Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] Le 7 juin 2016, la division générale du Tribunal a décidé de rejeter de façon sommaire l’appel, puisque l’appelante n’avait pas accumulé suffisamment d’heures pour justifier sa demande de prestations aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[3] Le 25 juillet 2016, l’appelante a interjeté appel de la décision de la division générale relativement au rejet sommaire après avoir reçu la décision le 10 juin 2016.

Mode d’audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience par téléphone pour les raisons suivantes :

  • La complexité des questions en litige sous appel;
  • Le fait que l’on ne prévoit pas que la crédibilité des parties figure au nombre des questions principales;
  • Les renseignements figurant au dossier et le besoin de renseignements supplémentaires;
  • L’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement) selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[5] L’appelante était présente à l’audience; elle était représentée par Wendy Lavine. L’intimée était représentée par Warren Dinham.

Droit applicable

[6] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) indique que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) Elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) Elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit déterminer si la division générale a commis une erreur de fait et de droit lorsqu’elle a rejeté de façon sommaire l’appel interjeté par l’appelante.

Arguments

[8] L’appelante a fait valoir les arguments suivants à l’appui de son appel :

  • Elle reconnaît que pour être admissible, selon la Loi, il existe une exigence d’un minimum d’heures travaillées;
  • Sauf sa longue expérience professionnelle antérieure, sauf ses cotisations accumulées, elle recherche une décision juste;
  • On lui a laissé croire qu’elle était admissible aux prestations d’AE lorsqu’elle cessait de travailler du seul fait que des cotisations avaient été déduites de son salaire. De plus, son employeur ne l’avait jamais avisé qu’elle devait travailler pendant un nombre minimum d’heures pour demander des prestations d’AE;
  • On ne l’avait jamais avisé de cela; elle croit que le système ne devrait pas la pénaliser;
  • Elle a cotisé à l’AE sur tous ses chèques de paie, elle n’a jamais reçu de prestations; puis, lorsqu’elle s’est trouvée sans emploi et privée du revenu additionnel qui lui permettait de subvenir à ses besoins, on lui refuse des prestations.
  • Elle soutient que le véritable taux de chômage dans son groupe d’âge (plus de 87 ans) est beaucoup plus élevé que le taux généralement admis aux fins des décisions de l’AE. Puisque l’intimée ne tient pas compte de la population de son âge dans ses calculs, le taux est préjudiciable, inexact, trompeur et il repose sur des données inappropriées;

[9] L’intimée soumet les motifs suivants à l’encontre de l’appel :

  • La division générale a examiné l’ensemble de la preuve et elle a conclu que l’appelant n’avait pas accumulé le nombre d’heures d’emploi assurable requis pour être admissible au bénéfice des prestations;
  • Ni la division générale ni la division d’appel ne peut modifier les conditions d’admissibilité prévues aux termes du paragraphe 7(2) de la Loi;
  • L’appelante a accumulé 377,5 heures d’emploi assurables au cours de sa période de référence alors qu’il lui en fallait 910 pour être admissible aux prestations d’AE.
  • Rien dans la décision de la division générale n’indique que cette dernière s’est montrée défavorable à l’égard de l’appelante ou qu’elle n’a pas fait preuve d’impartialité. Rien non plus ne prouve qu’il y a eu manquement aux principes de justice naturelle en l’espèce.

Norme de contrôle

[10] L’appelante n’a pas présenté d’observations concernant la norme de contrôle applicable.

[11] L’intimée fait valoir que la norme de contrôle applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte et que la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable : Pathmanathan c. Bureau du juge-arbitre, (2015) CAF 50.

[12] Le Tribunal note que la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Jean, (2015) CAF 242, a indiqué au paragraphe [19] de sa décision que [traduction] « [l]orsqu ' elle agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, la division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure ».

[13] La Cour d’appel fédérale poursuit en soulignant que non seulement la division d’appel a-t-elle autant d’expertise que la division générale du Tribunal de la sécurité sociale et qu’elle n’est donc pas tenue de faire preuve de déférence, mais au surplus un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures provinciales ou, pour les « offices fédéraux », à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale.

[14] La Cour conclut que lorsqu’elle entend des appels en vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi.

[15] Le mandat de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale décrit dans la décision Jean a par la suite été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274.

[16] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Analyse

[17] Bien que l’appelante ait déposé son appel en retard, dans l’intérêt de la justice, la Tribunal tranchera à savoir si la division générale a erré en rejetant de façon sommaire son appel.

[18] Le paragraphe 53(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit que « [l]a division générale rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[19] Bien que la Cour d’appel fédérale n’ait pas encore examiné la question des rejets sommaires relevant du cadre législatif et réglementaire du Tribunal de la sécurité sociale, elle s’est penchée sur la question à plusieurs reprises au regard de sa propre procédure de rejet sommaire. Les arrêts Lessard-Gauvin c. Canada (PG), (2013) CAF 147, et Breslaw c. Canada (PG), (2004) CAF 264, sont des exemples représentatifs de ce groupe de cas.

[20] Dans l’arrêt Lessard-Gauvin, la Cour a déclaré ce qui suit :

« [8] La norme pour rejeter de façon préliminaire un appel est rigoureuse. Cette Cour ne rejettera sommairement un appel que lorsqu’il est évident que le fondement de celui-ci n’a aucune chance raisonnable de succès et est manifestement voué à l’échec […] »

[21] La Cour va dans le même sens dans la décision Breslaw :

« [7] […] le seuil lié au rejet sommaire d’un appel est très élevé, et bien que je doute sérieusement de la validité de la position de l’appelant, les observations écrites qu’il a déposées soulèvent une cause défendable, l’appelant est donc autorisé à poursuivre son appel. »

[22] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal a établi que le critère qu’il convient d’appliquer en cas de rejet sommaire est le suivant :

  • L’évidence, à la lecture du dossier, de l’échec ultérieur de l’appel.

[23] J’aimerais préciser que la question ne consiste pas à déterminer si l’appel doit être rejeté après un examen exhaustif des faits, de la jurisprudence et des observations. La vraie question consiste plutôt à établir si l’appel est déjà voué à l’échec, peu importe la preuve ou les arguments qui pourraient être présentés lors de l’audience à l’appui des observations écrites présentées dans le cadre de l’appel.

[24] Dans l’affaire qui nous occupe, la division générale a examiné les éléments de preuve présentés par l’appelante et a établi que cette dernière n’avait pas accumulé le nombre d’heures d’emploi assurable requis pour être admissible au bénéfice des prestations. Nulle part ailleurs dans sa décision, la division générale n’a fait référence à la question de savoir si l’appel avait une chance raisonnable de succès.

[25] Bien que la division générale n’ait pas énoncé explicitement le critère qui devait être appliqué, il est clair pour le Tribunal que la division générale comprenait l’objet des rejets sommaires, compte tenu du critère rigoureux requis pour rejeter de façon sommaire un appel, et qu’elle a dûment établi que l’affaire dont elle était saisie satisfaisait ce critère rigoureux.

[26] L’appelante avait accumulé 377,5 heures d’emploi assurables entre le 7 décembre 2014 et le 5 décembre 2015. Il lui fallait 910 heures d’emploi assurables pour se qualifier à recevoir des prestations. L’appelante devenait ou redevenait membre de la population active (DEREMPA) parce que, conformément au paragraphe 7(4) de la Loi, elle avait accumulé moins de 490 heures d’emploi assurable au cours de la période de 52 semaines qui précède le début de sa période de référence.

[27] Ni la division générale ni la division d’appel ne peut modifier les conditions d’admissibilité prévues aux termes du paragraphe 7(2) de la Loi. Seul le Parlement a la compétence de modifier les lois en ce sens; au moment de la décision actuelle, il n’avait pas aboli l’exigence quant aux personnes qui deviennent ou redeviennent membres de la population active (DEREMPA).

[28] Le Tribunal est d’accord avec la division générale qu’il était clair et évident, à la lecture du dossier, que l’appel dont celle-ci était saisie était voué à l’échec. Ainsi, je suis d’accord avec la décision du membre de la division générale de rejeter l’appel de façon sommaire.

Conclusion

[29] L’appel est rejeté.

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