Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] En date du 25 février 2016, la division générale du Tribunal a conclu que :

  • L’imposition d’une pénalité était non fondée aux termes de l’article 38 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi);
  • L’émission d’un avis de violation était non fondée aux termes de l’article 7.1 de la Loi.

[3] La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 24 mars 2016. Permission d’en appeler a été accordée le 11 avril 2016.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience par téléconférence pour les motifs suivants :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • du caractère économique et opportun du choix de l’audience;
  • de la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] Lors de l’audience, l’Appelante était représentée par Elena Kitova.  L’Intimé était présent et représenté par Me Jean-Guy Ouellet.

La loi

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Questions en litige

[7] Le Tribunal doit décider si la division générale a erré en concluant qu’il n’y avait pas lieu d’imposer une pénalité aux termes de l’article 38 de la Loi et un avis de violation aux termes de l’article 7.1 de la Loi.

Arguments

[8] L’Appelante soumet les motifs suivants au soutien de son appel:

  • La division générale n’a pas appliqué le test légal et a erré dans son interprétation de la notion de « sciemment » ce qui constitue une erreur de droit;
  • La question devant le Tribunal était de savoir : est-ce que le prestataire a sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses lorsqu’il a omis, à sept reprises, de déclarer son absence du Canada? Or, la division générale a accordé l’appel du prestataire au motif d'absence d'intention de frauder de la part de celui-ci;
  • La division générale a erré dans son interprétation du terme « sciemment ». « Sciemment » signifie que le prestataire savait que les renseignements qu'il fournissait à la Commission n’étaient pas véridiques. Or, la division générale s’est plutôt attardée à justifier les actes du prestataire, en commettant ainsi une erreur de droit;
  • La division générale n’a pas adéquatement apprécié la preuve qu’elle avait devant elle. Il était de son devoir de tenir compte de toute la preuve et non seulement de celle favorisant la thèse de l’intimé;
  • La division générale a ignoré que lors du dépôt de sa demande de prestations, l’intimé a été avisé qu’il devait déclarer ses absences du pays. Il a reçu et accepté ses droits et obligations. Il a également reçu des instructions sur la façon de remplir ses déclarations;
  • Avant de procéder à des déclarations, les prestataires sont avertis quant à la déclaration de faux renseignements. L’appelante tient à préciser que l’intimé détient un doctorat. Cependant, à sept reprises, il a répondu par la négative à une question simple et sans ambigüité : « Étiez-vous à l'extérieur du Canada entre le lundi et le vendredi pendant la période visée par cette déclaration?  ». L’intimé ne pouvait ignorer qu’il fournissait des renseignements erronés à l’appelante, à moins de faire preuve d’« aveuglement volontaire »;
  • Les explications de l’intimé manquent de cohérence et de vraisemblance. Il a évoqué avoir développé un automatisme, alors qu’il en était seulement à sa troisième déclaration. De plus, il a quand même répondu « Oui » à la question sur sa disponibilité à travailler. L’intimé a par la suite indiqué qu’il pensait avoir droit aux prestations puisqu’il était à la recherche d’emploi. Cet argument contredit ce qu’il avait avancé précédemment. La division générale a omis d’adresser ces contradictions;
  • La division générale a également omis d’expliquer pourquoi il écartait l’argument de l’appelante à l’effet que l’intimé ne pouvait évoquer un automatisme ou un manque d’attention pour avoir omis de déclarer son absence;
  • Une analyse complète de la preuve au dossier ne permet qu’une seule conclusion : l’intimé n’a pas réfuté la présomption à l’effet que ses déclarations fausses et trompeuses ont été faites sciemment. Par conséquent, une pénalité était justifiée dans les circonstances;
  • L’appelante considère qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en infligeant en fixant le montant de la pénalité et en signifiant un avis de violation à l’intimé. Il n’existait aucune circonstance atténuante qui pourrait modifier sa décision quant à l’avis de violation.

[9] L’Intimé a soumis les motifs suivants à l’encontre de l’appel de l’Appelante :

  • La division générale a suivi scrupuleusement les étapes d'analyse en cette matière. Après avoir pris acte que les réponses de l'intimé étaient inexactes, elle a clairement énoncé qu'il lui revenait de présenter des explications;
  • Elle a à cet égard commis aucune erreur en droit quant au processus à suivre afin de déterminer si l'intimé avait commis en connaissance de cause de fausses déclarations; Elle a par la suite identifié ces réponses ainsi que relever l'argumentation de l'appelante à l'encontre de ces réponses;
  • Son analyse du dit fardeau de l'appelante, à savoir qu'elle doit démontrer que le prestataire a une connaissance subjective de la fausseté de ces déclarations est conforme à la jurisprudence;
  • Elle a tenu compte de différents éléments (possibilité de travailler ailleurs, banalité de chercher un emploi hors pays vu type d'emploi recherché, déplacements justifiés par une recherche active d'emploi, croyance sincère d'avoir droit aux prestations vu ses recherches d'emploi et qu'il aurait été plus alerte aux questions si lesdits séjours avaient été pour un voyage d'agrément, prestataire peu familier avec le régime) que l'intimé a agi de bonne foi, qu'il est intègre et qu'il n'aurait pas mis en péril sa certification sécuritaire en prenant le risque de l'entacher en commettant un acte délictueux;
  • II revient à la division générale d'apprécier la crédibilité des faits. Compte tenu de tous les éléments présents, la position de l’appelante semble davantage déterminer la connaissance sur la base d'éléments objectifs. Cette approche a été rejetée et s'avère nulle en droit;
  • L'appelante invoque que la division générale n'aurait pas indiqué pourquoi elle ne retenait pas la position de l’appelante, soit le rejet du dit automatisme.
  • Cette prétention fait fi clairement des conclusions de la division générale aux paragraphes 57 et 58 de la décision;
  • De même, l'intervention de la division d'appel est non justifiée quant à la conclusion mixte de faits et droit et il soumet de faits car la conclusion de la division générale s'avère une conclusion raisonnable dont les issues sont acceptables et ont été retenues antérieurement;
  • Quant à l'avis de violation, il est nécessaire de souligner l'incongruité de la reconnaissance de circonstances atténuantes pour la fixation du montant de la pénalité et l’affirmation selon laquelle il n’existe aucune circonstance atténuante pour l'avis de violation.

Normes de contrôle

[10] Les parties soumettent que la Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle judiciaire applicable relativement à des questions de droit est la norme de la décision correcte et la norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Pathmanathan c. Bureau du juge-arbitre, 2015 CAF 50.

[11]  Le Tribunal constate que la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (PG) c. Jean, 2015 CAF 242, mentionne au paragraphe 19 de sa décision que lorsque la division d’appel «  agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale, la Division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure ».

[12] La Cour d’appel fédérale poursuit en soulignant que :

« [N]on seulement la Division d’appel a-t-elle autant d’expertise que la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale et [qu’elle] n’est […] donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale.»

[13] La Cour d’appel fédérale termine en soulignant que « lorsqu’elle entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l'Emploi et du Développement social, la Division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi. »

[14] Le mandat de la division d’appel du Tribunal décrit dans l’arrêt Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder v. Canada (AG), 2015 FCA 274.

[15] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

Analyse

[16] L’Appelante soumet que la division générale a ignoré que lors du dépôt de sa demande de prestations, l’Intimé a été avisé qu’il devait déclarer ses absences du pays. Il a reçu et accepté ses droits et obligations. Il a également reçu des instructions sur la façon de remplir ses déclarations. Elle plaide qu’avant de procéder à des déclarations, les prestataires sont avertis quant à la déclaration de faux renseignements. L’appelante tient à préciser que l’intimé détient un doctorat. Cependant, à sept reprises, il a répondu par la négative à une question simple et sans ambigüité : « Étiez-vous à l'extérieur du Canada entre le lundi et le vendredi pendant la période visée par cette déclaration? ». L’intimé ne pouvait ignorer qu’il fournissait des renseignements erronés à l’appelante, à moins de faire preuve d’« aveuglement volontaire ».

[17] Compte tenu des arguments de l’appelante, le Tribunal juge approprié de reproduire les conclusions suivantes de la division générale :

[43] Pour qu’une pénalité s’applique en vertu de l’alinéa 38(1) a), il ne suffit pas qu’une déclaration soit fausse ou trompeuse, il faut que le demandeur l’ait faite en sachant sciemment qu’elle était fausse ou trompeuse (Mootoo, A-438-02).

[44] Dans les arrêts Canada (P.G.) c. Gates (1995) et Canada (P.G) c. Purcell, (1996), la Cour a précisé que la connaissance du demandeur relative à la fausseté de la déclaration fautive devait être tranchée sur le plan de la connaissance subjective. C’est au juge des faits qu’il appartient d’apprécier la connaissance par le prestataire.

[45] Si en définitive, le juge des faits est d’avis que le prestataire ne savait pas effectivement que sa déclaration était fausse, l’irrégularité visée par le paragraphe 33(1) du Règlement n’a pas été commise. Canada (P.G.) c Purcell (1996).

[46] L’appelant a-t-il fait des déclarations fausses ou trompeuses au sens de la Loi lorsqu’il a complété ses déclarations d’assurance-emploi.

[47] Des déclarations erronées ont effectivement été produites. Mais au sens des arrêts Gates et Purcell, il faut maintenant déterminer si l’appelant avait la connaissance objective de fournir de fausses déclarations.

[48] A partir du moment où la preuve démontre qu’un prestataire a donné une réponse inexactes à des questions figurant sur sa carte de déclaration, c’est à lui qu’il appartient d’expliquer l’existence des réponses inexactes.

[49] C’est ce que l’appelant a fait lors de l’audience.

[50] Je retiens particulièrement que l’appelant à la double citoyenneté, canadienne et tunisienne. Il a gardé son privilège de pouvoir travailler dans ce pays. Il n'a pas besoin de demander un permis de travail. Il peut donc partir à pied levé pour répondre à l’appel d’un employeur éventuel au Moyen Orient.

[51] C’est un professionnel qui évolue dans un marché mondial. J’infère qu’aller postuler à l’étranger est pour lui beaucoup plus courant, pour ne pas dire banal, que pour le commun des mortels.

[52] Je retiens que ses séjours à l’étranger étaient motivés par sa recherche d’emploi. La preuve au dossier est claire et la Commission l’a reconnu.

[53] Je retiens qu’il croyait sincèrement avoir le droit à ses prestations lors de ses séjours à l’étranger parce qu’il y était en recherche active d’emploi.

[54] Je le crois sincère lorsqu’il m’affirme qu’il aurait possiblement été plus alerte sur la question des séjours à l’étranger s’il avait quitté le Canada pour un voyage d’agrément.

[55] Je retiens que l’appelant n’est pas un client ou un prestataire habituel de l’assurance-emploi. Il est peu familier avec la Loi et les Règlements. L’appelant m’a convaincu qu’il avait agi de bonne foi.

[56] Qui plus est, je retiens de l’ensemble de son témoignage qu’il est un homme intègre. Et qu’il doit en faire la démonstration dans son travail en passant les enquêtes de sécurité nécessaires pour obtenir la certification exigée. J’estime plus qu’improbable que l’appelant ait choisi délibérément de risquer d’entacher sa réputation en commettant un acte frauduleux.

[57] J’écarte l’argument de la Commission voulant que l’appelant ne puisse évoquer l’automatisme ou l’ignorance de produire une fausse déclaration pour avoir omis de déclarer son absence du pays à 7 reprises. Et ce, sous prétexte qu’il a été avisé lorsqu’il a complété sa demande de prestations.

[58] En vertu de ce qui précède, je suis d’avis contraire.

[59] La jurisprudence nous enseigne c’est au juge des faits qu’il appartient d’apprécier la connaissance par le prestataire. J’ai apprécié le témoignage de l’appelant et je lui accorde crédibilité lorsqu’il affirme n’avoir jamais voulu frauder sciemment l’assurance-emploi en faisant des déclarations erronées.

[60] Le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas fait sciemment de fausses déclarations. En conséquence, la pénalité imposée aux termes des articles 38 de la Loi n’est pas justifiée, non plus que l’avis de violation signifié en vertu de l’article 7.1 qui en découlait.

[18] L’appelante reproche à la division générale d’avoir erré dans son application du test légal, plus particulièrement, d’avoir erré dans son interprétation de la notion de « sciemment », ce qui constitue une erreur de droit.

[19] Le Tribunal n’est cependant pas de cet avis.

[20] La division générale a correctement conclu qu’il en revenait à l’appelante de prouver que l’intimé avait fait une déclaration fausse une trompeuse mais qu’à partir du moment où la preuve démontrait que l’intimé avait donné une réponse inexacte a une question très simple ou à des questions figurant sur la carte de déclaration, il y avait renversement du fardeau de la preuve et c'était alors à l’intimé d'expliquer l'existence de ses réponses inexactes.  Ce qu’il a fait lors de l’audience devant la division générale.

[21] La division générale a correctement appliqué les arrêts de la Cour d’appel fédérale, Canada (P.G.) c. Gates (1995), A-600-94, et Canada (P.G) c. Purcell, (1996), A-694-94, qui sont venus préciser que la connaissance de l’intimé relative à la fausseté de la déclaration fautive devait être tranchée sur le plan de la connaissance subjective et  qu’il appartenait à la division générale, juge des faits, d’apprécier la connaissance par l’intimé.

[22] La division générale a tenu compte de divers éléments objectifs pour trancher la question de la connaissance subjective de l’intimé. Elle a accordé foi et crédibilité au témoignage de l’intimé. L'exigence relative au fait que l’intimé devait savoir, subjectivement, que sa déclaration était fausse n'a pas été respectée – Mootoo c. Le Ministre du Développement des Ressources Humaines, 2003 CAF 206. Compte tenu de cette conclusion, la question de l’avis de violation devait subir le même sort.

[23] L’appelante soutient que l’intimé, détenteur d’un doctorat, ne pouvait ignorer qu’il fournissait des renseignements erronés à l’appelante puisqu’à sept reprises, il a répondu par la négative à une question simple et sans ambigüité : «  Étiez-vous à l'extérieur du Canada entre le lundi et le vendredi pendant la période visée par cette déclaration? ».

[24] De l’avis du Tribunal, une telle approche est erronée en droit car elle applique un critère objectif. Elle implique que chaque fois qu’un prestataire répond incorrectement à une question simple et sans ambiguïté, il a agi sciemment. De plus, elle ignore les principes des arrêts Gates et Purcell qui ont précisés que la connaissance d’un prestataire relative à la fausseté de la déclaration devait être tranchée sur le plan de la connaissance subjective.

[25] Le Tribunal est d’avis que la division générale a tenu compte des arguments de l’appelante et que sa décision repose sur les éléments de preuve portés à sa connaissance, et qu’il s’agit d’une décision conforme aux dispositions législatives et à la jurisprudence.

[26] De plus, la jurisprudence est depuis longtemps constante à l'effet qu'à moins de circonstances particulières évidentes, la question de crédibilité doit d'abord être laissée à la division générale qui est mieux en mesure d'en décider. Le Tribunal ne trouve aucune raison d'intervenir ici sur la question de crédibilité telle qu'évaluée par la division générale.

Conclusion

[27] L’appel est rejeté.

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