Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

[1] Madame D. B., prestataire, a pris part à l’audience par vidéoconférence. Elle était accompagnée par sa fille, I. G., qui était présente à titre d’observatrice.

Introduction

[2] L’appelante a déposé une demande d’assurance-emploi débutant le 29 mars 2015. Le 11 juin 2015, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») a imposé une exclusion d’une durée indéterminée à compter de cette date, conformément au paragraphe 30(1) de la Loi. La prestataire a été informée verbalement de la décision le 11 juin 2015 (GD3-23), mais aucune lettre ne lui a été envoyée à cet effet (GD4-3). Le 20 juillet 2015, suite à sa demande de révision, la Commission informe la prestataire que la décision rendue en lien avec l’inconduite chez Sears Canada inc. (« Sears ») est maintenue. Le 23 novembre 2015, la Commission informe la prestataire qu’elle ne peut toujours pas lui verser de prestations en raison de sa propre inconduite lors d’un dernier événement produit en janvier 2015 chez l’employeur Sears Canada (GD3-63). La prestataire a porter appel de la décision de révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le « Tribunal ») le 2 décembre 2015.

[3] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience Vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. La complexité de la ou des questions en litige.
  2. L’information au dossier, y compris la nécessité d’obtenir des informations supplémentaires.
  3. La disponibilité de la vidéoconférence dans la localité où habite l’appelant.
  4. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[4] La prestataire interjette appel de la décision ayant trait à la perte de son emploi en raison de sa propre inconduite, au sens des articles 29 et 30 de la Loi.

Droit applicable

[5] Le paragraphe 29 de Loi indique :

Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant; […]

[6] Le paragraphe 30 de la Loi précise :

(1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

[…]

Preuve

[7] Les éléments de preuve contenus au dossier indiquent que :

  1. Demande de prestations d’assurance-emploi (GD3-4 à GD3-17).
  2. Le 23 avril 2015, la prestataire explique les circonstances de son congédiement en indiquant que Sears a des politiques d'éthique et on a dit qu’elle ne les avait pas respectées. Si elle passe une transaction pour elle, elle n’a pas le droit de faire ça, ni pour quelqu'un de sa famille. Elle a rencontré la sécurité en 2003, et leur a demandé de lui montrer la preuve de la transaction et de lui montrer où c'était écrit dans les politiques. Ils ne l'ont pas fait. Elle a eu un avertissement verbal. La deuxième fois, c'était l'an dernier, son frère voulait changer ses points Sears et il voulait les lui donner pour sa fête. Elle ne savait pas qu’elle ne pouvait pas faire cette transaction. On lui a donné un avertissement verbal. L'autre événement est arrivé en mars 2015. Elle a été rencontrée pour une transaction faite à la St-Valentin. Sa collègue voulait lui offrir des boucles d'oreilles et elle n'aurait pas dû faire cette transaction pour sa collègue. Parce qu'elle n'avait pas de carte Sears et cela lui donnait des points sur sa carte. Il devait y avoir une gradation des sanctions, mais il n'y en a pas eu. Je n'ai eu que des avertissements verbaux. La façon dont ils ont procédé pour mon congédiement n'a pas été professionnelle, car ils ont mis tous les employés au courant de son congédiement. Elle avait l'impression qu'ils cherchaient un moyen de la mettre à la porte. Lors de son congédiement, la directrice s'est servie du décès de son frère pour dire qu’elle avait besoin de se reposer à la maison. Elle avait écrit en ligne pour dénoncer de la corruption. Les employés de sécurité qui l'ont aidée à déposer la plainte ne sont plus à l'emploi de Sears non plus. C'était supposé être anonyme, mais je pense que c'est pour cela qu’elle a été congédiée. La première fois, des enquêteurs étaient venus au bureau. La deuxième fois, le dossier a été fermé sans explication. Je suis présentement en démarches avec les Normes du travail. Il y aura peut-être une médiation d'ici deux mois (GD3-19).
  3. Le 13 mai 2015, l’employeur indique que la prestataire a été congédiée parce qu'elle n'a pas respecté une politique. Elle a fait passer une transaction elle-même et ce n'était pas la première fois (GD3-22).
  4. Avis de cessation d’emploi daté du 24 mars 2015 (GD3-26/27).
  5. Lettre d’avertissement datée du 8 mars 2013. Il est indiqué qu’il s’agit d’un avertissement verbal (GD3-28).
  6. Lettre d’avertissement datée du 23 septembre 2014. Il est indiqué qu’il s’agit d’un avertissement verbal (GD3-29).
  7. Premier avertissement daté du 14 octobre 2014 (GD3-30/31).
  8. Retrait des mesures imposées daté du 21 décembre 2010 (GD3-32).
  9. Le 26 mai 2015, l’employeur confirme que le délai entre l’événement final et le congédiement s’explique par le délai pour la période d'enquête, que l'employeur ne pouvait pas la congédier avant la fin de l'enquête (GD3-33).
  10. Le 29 mai 2015, la prestataire indique qu'elle a fait la transaction par manque d'attention, qu'elle n'a pas voulu mal faire. Elle affirme qu'elle n'a rien fait de mal en soi, qu'elle n'a pas tenté de voler ou frauder l'employeur. Elle explique qu’elle et sa collègue ont décidé de s'acheter la même paire de boucles d'oreille en liquidation à 11$. Lorsqu'elle a acheté sa paire, ce n'est pas elle qui a fait sa transaction. Par contre, puisque sa collègue n'avait pas l'argent à ce moment et n'avait pas non plus de carte de crédit Sears, c’est elle qui a payé la paire de boucles d'oreille à sa collègue en utilisant sa carte de crédit et qu'elle a fait la transaction elle-même. Elle affirme avoir fait la transaction en fin de journée juste avant de fermer. Elle a fait alors une transaction d'achat pour une autre personne, mais avec sa carte de crédit. Lorsqu'elle a fait une transaction pour elle avec une carte cadeau Sears qu'une cliente lui avait donnée, c'est uniquement qu'elle n'avait pas pensé qu'elle ne pouvait pas, que ce n'était pas la première fois qu'une cliente lui faisait un cadeau, qu'elle était très appréciée par les clients, qu'elle recevait toutes sortes de cadeaux et qu'elle a à ce moment, été averti qu'elle ne pouvait pas accepter de cadeaux et faire ses transactions. Concernant l'événement de septembre 2014, la prestataire affirme que la transaction était pour son frère, qu'elle n'a pas fait de différence avec un autre client. Elle affirme qu’il s’agit de 3 fois de l'inattention en 21 ans, ce n'est pas beaucoup et que la sanction du congédiement est trop sévère, qu'il n'a pas eu de réelle gradation de sanction puisque les deux premiers avertissements étaient verbaux. Elle a été congédiée en fait, car elle a dénoncé sur un site internet appelé Clearview pour les travailleurs, des procédures frauduleuses, d'ouverture de comptes frauduleuse. Elle affirme avoir eu l'aide de la sécurité même, qu'un dossier avait été ouvert pour enquête, mais que l'enquête a été fermée et que les personnes de la sécurité qui l'ont aidé n'étaient plus présentes au travail. L'enquête a été fermée en décembre, soit un mois avant ledit événement qui a mené à son congédiement non mérité selon elle. Elle s’est également adressée aux normes du travail. Elle aimait beaucoup son travail, en général elle y était très bien mis à part les fraudes dont elle a été témoin et autre procédure malhonnête qu'elle a voulu dénoncer. Qu'elle n'aurait rien fait délibérément pour perdre son travail, qu'elle désirait le conserver. Elle mentionne également, qu'en novembre 2014, son frère est décédé, qu'elle a eu une conversation avec une collègue qui faisait des ouvertures de comptes malhonnêtes et que la directrice lui a dit de s'en aller chez elle, qu'elle a mis la dispute sur le fait que son frère était décédé plutôt que le fait que la collègue était malhonnête et a gardé au travail sa collègue. Elle affirme que les ouvertures de comptes de crédit Sears donnent des bonus à l'employé et au magasin. Que certains employés embobinaient les clients en ne donnant pas toute l'information nécessaire afin de les convaincre de prendre la carte de crédit, même si le client en avait déjà une en mentionnant qu'il aurait 30$ sur son prochain achat, mais n'informait pas des autres modalités ni que le 30$ n'était pas donné s'il n'était pas utilisé dans les 3 mois suivants. L'employeur était au courant, mais ne faisait rien puisque c'était avantageux financièrement et que c’est en grande partie ce qu'elle dénonçait et que l'employeur n'a pas aimé (GD3-34).
  11. Le 29 mai 2015, Clearview Partners explique que Sears a décidé pour des raisons non mentionnées de fermer le dossier d'enquête de la prestataire et de mettre par le fait même un terme à l'enquête (GD3-35/36).
  12. Le 10 juillet 2015, la prestataire indique que, lors de l'embauche en 1994, elle a eu un manuel de procédures et un code d'éthique. Depuis, il y a eu des changements et elle n'a jamais eu d'autres papiers. Elle dit qu'il y a une politique de gradations des sanctions dans l'entreprise. Normalement, il y a les avertissements verbaux, ensuite écrits, après c'est les suspensions et par la suite le congédiement. La prestataire n'a eu que des avertissements verbaux. L'employeur n'a pas suivi la procédure. Il a su qu'elle avait fait une plainte via Clearview et il a tout fait pour la congédier. Elle a été harcelée pour ensuite être congédiée. Elle a déposé une plainte aux Normes du Travail et la cause doit passer le 30 juillet. C'est un congédiement injustifié et elle a demandé de réintégrer son poste. Elle dit que l'employeur ne voudra pas (GD3-42).
  13. Le 17 juillet 2015, l’employeur indique que les employés ont droit à un escompte de 25% sur leurs achats, c'est pour cette raison qu'ils n'ont pas droit de faire les transactions eux même. La prestataire était au courant de cette procédure et malgré cela, elle a effectué plusieurs achats en passant les transactions elle-même (GD3-43).
  14. Code de l’éthique en affaires (GD3-45).
  15. Le 16 juillet 2015, l’employeur confirme que la prestataire a eu le code d'éthique lors de son embauche et qu'une révision en est faite avec l'employé toutes les années lors de l'évaluation annuelle. Ce qui a été le cas avec la prestataire. Pour une violation au code d'éthique, il n'y a pas de procédure de gradations de sanctions, l'employé pourrait être congédié immédiatement. Dans le cas de la prestataire, elle a été avisée verbalement à 2 reprises pour le même genre de faute avant d'être congédiée pour une troisième offense semblable (GD3-46).
  16. Le 20 juillet 2015, l’employeur indique que la prestataire peut faire la transaction pour une autre employée sauf qu'elle n'a pas le droit d'utiliser son escompte à elle. C'est ce que la prestataire a fait. La prestataire signe tous les ans lors de son évaluation annuelle l'item indiquant que le code d'éthique a été revu. La prestataire l'a signé le 16 mars 2014, en septembre 2013 et le 11 mars 2013. L'employeur dit que la politique d'utilisation d'escompte n'a pas changé depuis un minimum de 4 ans avant elle ne peut le dire, car elle ne travaillait pas à cet endroit (GD3-50).
  17. Formulaire d’évaluation des employés (GD3-51 à GD3-54).
  18. Le 20 juillet 2015, la prestataire indique qu'elle a acheté la même paire de boucles d'oreilles que sa collègue. Celle-ci a passé la transaction pour elle et la prestataire a passé la transaction pour sa collègue. Elle dit qu'à 11h30, elle a passé la transaction et à 11h31 sa collègue a passé la sienne. Elle confirme avoir paraphé la section sur le code d'éthique lors de l'évaluation tous les ans, mais ne pas avoir vérifié sur le site Searsnet les mises à jour du code (GD3-55).
  19. Lettre du 29 septembre 2015 indiquant que la lettre de mesure disciplinaire du 12 décembre 2010 n’aurait pas dû être transmise à Service Canada (GD3-60).
  20. L’entente de règlement hors cour de la Commission des normes du travail indique que la prestataire a déposé une plainte pour un congédiement sans cause juste et suffisante et a demandé le droit d’être réintégrée au travail en plus d’une plainte pécuniaire. La plainte a été réglée hors cours, sans admission ni reconnaissance de responsabilité des parties. L’employeur s’engage à écrire à Service Canada pour l’aviser du retrait de la mesure du 20 décembre 2010 et s’engage à ne pas se présenter au tribunal administratif de Service Canada (GD9).
  21. Lettre transmise à la Commission des normes du travail (GD11).

[8] La preuve soumise à l’audience par le témoignage de l’appelante révèle que :

  1. Elle indique avoir eu un congédiement déguisé en licenciement parce qu’elle a fait des déclarations sur ce qui se passait au niveau du travail. Elle indique qu’il y avait du harcèlement et beaucoup d’injustices. Elle en avait fait part à Sears Canada et à la sécurité. Elle est allée plus haut, mais a été congédiée sur de faux prétextes.
  2. Elle indique être allée aux Normes du travail qui ont jugé que son dossier était très défendable. Elle a obtenu une entente hors cour.
  3. Elle s’est aperçue que Sears avait fermé le dossier de plainte qu’elle avait formulé auprès de Clearview.
  4. Elle indique qu’elle a perdu son mari et son frère dans la même période. Elle a consulté la sécurité, mais s’est fait dire qu’elle avait les mains liées et qu’elle ne pouvait rien faire pour elle. Finalement, en mars 2015, elle a été congédiée sans aucun préavis.
  5. Elle indique qu’après avoir parlé à la direction, personne n’y a donné suite. Elle a eu de l’aide par la sécurité afin de déposer cette plainte. Elle indique que l’employeur a décidé de la congédier, car elle avait porté plainte au sujet de harcèlement. Elle indique que l’employeur priorisait l’ouverture de comptes, mais que c’était fait malhonnêtement. Le patron fermait les yeux sur la situation.
  6. Elle indique que l’employeur essayait tout le temps de la tasser. Elle en a discuté avec ses supérieurs. Elle ne pensait pas que les choses changeraient nécessairement, mais ne croyait pas qu’elle serait congédiée.
  7. Elle a été accusée d’avoir passé des transactions.
  8. Elle indique que l’employeur s’est servi de la lettre de 2010 qui devait avoir été détruite et que le chômage en a tenu compte pour rendre sa décision.
  9. En ce qui a trait aux événements qui ont mené au congédiement en mars 2015, les événements ont eu lieu en février 2015. Elle indique qu’elle a passé la transaction de 11$ payée par sa collègue et pour sa collègue pour l’achat d’une paire de boucles d’oreille. Sa collègue a par la suite passé la même transaction pour elle. Elle n’a pas passé une transaction pour elle-même. Elle indique ne jamais avoir fait ça en 21 ans alors elle n’aurait pas perdu son nom pour 11$. On lui a reproché de payer un achat pour elle-même. Les paquets sont toujours vérifiés à la sortie par la sécurité.
  10. Elle avait le droit, selon la politique de Sears, de passer une transaction pour sa collègue et savait qu’elle ne pouvait passer une transaction pour elle-même.
  11. La prestataire avait reçu 2 avertissements écrits. Elle indique qu’elle ne les a pas signés, car était en désaccord. Il ne s’agit pas d’événements similaires.
  12. En 2014, elle indique que son frère lui a remis une carte cadeau pour son anniversaire. Elle ne lui a pas donné d’escompte et a seulement changé ses points pour une carte cadeau.
  13. Elle indique qu’elle vivait du harcèlement de la part de ses supérieurs et d’une collègue en particulier. Elle avait contacté les ressources humaines, mais la personne a aussi été mise à la porte.
  14. Elle a payé de l’assurance-emploi depuis plusieurs années, mais sa demande lui est refusée.
  15. Si Sears lui a accordé un montant, c’est qu’ils considéraient qu’ils étaient fautifs même si en contrepartie elle ne pouvait y retourner.
  16. Elle indique que si elle n’avait pas fait de plainte, elle y serait encore aujourd’hui. Elle n’a pas de copie de la plainte déposée. Son ordinateur a eu besoin d’une réparation et a perdu les documents qui s’y trouvaient.

Arguments des parties

[9] L’Appelante a fait valoir que :

  1. La prestataire indique avoir contesté aux normes du travail et avoir eu gain de cause. Son employeur a envoyé un avis à l’assurance-emploi, mais elle n’en tient pas compte.
  2. La prestataire soutient avoir été congédié suite à ce qu’elle ait déposé une plainte liée à du harcèlement et des pratiques injustes de la part de son employeur.
  3. Elle indique avoir passé la transaction pour sa collègue et que sa collègue a passé une transaction pour elle. Ils ont effectué l’achat de la même paire de boucles d’oreille, l’une après l’autre. Elle pouvait faire une transaction pour sa collègue.

[10] L’intimée a soutenu que :

  1. Le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit l’imposition d’une exclusion d’une durée indéterminée s’il est établi que la prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. Pour que le geste reproché constitue de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi, il faut qu’il ait un caractère volontaire ou délibéré ou qu’il résulte d’une insouciance ou d’une négligence telles qu’il frôle le caractère délibéré. Il doit également y avoir une relation de cause à effet entre l’inconduite et le congédiement.
  2. Dans le cas présent, la prestataire a été congédiée pour avoir enfreint le code d’éthique de l’employeur à trois occasions. Elle a admis avoir commis les actes reprochés. Bien que la prestataire fasse valoir que les actes ont été commis par inattention de sa part (GD3-34), ceux-ci allaient à l’encontre du Code d’éthique chez l’employeur (GD3-45) dont elle était tenue de reconnaître chaque année avoir pris connaissance, connaître ses obligations et s’en acquitter (GD3-49). De plus, la prestataire avait déjà été avertie par écrit à deux reprises (GD3-28 et GD3-29) au cours des 22 mois précédents le dernier événement ayant conduit au congédiement. Par conséquent, la Commission est d’avis que le défaut de la prestataire de se conformer au code d’éthique de l’employeur relève d’une négligence flagrante.
  3. De plus, considérant que les deux avertissements antérieurs (GD3-28 et GD3-29) remis à la prestataire stipulent clairement que dans le futur, des manquements similaires causeront des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement, elle savait pertinemment ce qui l’attendait à la prochaine récidive et était informée qu’elle risquait le congédiement. Dans ce contexte, la dernière récidive de la prestataire est d’une insouciance telle qu’on pourrait dire qu’elle a volontairement choisi de ne pas tenir compte des répercussions possibles.
  4. La prestataire allègue à maintes reprises que l’employeur l’a congédiée, car elle a déposé une plainte contre l’employeur sur le site de Clearview (GD3-19, 34, 37, 42, 47). Par contre, l’avis de cessation d’emploi est très clair sur le motif du congédiement, c’est-à- dire la non-observation continue des politiques et procédures de la Société (GD3-26), et l’employeur a présenté des preuves à l’effet que la prestataire avait un historique de non-conformité envers les procédures éthiques. De plus, l’employeur ignore tout de la plainte qui aurait été déposée auprès de Clearview (GD3-38 et GD3-39). Enfin, en dépit des demandes de la Commission en ce sens, la prestataire n’a jamais fourni de copie de ladite plainte (GD3-23, 37, 47). Il n’y a donc aucune preuve au dossier appuyant la déclaration de la prestataire. Considérant ces éléments, la Commission est d’avis que l’affirmation selon laquelle la prestataire a été congédiée en raison d’une plainte déposée auprès de Clearview est peu crédible.
  5. La prestataire défend qu’il devait y avoir une gradation des sanctions précédant le congédiement pour non-conformité au code d’éthique, mais qu’il n’y en a pas eu (GD3- 19, 34, 42). Par contre, l’employeur précise que les cas d’entrave au code d’éthique ne sont pas soumis à une gradation des sanctions (GD3-46). La prestataire elle-même apporte la preuve que selon le code d’éthique, toute violation audit code sera considérée comme une violation grave qui entraînera une enquête et s’il y a lieu, à des mesures disciplinaires pouvant englober le congédiement sans préavis (GD3-49), ce qui confirme la déclaration de l’employeur. La prestataire défait donc elle-même son argument.
  6. Enfin, la prestataire invoque que la Commission n’a pas tenu compte de la lettre de l’employeur d’octobre 2015 (GD2). Or la Commission a bel et bien pris connaissance du document, mais, comme il n’apportait aucun fait nouveau, la Commission étant déjà au fait de la situation (GD3-32), le document ne permettait pas de modifier la décision existante.
  7. À la demande de la prestataire, la Commission a rendu une décision à cet effet. La Commission rappelle que cette décision a été communiquée à la prestataire au moment opportun, à la fois verbalement (GD3-62) et par écrit (GD3-63). Il est donc faux de prétendre que la Commission n’a pas tenu compte de la lettre d’octobre 2015.
  8. La Commission a conclu que les gestes de non-observation du code d’éthique de l’employeur constituaient des gestes d’inconduite au sens de la Loi parce qu’elle était informée de la politique, avait déjà été avertie pour des gestes similaires et savait quelles seraient les conséquences d’une éventuelle récidive.
  9. La Commission soumet que sa décision est appuyée par la jurisprudence. La Cour d’appel fédérale a confirmé le principe selon lequel il y a inconduite lorsque le comportement du prestataire était délibéré, dans le sens où les gestes ayant mené au congédiement étaient conscients, délibérés ou intentionnels (Mishibinijima c. Canada (P.G.), 2007 CAF 36).
  10. La Cour d’appel fédérale a défini la notion juridique d’inconduite au sens du paragraphe 30(1) de la Loi comme une inconduite délibérée dont le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle était de nature à entraîner son congédiement. Pour déterminer si l’inconduite pourrait mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l'inconduite reprochée au prestataire et son emploi; l’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail (Canada (PG) c. Lemire, 2010 CAF 314).
  11. La Commission confirme que tous les documents ayant servi à prendre la décision sont au dossier (GD12).

Analyse

[11] Le paragraphe 30 (2) de la Loi prévoit l'imposition d'une exclusion d'une durée indéterminée s'il est établi qu’un prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

[12] L’inconduite n’est pas définie en tant que telle dans la Loi. Néanmoins, la jurisprudence a établi que : « pour constituer de l'inconduite, l'acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d'une telle insouciance ou négligence que l'on pourrait dire que l'employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail » (Canada (Procureur général) c. Tucker A-381-85).

[13] Dans Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale précise au sujet de l’inconduite : « Il y a donc inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c'est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l'exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu'il soit congédié » (Mishibinijima c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 36).

[14] Dans Pearson, la Cour a confirmé le principe selon lequel « l'intention coupable n'était pas un volet essentiel de l'inconduite. Il y indique que, dans la mesure où l'omission ou l'acte sur lequel s'appuie un employeur pour congédier son employé est délibéré, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une omission ou d'un acte conscient, voulu ou intentionnel, l'inconduite est prouvée » (Canada (Procureur général) c. Pearson, 2006 CAF 199).

[15] Le prestataire indique que l’employeur l’a congédié suite à la plainte qu’elle a porté en raison de harcèlement et d’injustices au travail. Elle indique que l’employeur lui a reproché de ne pas avoir respecté le code d’éthique.

[16] La Commission est d’avis que le défaut de la prestataire de se conformer au code d’éthique de l’employeur relève d’une négligence flagrante. Considérant que les deux avertissements antérieurs (GD3-28 et GD3-29) remis à la prestataire stipulent clairement que dans le futur, des manquements similaires causeront des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement, elle savait pertinemment ce qui l’attendait à la prochaine récidive et était informée qu’elle risquait le congédiement. Dans ce contexte, la dernière récidive de la prestataire est d’une insouciance telle qu’on pourrait dire qu’elle a volontairement choisi de ne pas tenir compte des répercussions possibles.

[17] Il incombe à la Commission et/ou à l’employeur de prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite (Canada (Ministère de l’emploi et de l’immigration) c. Bartone CAF #A-369-88).

[18] La prestataire explique qu’elle et sa collègue ont décidé de s'acheter la même paire de boucles d'oreille en liquidation à 11$. Lorsqu'elle a acheté sa paire, ce n'est pas elle qui a fait sa transaction. Par contre, puisque sa collègue n'avait pas l'argent à ce moment et n'avait pas non plus de carte de crédit Sears, c'est la cliente qui a payé la paire de boucles d'oreille à sa collègue en utilisant sa carte de crédit et qu'elle a fait la transaction elle-même (GD3-34).

[19] À l’audience, la prestataire indique qu’elle a passé la transaction de 11$ payée par sa collègue et pour sa collègue pour l’achat d’une paire de boucles d’oreille. Sa collègue a par la suite passé la même transaction pour elle. Elle n’a pas passé une transaction pour elle-même. Elle indique ne jamais avoir fait ça en 21 ans et qu’elle n’aurait pas perdu son nom pour 11$. On lui a reproché de payer un achat pour elle-même. De plus, elle indique que les paquets sont toujours vérifiés à la sortie par la sécurité.

[20] Dans Crichlow, la Cour a indiqué que :

« Vu les conséquences sérieuses qui y sont associées, une conclusion d’inconduite doit être fondée sur des éléments de preuve clairs et non sur de simples conjectures et hypothèses. En outre, c’est à la Commission de convaincre le Conseil, lequel constitue l’organisme clé en matière de règlement des différends d’assurance-chômage, de la présence de tels éléments de preuve, et ce, indépendamment de l’opinion de l’employeur. » (Crichlow c. Canada (Procureur général) CAF #A-562-97).

[21] Bien que l’employeur indique qu’aucune plainte autre que celle déposée aux normes du travail n’apparaît au dossier de la prestataire, le Tribunal constate que l’organisme Clearview a confirmé que la prestataire a déposé une plainte sans néanmoins pouvoir en donner les détails. Clearview a aussi confirmé que la plainte avait été fermée par l’employeur.

[22] Le Tribunal constate que le code d’éthique prévoit qu’un coéquipier ne peut passer de transaction ni autoriser une réduction de prix dans son intérêt ou celui d’une personne avec qui il a un lien personnel ou professionnel direct (GD3-45).

[23] L’employeur indique qu’il n’y a pas de gradation des sanctions dans un tel cas, mais que la prestataire avait reçu des avertissements verbaux à deux reprises pour des fautes du même genre.

[24]  Le Tribunal constate qu’une entente de règlement est intervenue à la Commission des normes du travail puisque la prestataire avait déposé une plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante.

[25] Le Tribunal constate que bien que l’employeur fasse état d’une enquête, aucun résultat de cette enquête n’a été dévoilé.

[26] Le Tribunal constate que la lettre de congédiement indique que l’employeur met fin à l’emploi en « raison de non-observation continue des politiques et procédures de la Société ». L’employeur ajoute que le 20 janvier 2015, la prestataire a traité une transaction pour elle-même à la caisse (GD3-26). De plus, l’employeur avait initialement affirmé à la Commission que la prestataire « a fait pass[er] une transaction elle-même et ce n’était pas la première fois » (GD3- 22). L’employeur confirme que la prestataire a effectué « plusieurs achats pour elle-même (GD3- 43). Puis, l’employeur explique que la prestataire peut faire la transaction pour une autre employée sauf qu'elle n'a pas le droit d'utiliser son escompte à elle. C'est ce que la prestataire a fait (GD3-50).

[27] Le Tribunal constate que les faits reprochés à la prestataire sur sa lettre de congédiement et ceux indiqués par téléphone ne sont pas les mêmes. Dans un premier temps, on lui reproche d’avoir traité une transaction pour elle-même puis l’employeur indique que la prestataire a passé plusieurs transactions pour elle-même. Enfin, on lui reproche d’avoir utilisé son propre escompte pour une transaction pour une autre employée.

[28] De plus, le Tribunal prend en considération que la Commission réfère à la réception d’une « feuille de renseignements pour le code d'éthique ainsi qu'une lettre stipulant que la prestataire a fait la transaction pour une autre employée, mais que c'est elle qui a signé l'achat, obtenu l'escompte et qu'elle a utilisé son no d'employé » (GD3-47).

[29] La Commission a confirmé que tous les documents ayant servi à rendre la décision sont au dossier.

[30] Le Tribunal constate que la lettre à laquelle la Commission réfère est une lettre de la prestataire (GD3-48 et GD11) dans laquelle la prestataire indique :

« Une troisième « infraction », selon Sears, concerne une transaction faite par une de mes collègues pour l'achat de boucles d'oreilles o[ù] j'ai bénéficié de l'escompte employé(es) o[ù] j'ai utilisé mon numéro d'employée et o[ù] j'y ai appliqué ma signature, tel que demandé par notre employeur » (GD3-48) [nos soulignements]

[31] Or, le Tribunal est d’avis qu’il ne s’agit pas d’une admission de la prestataire puisque celle-ci indique qu’il s’agit de la position de Sears. De plus, le Tribunal constate que cette lettre aurait été adressée à la Commission des normes du travail dans le but de porter plainte. Le Tribunal constate que la prestataire allègue du harcèlement en milieu de travail.

[32] Tel que mentionné auparavant, la Cour d’appel fédérale a défini la notion juridique d’inconduite au sens du paragraphe 30(1) de la Loi comme une inconduite délibérée dont le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle était de nature à entraîner son congédiement. Pour déterminer si l’inconduite pourrait mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l'inconduite reprochée au prestataire et son emploi; l’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail (Canada (Procureur général) c. Lemire, 2010 CAF 314).

[33] Le Tribunal est aussi d’avis qu’il ne s’agit pas seulement de porter de conclure qu’il s’agit d’une inconduite, mais il est nécessaire de fonder une conclusion sur des éléments de preuve clairs. Or, le centre de ce litige est le fait que la prestataire aurait passé une transaction à son nom tel qu’indiqué dans la lettre de congédiement. Néanmoins, par la suite, l’employeur affirme qu’il s’agit d’une transaction faite pour une collègue.

[34] Ainsi, en se basant sur la preuve et les observations présentées par les parties, le Tribunal est d’avis qu’il n’a pas été démontré que la prestataire avait commis les actes qui lui sont reprochés. En effet, la prestataire a indiqué avoir passé une transaction pour sa collègue et payée par sa collègue, et ce, en accord avec le code d’éthique de l’employeur. Le Tribunal est d’avis que la prestataire a constamment répété à de nombreuses occasions avoir subi du harcèlement et avoir porté plainte envers son employeur à cet égard.

Conclusion

[35] Ainsi, en se basant sur la preuve et les observations présentées par les parties, le Tribunal est d’avis que, sur une balance des probabilités, la Commission n’a pas démontré qu’il s’agit d’une inconduite et que par le Tribunal ne peut conclure qu’il s’agit d’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[36] L’appel est accueilli.

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