Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli et le dossier est renvoyé à la division générale (section de l’assurance-emploi) pour qu’une nouvelle audience soit tenue devant un membre différent.

Introduction

[2] Le 11 mars 2016, la division générale du Tribunal a déterminé que le demandeur avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite aux termes des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[3] Le 11 avril 2016, le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler à la division d’appel après avoir reçu la décision de la division générale le 22 mars 2016. La permission d’en appeler a été accordée le 22 avril 2016.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • La complexité de la question ou des questions portées en appel;
  • Le fait que l’on ne prévoit pas que la crédibilité des parties figure au nombre des questions principales;
  • Les renseignements figurant au dossier et le besoin de renseignements supplémentaires;
  • Le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[5] Lors de l’audience, l’appelant était présent, l’intimée était représentée par Warren Dinham et l’employeur était représenté par S. G. et G. T.

Droit applicable

[6] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) prévoit que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) Elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) Elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit déterminer si la division générale a commis des erreurs de fait et de droit en concluant que l’appelant avait perdu son emploi en raison de son inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi.

Arguments

[8] L’appelant a fait valoir les arguments suivants à l’appui de son appel :

  • La division générale a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance;
  • La division générale n’a pas tenu compte des courriels et des détails de ceux-ci qu’il avait déposés et qui allaient à l’encontre de la position de l’employeur;
  • La décision de la division générale est fondée sur des spéculations et des ouï-dire; il n’y a pas de preuve qu’il a enfreint une quelconque politique de la compagnie qui aurait mené à son congédiement.
  • Il conteste aussi la conclusion de la division générale liée à sa crédibilité, car cette conclusion est fondée sur une mauvaise interprétation de ses observations présentées au Tribunal.
  • Il affirme que, le 1er avril 2016, la Couronne a retiré les accusations de vol portées contre lui après la tenue de l’audience de la division générale.

[9] L’Intimée soumet les motifs suivants à l’encontre de l’appel :

  • Le Tribunal n’a pas fourni d’explication pour justifier sa décision, notamment, il n’a pas tenu compte des renseignements additionnels fournis par l’appelant; plus précisément un courriel contradictoire de la part de monsieur J. G. qui doit être considéré comme une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
  • L’intimée recommande que l’affaire soit renvoyée à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale pour être entendue comme une affaire de novo.

[10] L’employeur soumet les arguments suivants à l’encontre de l’appel :

  • L’appelant n’a pas informé le Tribunal qu’il avait conclu une entente avec le Procureur de la Couronne selon laquelle il verserait une indemnisation de 500,00 $ à l’employeur en échange du retrait des accusations;
  • L’omission de cette information par l’appelant mène à une mauvaise conclusion. La position de l’employeur est que cette omission constitue une preuve additionnelle du manque de crédibilité de l’appelant, comme l’avait déterminé la division générale;
  • Le message électronique à l’appelant de la part de monsieur J. G. est un faux. Étant donné la date et l’heure du transfert de ce message, il est difficile d’imaginer que monsieur J. G. aurait envoyé ce message à l’appelant à la même date et à la même heure où nous nous trouvions tous pris par l’audience par téléconférence de la division générale;
  • Il est soutenu respectueusement que, sur la prépondérance des probabilités, l’employeur a prouvé que le vol avait eu lieu;
  • Le rôle de la division générale n’est pas d’évaluer si le congédiement d’un employé est justifié ou non, mais plutôt de déterminer si l’acte ou l’omission de la part de l’employé constitue une inconduite au sens de la Loi;
  • L’attention est portée non pas sur le comportement de l’employeur, mais bien sur celui de l’employé;
  • La décision de la division générale fait partie des issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

Norme de contrôle

[11] L’appelant n’a pas présenté d’observations concernant la norme de contrôle applicable.

[12] L’intimée soutient que la norme de contrôle pour les questions de droit et de faits est le caractère raisonnable de la décision — Pathmanatham c. Bureau du juge-arbitre, (2015) CAF 50.

[13] L’employeur fait valoir que la Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle judiciaire applicable aux questions mixtes de faits et de droit est celle du caractère raisonnable de la décision - Canada (Procureur général) c. Hallee, (2008) CAF 159; Dunsmuir c. New Brunswick, (2008) CSC 9.

[14] Le Tribunal constate que l’arrêt Canada (Procureur général) c. Jean, (2015) CAF 242, précise au paragraphe 19 que « [l]orsqu 'elle agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, la division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure ».

[15] La Cour d’appel fédérale indique également que [traduction] :

[n]on seulement la division d’appel a-t-elle autant d’expertise que la division générale du Tribunal de la sécurité sociale et n’est-elle donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale.

[16] La Cour conclut que « lorsqu’elle entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi. »

[17] Le mandat de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale décrit dans la décision Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder c. Canada (Procureur général), (2015) CAF 274.

[18] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Analyse

[19] Dans l’affaire qui nous concerne, la division générale a donné la permission aux parties d’ajouter des éléments de preuve au dossier après l’audience.

[20] La division d’appel a de nombreuses fois réitéré à la division générale les risques de procéder de cette façon au sujet des principes de justice naturelle. Cette affaire soulève encore une fois ces questions puisque des éléments de preuve ont été déposés après l’audience. Elle traite de la situation où la division générale pourrait écarter ou ne pas considérer certains éléments de preuve additionnels lorsqu’elle rend une décision sur le fond de l’affaire.

[21] L’audience devant la division générale a eu lieu le 29 février 2016. Après l’audience, l’employeur a déposé un courriel de la part de J. G. dans lequel celui-ci affirme qu’il obtenait du matériel de l’employeur, incluant les câbles et les connecteurs, à prix réduit, directement de l’appelant (GD11-1).

[22] On a remis une copie de ce courriel, déposé par l’employeur, à l’appelant. Le 6 mars 2016, il a répliqué, comme lui avait permis la division générale, en produisant un courriel de la part de J. G. dans lequel ce dernier affirme avoir fait une fausse déclaration sous contrainte de son employeur puisqu’il s’agissait là de la seule façon qu’il pouvait conserver son emploi. Il y déclare que c’est G. T., l’un des témoins de l’employeur, qui l’a forcé à faire cette déclaration sinon il aurait été congédié sur-le-champ. Il déclare qu’il a effectivement été congédié deux semaines plus tard et qu’en aucun moment il n’a acheté du matériel ou eu des échanges de cette nature avec l’appelant. Il déclare que sur toutes ces questions, sa déclaration (précédente) était totalement fausse (GD12-1).

[23] La division générale a admis cette preuve additionnelle, déposée par les parties, dans sa décision (Paragraphes [8] et [9]).

[24] Pour arriver à déterminer si les gestes d’un appelant constituent de l’inconduite menant au congédiement, cela présuppose un examen et une détermination des faits — Canada (Procureur général) c. Larivée, (2007) CAF 312.

[25] Sous le titre Analyse, notamment au paragraphe [35] de sa décision, la division générale se réfère directement aux éléments de preuve additionnels déposés par l’employeur le 29 février 2016(GD11-2). Cependant, le Tribunal n’a fait aucune référence aux éléments de preuve déposés par l’appelant le 6 mars 2016, pas plus qu’il n’explique cette omission (GD12-1). Ce, en dépit du fait que cette nouvelle déposition de J. G. soulève d’importantes questions de crédibilité que le rôle et le mandat de la division générale l’obligent à évaluer, puis à rendre une décision, mais surtout, ils l’obligent de justifier celle-ci.

[26] Le Tribunal conclut que la division générale n’a pas pris en considération tous les faits pertinents en l’espèce et, par conséquent, qu’elle a commis une erreur de droit. Lorsqu’elle est confrontée à des éléments de preuve contradictoires, la division générale doit analyser la preuve complète et si elle décide d’en rejeter certains éléments ou de ne pas leur accorder la force probante qu’ils semblent mériter, elle doit expliquer sa décision. La division générale ne peut pas simplement ne pas en tenir compte – Bellefleur c. Canada (Procureur général), (2008) CAF 13, Parks c. Canada (Procureur général), A-321-97.

[27] L’employeur a été frustré également par la façon de procéder de la division générale puisqu’il ne pouvait répliquer au courriel déposé par l’appelant le 6 mars 2016. En fait, sa réplique a été refusée par le Tribunal. Cela confirme encore une fois les dangers auxquels on s’expose lorsqu’on admet des d’éléments de preuve après une audience.

[28] En fin de compte, le 1er avril 2016, la Couronne a retiré les accusations de vol portées contre l’appelant après la tenue de l’audience de la division générale. Cette preuve n’existait pas au moment de l’audience devant la division générale bien qu’elle aurait été susceptible d’avoir une influence majeure sur la solution du litige.

[29] Pour toutes ces raisons mentionnées plus haut, le dossier sera retourné à la division générale en vue de la tenue d’une nouvelle audience devant un membre différent étant donné les questions de crédibilité.

Conclusion

[30] L’appel est accueilli et le dossier est renvoyé à la division générale (section de l’assurance-emploi) pour qu’une nouvelle audience soit tenue devant un membre différent.

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