réceptionniste à partir de 21 heures. La décision de la Commission lui a causé des contraintes financières excessives (RGD11).

[31] La Commission a soutenu que la prestataire n’était pas fondée à quitter volontairement son emploi parce qu’elle n’avait pas épuisé toutes les solutions raisonnables qui s’offraient à elle avant de démissionner. Une solution raisonnable aurait été de discuter de ses préoccupations relatives à la sécurité avec son employeuse ou, à défaut, de déposer une plainte auprès d’une personne ayant plus de pouvoir que son gestionnaire ou, éventuellement, du ministère du Travail. La prestataire aurait également pu se chercher et trouver un autre emploi les jours où elle n’était pas censée travailler avant de démissionner. La prestataire s’est placée elle-même en situation de chômage pour des raisons personnelles. Elle n’a pas démontré que sa situation était intolérable au point où elle devait immédiatement quitter son emploi et qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable qui s’offrait à elle (RGD5).

Analyse

[32] Les articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE prévoient qu’une partie prestataire qui quitte volontairement son emploi est exclue du bénéfice des prestations, à moins qu’elle puisse établir qu’elle était fondée à agir ainsi.

[33] La membre reconnaît qu’il existe un principe bien établi selon lequel une partie prestataire est fondée à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable, conformément à l’article 29(c) de la Loi sur l’AE (Patel, A-274-09; Bell, A-450-95; Landry, A-1210-92; Astronomo, A-141-97; Tanguay, A-1458-84).

[34] Toutefois, la membre doit d’abord tenir compte du fait qu’il incombe à la Commission et à l’employeuse de démontrer que la prestataire avait quitté volontairement son emploi. Le fardeau de la preuve revient donc à la prestataire, qui doit prouver qu’elle était fondée à quitter son emploi (White, A-381-10; Patel, A-274-09).

La prestataire a-t-elle quitté volontairement son emploi?

[35] En l’espèce, la membre conclut que la Commission s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que la prestataire a volontairement quitté son emploi. Bien que la prestataire ait déclaré à l’audience et ait indiqué dans ses observations ultérieures à la division d’appel qu’elle n’avait pas quitté son emploi et qu’elle avait peut-être amené la Commission à croire erronément qu’elle l’avait fait pour toucher des prestations (AD1B-1), tous les autres éléments de preuve n’appuient pas son témoignage. La prestataire a indiqué qu’elle n’aurait pas quitté son emploi parce qu’elle avait besoin d’un revenu et a noté qu’il n’y avait pas de document écrit portant sa signature ou de conversation confirmant qu’elle avait démissionné (AD1B-1). La prestataire a déclaré que selon son interprétation, elle est restée sur appel jusqu’à ce qu’elle trouve un autre emploi à temps partiel à l’automne 2009 et que c’est à ce moment-là que son employeuse l’a probablement retirée de la liste.

[36] La membre reconnaît que bien que l’employeuse ait indiqué à la Commission que la prestataire avait démissionné par courriel (RGD4-28), il n’y a aucun élément de preuve d’une lettre ou d’un courriel de démission signé. La prestataire a cependant fourni à la Commission une déclaration signée à deux reprises avant qu’une décision ne soit rendue indiquant qu’elle avait « démissionné » ou « quitté » son emploi et a présenté ses raisons (RGD4-21, RGD4-34 et RGD4‑35). Selon la Commission, lors de la révision de ses décisions, la prestataire a également déclaré verbalement qu’elle était fondée à quitter son emploi, qu’une exclusion n’aurait pas dû être imposée et qu’elle avait pleinement le droit de quitter son emploi sur appel (RGD4-56 et RGD4-57). La membre a également noté que, contrairement à l’idée de la prestataire selon laquelle elle était probablement restée sur la liste d’appel jusqu’à ce qu’elle obtienne un autre emploi à temps partiel à l’automne 2009, l’employeuse a émis son RE le 10 juillet 2009 en indiquant qu’elle avait démissionné (RGD4-11). Enfin, immédiatement après l’audience, la prestataire a présenté au Tribunal une déclaration écrite indiquant les raisons de son « départ » et précisant qu’elle devait [traduction] « […] aller de l’avant et trouver un autre emploi » (RGD6).

[37] La membre a accordé plus de poids aux deux observations cohérentes et signées qu’elle avait fourni initialement ainsi qu’à ses déclarations verbales à la Commission, plutôt qu’à son témoignage fourni à l’audience après qu’une décision ait été rendue et révisée et lui ait été communiquée. Ce n’est qu’à l’audience que la prestataire a prétendu qu’elle n’avait pas quitté son emploi, qu’elle était restée sur la liste d’appel et que l’employeuse ne lui avait tout simplement plus offert heures. La membre a donc conclu que la prestataire avait quitté volontairement son emploi le 20 juin 2009.

[38] L’examen de la membre s’appuie sur la jurisprudence suivante :

« Une jurisprudence abondante et constante a clairement établi qu’un conseil arbitral doit accorder beaucoup plus de poids aux déclarations initiales et spontanées faites par les personnes intéressées avant la décision de la Commission, qu’aux déclarations subséquentes offertes dans le but de justifier ou de bonifier la situation du prestataire face à une décision défavorable de la Commission. » (CUB 25154)

La prestataire a-t-elle démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi?

[39] Il incombe maintenant à la prestataire de démontrer qu’elle était fondée à quitter son emploi. En l’espèce, la prestataire a présenté trois raisons principales pour avoir quitté son emploi a) le manque d’heures et de travail b) la nature de l’emploi : elle n’était pas formée pour répondre lorsque nécessaire aux besoins des personnes âgées pendant le quart de nuit ni émotivement capable de le faire et c) elle était incapable de gagner suffisamment d’argent pour subvenir à ses besoins avec les quelques heures de travail qu’on lui offrait, et la nature de l’emploi lui causait des problèmes de santé – anxiété, perte de sommeil, perte de poids (RGD4‑21, RGD4-34, RGD4-35 et RGD6).

[40] La membre a examiné les circonstances auxquelles réfère l’article 29(c) et déterminé si l’une de ces circonstances existait au moment où la prestataire a pris congé de son emploi. D’après la jurisprudence, ces circonstances doivent être évaluées à ce moment-là (Lamonde, A‑566-04). Étant donné les raisons du départ de la prestataire, la membre a particulièrement pris en considération les articles 29(c)(iv) et 29(c)(vii) comme circonstances possibles dans lesquelles la prestataire pourrait être fondée à quitter son emploi.

[41] En ce qui a trait à l’article 29(c)(vii), la membre a examiné si la prestataire n’avait aucune autre solution que de quitter son emploi en raison d’une modification importante de ses conditions de rémunération. La prestataire a déclaré qu’elle avait quitté son emploi en raison des difficultés financières qu’elle éprouvait dues au fait qu’elle ne gagnait pas assez d’argent; on lui offrait seulement un ou deux quarts par semaine. Elle a indiqué dans ses observations écrites qu’elle avait quitté son emploi parce qu’elle était une employée sur appel et que vers la fin, on lui offrait si peu d’heures qu’elle ne pouvait pas subvenir à ses besoins (RGD4-21 et RGD6). Cependant, la membre a aussi tenu compte du fait que la prestataire a déclaré de façon constante qu’elle avait été engagée comme réceptionniste sur appel à temps partiel et que ses heures étaient sporadiques tout au long de son emploi, comme le prouvent le RE et la rémunération déclarée (RGD4-11 et RGD4-12). La membre juge par conséquent que les conditions de rémunération de la prestataire n’ont pas été modifiées considérablement lorsqu’elle a quitté son emploi. Pour prouver qu’elle était fondée à quitter son emploi, la prestataire doit néanmoins démontrer qu’elle n’avait pas d’autre solution que de démissionner pour cette raison. La membre est d’accord avec la prestataire lorsqu’elle fait remarquer dans l’une de ses observations qu’il n’aurait pas été logique pour elle à l’époque de quitter son emploi si elle n’avait pas d’autre emploi (AD1B-1). La membre reconnaît qu’en raison de sa situation financière et de ses heures de travail sporadiques, la prestataire était continuellement à la recherche d’un autre emploi (RGD6-2). La prestataire n’a cependant pas attendu de trouver un autre emploi avant de quitter le sien. C’était une solution raisonnable qui s’offrait à elle, d’autant plus qu’il n’y avait pas d’urgence à démissionner lorsqu’elle l’a fait pour cette raison. La membre convient avec la Commission que la prestataire aurait pu continuer de chercher un autre emploi les jours où elle n’était pas censée travailler, d’autant plus qu’on ne lui offrait qu’un ou deux quarts de travail par semaine avant qu’elle ne démissionne.

[42] En ce qui concerne l’article 29(c)(iv), la membre a examiné si la prestataire n’avait pas d’autre solution que de quitter son emploi parce que ses conditions étaient dangereuses pour sa santé ou sa sécurité. La prestataire a constamment déclaré que parce qu’elle n’avait pas reçu de formation pour aider les personnes âgées (elle avait été embauchée comme réceptionniste) et parce qu’elle n’était pas capable émotionnellement de s’occuper des personnes âgées (en raison d’un événement traumatisant antérieur), elle mettait la sécurité des personnes âgées ainsi que sa santé et sa sécurité en danger. L’employeuse a en revanche déclaré à la Commission que la prestataire n’avait jamais exprimé de préoccupations quant à sa sécurité et qu’en outre, elle n’était pas tenue de soulever une personne âgée, et que si personne n’était disponible pendant le quart de nuit, le directeur général était sur appel ou elle devait appeler le 911 (RGD4-28). La prestataire a témoigné qu’en fait, l’employeuse était au courant de ses préoccupations puisqu’elle avait consigné dans un journal de bord deux rapports d’incident concernant un incident d’alarme incendie lors duquel elle avait dû déplacer une personne âgée et une autre situation où elle avait dû déplacer une personne âgée dans son lit. La prestataire a fait valoir que l’employeuse n’avait cependant pas tenu compte de ses préoccupations. La membre note que la prestataire a été employée pendant six mois et a signalé deux incidents où elle a dû aider une personne âgée alors qu’il n’y avait personne d’autre (bien que lors de l’incident de l’alarme d’incendie, elle ait déclaré qu’un autre employé était présent). La membre estime que même si la prestataire était en fait tenue d’intervenir lors d’incidents aussi rares et sporadiques pendant le quart de nuit, plusieurs autres solutions raisonnables que celle de quitter son emploi pour cette raison s’offraient à elle. Par exemple, la membre convient avec la Commission qu’une autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi aurait été de discuter davantage de ses préoccupations relatives à la sécurité avec son employeuse. Si son gestionnaire et son superviseur ne répondaient pas à ses préoccupations, elle aurait pu déposer une plainte auprès d’une autorité supérieure de l’employeuse ou éventuellement du ministère du Travail (Loi sur les normes d’emploi). La membre ajoute également que la prestataire aurait pu discuter de la possibilité de ne travailler que les quarts de travail où il y avait un soignant sur place. Sinon, compte tenu de sa situation financière, elle aurait pu accepter de travailler tous les quarts de travail et, lorsqu’une situation la rendait anxieuse ou qu’elle n’était pas formée pour exécuter une tâche, appeler le directeur général sur appel ou le 911 ou prendre toute autre mesure convenue que l’employeur était prêt à accepter.

[43] Enfin, la prestataire a indiqué qu’à cause des raisons déjà examinées (manque de travail et d’heures et la nature de l’emploi), elle souffrait de problèmes de santé, dont de l’anxiété, des pertes de sommeil et de la perte de poids. La membre considère qu’il bien établi en jurisprudence qu’une partie prestataire qui soutient qu’elle était fondée à quitter son emploi pour des raisons médicales doit a) fournir une preuve médicale à l’appui de sa prétention qui indique qu’elle n’est pas bien et qu’elle était obligée de quitter son emploi en raison de son état de santé; b) démontrer qu’elle a essayé de conclure une entente avec son employeur pour composer avec ses problèmes de santé; et c) prouver qu’elle a essayé de trouver un autre emploi avant de quitter son emploi (CUB 80905). En l’espèce, la prestataire n’a rempli aucune de ces conditions. Si la prestataire avait besoin de mesures d’adaptation à son travail, une solution raisonnable aurait été de fournir à l’employeuse les documents médicaux requis indiquant que son travail affectait sa santé et de négocier une solution.

[44] La membre estime que la solution la plus évidente au chômage qui s’offrait à la prestataire, compte tenu de sa situation financière précaire, était de trouver un autre emploi. Il s’agit d’une solution réaliste compte tenu de son témoignage selon lequel elle avait en fait peu de temps après à l’automne 2009 trouvé un autre emploi à temps partiel. Pour prouver qu’elle était fondée à quitter son emploi, la prestataire doit démontrer que de quitter son emploi constituait la seule solution raisonnable dans son cas lorsqu’elle la fait selon l’article 29(c) de la Loi sur l’AE. La membre convient avec la Commission que la prestataire n’a pas démontré que sa situation était si intolérable qu’elle devait quitter son emploi immédiatement, de sorte qu’attendre de trouver un autre emploi était une solution raisonnable au chômage.

[45] La membre estime que la prestataire ne s’est pas acquittée du fardeau de prouver que de quitter son emploi constituait la seule solution raisonnable dans son cas selon l’article 29 (c) de la Loi sur l’AE.

[46] Compte tenu de toutes les circonstances, la membre est d’avis que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi le 20 juin 2009 et qu’elle est donc exclue du bénéfice des prestations en application des articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE.

Conclusion

[47] L’appel est rejeté.

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